Fil du temps
il n’y a pas lieu de craindre ceux
qui insultent notre insoumission,
les vaincus auront toujours le
dernier mot
j’habite un invisible qui n’a ni
salle de bain ni entrée.
l’invisible n’a pas de propriétaire.
le rêve n’a jamais de murs,
et il n’y fait jamais froid
et mes ombres s’allongent
sur mon corps quand il dort,
et le ciel cesse d’être bleu, et
la lumière attend
nous n’avons pas de grandes actrices
dans nos petites épiceries et nos
hommes exportés par la faim se pressent
dans l’acier de l’hiver
je ne suis pas un fantôme longeant
le fleuve étranger, ni léopard ou
chouette. je suis un courant d’air
si on écrit, c’est qu’on ne peut pas
chanter, si on dort, c’est qu’on ne
peut pas vivre
la plupart du temps, la mémoire
ne sert à rien : les hôtels où j’ai attendu
ont disparu
© Etel ADNAN