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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797
Nous dormons côte à côte sa main dans la mienne.
Sous nos doigts, un ciel comme un papier de bonbon
Froissé brillant un acidulé goût citron,
Avec écrit dessus une maxime ancienne,
Façon "je vis, je meurs ; je me brûle et me noie".
Nous nous aimons comme on met les pieds dans le plat.
Potion d'émotions, rien n'est écourté,
Et c'est léger comme un sweat coton ouaté.
Vrai mon ange nous passons par tous les états,
Comme "je vis, je meurs ; je me brûle et me noie".
Tête couchée sur ton ventre, je pense en bleu
Ta bonté de femme, moi qui apprends l'usage
De ton ciel pour cartographier tes nuages.
Mais c'est si aisé de s'égarer dans tes yeux.
Alors "je vis, je meurs ; je me brûle et me noie".
J'escalade les cimes de l'attachement
En lisant des sonnets qui me font bouche-bée.
Voilà que je m'endors sur Louise Labé.
Sous le ciel de lit, déploiement des sentiments,
Puisque "je vis, je meurs ; je me brûle et me noie".
© David KRISTANVEIG
En hommage à Louise Labé, à l'occasion du 500è anniversaire de sa naissance (1524-1566)
David Kristanveig
David Kristanveig est né à Bordeaux.
Passionné par la littérature, et en particulier par la
poésie, il fait la rencontre très tôt, à l’adolescence, de
Gilles Baudry dont l'oeuvre lui donne le désir d'écrire
pour saisir le fragile et l'émerveillé de la vie.
Diplômé de philosophie et des sciences de
l'éducation, il travaille en tant que conseiller
pédagogique départemental à l’inspection
académique d’Eure-et-Loir et vit près de Chartres. Il apparaît dans l'anthologie de poésie 2024 de la Société des Poètes
Français et publie dans plusieurs revues de poésie.
Et la fermière aux mains de sel, dès l’aube
S’avance dans la cour, lavande et basilic
Au poing, parmi les poules noires
Baignant dans une aurore d’églantine...
Le monde est un feu de copeaux légers,
On dirait qu’un champagne éblouissant arrose
Les genêts d’or de la poitrine incandescente,
Et je vois dans le soleil bleu ce boulanger
Qui va sur les chemins de seigle et de farine
Vers la ferme lointaine où l’amour lui fait signe.
© Jean-Pierre SCHLUNEGGER
Extrait de La Pierre allumée, suivie de La Chambre du musicien, 1962
Jean-Pierre Schlunegger
(1925-1964)
Ecrivain, enseignant, poète et bellettrien vaudois, Jean-Pierre Schlunegger est l'un des fondateurs de la revue Rencontre où ont paru ses chroniques de poésie. En 1952 paraît son premier recueil, De l'Ortie à l'étoile, suivi de Pour songer à demain (1955). On lui doit également divers textes pour des revues et pour la radio. Ses œuvres ont été rassemblées en un seul volume quatre ans après son suicide survenu alors qu'il avait trente-neuf ans.
Pour les arbres brûlés après la tourmente.
Pour les eaux boueuses du delta.
Pour ce qui demeure de chaque jour.
Pour le petit matin des prières.
Pour ce que recèlent certaines feuilles
dans leurs veines couleur d'eau
profonde et sombre.
Pour le souvenir de ce bonheur bref
et déjà oublié
qui fut mon aliment de tant d'années sans nom.
Pour ta voix de nacre rauque.
Pour tes nuits où transite la vie
en un galop de sang et de rêve.
Pour ce que tu es aujourd'hui pour moi.
Pour ce que tu seras dans le tumulte de la mort.
Pour cela je te garde à mon côté
comme l'ombre d'un illusoire espoir.
© Álvaro MUTIS
Extrait de Les Eléments du désastre, 1953
Álvaro Mutis
(1923-2013)
Poète et romancier colombien, Álvaro Mutis est aussi auteur de nouvelles et d'essais. Après avoir abandonné tôt ses études, et s'être marié à 18 ans, il travaille à la radio comme présentateur de journaux et anime une émission littéraire. Au cours des années 1940, il commence une carrière de rédacteur publicitaire et de responsable des relations publiques pour diverses entreprises. Son amitié avec Gabriel García Márquez débute en 1950. En 1956, il s'installe à Mexico. D'abord poète, au cours des années 1970 et 1980, Mutis s'affirme comme romancier.
En 1989, il reçoit le prix Médicis étranger pour son roman, La Neige de l'Amiral. En 1997, il reçoit les prix Prince des Asturies des lettres (Espagne) et le prix Reine Sofia de poésie latino-américaine (Espagne) et le prix Miguel de Cervantès en 2001.
Les pins chantent la mélodie marine
Qui s’ébauche sur les brisants
Pourtant, ici, la mer s’est retirée
Il y a des millions d’années
La tectonique des plaques
Enfin au repos, y a disséminé des roches
A la tératologie paisible
Témoins du mariage de l’Afrique et de l’Asie
Le tapis d’aiguilles brunes cotonne mes pas
Alors que remonte
L’odeur de la fougère et de la résine
Qui embaumait mes virées
Dans la forêt landaise de mon enfance
Je me sens comme un vieux taoïste
Qui sent qu’un jour
Il faudra sortir
Du grand cercle de la vie
Pour l’heure, elle s’écoule en sèves.
© Bertrand TARDÉ
Bertrand Tardé
(1953-aujourd'hui)
Né en 1953 à Bordeaux, Bertrand Tardé a effectué des études supérieures à l'université de Caen et obtenu une maîtrise de langues scandinaves et une licence de sociologie. Actuellement retraité, il a été journaliste free lance pour des journaux et magazines nationaux comme Thalassa, Grands reportages, Historia, L'événement du Jeudi, etc. Il a été responsable du service culture du Journal de la Réunion. Il a également donné des conférences sur la Jangargh Kalam school (art tribal indien contemporain) et travaillé pour l'encyclopédie de la maison Atlas.
Il a publié plusieurs récits de voyages, des nouvelles et la biographie de Jorgen Jorgensen, explorateur danois.
Le silence n’osait bouger le petit doigt
La lumière se taisait pour épargner la nuit
La vie avait le goût de croire en l’avenir
Le cosmos scintillait de mille éclats d’étoiles.
C’est alors que la nuit se couvrit de vacarme
Étourdissant la terre de cratères de flammes.
Des éboulis de murs effrangeaient l’avenue
Les maisons éventrées étaient mises à nu.
Une chambre d’enfant aux dessins hachurés
Par des gaz acides et des vomis de clous
S’affichait sans pudeur, tout sans dessus-dessous ;
Une horloge amputée d’une aiguille sonnait
C’était l’heure de pleurer les morts, les dissous.
Les armes pétaradaient en cascades de balles
Les soldats se fondaient dans la terre éclatée
Les chenilles des chars défonçaient les pavés
Un chien dépoitraillé hurlait dans la mêlée.
L’avenue de l’espoir menait au cimetière ;
Les avis divergeaient et l’incompréhension
Martelait les images de tous les récepteurs
C’est la faute à ceux-ci, c’est le tort de ceux-là
Si j’étais aux manettes nous n’en serions pas là
C’était à mon avis l’unique vrai constat.
© Claude DUSSERT
Claude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations.
Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.
Dans une nuit de silence et de mer,
tes yeux, deux phares dans l'obscurité,
me parlent de rêves jamais avoués,
de promesses cachées parmi les vagues.
Tes mains, légères comme des plumes,
effleurent mon âme,
et dans ce toucher je trouve l'éternité,
un univers de soupirs et de désirs.
Nous sommes des étoiles filantes,
destinées à briller et à disparaître,
mais dans l'instant bref de notre étreinte,
nous avons illuminé l'infini.
© Francesca GALLELLO
Francesca Gallello
Ecrivaine, poétesse, journaliste et scénariste italienne, Francesca Gallello a commencé sa carrière littéraire très tôt, en écrivant son premier roman à l'âge de neuf ans. Très jeune, elle a collaboré avec des journaux et des revues, se faisant rapidement remarquer pour la profondeur et l'engagement social de ses œuvres. Auteure de nombreux livres, où les thématiques sociales sont toujours présentes, elle a créé un style unique qui la distingue dans le paysage littéraire, surnommé "gallellien". Ses poèmes, considérés comme historico-sociaux pour les thèmes abordés, sont appréciés pour leur langage vibrant et authentique. Son engagement social ne se limite pas à la lutte contre la violence de genre, mais inclut aussi son travail dans un établissement pénitentiaire pour mineurs, où elle collabore depuis cinq ans avec le directeur et les jeunes détenus à travers des activités théâtrales et d’écriture créative. Son engagement culturel se manifeste également dans l'organisation d'événements, de salons artistiques, de présentations de livres et de colloques nationaux et internationaux, ainsi que dans la promotion de prix prestigieux. Francesca a reçu de nombreuses distinctions et récompenses internationales pour son œuvre littéraire. Son nom d'artiste, Francesca Gallello Gabriel Italo Nel Gómez, lui a été conféré par le maître Italo Gómez, ancien directeur de la Scala de Milan, de La Fenice de Venise et du Festival du film de Venise, reconnaissant en elle une voix puissante et significative dans le paysage culturel contemporain
Passages… ce sont les pas des rames
Vers l’autre bord du soleil
Nous recueillerons là-bas le parfum de tes racines
Passages… en passant par les sentiers du vide
Ce sont tes cheveux blancs autour des tempes du temps
Nous ferons mille tresses avec ta symphonie de mots
Et des bassins déverseront les vents de ta musique
Des rivières jailliront de tes lignes
Passages… passerelles entre aujourd’hui et hier
À chaque fois qu’un regard comme papillon
Sur les mille pages de ta vie se posera
Élégant arc-en-ciel pour ton oeuvre
Tu renaîtras avec mille eaux
Aux profils des miroirs de tes lecteurs extasiés
© Josaphat-Robert LARGE
Josaphat-Robert Large (1942-2017)
Poète, photographe et romancier haïtien, Josaphat-Robert Large effectue ses études classiques en Haïti. Etudiant engagé dans la grève anti-duvaliériste du début des années 1960, il est incarcéré puis se trouve dans l'obligation de quitter son île natale pour partir en exil aux Etats-Unis, où il suit des cours de linguistique et la photographie. Il a participé à l'inauguration du « Sermac », mouvement culturel lancé par Aimé Césaire, en 1976, à Fort-de-France. Il a fondé avec les poètes Georges Castera, Syto Cavé et Jacques Charlier, la troupe de théâtre Kouidor qui a pris part, pendant des années, au festival de théâtre de la Martinique. Il est membre fondateur de la revue Lire Haïti.
Il est membre de la Société des Gens de Lettres de France et de l'Association des Écrivains de Langue Française. Avec son roman Les terres entourées de larmes, il remporte le Prix littéraire des Caraïbes en 2003.
Je vois des songes dans mes yeux ;
Et mon âme enclose sous verre,
Éclairant sa mobile serre,
Affleure les vitrages bleus.
Ô les serres de l’âme tiède,
Les lys contre les verres clos,
Les roseaux éclos sous leurs eaux,
Et tous mes désirs sans remède !
Je voudrais atteindre, à travers
L’oubli de mes pupilles closes,
Les ombrelles autrefois rosés
De tous mes songes entr’ouverts…
J’attends pour voir leurs feuilles mortes
Reverdir un peu dans mes yeux,
J’attends que la lune aux doigts bleus
Entr’ouvre en silence les portes.
© Maurice MAETERLINCK
Maurice Maeterlinck
(1862-1949)
Ecrivain belge francophone, Maurice Maeterlinck publie dès 1885 des poèmes d'inspiration parnassienne. Après sa rencontre avec Georgette Leblanc, sœur de Maurice Leblanc, il tient un salon parisien dans la Villa Dupont : on y croise, entre autres, Oscar Wilde, Stéphane Mallarmé, Camille Saint-Saëns, Anatole France, Auguste Rodin. Figure de proue du symbolisme belge, il reste aujourd'hui célèbre pour son mélodrame Pelléas et Mélisande. Son oeuvre fait preuve d'un éclectisme littéraire et artistique (importance de la musique dans son œuvre théâtrale) propre à l'idéal symboliste. Il a obtenu le prix Nobel de littérature en 1911.
Autre texte :
Feuillage du coeur
→ Sa biographie (Wikipédia)
Fermer les yeux miser sur l'obscur
et s'en tenir à son legs
quoi qu'il arrive au quartier appelé Petite Sicile
même si dans l'odeur du goudron la faim persiste
et que se gorge de chaleur la misère
et que l'âme s'accroupisse
sous le plus petit des os douloureux
quelque feu cassant consumant sa rancœur
je veux rester ici misant sur l'obscur
et m'en tenant à son legs
Le seul fût qui veille la fixer
cette âme de feuillage fragile
il est ici dans la noirceur du plus beau soleil
© Roland BRACHETTO
Roland Brachetto (1927-2019)
Poète suisse romand d'origine italienne, Roland Brachetto effectue toute sa scolarité à Bienne. C'est de cette époque que date sa vocation poétique. Il commence d'écrire et organise avec maîtres et camarades des séances de lectures poétiques. Poursuivant des études de lettres à l'université de Genève, il devient successivement professeur à l'Ecole secondaire des jeunes filles à Bienne, puis instituteur-suppléant à l'Ecole primaire des Casemates de Genève et enfin professeur de français au Gymnase scientifique de Bâle. Il enseigne ensuite une année à Tunis avant de revenir à Genève comme professeur de français au Collège moderne. En 1963, il entre à l'UNESCO comme expert pour l'enseignement du français. Il a publié quatre recueils de poésie.
Trois pommes de Cézanne
La guitare de Pablo
Font dans le jour qui se fane
Un profond tableau.
Je suis hanté par les images !
Captif d’un monde recréé.
Mon pays n’est qu’un paysage
En son cadre doré.
Par de très longs couloirs de toile peinte
Mon âme à l’abandon
A la fille nue, à la sainte
Réclame son pardon.
© André SALMON
Extrait de Peindre (Painting), 1921
André Salmon
(1881-1969)
Poète, romancier, journaliste, critique d'art, André Salmon fut l'un des grands défenseurs du cubisme avec Guillaume Apollinaire et Raynal.
Tel un cadeau vivant la Femme est toujours Belle
Dans l’incarnation d’une onde sensuelle
L’homme en est retourné mais cela le sait-elle ?
…
Immuable pouvoir passion de toujours
Baume sur les soucis beau rêve de velours
Magnifique joyau sur l’écrin de la vie
Bonheur sincère et vrai qui sans façon convie
Splendide émotion qui vibre aimablement
Qui brille à tout jamais tout naturellement
Ses bras sont comme un port lieu sûr dans la tempête
Son cœur est un abri qui jamais n’inquiète
Tout un trouble candide ainsi sous le soleil
Ou bien dans le secret mais sans cesse en éveil
Réclame au temps qui passe un peu de complaisance
Réclame au temps qui presse un peu de bienveillance…
…
Sa grâce sait offrir un hymne à la Beauté
Dans moult et moult reflets de sensualité
Donnant au bleu du ciel un air de bel été…
© Didier COLPIN
(1) Femme serre-moi fort tout contre ton cœur
Woman - John Lennon.
Didier Colpin
(1954-aujourd'hui)
Didier Colpin est né en 1954 à Laval, petite ville de l’Ouest de la France. Il a découvert l’écriture et la poésie « sur le tard », en 2010. Depuis elle est devenue sa compagne de tous les jours…
La poésie est pour lui le contraire de Twitter et de sa rapidité. Elle est un arrêt sur image… Sur un émoi sur un trouble sur la Beauté sur la laideur. Le tout vu, ressenti à travers le prisme qu’est son regard où deux plus deux ne font pas toujours quatre...
Douceur du soir !
Douceur de la chambre sans lampe !
Le crépuscule est doux comme une bonne mort
Et l'ombre lentement qui s'insinue et rampe
Se déroule en fumée au plafond.
Tout s'endort.
Comme une bonne mort sourit le crépuscule
Et dans le miroir terne, en un geste d'adieu,
Il semble doucement que soi-même on recule,
Qu'on s'en aille plus pâle et qu'on y meure un peu.
Des tableaux appendus aux murs, dans la mémoire
Où sont les souvenirs en leurs cadres déteints,
Paysage de l'âme et paysages peints,
On croit sentir tomber comme une neige noire.
Douceur du soir !
Douceur qui fait qu'on s'habitue
A la sourdine, aux sons de viole assoupis ;
L'amant entend songer l'amante qui s'est tue
Et leurs yeux sont ensemble aux dessins du tapis.
Et langoureusement la clarté se retire ;
Douceur !
Ne plus se voir distincts !
N'être plus qu'un !
Silence ! deux senteurs en un même parfum :
Penser la même chose et ne pas se le dire.
© Georges RODENBACH
Georges
Rodenbach
(1855-1898)
Poète symboliste et romancier belge de la fin du XIXe siècle, il publie son premier recueil de vers en 1877, Le Foyer et les Champs. En 1878, il effectue un premier séjour à Paris où il fréquente assidument le cercle des Hydropathes. Il y nouera ses premières relations parisiennes : Catulle Mendès, François Coppée, Maurice Barrès ... En 1894, il est le premier auteur belge à voir une de ses œuvres, Le Voile, mise au répertoire de la Comédie-Française. Il impose dans le rôle principal la jeune Marguerite Moreno qui l'évoque dans ses souvenirs littéraires. En 1896, il publie Les Vies encloses, recueil de poèmes inspiré par l'occultisme (Novalis) et le romantisme allemands. Bien que malade depuis de longues années, il publie un autre chef-d'œuvre, également situé à Bruges, Le Carillonneur (1897).
Semblable à une romance,
Broder en vert c’est créer un univers.
Vert absinthe pour les jeunes pousses.
Vert impérial pour la canopée.
Vert opaline pour le point d’épine.
Point de bouclette aigue-marine.
Les fils d’émeraude tissent leur paysage.
Les points minutieux, les nuances choisies serpentent au gré de la toile.
Des feuilles délicates, dentelles de fougère, brins de menthe,
des ramures et des spirales s’entrelacent, les fleurs éclosent.
Sous les fines aiguilles, les lignes dansent vers l’espoir et l’harmonie.
Comme un poème, les arabesques content un jardin secret qui guérit l’âme.
© Annick PIPAUD
Annick Pipaud
Professeur de mathématiques à la retraite mais artiste dans l'âme (peinture, photo, poésie...), Annick Pipaud écrit depuis son plus jeune âge. Elle a participé à plusieurs festivals de poésie.
Il semble que l’homme souffre et comme
il n’existe pas de balance pèse-souffrance
on sait seulement que la douleur est plomb
et que malgré tout elle sent le souffre
Il n’existe pas de thermomètre pour dire
les degrés de la peine qui toujours vous pèse
On sait seulement que la douleur est la mie
d’un pain qui n’a jamais garni une table
Quand tu te sentiras mal cherche un recoin
Et installe-toi pour y manger la chair crue
qui, se trouve dans tes mains et dans tes pieds
Offre un banquet à ton cœur affamé
Et tu ne verras que les pleurs ne t’aident pas
Ils ne t’aident plus jadis pleurs et là rien
© Carlos Edmundo de ORY
Carlos Edmundo
de Ory
(1923-2010)
Poète, essayiste et traducteur espagnol, Carlos de Ory est le fils du poète moderniste Eduardo de Ory. Auteur du manifeste introréaliste en 1951, il préconise la création d'un art manifestant la réalité intérieure de l'homme, exprimée dans un langage qui émerge de l'invention mystérieuse d'états de la conscience. Installé en France près d'Amiens, il crée l'APO (Atelier de Poésie Ouverte) à la Maison de la culture. Son travail a deux thèmes principaux : l'amour et la douleur.
Le paysage s’obscurcissait de colère en nuages fiévreux
Le village, que dis-je ! Le trou, le bled
Alignait ses maisons enguirlandées de lierres
Autour d’une chapelle à la cloche fêlée
Dont le toit à claire-voie semblait compter ses tuiles.
L’été se passait de travers
La canicule s’installait
La pluie languissait.
Un ciel fuligineux couvait sur la plaine brulée
Tout était sombre.
Seuls des éclats de lune filtraient
À travers des trouées moins ombreuses.
Le vent harcelait les tuiles vernissées
Une tornade imprévue avançait dans le ciel
Aussi vite qu’une marée, au triple galop.
Seul, il marchait, tête basse
Perdu dans des rêves insondables
Au rythme des saisons.
La morsure de la bruine lui dévorait la peau
Comme un essaim de guêpes aux dards effilés.
Il lui avait promis de faire pèlerinage
En ces lieux historiques, tourmentés
Où ils s’étaient connus, où ils s’étaient aimés.
Ce n’est qu’en arrivant à hauteur du palier
Qu’il aperçut une ombre, floue, figée
Elle était là, elle l’attendait.
© Claude DUSSERT
Claude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations.
Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.
Le soir fait palpiter plus mollement les plantes
Autour d'un groupe assis de femmes indolentes
Dont les robes, qu'on prend pour d'amples floraisons,
A leur blanche harmonie éclairent les gazons.
Une ombre par degrés baigne ces formes vagues ;
Et sur les bracelets, les colliers et les bagues,
Qui chargent les poignets, les poitrines, les doigts,
Avec le luxe lourd des femmes d'autrefois.
Du haut d'un ciel profond d'azur pâle et sans voiles
L'étoile qui s'allume allume mille étoiles.
Le jet d'eau dans la vasque au murmure discret
Retombe en brouillard fin sur les bords ; on dirait
Qu'arrêtant les rumeurs de la ville au passage,
Les arbres agrandis rapprochent leur feuillage
Pour recueil l'écho d'une mer qui s'endort
Très loin au fond d'un golfe où fut jadis un port.
© Léon DIERX
Léon
Dierx
(1838-1912)
Né à Saint-Denis-de-la-Réunion, Léon Dierx est un poète parnassien et peintre. Regagnant Paris pour poursuivre ses études, il fait partie des poètes parnassiens comme Sully Prudhomme, José Maria de Heredia... Il rencontre Guy de Maupassant lors de sa collaboration à La Revue fantaisiste, ce dernier lui dédie en 1883 sa nouvelle Regret. Il est élu prince des poètes à la mort de Stéphane Mallarmé en 1898 et devient Président du Congrès des Poètes en mai 1901.
© Yann Erwan PAVEG
Yann Erwan Paveg
(1959-aujourd'hui)
Editeur, poète et formateur en langue bretonne, Yann Erwan Paveg écrit aussi bien en français qu'en breton, inspiré de son héritage, de sa Bretagne dont il est un ardent défenseur. Avec plus de 500 abonnés sur Twitter, il a posté plus de 700 tweets qu'il a mis bout à bout dans un recueil intitulé Caractères. Il a publié plusieurs ouvrages dont : Les ultimes rosées et le dernier : Empreintes.
Dans ce grand mouvement d'automne où j'entre avec
Ma force neuve, à peine est-ce d'un corps durable
Et trop la nuit me hante encore mesurable
Si morte la mémoire et le cœur mis à sec.
Offrande du soleil que vient trouer le bec
De l'oiseau déchiré, sois la part séparable
Et le partage fait d'un coin de terre arable
Où moisit la moisson dans l'oubli d'un échec.
Chaque mot d'être dit limite la lumière
À l'espace brutal de la mort coutumière
Où la saison finit. Dans ce Grand mouvement
D'automne où j'entre avec mon ancien héritage
Je décompose l'ombre et je suis mon otage,
Contre toi, soleil, face à Toi qui me démens.
© Rouben MELIK
Rouben
Mélik
(1921-2007)
Poète et homme de lettre d'origine arménienne, la famille aisée de Rouben Mélik s'installe en 1920 à Montmartre (XVIIIe arrondissement de Paris). L'apprentissage de deux langues a exercé une influence déterminante sur le langage poétique de Rouben, rigoureusement attaché au plus pur français, mais partagé aussi, comme le titre de son recueil paru en 2000, En pays partagé. Il a été rédacteur en chef adjoint de la revue « Regards », producteur d’émissions et chroniqueur à la radio (France-Culture), chargé de mission au Ministère de l’Éducation Nationale puis au Ministère des Affaires Culturelles, Directeur littéraire aux Éditeurs Français Réunis, Sociétaire de la Société des Gens de Lettres de France – Membre de l’Union Internationale des critiques littéraires – Membre du Jury du Prix Apollinaire.
La Nature, le sait-elle est une vraie œuvre d’art
Arcimboldo l’humanise, la croque sur la toile
Lui fabrique un visage et nous le jette au nez.
Sous un petit melon
Il brosse des cheveux en fleurs de coton
Les sourcils sont arqués
Haricots bien sûr, tout juste écossés
Pour ce qui est des yeux
Des olives peintes en bleu ! Tudieu !
Le nez est aquilin légèrement troussé
Afin de mieux sentir les odeurs, les fumets.
Les joues sont rebondies
Deux tomates pardi
Les lèvres sont ourlées
Se veulent incarnat
Des poivrons d’Espelette
Pour corser notre émoi.
Le sourire s’étire et se fait aguichant
Une jeune banane de Nouvelle-Orléans
Pour les dents ?
Il se sert de cocos ivoire pas trop blancs.
Le menton ! Un tantinet prognathe
Tout de go ! Il a pris une grosse patate.
Aux oreilles pendeloque une paire de cerises
Afin de ce portrait agrémenter la mise.
L’artiste n’est pas courge mais fana des jardins
Son vœu le plus cher mais encore lointain
Être enterré misère
Dans une clairière
En guise de cimetière
Mais au son du clairon
Car tous ses potes y sont.
© Claude DUSSERT
Claude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations.
Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.
L'été sera l'hiver et le printemps l'automne,
L'air deviendra pesant, le plomb sera léger :
On verra les poissons dedans l'air voyager
Et de muets qu'ils sont avoir la voix fort bonne.
L'eau deviendra le feu, le feu deviendra l'eau
Plutôt que je sois pris d'un autre amour nouveau.
Le mal donnera joie, et l'aise des tristesses !
La neige sera noire, et le lièvre hardi,
Le lion deviendra du sang acouardi,
La terre n'aura point d'herbes ni de richesses ;
Les rochers de soi-même auront un mouvement
Plutôt qu'en mon amour il y ait changement.
Le loup et la brebis seront en même étable
Enfermés sans soupçon d'aucune inimitié ;
L'aigle avec la colombe aura de l'amitié
Et le caméléon ne sera point muable :
Nul oiseau ne fera son nid au renouveau
Plutôt que je sois pris d'un autre amour nouveau.
La lune qui parfait en un mois sa carrière
La fera en trente ans au lieu de trente jours ;
Saturne qui achève avec trente ans son cours
Se verra plus léger que la lune légère :
Le jour sera la nuit, la nuit sera le jour
Plutôt que je m'enflamme au feu d'un autre amour.
Les ans ne changeront le poil ni la coutume,
Les sens et la raison demeureront en paix,
Et plus plaisants seront les malheureux succès
Que les plaisirs du monde au coeur qui s'en allume.
On haïra la vie, aimant mieux le mourir
Plutôt que l'on me voie à autre amour courir.
On ne verra loger au monde l'espérance ;
Le faux d'avec le vrai ne se discernera,
La fortune en ses dons changeante ne sera,
Tous les effets de mars seront sans violence,
Le soleil sera noir, visible sera Dieu
Plutôt que je sois vu captif en autre lieu.
© Amadis JAMYN
Amadis Jamyn
(1540-1593)
Poète français de la Renaissance, Amadis Jamyn est proche du cercle littéraire de la Pléiade et ami de Ronsard. Grâce à ce dernier, le roi Charles IX le retient comme lecteur ordinaire de la chambre du roi en 1571 et comme secrétaire du roi vers 1573.
Poussières de pluie
que l’ouest par rafales
expectore sur la pilosité pubienne
de la campagne
L’ombre des vallons amollis
par l’excitation de l’attente
tangue arrimée au doigt
de quelque Dieu du Large
Ce jour est une nuit que
les arbres éclaboussent
de l’encre séminale
d’une mémoire endormie
Rêve de neige étale au bord
du souvenir comme d’un
oiseau de proie à l’aplomb
de l’enfance le regard d’un hiver
qui ne mena nulle part l’année
de la déclaration de guerre
à l’école communale
de Plonéour-Lanvern
« les fleurs sont immortelles.
Le ciel est intact.
Et ce qui sera n’est qu’une promesse »
Un an déjà qu’Ossip
Mandelstam était mort
Pierre de rêve
dans un jardin
d’une tout autre neige
à Vladivostok
© Paul QUÉRÉ
Paul
Quéré
(1931-1993)
Peintre, potier et poète français d'origine bretonne, Paul Quéré fut aussi écrivain, revuiste, céramiste, éditeur, musicien passionné de jazz et animateur radio. Il est fondateur de la revue Ecriterres. Résidant en Provence jusqu'en 1979, il s'installe en Bretagne et créé son atelier de poterie « la poèterie » car pour lui cette activité est indissociable de la poésie. Il fut un proche de Kenneth White.
Les pêcheurs qui rentrent tard
aperçoivent dans les vagues
les clochers et les tourelles
qui émergent lentement
des lames d’ardoise fine
puis fenêtres et balcons
tandis que sonne le glas
pour avertir du danger
Se hissant sur les terrasses
des jeunes filles marines
lancent comme des appels
cavatines cantilènes
avant de plonger soyeuses
dans la remontée des eaux
tandis que sombrent les toits
sous le couvercle d’écume
© Michel BUTOR
Michel Butor
(1926-2016)
Poète, romancier, enseignant, essayiste, critique d'art et traducteur français, Michel Butor, figure du nouveau roman, a collaboré avec de nombreux artistes (peintres, musiciens, photographes) et a eu un apport considérable à la vie intellectuelle et artistique de notre siècle. Il est l'un des auteurs les plus prolifiques du monde littéraire et a reçu plusieurs distinctions parmi lesquelles : le Prix Mallarmé pour Seize Lustres, le Grand Prix des poètes de la SACEM, le Grand prix de littérature de l'Académie française, le Grand prix de poésie de la Société des Gens de Lettres.
Autre texte :
Le sang des chiffres
→ Sa biographie (Wikipédia)
Il a dormi sur ses mains.
Sur un rocher.
Sur ses pieds.
Sur les pieds de quelqu’un d’autre.
Il a dormi dans des cars, des trains, des avions.
Dormi pendant le service.
Dormi au bord de la route.
Dormi sur un sac de pommes.
Il a dormi dans des toilettes publiques.
Dans un grenier à foin.
Au Super Dôme.
Dormi dans une Jaguar, et à l’arrière d’un pick-up.
Dormi dans des théâtres.
En prison.
Sur des bateaux.
Il a dormi dans des refuges en rondins et, une fois,
dans un château.
Dormi sous la pluie.
Sous un soleil brûlant il a dormi.
À cheval.
Il a dormi dans des fauteuils, des églises, des hôtels de luxe.
Il a dormi sous le toit d’inconnus tout au long de sa vie.
À présent il dort sous la terre.
Dort encore et sans fin.
Comme un vieux roi.
© Raymond CARVER
Raymond Carver
(1938-1988))
Ecrivain américain, Raymond Carver est également poète et il est considéré comme un nouvelliste de premier plan. Son père, ouvrier dans une scierie, était alcoolique et sa mère travaillait parfois comme serveuse ou vendeuse. En 1956, à l'âge de 18 ans, il se marie avec son amie de lycée, âgée de 16 ans, Maryann Burk, alors enceinte. Carver a 20 ans à la naissance de son deuxième enfant. Après avoir obtenu son diplôme au lycée de Davis, Carver travaille et s'occupe de sa famille comme portier, ouvrier dans une scierie, ou comme vendeur. Après avoir déménagé en Californie, il s'intéresse à l'écriture et suit des cours de création littéraire avec le romancier John Gardner, qui eut une influence importante dans la vie de l'écrivain. Poursuivant ses études, il publie son premier recueil Near Klamath en 1968. Dans les années 1970-80, il enseigne dans divers universités américaines. Luttant contre l'alcoolisme, il arrête en 1977 grâce aux Alcooliques Anonymes. Divorcé en 1982, il se remarie en 1988 à Reno, au Nevada avec la poétesse Tess Gallagher. Deux mois plus tard, il décède d'un cancer du poumon.
Autre texte :
Le poème que je n'ai pas écrit
→ Sa biographie (Wikipédia)