Ecrire des vers à vingt ans, c'est avoir vingt ans.
En écrire à quarante, c'est être poète.
Francis Carco 

Juin 2020 - La fête des mères

A ma mère, image gravée près du coeur
de Khal Torabully


Je te connais mieux sans ta présence.
La vie est aussi le désir de défiance

De la pensée et de l'entêté silence.


Je revois cette photographie de mon enfance.
J'avais cinq ans et tu me tenais la main.
Je me rappelle que quand tu m'as appelé
J'étais accroché au jamalacquier.
C'était pour ma première photo colorisée.
J'ai vite mis les fruits dans mes poches truffées.
Elles étaient surgonflées, et tu riais, tu te moquais.
Ah ce garnement accroché aux arbres fruitiers !

Nous avons marché jusqu'au petit studio
Du photographe chinois. Il m'intimidait. Il était ballot.
Il m'installa devant d'étranges rideaux.
Pour m'amuser, il faisait des gestes de judo.
Mais, rien à faire, j'étais plus que crispé.
Je croisais gauchement mes pieds.
Je cachais mal mes poches surgonflées.
Devisant avec lui, tu riais en mezzo-soprano.
"Ah ces jolis petits souliers, arrête de les coller".
Sans cesse, tu me demandais de les décroiser.
Et l'artiste me disait regarde sortir l'oiseau.
C'est un cateau vert, un petit dodo...
Il va sortir pour te prendre en photo.
Mais, moi, je pensais que tout cela était du pipeau.

"Clac, c'est dans la boîte. C'est gagné !
Maintenant, il faut la développer".

Je m'en souviens, jusqu'à aujourd'hui,
Un moment où je me suis senti scruté,
De mes poches surmontées d'un cavalier à mes souliers.
Cela t'amusait, mère, un chapardeur de fruits
Que la photo a enfin immobilisé. Tu riais à gorge déployée
Tu m'encourageais, tu étais comblée.

Tu es partie dans ce premier ciel imagé.
Mais par miracle, la photo m'est restée.
A chaque jour que le bon Dieu fait,
Je regarde cette image qui a fixé à jamais
Ton sourire solaire et cet instant privilégié.
Il m'arrive de me rappeler que je résistais
Avec mes pieds croisés et mes poches gonflées,
Une timidité fixée à jamais.

Je n'aime pas être photographié. Je dois toujours décroiser les pieds.
Je dois vider mes poches, oublier mes manguiers.
Mais te revoir avec moi sur cette photo est un testament de ta bonté.
Un éternel document de mon enfance ensoleillée.

Bonne fête à toutes les mamans du monde...


Photo : Khal Torabully, enfant

Ecrivain et cinéaste mauricien, Khal Torabully est installé à Paris depuis 1976. Son œuvre est imprégnée de sa terre natale où la mer, les frontières et les imaginaires sont en relation, induisant une langue riche de multiples étagements de sons et de sens. S'inspirant des migrations des travailleurs ou laboureurs venant des Indes, Khal Torabully est le tout premier écrivain à créer une œuvre et une esthétique autour de ce concept de coolitude (dérivé moderne du mot coolie).

maman choyait ses roses
de christian SATGé


Oui, maman choyait ses roses
Tout autant que ses enfants
Jusqu’à ces hivers moroses
Où le vent s’en vient buffant.

Ma maman choyait ses roses
Pour, dès qu’elle avait du temps,
Recouvrir la sinistrose
De nos jours, de tons chantants.
Du matin jusqu’au soir, notre
Maison entière enfermait
Ces parfums qui l’embaumaient.
Elle n’en eut jamais d’autre.

Oui, maman choyait ses roses
Pour les morts et les vivants.
Des fleurs, c’est bien peu de chose
Mais ça vaut des mots, souvent.

Ma maman choyait ses roses
Pour les couleurs et l’odeur.
Je la revois qui les expose,
En glisse une, avec pudeur,
Séchée, entre les deux pages
D’une lettre à des parents,
Et, parfois, les respirant
Pour se donner du courage.

Oui, maman choyait ses roses
Aussi, toujours, maintenant,
Sur sa tombe, on en dépose
Le cœur saignant, prévenants,

Car maman choyait ses roses…

 

Pour ma mère
de maurice carême


Il y a plus de fleurs
Pour ma mère, en mon cœur,
Que dans tous les vergers ;

Plus de merles rieurs
Pour ma mère, en mon cœur,
Que dans le monde entier ;

Et bien plus de baisers
Pour ma mère, en mon cœur,
Qu'on en pourrait donner.

 

devant deux portraits de ma mère
de emile nelligan

Emilie-Amanda Hudon, mère d'Emile Nelligan


Ma mère, que je l'aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu'elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien !
Ma mère que voici n'est plus du tout la même ;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal ;
Elle a perdu l'éclat du temps sentimental
Où son hymen chanta comme un rose poème.
Aujourd'hui je compare, et j'en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
Soleil d'or, brouillard dense au couchant des années.
Mais, mystère du coeur qui ne peut s'éclairer !
Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées !
Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer !


Photo : la mère de Emile Nelligan

les mains de ma mère
de maurice carême


Je prenais la main de ma mère
Pour la serrer dans les deux miennes
Comme l’on prend une lumière
Pour s’éclairer quand les nuits viennent.

Ses ongles étaient tant usés,
Sa peau quelquefois sombre et rêche.
Pourtant, je la tenais serrée
Comme on le fait sur une prêche.

Ma mère était toujours surprise
De me voir prendre ainsi sa main.
Elle me regardait, pensive
Me demandant si j’avais faim.

Et, n’osant lui dire à quel point
Je l’aimais, je la laissais
Retirer doucement sa main
Pour me verser un bol de lait.

 

Tu m'as donné le jour
de véronique audelon


Tu m'as donné le jour,
Tu m'as offert la vie,
Et bercée par ton amour
Se sont enfuies
Mes peurs d'enfant,
Envolées mes tristesses,
Sur ton coeur de Maman
Débordant de tendresse !

Suspendue à ton sourire,
J'ai essayé de grandir
Tout doucement,
De retenir les ans,
Et le temps qui m'a poussée
Vers l'indépendance désirée,
N'a jamais brisé le lien
Qui lie mon coeur au tien !

Tu as protégé mon enfance,
Ensoleillé mon adolescence,
Tu illumines chaque jour mon existence !

 


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→ Textes sur cette page
A ma mère, image gravée près du coeur de Khal Torabully
Maman choyait ses roses de Christian Satgé
Pour ma mère de Maurice Carême
Devant deux portraits de ma mère de Emile Nelligan
Les mains de ma mère de Maurice Carême
Tu m'as donné le jour de Véronique Audelon

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Ma mère est morte de Claude de Burine


Citations autour de la mère

L'amour d'un père est plus haut que la montagne. L'amour d'une mère est plus profond que l'océan.
Proverbe japonais



La mort d'une mère est le premier chagrin qu'on pleure sans elle.
John Petit-Senn



Une mère aimante pardonne toujours à son enfant.
Abbé Pierre



Une maman formidable donne toujours une grand-mère exceptionnelle.
Jean Gastaldi



Une maman qui vous borde au lit laisse un parfum de sommeil.
Jean Gastaldi