Comme stipulé à l'article 5 du règlement du concours Poetika, « les textes n’ayant pas été classés au Palmarès mais remarqués par le jury feront éventuellement l'objet d'une mise en ligne sur le site. »
→ Textes remarqués au concours !
→ Lire aussi les témoignages des lauréats
_________
Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797
Le ciel a peint ce soir un camaïeu de rose
Et cousu de fils d'or la dentelle des flots,
Tandis qu'en messager des scintillants falots,
La lune s'arrondit pour mieux prendre la pose.
Sur les bateaux mouillés où le grelin repose,
Seul vacille parfois l'oeil glauque des hublots ;
Du ventre de la mer montent de longs sanglots
Que le baiser du vent sur le sable dépose.
Au-dessus du gaillard des fringants caboteurs
Planent, dans l'air du soir, de féroces senteurs,
Pot-pourri de mazout, de poissons et d'écume.
Le jour chavire alors dans l'horizon marin,
Abîmant avec lui le poudrier de brume,
Est-il plus beau naufrage ! Est-il plus doux écrin !
Alice Hugo
30 - Sardan
Concours 2024
De la même auteure :
→ Le buste du poète (concours 2021)
- I -
Sans papiers ni passeport, mes enfants par la main
Je décide de fuir les vautours de l'immonde.
Même si la faux dans le ciel vagabonde,
Il me faut les sauver, parfaire un lendemain.
J'aperçois dans la file une soeur, un germain,
Le visage assombri d'une terreur féconde
Qu'ils occultent en vain, craignant qu'on les confonde
Avec un animal qui se proclame humain.
Le nourrisson se tord sur mon coeur infertile,
J'ai peur de perdre un lait qui devient très utile,
La petite à mon flanc s'interdit de pleurer...
Une salve de tirs, des avions d'octobre,
Un drone, un grand fusil, messagers de l'opprobre,
Accompagnent nos pas pour mieux nous séquestrer...
- II -
Ils veillent sur nos pas pour mieux nous séquestrer
En attendant de mordre ou bien de retranscrire
Un nouvel ethnocide, un paraphe, un sourire
Sur le tranchant d'un sabre, un registre à tirer.
« Ils sont noirs ou métis : des bêtes à châtrer
- disent-ils à foison - il nous faut réécrire
Le cours de notre histoire, nimber d'un sceau de cire
Un arbitraire édit que l'on doit perpétrer ».
On lapide et mutile, ainsi va notre monde
Partisan de l'effroi ; le sacre de l'immonde
S'ajoute au grand malheur des plus faibles humains.
Lorsque viendra la faux parfaire son ouvrage,
Je me redresserai, fière et forte des mains
Protégeant mes petits du venin de l'outrage !
Monique-Marie Ihry
34 - Capestang
Concours 2024
De la même auteure :
→ La fin d'amour (concours 2022)
Le lavis de la nuit se délite au matin,
S'émousse doucement dans l'acier d'un nuage.
La vague a les reflets d'un hiver incertain ;
Le ciel en s'éveillant décolore la plage.
On entend les rumeurs d'un tout proche village :
Sur les ailes du vent un roulis indistinct.
Les échos des pêcheurs avant le batelage ;
Le lavis de la nuit se délite au matin.
Sautillant sur la grève et guettant le fretin,
La grappe des oiseaux assombrit le rivage ;
L'encre de leur plumage, affadie au lointain,
S'émousse doucement dans l'acier d'un nuage.
De ces pâles lueurs émerge un noir présage
Et l'océan recrache un objet clandestin.
Est-ce un mât d'artimon attestant le naufrage ?
La vague a les reflets d'un hiver incertain.
Et berce mollement le douloureux pantin
Que l'écume a drapé d'une flanelle sage,
Tel un ange de nacre au charitable instinct.
Le ciel en s'éveillant décolore la plage.
Les flots ont englouti son rêve et son bagage ;
Il dort, loin des remous d'un injuste destin.
C'est dans le sable froid que finit le voyage.
Et dans un cri muet, le mirage s'éteint.
Le lavis de la nuit...
© Maryse DECOOL
Illustration : L'épave humaine, tableau de Francis Tattegrain (1852-1915)
Maryse Decool
62 - Béthune
Concours 2024
De la même auteure :
Detrás de la cortina - Concours POETIKA 2017
Côte d'Opale - Concours POETIKA 2015
Elégant ou champêtre, utile ou d'ornement,
Poumon de mégapole ou cache romantique,
Bel écrin de castel, lieu de ravissement,
Les jardins sont divers mais chacun est unique.
Mon grand-père a le sien, bio revendiqué,
Où l'odorante rose, incontestable reine,
Méprisant l'origan tout juste repiqué
Observe avec dédain la commune verveine.
Le potager fécond aux sillons généreux
Procurant sans relâche à celui qui le choie
Ses précieux primeurs et trésors savoureux,
Sans compter la nigelle aux pétales de soie.
Le jardin bucolique à l'air échevelé,
Le classique parfait où tout n'est que structures ;
Le modèle à l'anglaise au fouillis calculé,
Abritant en son sein de lascives sculptures.
Voici celui d'Eden où jadis retentit
La divine fureur qui s'abattit sur l'homme.
Pour le faire punir le Malin lui mentit,
Quel cruel châtiment pour une simple pomme...
Le zen amoureux sait nous émerveiller.
Sublimant la nature avec délicatesse
Il enchante nos sens et vient l'âme éveiller
A son monde serein, tout de charme et justesse.
On aime s'y blottir, cocon réconfortant,
C'est le jardin secret où s'exerce l'intime.
Ni jugement ni crainte, on y goûte l'instant,
La paix nous enveloppe en ce refuge ultime.
Le mien est poésie et me comble à foison.
La rime bien ourlée en festonne la ligne
Et met les mots taquins tous au diapason.
J'écoute alors Candide et cultive ma vigne...
© Valérie BERTHET-BOYER
Valérie Berthet-Boyer
56 - La Trinité-sur-Mer
Concours 2024
→ Lire aussi son témoignage
Pour son premier combat, elle entre dans l’arène
Le port de tête altier telle une souveraine.
Sur le parquet vibrant l’ombre enfin disparaît
Car la poursuite accroche à la lune un visage,
Un profil féminin figé comme une image
Que le rayon éclaire en fixant son portrait.
C’est un croquis abstrait qui dans l’instant prend vie
Sur la scène andalouse où l’ardeur se convie.
Lors, la bailaora dans un élan taurin
Provoque un ennemi d’après sa fantaisie.
De l’inspiration surgit la frénésie
D’un spectacle exclusif du talent souverain.
L’art de la danse apprend à maîtriser le geste
Qui captive et séduit comme un charme céleste :
C’est le bras qui serpente et se dresse vers le ciel,
La main qui virevolte au clac de castagnette ;
C’est le corps insoumis de la marionnette
Qui se dépouille enfin du superficiel.
Puis la mariquita dans l’espace s’envole
En déployant sa robe ainsi qu’une corolle
Et la scène s’embrase au feu du flamenco ;
Les volants de la robe et les franges du châle
Tourbillonnent alors dans la ronde infernale
Qui ravit les esprits dont les voix font l’écho.
La ferveur ibérique alors d’un coup s’enflamme
Au rythme des talons qui résonne dans l’âme.
Les palmas déchirant le silence des nuits
Rassemblent les brebis tel un jour de grand-messe
Et le public reçoit dans son cœur la promesse
D’un serment solennel qui chasse les ennuis.
© Catherine DESTREPAN
Mariquita : coccinelle (terme espagnol)
Bailaora : danseuse de flamenco (vocabulaire du flamenco)
Palmas : claquement des mains (vocabulaire du flamenco)
Catherine Destrepan
27 - Harquency
Concours 2024
→ Voir tous les textes de l'auteure sur le site
Je n'étais qu'un enfant quand j'étais déjà vieux
A compter les instants qui nous creusent un peu
Je n'étais que vêtu de regrets au présent
Des futurs inconnus que le temps nous reprend
Je n'étais qu'un enfant qu'on appelait monsieur
Quand j'étais déjà grand, quand j'étais amoureux
Je n'étais que le vent en-dedans tes cheveux
Quand j'étais au levant du soleil de tes yeux
Je n'étais qu'un enfant quand tu glissais ta voix
Et des luges de mots, avalanches de toi
A l'endroit le plus chaud de mon coeur amoureux
Où naissait le printemps de nos rêves heureux
Je n'étais qu'un enfant, toi tu n'étais que toi
A tourner dans un monde qu'était mort avant nous
Nous n'étions pas plus grands qu'une église sans toit
Pas plus grands qu'une ronde de Paris à Moscou
Je n'étais qu'un enfant à l'école de tout
Quand les trous dans le coeur font saigner les genoux
Quand le rouge du sang est le même à ta joue
Quand les mortes couleurs ne dessinent que nous
Je n'étais qu'un enfant qui débutait sa vie
Et qui la finissait, c'est le même chemin
Je n'étais qu'un enfant qui aimait une fille
Ou qui la détestait, ça dépend du chagrin
Je n'étais qu'un enfant dans un monde trop grand
Ou bien est-ce trop petit, je ne sais plus vraiment
Aux étoiles du temps dans un ciel d'avant
Je t'écris l'infini qui prend fin maintenant
© Kevin CASTEL
Kevin Castel
85 - Treize-Septiers
Concours 2023
Du même auteur :
Mona Lisa
→ Sa page Facebook
→ Lire aussi son témoignage
Prenez ma main, ma Belle
Allons sous la tonnelle
Où fleurit le jasmin
Le ciel est d'aquarelle
Passent les hirondelles
Effleurant le bassin
La brise en vos dentelles
Légères caravelles
Ourlées de blanc satin
Chuchote en cascatelle
Cet air de violoncelle
Que j'ouïs ce matin
Et lentement descelle
La pudique margelle
De vos lèvres carmin
© Christophe OZANNE-KAUFFMANN
Illustration : La promenade par Auguste Renoir, 1870
Christophe Ozanne-Kauffmann
[Nom de plume : Arnaud VINCENZ]
17 - Meschers-sur-Gironde
Concours 2023
→ Son site internet
→ Lire aussi son témoignage
→ Remise de son prix
J'ai promené mes pas, le coeur en bandoulière,
Sur un lieu déserté par les petits oiseaux,
Ne reste que le nom de piste forestière
Et quelques pins roussis tous bardés en biseaux.
Une biche et son faon sauvés du cataclysme
Dans ce décor lunaire errent à découvert,
Et comme les humains souffrent du traumatisme
D'horizons dévêtus d'un coloris bien vert.
Autour du lac d'Hostens s'échappent des fumées
Du sous-sol charbonneux qui brûle constamment,
Depuis les feux géants, les forêts décimées
Entrebâillent la porte au vent précisément.
Or ce joli plan d'eau cerné par la nature
Percluse de sommeil, rêve de jours meilleurs,
Laisse couler le temps jusqu'à son ouverture,
Et patiente encor' comme des orpailleurs !
Pour renaître demain sur la terre féconde
Où germent la fougère et les grains d'avenir,
L'on sublime l'espoir sur cette mappemonde
D'une pinède neuve au futur devenir...
© Claudine GUICHENEY
Claudine Guicheney
33 - Langon
Concours 2023
De la même auteure :
Le gemmeur ou le résinier
Les rendez-vous en Aquitaine
A l'écume de l'encre
→ Lire aussi son témoignage
Une brume d'été, aérienne, bleutée
Sublimait la forêt d'un halo serpentin
Le silence régnait uniquement froissé
Par la fièvre du vent espiègle, galopin.
Les épis déjà mûrs se couchaient en bruissant
En vagues éphémères parcheminées de bleu
De jaune et de rouge de vert et d'argent
Véritable tableau d'un peintre fabuleux.
Le chemin se perdait de vallées en collines
Le soleil de midi moirait le paysage
Colorait l'horizon de lignes serpentines
La vigne promettait un sublime cépage.
Puis l'ouest se teinta de filaments folâtres
Les glissades du vent montèrent vers le hameau.
De rose les nuées devinrent plus grisâtres
La nuit sur le causse sera imbibée d'eau.
Pour l'heure une chaleur oppressante accablait
Les murs de pierres sèches et le nid des oiseaux.
Les nuages en masse maintenant se coursaient
Le ciel se noircit d'un vol d'étourneaux.
Par rafales perfides l'orage s'empourpra.
Quand la détonation déchira le silence
L'enfer sur la lande se matérialisa
Les éclairs et la pluie tombaient en abondance.
Le causse du Larzac a des sautes d'humeurs
Et d'étranges accents aux yeux des promeneurs.
© Claude DUSSERT
Claude Dussert
71 - Saint-Marcelin-de-Cray
Concours 2023
→ Voir tous les textes de l'auteur sur le site
Le premier qui peignit sur le mur d'une grotte,
D'un doigt juste trempé dans des pigments terreux,
Voyait-il dans son geste une simple marotte
Ou lui destinait-il un futur glorieux ?
Il n'imaginait pas le corps de bakélite
Du noir stylo Mont-Blanc, signe d'un goût très sûr,
Apprécié de ceux qui s'estiment l'élite
Pour son iridium, souple et pourtant si dur.
Comme il est loin déjà, le long calame antique
Dont il fallait tailler avec soin le biseau,
Que pour graver l'argile on trouvait bien pratique,
Objet simple et modeste en tige de roseau...
L'Europe, pour outil, prit d'oiseaux le plumage,
Passant du papyrus au noble parchemin,
Inventant le codex et le livre au passage...
Depuis la Préhistoire, ah ! vraiment, quel chemin !
De la plume de luxe au Bic à vingt centimes,
Tous les moyens sont bons pour tracer quelques mots :
A mine, à pointe, à plume, ouvragés et sublimés,
Ou gros feutres criards à donner aux marmots...
Que d'évolutions depuis le temps des scribes !
Il n'a plus aujourd'hui de plume que le nom
Mais, de courts billets doux en longues diatribes,
Notre stylo demeure un constant compagnon.
© Rebecca BOURGEOIS
Rebecca Bourgeois
11 - Ginestas
Concours 2023
→ Sa page Facebook
J'entrouvrirai ma porte et humerai l'air pur
Venu de la forêt qui se réveille à peine
Je goûterai l'instant entre clair et obscur
Où les ombres font place à des lueurs soudaines.
Demain dès l'aube
Je poserai des mots sur une page vierge
Qui seront les premiers d'un tout nouveau poème
Ils jailliront fringants dans le jour qui émerge
Et les couronnerai d'un précieux diadème.
Demain dès l'aube
Je rouvrirai ce livre posé sur mon chevet
Dans lequel je voyage au bout de terres australes.
Vers ces pays lointains dont j'ai toujours rêvé
Je pourrai m'enivrer d'aurores boréales.
Demain dès l'aube
J'écouterai encore ce grand air d'opéra
Qu'ému je découvris à l'âge de douze ans.
Aux Chorégies j'irai pleurer la Traviata
Qui se pâme et se meurt dans un ultime élan.
Demain dès l'aube
Je reverrai mon père dans la cour d'une école,
Une photo de classe, là, parmi ses élèves.
Puis au soir de sa vie dans son tout dernier rôle
Son regard dans le mien, une main qui s'élève.
Demain dès l'aube
Je goûterai sans frein les choses de la vie,
Douces, simples mais vraies je les savourerai.
De cesse je n'aurai d'être toujours ravi
Par l'éclat d'une rose dans un roseraie.
Demain dès l'aube
Je ferai tout cela et même plus encore
Quand s'estompe la nuit, lorsque point l'aurore.
Patrick Venture
84 - Robion
Concours 2022
Du même auteur :
→ Rêves d'un poète (primé en 2020)
→ Parenthèse (texte remarqué en 2020)
→ Ces héros du quotidien
→ Lire aussi son témoignage
Au bord d'un flot luisant, un grand chêne se dresse,
Aux ramures jaunies par l'automne insistant.
Ses feuilles s'en délient et vont avec paresse
Rider la face bleue du pacifique étang.
Il attend la fureur des tempêtes nocturnes
En regardant, de loin, le soleil éclairer,
D'une ligne dorée, l'horizon taciturne
Déjà submergé par les nuages ombrés.
La nuit aura bientôt raison de sa grandeur
Et dans l'obscurité, son tronc s'écroulera,
Abattu par le vent, privé de sa vigueur,
Mis, par l'humeur du temps, en piteux apparat.
L'arbre penche déjà et sa triste feuillée
Vient caresser l'ondée calme et mélancolique.
L'étang est déjà noir comme un fils endeuillé
Et son gardien lui jette un adieu laconique.
Dans la mort, il viendra donner à l'eau fangeuse
Une brusque accolade et un dernier baiser
Puis restera, inerte, entre ses mains brumeuses
Le corps déraciné mais le cœur apaisé.
Sur les Côtes-d'Armor où le soleil se lève,
L'automne déployait son jupon flamboyant
Sur le massif en deuil, désolé, larmoyant
Dans le ballet de l'ombre où Mort plante son glaive.
C'était la fin d'amour, un départ sans relève.
Dans l'automne servile et l'hiver assaillant
Des feuilles défuntes, réunies, sommeillant,
Gémissaient en silence en plainte sourde et brève.
Dans ce déclin de l'âme, aux confins de la nuit
Où tout s'éteint, se perd et plus rien ne reluit,
Avortaient les rêves dans le vide et son charme...
Telle une pécheresse, entamait un refrain
De profond désespoir notre lune d'airain,
Et de mon cœur rompu s'échappait une larme.
Malgré son dur labeur, ses habits rapiécés,
Il est très jovial, prêt à faire la fête.
Chevelure en épis sous sa grande casquette,
Il vaque avec gaieté dans ses souliers percés.
Parmi tous les piétons, arpentant le pavé,
Il harangue les gens et sans arrêt répète
Le titre du journal et montre son en-tête :
Séisme à Bornéo, son bilan aggravé !
Avec ses quotidiens dans sa grande sacoche,
Il va, le dos courbé, notre petit gavroche.
Qu'il bruine ou qu'il vente, il est notre soleil.
Il ne s'affole pas si le monde est en guerre,
Ce petit colporteur, à l'aspect débonnaire,
Sourit et nous transmet son entrain sans pareil !
Je porte en moi l'espoir d'un très petit poème
Aux vers ensorcelants dont je serais l'auteur.
Je t'en ferais cadeau en prenant l'air bohême,
Au lieu de trébucher sur ton regard frondeur.
Car si, depuis un an, je guette ton passage
De l'aurore à la brune et du soir au matin ;
Si je peux, les yeux clos, dessiner ton visage,
Et parmi mille pas reconnaître le tien,
Je demeure sans voix et c'est là mon supplice :
Je crains de tout gâcher par un mot maladroit.
Je voudrais tant pourtant rompre ce maléfice
Et pouvoir te confier tendrement mon émoi.
Brûlant de cet amour qui me pousse à t'écrire
Ce que je ne peux taire et que je n'ose dire,
Cent fois sur le métier polissant mes quatrains,
Je porte en moi l'espoir que j'oserai... demain.
Qu'on me donne un maillet, des ciseaux, une ripe,
Et qu'on me laisse seule à l'opium de ma pipe
Pour sculpter votre buste avec tant de ferveur
Qu'un seul regard vers lui fera naître un rêveur.
Fébriles sont mes mains et craintive mon âme
A ciseler l'éclat de votre ardente flamme,
A broder de fils d'or les nimbes glorieux
Qui font de vous l'élu du domaine des dieux.
Je vous ai réchampi d'un sourire tragique
D'un front haut tourmenté d'une ombre nostalgique,
De lourds sillons gorgés de noblesse et d'ardeurs :
Vous reconnaissez-vous, poète des Splendeurs ?
S'il faut, de vos talents, préserver la mémoire
Telle que je la tiens au creux de mon grimoire,
Je pétrirai l'argile et le bronze et l'airain,
Des siècles à venir vous ferai souverain.
Ô chantre sans égal d'une quête mystique,
Illustre bâtisseur d'une Légende épique,
Voyez combien mes yeux enchaînés à mon coeur
Disent que de la mort vous demeurez vainqueur.
Et sur le marbre nu dont vous êtes l'otage
Désemparé, si loin du branlant Ermitage,
Je n'aurai de répit pour faire rejaillir
L'âme de cette fleur que nul n'a pu cueillir...
Alice Hugo
30 - Sardan
Concours 2021
→ Lire aussi son témoignage
Souvent pour s'amuser, le prof ouvre la cage
Il fait des jeux de mots, des Icare de langage.
Restant loin du soleil pour ne point s'y brûler,
Il plane avec sa plume au-delà du lycée.
Il part à la fauvette, vole aux Folies Bergères,
Pour voir de grandes oiselles, des plumes dans le derrière,
Entonne "Ouistiti sexe" et pose pour la photo,
Sourit de tout son bec quand sort le p'tit oiseau.
Il guette les mésanges qui portent des queues de pie
Pour dire : "On se les caille dans ce foutu pays",
Il plaint les pauvres piafs qui se font pigeonner.
Il entre sansonnet et sort quelques sonnets.
Déjà le geai ricane et le pinson sans rire
Reprend à la volée, manifeste son ire :
"Arrête ton jars, Ben Hur, va te faire cuire un oeuf,
Force doit rester à l'oie ; on va chercher les keufs".
Chez les gallinacés, le vieux coq est blessé.
Les belles du poulailler étaient toutes à ses pieds
Toujours entre deux poules, le v'là entres deux cannes
Tous les toucans le tannent, tous les toucans cancanent.
Si le paon fait la roue, déploie ses grandes ailes,
C'est qu'il aime boire un coup, préparer des cocktails.
S'il fait le coup de la paonne, c'est qu'il est trop bourré,
Elle l'appelle Léon, il se fait rabrouer.
Le funambule des mots, tout comme l'albatros,
Risque de déraper, de tomber sur un os,
Son esprit vole bas, avec ses calembours,
Cette fiente de l'esprit qui vole plus qu'il ne court.
"Je pense donc je suis : cogito ergo sum"
Dressé sur ses ergots, sous sa crète, ça fait boum.
Exilé sur ses cannes, au milieu des huées,
Ses ailes de gênant l'empêchent de marcher.
Aux sables en repos que la marée délaisse
Vient mourir sur la grève une pièce de bois,
Venue peut-être là de la nef d'un grand roi,
Comme d'un frêle esquif accablé de vieillesse.
- Que tu sois d'un vaisseau de tant et tant de pièces
Ou du pauvre canot d'un vieux pêcheur d'anchois,
Que la poudre ou l'écueil aient eu raison de toi,
Qui saura les émois de ta prime jeunesse ?
Déjà le flot grondeur, sous les vents revenus,
Ramenait la marée aux grands espaces nus,
Lorsqu'une faible voix déclarait en substance :
- Sachez que je ne fus coque d'aucun vaisseau,
Mais qu'à ces reliquats jadis pendaient des os
Dit le morceau de bois, - ainsi, je fus potence.
Voir les huit branches de nos corps
Tisser l'écheveau de la mangrove
Sentir tes lèvres pieuses égrener
Mon chapelet de grains de beauté
Déloger toutes les bulles prises
Entre nos surfaces adhésives
Nos deux haleines en vents contraires
Gonflant nos coeurs en montgolfières.
Capturer nos transes corporelles
Dans une capsule temporelle
Limer les engrenages du temps
Pour en avoir toujours autant
Saborder la barque du nocher
Avec l'écume de nos baisers
Semer des ruches dans le ciel
Pour y cueillir nos lunes de miel
Etre habillée seulement de toi
Ne plus jamais craindre le froid
Coller mon oreiller au tien
Faire se frôler nos méridiens
Me réfugier dans le bunker
Fait de tes os et de ta chair
Ma joue contre ta clavicule
Bercée par nos conciliabules
Palper sous ton habit de peau
Ta jugulaire en soubresauts
Imaginer de folles descentes
Sur ta silhouette et ses pentes
Humer tes arômes qui s'échappent
De tes pores, ardentes soupapes
Etre vivante dans ton aura
Faire jaillir l'or entre nos bras
Mon pur-sang aux rênes d'ivoire
Vit sur les terres d'harmonies
Dans des étendues infinies
Qui ont le don de m'émouvoir
Je réveille en l'éperonnant
Ce compagnon aux flancs d'ébène
Et il s'élance alors sans peine
Au coeur des sons environnants
Il y a des sentiers de tierces
Puis de grands accords escarpés
Ici une gamme à grimper
Et là un rythme qui me berce
Je franchis des bois et des champs
Où fleurissent noires et croches
Tout cela me semble si proche
Dès que je prends la clé des chants
Ces pays merveilleux me plaisent
Qu'ils soient obscurs ou pleins d'éclat
Et j'y découvre ça et là
Des nids de bémols ou de dièses
Dans les vibrations de ces lieux
Mon coursier poursuit sa balade
Et soudain fait une ruade
Sur un point d'orgue rocailleux
A l'écart de ce vaste empire
Inépuisable et palpitant
Je fais halte quelques instants
A la fontaine d'un soupir
Puis une fois désaltéré
Je rêve à nouveau d'aventures
Alors ma fidèle monture
M'emporte vers d'autres contrées
Vous en rappelez-vous la saison dernière,
Nous nous sommes quittés, au bord du Galeizon *
Et chacun d'entre nous regagnant sa chaumière,
Pensait à l'an d'après, ai-je tort ou raison ?
Stoïque poursuivant son oeuvre pastorale
L'agnelage bientôt occupe le berger,
L'automne puis l'hiver s'enchaînent en spirale,
Avant qu'il ne soit l'heure à nouveau de faucher.
Les jours deviennent longs, et les nuits sont fugaces,
Etirant son sommeil d'une mission sans fin,
Il voit se faufiler ces minutes vivaces
Qui martèlent l'instant de repartir enfin.
Les premiers pas, toujours, ont une âme festive :
Un air de liberté s'empare du troupeau,
Il sait le temps venu de retrouver l'estive
Et des frissons, soudain, hérissent notre peau.
Le soleil s'enhardit notable d'arrogance,
Au cortège sonore étiré comme un fil
Il faudra bien longtemps pour que dans le silence,
Ne monte plus le chant de sueur sous un cil.
Au bout d'un long chemin à travers la montagne,
Les brebis se rejoignent par réflexe ancestral, **
Le soleil s'est enfui, l'ombre est notre compagne,
Alors l'humain devient magique et magistral !
L'émotion, alors, n'est en rien surprenante,
La surprise est plutôt d'en avoir la faveur.
* ruisseau cévénol
** rencontre de deux troupeaux
Furibonde la mer, fut sa seule maîtresse.
Il en tira des bords, jamais dans la détresse !
Il a pris femme au port, et pourtant déchanta.
C'est au large, en plein vent, qu'enfin il chanta.
Le dos, les reins brisés, par roulis et tangage
Visage buriné, corps qui n'avait plus d'âge,
Puis sans trêve hissant la voile et le chalut,
Aux cordages brûlants, confiant son salut.
Son regard délavé par les intempéries,
Le sel, la mer, l'avaient, comme dans les prairies,
Teinté d'or et de vert, secret comme les cieux.
Il se savait maître à bord, mais après les dieux.
Cependant droits et fiers ses yeux sur la gabarre,
Au moindre changement, attentif à la barre,
Le ramenait au port. S'en remettant au ciel,
Pour sa femme, braver sa rancune et son fiel,
Désertant le foyer, fréquentant les terrasses...
Mais le très Haut des cieux, ne lui fit pas de grâces,
Sur les flots le garda, dans son temps de pêcheur,
Roulant sur le pavé, ce fichu bambocheur.
Ce terrien banal a terminé sans gloire,
Par coutume buvant, bringueur, faisant la foire,
En goguette un beau soir, pauvre pêcheur brisé,
Loin des flots en fureur, s'est volatilisé.
Sur le quai finissant, dans sa cuite dernière,
Il cessa de chanter, pas d'ultime prière,
Naviguant de travers, sur le dock éméché,
Tirant un bord de trop, il fut escabèché !
L'abbé spirituel a dit pendant sa messe :
Pêcheur en mer parfait, terrien sans prouesse,
A trop bu dans le port, sans voir venir le grain,
Le verre aux copains, pour sa veuve le chagrin.
Je rêve chaque jour de défiler pour Elle,
Voir sur des drapeaux blancs des odes, des rondeaux,
Des ballades, des lais ou quelques ritournelles,
Forgés par des poètes vigiles tout là-haut.
Je ne sais si je veille ou si je rêve encore
L'étoile Poésie parfois versicolore.
Quels seraient leurs combats s'ils vivaient aujourd'hui ?
Leurs vers darderaient-ils des flèches acérées
Sur les fléaux du temps qui agitent nos nuits
Ou bourgeonneraient-ils tels des roses des prés ?
Je ne sais si je veille ou si je rêve encore
Bel astre Poésie jamais ne s'évapore.
Les poètes d'hier n'avaient pas leur pareil
Pour secouer le joug des hommes de pouvoir.
D'autres encore avant eux magnifiaient l'éveil
De la mère nature jusqu'à nous émouvoir.
Je ne sais si je veille ou si je rêve encore
La flamme Poésie est comme l'héliodore.
Poètes de ce monde donnez-vous donc la main.
Enluminez nos vies, dissipez les ténèbres,
Eclairez nos chemins et faites que demain
Les rimes d'un poète deviennent un jour célèbres.
Je ne sais si je veille ou si je rêve encore
Le phare Poésie luit comme un sémaphore.
Je rêve chaque jour de défiler pour Elle
Même si j'irai seul à ce dernier combat.
Je clame haut et fort la poésie constelle
D'éclatantes étoiles qui tombent ici-bas.
Je ne sais si je veille ou si je rêve encore
Lumière Poésie renaît à chaque aurore.
Quand la nature aura triomphé de la race
humaine, il sera trop tard pour la contempler
pourtant le paysage aura le charme abstrait
des ruines de Pripiat quand le temps les efface.
Je voudrais comme un rat laisser traîner mon oeil
sur les automobiles et leur rouille carcasse
envahie par des lianes dont l'immense audace
se propage partout comme du chèvrefeuille
Les Airbus enlisés dans une mousse verte
seront cloués au sol sur une piste ouverte
et les buildings auront le visage archaïque
Des racines féroces perceront le bitume
pour offrir aux humains un hommage posthume
Je voudrais voir grandir ce jardin anarchique.
J'ai bu ô délice à votre liqueur liberté
Alcool enivrant en vapeurs d'espoir
Frissons labourés dans le corps
Escapade de bulles éclatées
Arômes au coulis nectar
De mots enchanteurs
Pur clairet vertige
Voyage de l'âme
Pleurs rires
Griserie
Flacon
Folie
Ici
T
o
M
B
E
N
T
Des petites larmes gorgées de soleil
Où mon coeur gai est ivre de vos vers.
L'homme est-il ce fétu sans cesse ballotté
Par les flux et reflux de ce monde en mouvance
Désinvolte à l'extrême envers tout révolté
Dont le but quotidien n'est que sa survivance
Car il sait que l'avenir par trop escamoté
Pour avoir quelque espoir d'intime connivence ?
Et pourtant il lui faut aller par ce chemin
Qu'il se trace lui-même afin qu'il le conduise
Vers ce qu'il voudrait être un superbe demain
Pour lequel chaque jour un peu plus il s'épuise
Attendant vainement la secourable main.
Mais chacun n'est-il pas l'unique voyageur
Et ce charroi parti pour l'odyssée intime
Vers cet autre là-bas qu'on dit moins tapageur
Etant terre promise et enfin légitime ?
Personne n'est venu parler de cet ailleurs
Et nul n'a rencontré ni bourreau ni victime.
Existe-t-il vraiment ce temps des jours meilleurs ?
Si par hasard il est, il nous faut le connaître
Sinon quelle raison aurait chacun de naître ?
L'Homme ne serait-il alors qu'un orpailleur ?
Je ne suis qu'un marcheur au soleil infernal ;
Un spectre calciné, imbibé de nitrine,
Dont le crâne enivré rêve sur la ruine
Qu'à l'ombre d'une flamme éclose un végétal.
A l'horizon béant palpite un bleu fanal.
Son souffle rayonnant transperce ma poitrine
Et ravive mon âme ; en mille flots germine
La révolte d'un lys, l'ire d'un idéal !
Ebloui ! J'ai couru pour étreindre les sèves
Et, sur les braises, seul, j'ai cueilli le baiser
D'une fleur qui se meurt en mirage embrasé...
Mais qu'importe le feu qui dévore mes rêves ?
Sa flamme n'est que pâle aux lueurs de l'ardeur.
Au soleil infernal, je suis toujours marcheur.
Notre-Dame est en fleur,
Sous les pleurs d'une flamme :
Au fléau qu'un freux clame,
Tout fléchit de douleur.
Proie d'un vil Oiseleur
Au faucon vif, esclame,
Notre-Dame est en fleur,
Sous les pleurs d'une flamme.
Flamel, fol Bateleur,
Pernelle, verte Dame,
La couvrent d'or et d'âme :
Un Phénix prend couleur,
Notre-Dame est en fleur.
Un parfum épicé la trahit tout d'abord,
Elle, qui s'enfouit, mouvante, à peine dévoilée.
On respire l'immortelle, les brumes de l'aurore
Et les pins maritimes, ses vigilants piliers.
Voici qu'un grand lézard s'éclipse du sentier
Que les hommes ont tracé pour respecter la dune.
Une marche difficile aux dires de nos mollets,
Mais la quête est trop belle pour geindre à l'infortune.
On se doit d'affronter les forces du maître-vent,
Affirmant sa puissance sur son oeuvre édifiée ;
Par l'humeur de son souffle et de son cri mordant,
Il nous saisit alors qu'on gagne le sommet.
On découvre très vite, au coeur de cette scène,
Que se livre en ces lieux une invisible étreinte.
La belle, agenouillée, se hisse dans la plaine,
Résiste, bâillonnée, refusant la contrainte.
Dans ses accroche-dunes, elle fait sa couverture
Qui freine les assauts et retiendra les sables ;
Les oyats si discrets, broderie de nature,
S'assemblent pour faire face au géant redoutable.
Au pied des liserons ou des seigles de mer,
S'amoncellent
les grains, serrés dans les racines.
S'y joignent les roseaux ou autre linéaire
Tout gorgés de rosée que la mer achemine.
Cette joute amoureuse, depuis des millénaires,
A conçu un décor, troublant, ensorceleur,
Ce lien d'intimité ne se pourra défaire,
Savourons leurs ébats, restons simples voyeurs.
Lorsque Caïn, confus de s'être fait fliquer
Par l'Oeil de l'Eternel fut avec diligence
Ligoté fermement sur un roide piquet,
Il machina le bougre une juste vengeance.
De la poche d'Abel, il avait soutiré
Trois fraises tagada... voyez un peu le crime !
Ce pensum à mon sens fut très exagéré,
Au pilori tout neuf fallait-il qu'on l'arrime ?
Des iniques parents peu miséricordieux,
Son écolo de frère avait la préférence,
Ils ne blamèrent donc ce châtiment odieux
Dont l'ado ressentit une amère souffrance.
Plus tard ce misérable un poil ragaillardi,
Ayant rongé son frein, devint fort irritable.
Ces temps étaient nouveaux et le projet ourdi
Assez expéditif lui parût équitable.
Outillé promptement de matos à dessein
De laver son honneur, son cadet il trucide.
Devenant par le fait le premier assassin,
L'Histoire le taxa d'infâme fratricide.
Méritant qu'on le boucle en un sombre tombeau,
Pour un geste un peu vif traduisant l'impatience,
Jéhovah lui sucra les bonbons Haribo
Afin qu'il ouït, puni la voix de la conscience.
J'ai découvert le fantôme de mon enfance
Errant, bouleversé, au milieu de ma nuit ;
Il espérait revoir ses moments d'insouciance,
Ses trésors d'autrefois, égarés aujourd'hui.
Il a posé ma main sur sa figure blême
Où gisaient, pour toujours, des lambeaux de soupirs.
J'ai vite deviné un douloureux problème
Dans sa vie chavirée par trop de souvenirs.
Dans ses poches, béant aux flancs de tirelire,
Pleurnichait un sanglot oublié et meurtri ;
Un écho inconnu souriait sans rien dire
En poussant près de lui un vrai charivari,
Vêtu d'ombre câline, aux airs de friandise,
Tremblait un fol espoir, blotti dans un frisson
Près d'un vent indiscret, arrivé par surprise,
Jetant aux alentours un clin d'oeil polisson,
Deux rires maladroits, réveillés par mégarde,
Baillaient l'un près de l'autre et agitaient la main
Pour saluer de loin une joie très bavarde
Qui, parfois se taisait, pour chercher son chemin.
J'ai serré tendrement la fripe endolorie,
Contre mon sein ému, j'ai bercé son corps froid ;
Le regard émouvant de sa face sans vie
Soulignait, pour nous deux, son profond désarroi.
Quand je ne serai plus, mon fantôme d'enfance
Disparaîtra aussi, couché sous quelque fleur,
S'échapperont alors ses trésors d'insouciance
Qui s'étaient endormis dans un coin de mon coeur.
Depuis un certan temps, il y avait des fuites :
Des idées s'échappaient, s'écartaient du chemin.
De l'art traditionnel, y cherchant une suite
Pour de nombreux projets par de nouvelles mains.
Des jets d'inspiration sortaient de toutes parts,
Comme un muet d'un seul coup qui deviendrait bavard,
Et les couleurs criaient. L'art moderne était né.
Pour élever l'enfant, l'on se mit à l'ouvrage,
Construisit des tuyaux pour le canaliser,
Le guider dans son temps, l'amener d'âge en âge
L'empêcher de couler. On fit pour naviguer
Une arche de Noé fidèle à son image,
Du jamais vu flottant au coeur de la cité,
Provoquant les passants pour qu'ils tournent la page.
Avec l'accent gascon, je conte la Gironde
Faisant danser ma prose au clavier du terroir
Sur les raisins dorés d'où le nectar abonde
Offert par la nature au mystique pouvoir.
Quel sublime tableau, ces guipures de vigne
Imageant l'horizon inégalé ailleurs !
C'est bien dans ce décor que chaque rang s'aligne
Où s'active en septembre un essaim de cueilleurs.
La ville de Bordeaux flirte avec la Garonne
Et "le port de la lune" animé par les quais
Qui dirigent les pas vers la rue piétonne
Comme un point de repère aimé des Bordelais.
Croquer le miroir d'eau, la place de la Bourse,
Le pont Chaban-Delmas puis la cité du vin,
La liste est exhaustive et sans faire la course
L'on peut baguenauder mimant le pèlerin.
Visiter les châteaux qui survivent encore
Méritant un détour dans ce département
Ils gardent le passé refusant de le clore
Pour enrichir l'acquis très agréablement.
L'océan limitrophe au chuchotis de l'onde
Charme les vacanciers le long du littoral
La dune du Pilat sur notre mappemonde
Motive le grimpeur pour tester son mental !
L'échiquier aquitain refleurit sur ma page
Valorisant ainsi les lieux de toutes parts,
Ma muse romantique insuffle le message :
Rendez-vous en Gironde indemne de remparts !
De chaque aube sans toi naît une mort nouvelle.
Sur l'estran, le flot mire aux nacres d'un buccin
Ton sillage ridant le miroir du bassin
Où je crus t'amarrer, fugueuse caravelle.
En ces heures au vent que jeunesse échevelle,
Je me voulais Mozart quand, sur l'ove d'un sein,
Mes arpèges furtifs te faisaient clavecin,
Tant j'aimais ce soupir où l'âme se révèle.
Le souvenir n'est plus, de ces tendres accords
Qu'à deux mains je plaquais, mezza-voce, au corps
Mille fois reconnu de l'esclave mutine.
Sous mes doigts se morfond l'ivoire du clavier
Dans le soir orphelin de notre cavatine,
Mais je n'attendrai plus tes pas sur le gravier.
Enseignant à la retraite, Guy Vieilfault est un candidat hors-pair ! Il a remporté plusieurs fois le 1er Prix au concours Poetika. Il a par ailleurs été lauréat de nombreux concours et publié plusieurs recueils et nouvelles.
Du même auteur :
Cavatine
Favelas
Vieux compagnons
Kilimandjaro
Flibuste
Dix-sept ans
Qu'en pensez-vous Messieurs, qu'en dites-vous Mesdames ?
Il me plaît à rêver : j'ai la forme d'un coeur...
Et bien que mon écrin ait des piquants infâmes,
n'allez y voir un signe évident de rancoeur.
Mais aujourd'hui pourtant, souffle en moi la révolte,
car on me dénature en occultant mon nom.
D'une flagrante erreur cruelle et désinvolte,
on m'affuble à tout va du titre de marron.
Je m'oppose à l'idée et dénonce l'usage,
fut-il dans les esprits au départ innocent.
Est-ce valoriser offrir à mon visage
une autre identité qui méconnaît mon sang ?
Partant de ce constat, je sors de ma réserve
pour traquer l'injustice atteignant un sommet,
aberrante à mes yeux et mes dépens j'observe,
au profit d'un poison impropre à consommer !
Je ne suis pas naïve et comprends la tactique.
Mon patronyme est long au sens commercial,
et pas assez glamour peut-être trop rustique
inapte à promouvoir un aspect glacial.
Après avoir paré des siècles de famine,
Quelle reconnaissance ! Et pour quel objectif ?
Ai-je donc mérité que l'on me discrimine
et l'on mute mon genre à dessein lucratif ?
Sur tous plans, la science accrédite ma cause.
Aucun doute ne peut obscurcir mon discours.
Mon prestige est atteint, la mode me décause.
J'en appelle au bon sens déposant ce recours.
Allez réveillez-vous ! marchands de confiture,
qui de mon A.O.C. faites votre bonheur.
Rectifiez le tir, arrêtez l'imposture !
Que la châtaigne enfin, retrouve son honneur !
La tomate des champs, la tomate des villes
Ne se fréquentent pas, cependant il se fit
Qu'un hasard, malgré elles, un jour les réunit,
La rencontre augura de mines fort civiles.
Car enfin, on pouvait les tenir pour cousines,
Si l'on ne proclamait que c'étaient les deux soeurs,
N'ayant de points communs que le nom, la couleur,
Chacune défendit ses nobles origines.
"Le galbe de mes formes est l'élégance même,
Le lisse de ma peau est pur satin rubis,
Ma robe est la plus belle à ce que chacun dit."
La tomate des villes est celle que l'on aime.
La tomate des champs, matrone rebondie,
Se défend âprement, il faut la mériter,
Car il ne suffit pas de voir, il faut goûter :
Une divine chair, pulpe au soleil pétrie.
Si la robe des champs crevasse la tomate,
Tavelle son aspect, le goût est l'essentiel,
Je ne donne pas cher d'un fruit poussé sans ciel,
Et qui n'a de vertu que la vue qui le flatte.
Ce n'était qu'une agate, une petite agate jaune et verte luisante comme l'oeil de mon chat. Elle avait roulé là tout au fond d'un recoin, d'un pli de ma mémoire.
Caché dans le grenier de mes jeunes années, je revoyais, vivants, les enfants démodés. Quelques bouts de ficelles, un canif épointé, quatre soldats de plomb et cette bille ronde, voici tous les trésors ressurgis du passé qu'une armoire fatiguée livrait à mes pensées. C'était une banlieue pâle où les vieilles en cabas accéléraient le pas pour le jour du marché. Quatre tristes platanes dans une cour de poussière cachée par un préau, des cow-boys, des indiens, des maîtresses d'écoles et quelques infirmières poursuivaient leur enfance en jouant à la guerre dans les cordes à sauter.
Maigre et trop emprunté sur le banc des damnés, je lorgnais sur les jeux des autres écoliers, espérant sans y croire qu'un sourire viendrait me souffler : "chat perché !".
Deux yeux bleus et fripons sous quelques mèches blondes avec autour du nez douze taches de son. Tu n'étais que m'Alice, bonne petite fée, tendre petite fleur ceinte d'un tablier. Contre un bout de mon coeur tu m'offris cette bille ornée d'une émeraude et d'un soleil rieur.
Ce n'était qu'une agate, une petite agate jaune et verte luisante comme l'oeil de mon chat. Elle avait roulé là tout au fond du tiroir, tout au fond d'un recoin, d'un pli de ma mémoire.
En ouvrant ton tiroir, blond soleil du passé, j'ai retrouvé ta bille mais j'ai perdu mon coeur. J'ai perdu mon enfance, au fond de ce grenier et douze taches de son atour d'un nez fripon.
A noter que c'est une première pour le concours de couronner un texte en prose. Relisez bien le texte, suivez le rythme et remarquez les phrases construites comme des alexandrins. Bravo !
Quand revinrent les froids et l'effroi de décembre,
Une ourse dut penser à préparer sa chambre ;
La grande ne s'était point offerte au péché,
Refusant ses faveurs à l'ours mâle léché
Qui lui causait d'amour de bien grosse manière
Pour lui faire passer l'hiver en sa tanière (1)
Bientôt l'entêtement de ce goujat fut tel,
Qu'elle prit son parti de partir à l'hôtel.
Or, en cette saison, en rançon de vacance,
On ne trouvait bon lit qu'avec bonne finance.
Ne voyant pas comment se sortir du pétrin,
L'ourse maudit le ciel, le coeur lourd de chagrin.
Roulant dans les sentiers des larmes abondantes
Elle parlait aux bois, leurs arbres et leurs plantes,
Lorsque soudain cédant à l'attendrissement
La forêt entrouvrit son faîte au firmament.
Alors, de tout recoin, des animaux, des bêtes,
Sortis d'on ne sait où, mais avec l'âme en fêtes,
S'en vinrent l'entourer d'un peu de leur chaleur
Pour se pâmer aussi du spectacle enchanteur.
De par la pureté de la voûte sans voile
La Nature envoyait l'ourse à la belle étoile,
Lui prodiguait un nid au toit constellé d'or,
Des amis, un entour au sylvestre décor.
"Qu'ailleurs, mon prétendant mette son rut
en berne !
S'avisa-t-elle, émue ; Oui ! C'est là que j'hiberne !
Cet hôtel sans étoile est doté d'un tel ciel
Que je vais me l'offrir comme lune de miel !"
(1) Sans doute voulait-il, quant à la gaudriole,
Que la Grande Ourse, un jour, passe à la casserole.
Originaire de Normandie, cet auteur a posé ses valises en Charente-Maritime et a publié plusieurs recueils. Son site comporte des extraits de ses recueils, des citations et des vidéos poétiques.
Autres textes :
Ecume
Je suis partagé
Qu'ai-je à confier au vent ?
La grève
Voeux
Hermione
Son site :
http://fouquetpp.wixsite.com/poesies
Tapageur, noir et dense un vol de sansonnets
S'abattant, s'ébattant chaparde mes griottes,
Un tapis de noyaux jonche le gazon sec.
Adieu guignes au kirsch et clafoutis gourmands !
D'un prunier de Damas les branches alourdies
D'une heureuse provende ont cédé sous la charge.
Les fourmis queue leu leu s'ensuquent de sirop.
Du chaudron trop profond, la confiture est cuite !
De la treille roussâtre aux sarments chevelus,
Les guêpes bruyamment en un essaim vorace
Vendangent les grains d'or que septembre a mûris
L'alambic est muet, point de marc au tonneau !
Tel le ver à la pomme ou la loche aux laitues,
L'écureuil au noyer que pourchasse l'agasse,
J'irai piller le miel de la ruche enfumée...
Et mon grog au temps froid me chantera l'été !
Je porte ici mémoire d'un beau trois-mâts carré
En vous contant l'histoire d'un navire oublié.
Des rivages des Açores aux îles Société
Je fus le mousse du bord, oyez mon odyssée !
Il avait nom l'Essex, faisait près de cent pieds,
Une ossature de chêne, un pavois, des bordés
Et au fond de ses cales, de longs harpons d'acier.
Traquant le cachalot, c'était un baleinier.
En mille huit cent dix neuf, à la fin de l'été
Partîmes de Nantucket pour au moins deux années.
Année mille huit cent vingt, le dix-neuf de novembre
Au cœur de l'offshore-ground, croisâmes la destinée.
Un énorme cachalot par deux fois a frappé,
Curieux retour du sort, le chasseur est chassé.
Abordé par la proue et puis sur le bordé,
Sa coque disloquée, le navire a sombré.
Nous étions dix-neuf hommes, harponneurs et gabiers,
Et dans trois baleinières avons pu embarquer.
Sans eau ni nourriture, épuisés, ballottés
Durant plus de cent jours nous avons espéré.
Comme un petit navire vous l'a déjà conté
Il faut parfois pour vivre franchir quelques fossés.
Ce fut ici le cas, simplement pour durer.
Au jeu de courte paille, il nous fallut jouer.
Nickerson est mon nom, Thomas suis prénommé.
Un des rares survivants d'une triste équipée.
Bien des années plus tard j'ai souhaité la conter.
J'étais le mousse du bord, j'en fus l'épistolier.
Illustration : Thomas Nickerson
L'été dernier sur une plage,
J'ai ramassé deux coquillages,
Un bout de bois, je saucissonne,
J'ai fabriqué un téléphone.
Je l'ai porté à mon oreille,
Et j'ai parlé dans l'appareil,
On m'a répondu aussitôt,
Qui vient perturber le repos
Du capitaine Le Guémeneur,
Surnommé Yvon le sans-coeur ?
J'ai bredouillé quelques excuses,
Pardon Monsieur, suis très confuse.
Une femme joue donc l'intruse,
Diantre, la bougresse m'amuse,
Aujourd'hui, je serai courtois
Car vous ignorez mes exploits.
Sur mon trois-mâts, Fou de Bassan,
J'ai enduré les rugissants,
J'ai parcouru les océans,
Soumettant des voiliers géants,
A la pointe de ma rapière
Pour devenir un vrai corsaire.
Le plus hardi navigateur,
Tremblait au nom de Guémeneur,
Et préférait se dérouter,
Plutôt que devoir m'affronter.
Le vent se lève, moussaillon,
Voguons au sud, vers les galions,
Adieu Madame, l'or nous attend,
Morbleu, du nerf au cabestan !
Dans le sable mou j'ai creusé,
Ai déposé le combiné...
Murs roses, volets verts et rideau noir
Et, juste entr'aperçu le catalpa...
Où va l'amour que l'on ne donne pas ?
Ton souffle court au hasard, sans savoir
Et, juste entr'aperçu le catalpa...
Prends notre temps, nous n'en avons plus tant,
Et fais le vide autour de cet instant
Qui nous chavire et qui porte nos pas.
Où va l'amour que l'on ne donne pas ?
La pluie de nuit faucarde les mémoires
Et l'eau du cœur cherche son déversoir.
¿ Que habrá detrás de la cortina ?
Ton souffle court au hasard, sans savoir
Qui nous chavire et qui porte nos pas.
¿ Que habrá detrás de la cortina ?
Murs roses, volets verts et rideau noir...
La ville s'assoupit et les seins soulevés
Des collines sans nom allaitent le silence.
Quelque part, dans la nuit, comme une fulgurance
Un cri s'élève et meurt, appel inachevé,
Râle d'une agonie ou de pauvre jouissance.
Naufragés des taudis, à l'heure où le sang bat
Dans le déhanchement de noires bacchanales,
Des marins de sueur à l'arrogance mâle
Cueillent à pleine paume, au rythme des sambas,
Les croupes ondulant d'aphrodites vénales.
Dans ces jeux de l'amour où les bandit-manchots
Pour vingt dollars froissés dans la main qui transpire
Ouvrent la fille offerte, avide tirelire,
On ne sait qui se perd, Carlota ou Sancho,
Quand l'aube ensommeillée dans le brouillard s'étire.
Comment peut-on aimer, dis-moi, par quel credo
Insensé balisant ce chemin de détresse
Peut-on quérir en l'autre, inaudible déesse
D'une Olympe embrassé par le Corcovado,
Les éthers frelatés d'une infinie tristesse ?
Des favelas de suie on devine, incertains,
Des corps se mélangeant ainsi que des racines
Dans l'humus d'un délire où Dieu même hallucine.
Et quand s'évanouit la ronde des putains
La nuit exsangue geint, que l'aurore assassine.
Enseignant à la retraite, Guy Vieilfault est un candidat hors-pair ! Il a remporté plusieurs fois le 1er Prix. Il a par ailleurs été lauréat de nombreux concours et publié plusieurs recueils et nouvelles.
Du même auteur :
Cavatine
Vieux compagnons
Kilimandjaro
Flibuste
Dix-sept ans
Un cheval blanc galope bref rai de lumière
Sous le feu du couchant, le vent dans la crinière,
Affleure des marais en des gerbes d'argent,
Entraînant son troupeau, libre vers les étangs.
Se mirent dans ces eaux le rose des flamants,
Le cuivré de l'azur, les vifs reflets mouvants
De ces ardents coursiers, fiers dans le contre-jour,
Piaffant et s'abrouant, se cabrant tour à tour.
Soudain, ils se figent au fracas des taureaux,
Dans l'immense étendue, loin des verts boqueteaux,
Manade dansante sous les cris des gardians,
Fonçant vers un enclos dans un bruit éclatant.
Ils jaillissent de l'eau, s'éparpillent grisés,
Un feu d'artifice de gouttes irisées,
Dans le soir qui descend, ils s'évanouissent au loin.
Là-bas, à l'horizon, le soleil les rejoint.
Dans la nuit veloutée, les grenouilles chantonnent
Puis plongent au milieu des roseaux qui frissonnent
Sous un souffle marin et tandis qu'au lointain
Des rythmes sont créés en frappant dans les mains.
Le chant des gitans suit le tempo des guitares,
S'envole dans les nues, résonne puis s'égare.
Près d'eux un feu rougeoie, étincellent ses flammes,
S'y dessine la silhouette d'une femme
Dont la robe tournoie. Son corps tangue en cadence,
Sensuels ses doigts dansent pénétrés d'indécence.
Elle tape le sol de ses pieds nus et frêles
Tout en virevoltant sans retenue réelle ;
Enfin les voix meurent, les lumières s'effacent,
Les ferveurs se calment. Des bruits d'ailes, fugaces,
Camargue tu t'endors dans la nuit brune.
L'ombre d'un cheval blanc joue dans le clair de lune.
Concours 2016
En vers de mirliton, il me vient en la tête
(Un pauvre mirliton qui se croit un poète !)
Des mots dans tous les sens. Mais sont-ce bien des mots,
Ces lettres alignées ? Ou des phrases de maux ?
Je suis comme la vague avant de déferler :
Elle gonfle, elle monte et s'en vient éclater
Sur la roche agressive... ou s'en vient s'étaler
Sur la grève de sable en un voile diapré.
Le reflet de la vague est comme une écriture,
Tantôt nuage noir, tantôt ciel d'un bleu pur ;
Car il en est des eaux comme il en est des mots :
Certaines eaux sont claires, certains mots sont très beaux.
La vague en s'élevant déroule en longue fresque
Un rouleau galonné de folles arabesques.
La main, en écrivant, trace sur le feuillet
Des mots à pleine page, ou des mots en billets...
Sur le sable bruni la vague effacera
Les dessins éphémères que la main tracera.
Sur le papier jauni ma plume gravera
Des mots venus de moi que mon coeur dictera.
De la vague et du mot chacun a sa raison :
Si l'onde efface tout, le mot exhausse tout,
D'une rose en bouton venant en floraison,
A ce tout petit rien faisant d'un rien un tout.
Comme aux jours de marées, mon coeur veut déborder.
Les mots se précipitent, vont se bousculer...
La plage de papier se couvre d'une houle
De noms et d'adjectifs, verbes venus en foule,
Tous ces mots trop longtemps retenus prisonniers
S'échappent à présent, prennent leur liberté...
Bien au-dessus du lot, ils volent vers le ciel
Et me font un sourire en un battement d'aile.
Concours 2016
Après avoir suivi des études d’anglais à la Faculté de Lettres François Rabelais de Tours, Pierre-Etienne Girard a exercé différentes professions (dans l’import-export, la banque et l’immobilier). L’approche, le contact et l’échange avec l’Autre sont pour lui source d’enrichissement. Acteur amateur pendant plus de quinze ans, animateur de groupes de jeunes, il a conservé le sens de l’observation et du détail, en regardant toute chose avec ses yeux d’homme mais aussi avec les yeux de l’enfant qu’il a su rester. Ce n’est qu’à partir de 2011 qu’il commence à écrire, pour son plaisir. Il a publié plusieurs recueils et participé à différentes anthologies.
Du même auteur :
Le voyage
→ Sa page Facebook
Il a surgi soudain de la profonde nuit,
Traquant le phoque noir sur la gangue de glace ;
Sur la banquise morne, à pas lents se déplace,
Près de l'humble habitat du vieux chasseur inuit.
L'ours a jeûné des mois dans sa sombre tanière,
Hurlant tel un damné son insatiable faim,
La saison des banquets va reparaître enfin :
Il repart à l'assaut de la nature fière.
De son large museau, flairant le malheureux,
Sur l'animal qui tremble, exhale un souffle fauve ;
Le sol immaculé se teinte alors de mauve :
Dans le profonde silence un râle monte, affreux.
Grognant de volupté pour ce festin macabre,
Dans le corps tiède et gras de la bête aux flancs ronds,
Plante griffes d'acier comme des éperons,
Lui arrache le coeur avec se dents de sabre.
Au-dessus du cadavre, à présent resté seul,
L'immense ciel témoin de l'horrible supplice,
Détourne son regard, honteux d'être complice ;
Drapant les os blanchis, de neige pour linceul.
Concours 2016
Le disque incandescent se prépare pour la nuit...
La lune avec douceur, assiste à la magie
Chaque soir renouvelée de l'union vespérale
Du soleil qui s'endort dans les bras de la nuit
En noces triomphales !...
Le ciel s'est enflammé de lueurs écarlates,
Jaspé de-ci de-là de filaments blanchâtres
Entremêlés de serpentins dorés
Striant son bleu profond de sillons effilés
Du jaune et du violet se fondent dans le rose
Dont le ciel, tout à coup, dans sa métamorphose
Affichant sans complexes sa parure grandiose,
S'est triompalement vêtu jusqu'à l'apothéose...
Un voile encore bleuté s'étale tout autour,
Comme une large traîne qui brille à contre-jour,
A l'instant où la nuit prépare le berceau
Dans lequel va sombrer le plus beau des joyaux.
Au-dessus de la Seudre, dans la douceur du soir,
Le ciel un peu rosé, s'est soudain assombri...
L'eau du fleuve, irisée, semble garder l'espoir,
D'un firmament serein à la gloire de la nuit.
Le moulin à marées longtemps illuminé
Par l'astre du jour prodigue et désintéressé,
S'évanouit lentement dans l'ombre de la nuit,
Nous laissant deviner se silhouette massive brusquement endormie.
Demain, reparaîtra dès le petit matin,
Resplendissant, majestueux,
Etincelant à nouveau de ses feux,
Fidèle et radieux, beau, digne et prestigieux
Imposant, pareil à un pacha glorieux...
Le disque d'or, tel un bijou dans son écrin !...
Concours 2016
Deux autres éléphants mourront avant ce soir
La neige nuit et jour transperce nos cuirasses,
Mes doigts sont engourdis et mes jambes sont lasses,
Et je dois enflammer mes troupes d'un espoir
Que je crois quelquefois ne plus moi-même avoir ;
Je ne regrette plus Carthage et ses palaces,
Ni ne rêve aux honneurs, ni ne crains les disgrâces,
Mais suivrai par-delà les Alpes mon devoir.
Je ne suis plus de ces amants de la Victoire
Qui, sourds à la raison, n'écoutent que leur gloire :
Ces héros ont la terre entière pour tombeau ;
Quant à moi, je veux bien, sous quelque informe butte,
Reposer dans l'oubli, sans stèle et sans flambeau,
Si je puis t'entraîner, ô Rome ! dans ma chute.
Concours 2015
Le bac littéraire en poche, après trois ans de prépa lettres, Aurélien Clause intègre HEC Paris. Auteur et traducteur de poésie, il travaille dans l'édition (Synchronique Editions) et en freelance avec des entreprises de communication. Il est créateur et animateur de la chaine YouTube L’Arche, dédiée à la poésie.
Du même auteur :
Manhattan
→ Chaîne YouTube L'Arche
J'ai quitté Fort-Royal
Sans prévenir les miens qui n'auraient pas compris
Sans jeter un regard à la case endormie.
Sous le ciel étoilé, je marche d'un pas lourd.
Sitôt l'aube argentée, je déserte les pistes,
Me fraye, à la machette, un chemin dans les herbes.
Le soleil est de plomb, l'atmosphère étouffante,
Mes jambes en coton.
Il doit être midi.
Je rafraîchis ma nuque, au filet d'un ruisseau,
M'adosse au tronc charnu d'un courbaril en fleurs
Pour manger la cassave et l'épi de maïs.
Je pense à ma famille.
Je suis différent d'eux qui plient sous la férule.
Je peux tout endurer, que le maître me fouette,
Qu'il m'enchaîne au poteau, pas qu'il touche à ma mère !
Je sommeille, bercé par le chant des courlis
Lorsque l'aboi d'un chien me réveille en sursaut.
S'ils retrouvent ma trace, ils seront sans pitié.
Vite, il me faut partir !
Je cours, la peur aux trousses
Jusqu'à l'Anse Couleuvre et la fin du voyage.
Foulant le sable noir, je m'élance au profond
De la mer Caraïbe au miroir céladon.
Surplombant l'océan, la montagne Pelée
M'invite en sa forêt luxuriante et sauvage.
Là, savent se terrer mes frères de malheur,
Les esclaves marrons.
J'ai quinze ans, je suis libre et j'entre en résistance !
J'ai retrouvé le manteau bleu de mon enfance,
Ratatiné, transi, sur un clou de l'oubli ;
Il espérait encore un geste, une présence,
Je l'avais suspendu après avoir grandi.
Dans sa poche entr'ouverte aux flancs de tirelire,
Sommeillait un sanglot niché sous une peur,
Un espoir ébahi a sauté sans rien dire,
En traînant avec lui, un lambeau de bonheur.
J'ai agrippé alors un pan de sa doublure,
Il a gémi tout bas et grimacé très fort
Et puis, s'est déchiré depuis son encolure
Jusqu'à l'ourlet béant, pâle comme un remords.
En appuyant mon front sur son épaule lasse
Où frisottaient encore un ou deux cheveux bruns,
Ma joue a regagné exactement sa place
Dans les plis de la manche où rôdaient mes parfums.
Des rires maladroits, éveillés par mégarde,
Tremblaient l'un contre l'autre, inquiets du lendemain
Ils écoutaient de loin une joie trop bavarde
Qui, parfois, se taisait et cherchait son chemin.
J'ai caressé longtemps la fripe endolorie,
Contre mon cœur ému, j'appuyais son corps froid ;
Sur son dos fatigué et sa face sans vie
Je suivais doucement la trace de mon doigt.
Quand je ne serai plus, ce souvenir d'enfance
Aura quitté sans bruit le vieux monde pervers
Et laissé s'épuiser mes moments d'espérance
Que j'avais oubliés dans mon vieil univers.
« Vieux puits, raconte-moi un peu de ta mémoire,
Tes moments bleus, tes moments noirs,
Un peu de ton intimité,
En hiver, en été, la journée et le soir :
Vieux puits, raconte-moi un peu de ton passé...
Tu les as bien connus ces braves gens vaillants
Aux mains calleuses, aux doigts saignants,
Venus tirer de tes entrailles
Ton eau que tu offrais au prix d'efforts poignants :
Vieux puits, raconte-moi cette noble piétaille...
Tu as vécu le drame de cet adolescent
Victime d'un accès puissant
D'Eros à l'arc au trait cruel,
Que tu as vu mourir dans ton fond croupissant :
Vieux puits, raconte-moi ce chagrin éternel...
Et tu fus le témoin des amours interdites,
Des grands aveux, des joies maudites,
De deux amants enamourés
Venus sur toi la nuit profiter de ton gîte :
Vieux puits, raconte-moi ce secret satané...
La mousse a recouvert d'un sombre manteau vert
De trop d'étés, de trop d'hivers,
Tes vieilles pierres et ton vieux seau
Qui dort à tes côtés, et ce n'est pas d'hier :
Vieux puits, raconte-moi ta vie de jouvenceau...
Mes mains ont caressé ce témoin immobile,
Passé muet, force tranquille,
Trésor vivant, musée sacré,
Vous le faites souffrir, souvenirs indociles :
Vieux puits, ne me dis rien, j'aime m'imaginer... »
Concours 2015
Du même auteur :
Souvenir du Marais Poitevin
Quand vient le temps d'hiver sur la Côte d'Opale,
L'horizon se défend de tout éclat trop vif
Et les cieux embués déversent leur eau pâle
Sur des flots effrénés qui se voudraient lascifs.
Le fort, sur les rochers, projette son reflet
Et guette le flobart au retour des marées ;
Sur l'estran désolé qui compte ses galets,
Des frissons éraflent les flaques égarées.
Le tumulte bourru du vent échevelé
Cingle de sa fureur les dunes aux longs cils,
Leur fait courber l'échine en sa course affolée,
Et du septentrion libère le grésil.
A deux pas de la ville, à l'abri des regards,
Les villas potelées, repliées sous les pins,
Se rient des éléments, assoupies à l'écart,
Leurs pupilles éteintes sous leurs volets peints.
Il n'est pas un géant, fût-il nommé Hiver,
Qui pourrait infléchir le fier pays d'Opale
Façonné par la bise, ouvragé par la mer,
Riche d'une chaleur que nulle autre n'égale.
Bercés par l'adagio de leur destin,
Les vieux messieurs fixent la pelouse,
La canne coiffée du dôme des mains.
Qu'il est loin le temps des craies et des blouses...
Les vieux messieurs fixent la pelouse
Tandis que le vent doux brise leur coeur.
Qu'il est loin le temps des craies et des blouses...
L'un deux se lève avec gêne et pudeur.
Tandis que le vent doux brise leur coeur,
Les autres vérifient leur décrépitude.
L'un deux se lève avec gêne et pudeur,
L'âme éclaboussée de solitude.
Les autres vérifient leur décrépitude
D'un seul regard triste, déjà lunaire,
L'âme éclaboussée de solitude.
-Ô, noëls et veillées de naguère !-
D'un seul regard triste, déjà lunaire,
Ils songent aux larmes, aux joies fortes
-Ô, noëls et veillées de naguère !-
Ou enlacent leurs amantes mortes.
Ils songent aux larmes, aux joies fortes,
La canne coiffée du dôme des mains,
Ou enlacent leur amantes mortes,
Bercés par l'adagio de leur destin.
Concours 2014
Il ne refleurit plus mon jardin poétique
Et végète en jachère au solstice d'été,
Car l'inspiration de façon sabbatique
Se déleste parfois de créativité.
Je médite en silence, à quand joli poème ?
Il semble prisonnier de quelques barbelés.
Comment déverrouiller la clé de ce problème
Qui bloque mes esprits vraiment écervelés ?
Une terre infertile essaime mauvaise herbe,
Or le vieux sage a dit, chuchotant un conseil,
Se remettre à l'ouvrage et stimuler le verbe
En titillant la muse en son obscur sommeil.
C'est une certitude à l'assaut d'une panne,
Mais j'aperçois l'étoile en ce cosmos teinté.
Je balise une sente au coeur de ma savane
En ouvrant une porte avec dextérité.
Korrigane en bon maître insuffle sa magie
Pour modeler l'arpège, il suffit d'un essor.
Au plaisir moissonneur, renaît la poésie
Tissant l'alexandrin sans un état-major.
Oui j'adore les vers déferlant sur ma page...
A l'écume de l'encre, une danse de mots
Me procure l'ivresse et me prend en otage
Comme un amour unique au rouge des pavots.
Concours 2014
De la même auteure :
Le gemmeur ou le résinier
Les rendez-vous en Aquitaine
A l'écume de l'encre
On dit : "C'est en forgeant qu'on devient forgeron",
Que c'est au pied du mur qu'on trouve le maçon.
N'y aurait-il besoin qu'empoigner la truelle,
La tranche ou le marteau ? Vous me la baillez belle.
Ainsi, en écrivant, serait-on écrivain ?
Là, guère je n'y crois ; ce n'est pas pour demain
Que la simple occasion de faire la plume
Engendre un Montesquieu ; que le diable m'emplume !
Et le poète alors ? Suffirait-il ma foi,
Pour des oeuvres de gens procédant comme moi,
Qui rehausse mes mots de quelque pauvre rime,
De les nommer "sonnets" avec un "dix" en prime ?
Un poète est, je crois, quelqu'un d'une autre essence,
Un sujet imprégné par une eau de jouvence,
Qui entrevoit lui-même au-delà du concret,
Le lyrisme émergeant, l'esprit fin et discret.
Braves gens des jurys, montrez-vous indulgents !
Semi-poète ému, je dis ce que je sens
Comme cela me vient, de manière empirique
Moi qu'on n'a pas trempé dans la potion magique.
Concours 2014
L'aurore ouvrait les yeux, vous en souvenez-vous ?
Le ciel semblait sourire à l'eau d'une rivière
Dont le doux chuchotis apaisait les remous
Des pales du moulin, muet, comme en prière.
Et l'Adour sauvageon inondait la clairière
Où des jeux enfantins ont laissé leurs froufrous.
L'aube levait les yeux, vous en souvenez-vous ?
Sous les roseaux, la barque attendait, balancelle
Des inspirations de vos rêves d'antan.
Dans les flots de vos yeux, le feu d'une étincelle
Animait votre rire à l'écho de l'Autan.
Sur notre ombre en miroir dans l'onde de l'étang,
Le platane joufflu s'étirait en ombelle.
Le jour clignait des yeux, vous en souvenez-vous ?
Puis au bord de vos cils, au détour d'un regard,
J'ai lu tout le chagrin d'une enfance orpheline,
Une larme a coulé. Je vous sais tant d'égard ;
Votre main dans la mienne était douce et câline.
Comme un tendre péché, mon âme fut encline
Au désir d'un baiser. Mais il était bien tard.
La nuit fermait les yeux, vous en souviendrez-vous ?
Concours 2014
Eh ! T'as vu le travail, depuis que l'être humain
S'est dressé sur ses pieds pour conquérir la terre.
J'ai bâti des palais et tracé des chemins
J'ai modifié le monde et sculpté la matière.
Regarde mes cinq doigts et combien je suis belle
Que serais-tu sans moi, agile et essentielle ?
Tu as raison, je suis manchot
Sans toi qui cours sur ma guitare,
J'ai tiré un fameux gros lot
Si tu n'es fruit que du hasard.
Depuis la nuit des temps je nourris les humains,
Je cajole et je soigne ou fais naître la vie
J'ai même réparé et greffé d'autres mains
Je me tends vers ton frère et en fais ton ami.
Je deviens magicien et pour d'autres bienfaits
Les deux yeux de l'aveugle ou langue du muet.
Tu as raison, je suis manchot
Sans cette main qui tant m'apporte,
Prolongement de mon cerveau,
Guidée par le bras qui la porte.
Une main qui écrit, celle qui plante un clou,
Une main de bébé ou une main de vieux
La main du musicien, celle qui amadoue
Sont actions à venir ou souvenirs précieux.
Ne suis-je pas chez toi, l'élément admirable,
Le merveilleux outil, l'organe irremplaçable ?
Un peu de modestie, la main,
Indispensable serviteur,
Tu n'as pas fait toujours le bien
Et pratiqué bien des horreurs.
Concours 2014
Du même auteur :
Le cadran solaire
Dans le Causse endormi où la vie se fait rare
Mon pas distrait m'amène au hasard d'un sentier
Jusqu'à la combe nue où le vent seul, s'égare
Parmi la roche grise et le genévrier.
Un écho oublié m'interpelle et m'entraîne,
Passante solitaire, au regard attentif,
Vers un mur écroulé, une grille sans chaîne,
Entr'ouverte à l'instant, d'un battement plaintif.
Près d'un if frissonnant, blottie dans le silence,
Accrochée au présent de tout son désespoir,
Une ferme se meurt de trop de négligence
Entre une vigne inculte et un très vieux lavoir.
Au bord d'une margelle, embarrassée de mousses,
De joubarbe et d'iris, à ses flancs, accrochés,
Elle pleure tout bas et les fougères rousses
Apaisent doucement ses sanglots étouffés.
Son pigeonnier branlant, affaissé avant l'âge,
Sous l'autan et la pluie réunis en concert,
A perdu ses pigeons, affolés dans l'orage,
Quand la foudre a saisi le grenier grand ouvert.
La lèpre de l'absence a rongé pierre à pierre
Son escalier désert et ses murs fissurés,
Décrépis jusqu'au coeur de la façade austère
Où glissent, désormais, des lézards rassurés.
Il y a si longtemps que le maître repose...
Derrière les volets, s'est installé l'oubli...
Un rosier, sur le seuil, a laissé une rose
Que l'été finissant éparpille à l'envi.
Andrée MARQUIS-DUEZ (1925-)
62 - Angres
Concours 2013
De la même auteure :
Rêveries
Nostalgie
→ Lire aussi son témoignage
Je n'irai pas m'asseoir sur le banc des écoles,
Cheveux ras, enfermé, captif tel un oiseau
Réciter sagement "Le chêne et le roseau",
J'irai vivre à mon gré, loin de leurs fariboles.
Je préfère jouer, galoper dans le vent,
Ivre de liberté, chanter à perdre haleine,
Me réchauffer les mains sous ma veste de laine
Et m'écorcher la voix, face au soleil levant.
Les règles des gadjé me sont une prison,
Je les jette dans l'eau, par-dessus mon épaule,
Je me reposerai à l'ombre d'un grand saule,
Le trot de mon cheval rejoindra l'horizon.
Je laisserai se perdre, entre mes doigts, le temps,
Comme sable léger s'envolant de la dune,
M'endormirai dehors, sous l'oeil blanc de la lune
Et me réveillerai aux rayons du printemps.
Nul ne viendra passer une corde à ma vie,
N'entravera le pas, confiant, de mon coursier,
J'écrirai mon destin en suivant l'épervier,
Traçant dans le ciel pur le chemin de l'envie.
Et pourtant, je le sais, ils me rattraperont,
Je subirai leur loi malgré toute ma rage,
Mon violon se taira quand je serai en cage,
Mais je m'évaderai : jamais ils ne vaincront.
Note de l'auteur : un gadjo, des gadjé : des non-tziganes
Concours 2013
La barque pourfendait cette nappe immobile :
Pas le moindre murmure, pas un son, pas un bruit,
Pas la moindre caresse d'une brise fragile :
Le jour s'était drapé des mystères de la nuit...
L'avancée déflorait cette étrange beauté
En laissant de côté les rides douloureuses
D'une onde involontaire qui allait réveiller
Quelques tiges noyées, quelques branches pleureuses...
La nature sécrétait un silence troublant
Qui savait enseigner le for de la conscience...
Tout semblait endormi et tout semblait parlant :
Ce discours si muet respirait l'éloquence...
On avait l'impression, dans ce décor figé,
De venir violenter une carte postale
Et voler des instants de noble intimité
En déchirant l'hymen d'une tendre vestale...
Des passages secrets s'ouvraient timidement
Sous le gré insolent de la perche rigide :
Ils offraient leur candeur en cachant tristement
Le poids de leur blessure sous des élans frigides...
Quelque peu au-dessus, les arbres entremêlaient
Leurs branches résignées en voûte de verdure...
Quelquefois une feuille, épuisée, en tombait :
Elle avait un miroir pour douce sépulture...
Nature silencieuse, peux-tu continuer
A soumettre l'esprit, à transcender le Vrai,
A cacher des trésors, sous tes belles nuées
Et à montrer la Vie qui est dans le marais... ?
Concours 2013
Du même auteur :
Le vieux puits
Les copains d'abord...
G. Brassens
Tant mes amis s'en sont allés
Mort abhorrée, sous ta houssine
Pressant le pas, courbant l'échine,
Que je m'en ai coeur barbelé
Et, vieux Cassandre, vaticine.
Sacha, Louis, Luc Pierre et Flavien
En belle vie avaient créance
S'en remettant à dame Chance
Pour transmuer, comme il convient,
Maigre thune en munificence.
Qu'ont-ils à faire là-dessous,
Dans tes caveaux de solitude,
Eux, mes rieurs de choses rudes
Dont l'image qui se dissout
Par le marbre poli transsude ?
J'ai plus d'hier que lendemains
Dont souvent mon effroi s'avine
Et me morfonds quand je devine,
Prise à la gorge à pleines mains,
Ma jeunesse qu'on assassine.
Lors, je m'en vais, tout maugréant
Contre ce dieu, Moloch avide
Qui les mena, sous son égide,
Jusques aux portes du néant,
Me laissant seul sous un ciel vide.
Il n'avait à la main que trois roses fleuries
Trois roses rouges sang pour sa tombe fleurir
Reflétant la douleur de ses larmes rougies
Trois roses qu'un destin décida d'assombrir
La tombe était si noire alors que son sourire
Trois jours avant encore ensoleillait son coeur
La tombe était d'un noir impossible à décrire
Le destin n'est rien moins qu'un bien vil arnaqueur
Il s'assit doucement, s'allongea sur le marbre,
La joue contre la pierre il se mit à pleurer
Sous la lune montante au-delà d'un vieil arbre
Les roses sous le vent vinrent pour l'effleurer
Les larmes une à une ont mouillé les pétales
Redonnant presque vie aux couleurs de ses fleurs
Les larmes c'est connu sont si sentimentales
Qui ne supportent pas leur source dans les pleurs
Il resta allongé, ses yeux laissant le fleuve
De sa vie imprégner la terre du tombeau
Et peu lui importait que la stèle s'abreuve
Car pour Elle son coeur s'écoulait en lambeaux
Jamais il ne revint sangloter sa détresse
Pourtant la pierre noire en garde souvenir
Qui résonne depuis son parfum de tendresse
Comme si le passé ne pouvait agonir
Et depuis chaque nuit les roses refleurissent
Trois roses rouges sang que la tombe nourrit
Au souvenir brûlant des larmes qui jaillissent
Et depuis chaque nuit cette tombe sourit
Concours 2013
Mouette médusée par l'eau grasse qui luit,
Cognant au ventre lourd des péniches recluses,
J'ai longtemps tournoyé du côté des écluses
Le long des quais que ronge infiniment l'ennui.
Tandis que je frôlais gracile d'un coup d'aile
La lente digestion des gros chalands repus,
Leur torpeur ampoulée, ces déités mafflues
Ignoraient les échos de mon cri-sentinelle ;
Car ces monstres piégés aux mailles des canaux,
Rotant dans le courant le trop-plein des cambuses,
Courbent au ras de l'eau leur étrave camuse
Et ne lèvent jamais le nez vers les oiseaux.
Concours 2012
Les couleurs d'estuaire ou d'ailleurs, du marais,
D'ici, de nulle part, mêlent celles d'une île
Au fond d'un horizon fidèle à ses secrets
Quand l'instant s'abandonne, appareille, s'exile…
Où la terre s'agrège au ciel finit le temps
Comme plane l'ivresse éthérée, immortelle,
Et, chantent, si, la, sol, les silences latents
Qu'aucune servitude alentour ne martèle.
Or, l'endroit sert d'assise à l'escale des pas,
L'ermitage du fleuve, aux écarts d'une berge
Et d'un canal perdu, parti quérir, là-bas,
L'encourageante étoile où chaque heure converge.
Il n'est un jour d'étape empreint d'épuisements,
D'espérance du port, qui plus jamais n'avance,
Ou d'allants affranchis de leurs déguisements,
Dont l'immobilité prohibe la mouvance.
Alors que jusqu'au bout marcher mène à périr,
Toute saison résiste et disperse une trace
Unique par les cours qu'elle voudrait fleurir,
Car l'urgente écriture en ses lignes l'embrasse.
Ainsi flâne la plume à l'essor voyageur,
Rebelle au verbiage, indomptable, bohème,
Amoureuse du beau décidément majeur,
Pour irradier l'âme et gagner le Poème.
Concours 2012
Au loin, comme un ruban ondulant sous le vent,
La troupe de gitans chemine par les champs.
La roulotte cahote au pas tremblé des ânes ;
De la main, me salue une jeune Tsigane.
Tandis que la tribu tresse des brins d'osier,
Ou mendie par les rues, chargée de lourds paniers,
L'enfant parle de joies, de rêves, d'avenir
Je l'écoute, muet, subjugué par son rire.
Elle pose sur moi un regard intrigué,
Ses yeux s'illuminant d'ardents éclats bleutés,
Puis peu à peu se livre, m'accordant sa confiance,
A de touchants récits, d'ingénues confidences.
Sa vie est une errance qui traverse, sans but,
Des routes infinies, des villes inconnues ;
L'existence, un voyage au sein de la nature,
Entrecoupé de jeux et peuplé d'aventures.
Soudain, les bohémiens rejoignent le charroi,
Pendant que, pesamment, s'ébranle le convoi,
La fée me dit adieu. Je grave en ma mémoire
Son art exceptionnel de narrer les histoires.
Un sang moins vif, alors, circule dans mes veines.
Je me sens esseulé, égaré, l'âme en peine ;
J'ai envie de la suivre, d'être son saltimbanque,
Et déjà, je ressens une impression de manque.
La roulotte cahote au pas tremblé des ânes ;
De la main, me salue la petite Tsigane.
Au loin, comme un ruban ondulant sous le vent,
La troupe de gitans chemine par les champs.
Concours 2012
Voici déjà longtemps que mes vieilles amies,
Mes aînées, mes jolies, témoins de ma jeunesse,
Ont entamé le bal des âmes endormies,
Trop lasses de jouer les dames patronnesses.
Il restait bien encore au grand soir de ma vie,
Côtoyant mon présent, quelques contemporaines,
Ressassant, incrédules, cette route gravie
Du temps du joli temps des années souveraines.
Fatiguées maintenant, elles gardaient pourtant,
Dans leur agitation, inutile et candide,
La fragile illusion d'exister tout autant.
Un espoir entêté, sûr, leur servait de guide.
Les rangs se clairsemaient, mais fort heureusement,
De cette frêle armée restait mon capitaine,
Indomptable, entêtée, campée fidèlement,
Notre vieille amitié frôlait la septantaine…
Avec sa mort soudaine s'effondre un grand fracas,
De mon agencement le bel échafaudage.
Soldatesque inutile dont je faisais grand cas,
La troupe est en déroute et le temps me ravage !
Concours 2012
Que n'ai-je été preux chevalier
Pour me jeter à vos genoux
Au pont dormant, j'aurais coupé
Une mèche de vos cheveux fous
Et que n'ai-je su vous surprendre
En secret, entre les courtines
Pour vous couvrir de mes bras tendres
Et vous aimer avant matines
Je ne suis que ce troubadour
Sans sou, sans titre et sans courage
N'osant cueillir sous vos atours
Les trésors de votre corsage
Que n'ai-je su, dans une calèche
Vous mener jusqu'au sécadou
Et dans l'odeur des fruits qui sèchent
Ôter un à un vos dessous
Me voilà promis au gibet
Dans la noirceur des oubliettes
Pour avoir seulement osé
Vous offrir une pâquerette
Ballades, rondeaux et pastourelles
N'auront suffi à vous aimer
Je vous devine sur la tourelle
En larmes, sous vos voiles cachée
Et dans la grange au toit de lauzes
Où j'aurais pu vous épouser
Sur un lit de paille, une rose
Oh, damoiselle, vous trouverez
Concours 2012
J'étais à cinquante ans un soldat de fortune,
Quand mon poil grisonna, je me fis spadassin,
J'aurais voulu tromper l'albédo de la lune,
Qui fit de moi souvent un vulgaire assassin.
Ma bourse était fort plate et mon ardoise pleine,
Je louais ma rapière à des vrais faux amis,
Qui cachaient sous leurs fards des cœurs remplis de haine
Et voulaient trucider sans être compromis.
Je devais provoquer par un narquois sourire
Un quidam que, monsieur, je ne connaissais pas,
Le contraindre au duel et puis enfin l'occire,
Pour régler mon logeur et payer mon repas.
Combien ai-je navré de ces coqs de province ?
Qui portaient crête haute, aussi maigres que moi,
Et n'avaient que le tort d'avoir le port d'un prince,
De troubler une épouse et la mettre en émoi.
Je n'ai jamais frappé dans le dos ma victime,
C'est les yeux dans les yeux que nous nous affrontions
J'offrais au gentilhomme une leçon d'escrime,
Qui tombait sans savoir pourquoi nous nous battions.
… J'ai glissé ce matin entre deux tétins roses
Qui me veulent du bien, un billet en dépôt,
On pense quelque part que je sais trop de choses…
Si je dois expirer qu'on le porte au prévôt.
Concours 2011
Du même auteur :
Le hussard déserteur ou "le hussard sur le toi"
Jean souris à l'amour
Chue, très endommagée sur le vertugadin
Sur la boue, loin des pilastres de son portail
Entre désastre salé et l'épouvantail
Une boîte aux lettres, sculptée d'un Aladin
Attendait le facteur, attendait le facteur
Ensablée jusqu'à sa goulotte en résine
Idéale, qui l'eût cru, pour les bords de mer
Entre les mouettes et l'iode qu'il y a dans l'air
Une boîte aux lettres, sculptée par Pauline
Attendait le facteur, attendait le facteur
Après le déferlement et le brouhaha
Après les cris, les pleurs et la solitude
A la Faute-sur-Mer, non sans inquiétude
Une boîte aux lettres, sculptée par Xynthia
Attendait le facteur, attendait le facteur
Dimanche ou un autre jour, comment le savoir ?
De Nanami, on n'avait point de nouvelle
A qui la faute si, près de sa semelle
Une boîte aux lettres, sculptée dans un mouroir
Attendait le facteur, attendait le facteur ?
Concours 2011
Si tu montes, mon Âme, au Kilimandjaro,
Par des sentiers plantés de séneçons sauvages,
En négligeant l'azur d'oniriques rivages
Pour les brouillards d'effroi des mondes sidéraux,
Les mânes d'Hemingway astiqueront des neiges
Plus brillantes, vois-tu, qu'en tes rêves d'enfant,
Et les plaines herbues où règne l'éléphant
Te mèneront, tremblante, au pied du sortilège.
Dans les nuits de lichens pendus aux frondaisons
Tu croiras deviner des bêtes incertaines
Et la peau des tambours des steppes africaines
Rythmera la saga de lentes déraisons.
Il te faut gravir, sous des pluies délétères,
Des pentes habitées d'insectes pubescents
Pour, le cœur affolé d'espoirs adolescents,
Mériter au matin le baiser du cratère.
Alors tu sentiras la terre sous tes pas
Tressaillir et vibrer comme une femme ardente
Quand le soleil nouveau entonnera l'andante
De ce jour révélé que d'aucuns ne voient pas.
Douces tentations et goût de l'interdit
La promesse tenue d'une pure jouissance
Braver le défendu en toute circonstance
Ces démons si divins, aucun ne les maudit.
Venez me titiller Belzébuth et Mammon
Sérieux appétit, torride envie de sucre
Amour du blé, du fric et esprit de lucre
On devrait ériger pour vous un télamon.
Osez me tourmenter Lucifer et Satan
Tout ça rien que pour moi, tout à mon avantage
Mon titre est « Le Roi l'Ire », quoi dire davantage ?
Vous faites plus de bien qu'un foutu charlatan.
Allez me taquiner Léviathan, Belphégor
Pour le bonheur ailleurs j'ai le bonheur railleur
Par ailleurs pas d'effort, bailleur rien de meilleur
A vous je me soumets : taureau ou matador.
Tente de m'exciter Asmodée bienheureux
Des corps et du plaisir, une chair sensuelle
Une quête sans fin de l'orgie sexuelle
Car j'ai le diable au corps grâce à toi le scabreux.
Ma volonté ne tient qu'à un tout petit fil
J'ai malheureusement cédé à la débauche
J'ai abdiqué, tant pis ! Les sept je les embauche
Oui, j'ai perdu la face, d'eux tous j'ai le profil !
Concours 2011
Après un orage violent
Nos deux rampants gastéropodes,
Habités d'un calme indolent,
Boutant l'ennui aux antipodes,
Engagent alors le pari
D'en appeler à la vitesse
Imaginant un safari
Pour évaluer leur prestesse…
Et la Limace intimement
Se frottait le ventre de joie,
N'étant chargée assurément
D'aucune coquille de noix,
Comme le sont les Escargots
Trimbalant de lourdes coquilles,
Accablantes, tels des fagots,
Sur le dos d'un joueur de quilles.
Aussitôt dit, aussitôt fait…
Mais, fulgurant, un grand rapace
Amateur d'un glouton forfait
Fit une becquée de Limace !
Ainsi, dans la vie, un fardeau
Pour son porteur vaut un cadeau.
Concours 2011
→ Lire aussi son témoignage
Hommage à Emile Nelligan, poète fou du Québec (1879-1941)
Et à Charles Baudelaire pour Obsession (Les Fleurs du Mal)
Je veux oublier ceux que mon image impure
Effraye et fait trembler comme tremblent mes mains,
Par la peur de souffrir de nouveaux lendemains
Sans caresser l'amour qui n'est que froid parjure.
Je m'enferme et je bois cet étrange breuvage
Essoré de la treille et jailli de leurs cœurs
Qui n'ont jamais osé noyer leurs âmes sœurs,
Je souffre au soir mortel et la soif me ravage.
Si les mots s'échappaient de mes deuils emmurés
Et s'ils m'éclaboussaient de leur franche lumière
J'entrouvrirais le seuil et, de belle manière,
J'inviterais leurs cris à peine murmurés.
Mais les voix d'outremer que je voudrais maudire
Saccagent en rafale un silence de paix
Et courbent en hurlant le dos du portefaix
Qui, face à son tombeau, s'immole sans mot dire.
La musique jamais ne remplacera celles
Qui m'ont donné leurs mains sans épouser mon corps.
De funèbres tocsins retentiront encor ;
Leurs astres s'éteindront, ultimes étincelles.
Concours 2011
J'ai cargué mes amours à ton mât de misaine
Et jeté l'ancre un soir au bleu de tes hauts-fonds.
Ainsi l'as-tu voulu : je serai capitaine
Sur le lac azuré de ton regard profond.
Finis les faux émois des amantes qu'on pille.
Les récits enivrés d'un mauvais ratafia.
Le drapeau s'endeuillant du noir de ta pupille
Faseille au vent d'oubli que par jeu l'on défia.
Pirates affamés d'animales tendresses,
Nous courûmes en vains d'incertains océans
Mais la houle enchantant nos rêves de jeunesse
Ne berce plus, ce jour, les sirènes d'antan.
Si je m'éjouis encor d'exotiques flibustes,
De Bacchantes en joie impudemment gravies,
Les collines vantant la gloire de ton buste
Me sont Terre promise, et cela me ravit.
Il m'a fallu, vaincu par une mer tranquille,
Amener pavillon à la tête de mort
Viens, nous découvrirons, à deux peut-être, l'Ile
Où sommeille à jamais l'improbable trésor.
Nous savions bien mourir dans la cavalerie,
Cadenettes graissées, sabre au clair et chargeant,
Sur nos hongres fougueux à travers la prairie,
Pour un morceau de plomb, un hochet en argent.
Nous étions le tourment des maris de province,
Serrés dans nos dolmans aux dorés brandebourgs,
Leurs femmes rougissaient en espérant la pince
De la taille à la fesse aux marchés des faubourgs.
Ils médisaient de nous, nous appelaient bravaches,
Traineurs de sabre aussi, des refrains rebattus,
Qui nous laissaient de bois car nos grosses moustaches
Faisaient capituler d'héroïques vertus.
Ils étaient guillerets quand nous partions en guerre,
Et de leur huit-reflets après un bon repas
Nous saluaient bien bas et la lippe vulgaire
Marmonnaient : "Ô mon Dieu ! Qu'ils n'en reviennent pas."
Nous savions bien mourir dans la cavalerie...
Aujourd'hui j'ai pensé qu'on se battrait sans moi,
J'ai sur le coeur un pli plein de friponnerie,
La mairesse m'écrit : "Je veux mourir sous toi."
Des cagneux, des galeux, j'en ai souvent croisés
Mais jamais d'aussi laid que cet âne épuisé,
Trimbalant, résigné, le fifrelin d'Afrique,
Avec pour seul merci, chardons et coups de trique.
Sans se poser du jour, il ballotte sur son dos
La fatma, son barda, fagots et bidons d'eau ;
Piétinant dans la fange des venelles lépreuses,
Misérable larbin d'une aussi miséreuse.
Titubant de fatigue sur ses jarrets fourbus,
Il rêve d'un paradis où les pâtis herbus,
Sont doux aux vieux sabots et parfois ne serait-ce
Que d'une main offrant un semblant de caresse.
Compagnon d'infortune de mille autres bidets,
Il lui prend quelques fois l'envie de s'évader ;
Après tout qui l'empêche, un beau soir à la fraîche,
De s'étendre et mourir, mourir à Marrakech.
Concours 2010
De la même auteure :
Patrimoine oblige
La voix de la conscience
De Marrakech
L'avenir entonne
Un espoir sans délai où s'unissent les êtres
Un souhait amorcé où crépitent les songes
Je te baptiserai d'une rose
D'un pétale étourdi sciemment déposé
Je fleurirai ton nom tout au long de ma vie
A l'aurore entre-deux et tissant jusqu'au soir
Je te modèlerai une corolle hyaline
De bulles satinées comme une chape câline
Agrippant un demain effeuillant chaque jour
Je t'épaulerai de tout mon amour
J'inviterai tes rires éclipsant tes soupirs
J'arroserai un à un chaque bouton d'espoir
Tutélaire soutien s'éternisant soudain
Véritable avant-garde j'ouvrirai des chemins
Où s'amarreront les passerelles du souvenir
A tes côtés puis un jour au loin
Tu auras toujours à ta portée ma main
L'avenir fredonne
Un refrain immuable où s'abreuvent les êtres
S'agglutine demain l'auréole des songes
Concours 2010
Les volets dégondés pendaient sur la façade
Et mon toit me montrait le ciel froid de la nuit,
Sous le vent le cyprès planté sur l'esplanade,
Barbouillait mes vieux murs aux couleurs de l'ennui.
"La gent trotte menu" (*), pilla, croqua mes vivres,
Dans le cellier mon lard, mes pommes et mes noix,
Le suif de ma chandelle et le cuir de mes livres,
La disette annoncée, mit son exode aux voix.
Une seule resta, petite souris grise,
Robe de moinillon, moustaches d'ajudant,
Fut-ce de la pitié, de moi fut-elle éprise ?
Elle lèchait mes mains sans donner de la dent.
Nous prenions nos repas dans la même écuelle,
Du pain émietté dans du lait coupé d'eau,
Après notre repue la jolie demoiselle,
De ses petites mains se lissait le museau.
Un matin au réveil, j'eus un noeud à la gorge,
La voyant s'échiner sur les parquets souillés,
A gratter, suffoquer comme un soufflet de forge,
La honte me saisit, mes yeux se sont mouillés.
Quelques ablutions et j'enfilai des hardes,
J'ai coupé le cyprès, j'ai scié, j'ai poncé,
J'ai raboté, j'ai peint et après cent échardes,
Mes murs furent chaulés, mon toit rapiécé.
Ocre est cette terre qui a bu trop de sang,
Creusés sont les visages mordus par l'usure
Le champ attend la mort sous de lentes brûlures
Que trace le vautour dans un ciel de fer blanc.
Le soleil a fondu de la couleur du plomb
Les silhouettes ondulent, collées à la poussière
Taurobole de l'âme émaciement des chairs
Sombreros séraphiques, trouble de l'horizon.
Le tranchant de la roche, la piqûre des cimes
Le décor consumé, paysage d'épines,
De mouches engourdies, de chiens vivants muets.
Sous le hamac en peine, parade de scorpion
Vitesse minérale, silence craquelé,
Travailleurs de misère, existence sans nom.
Concours 2009
Le jeune homme était serbe
Elle était musulmane
Au soleil de la guerre
La fleur d'amour se fane
Ils rêvaient d'une vie
Au-delà de la peur
Ils rêvaient d'un bonheur
Au-delà des frontières
En courant sur le pont
Sous les tirs des snipers
Elle tomba la première
Les mains jointes sous l'herbe
Ils poursuivent leur rêve
Maïka leur avait dit :
"Surtout n'y allez pas !"
Mais quand on a vingt ans
Et l'amour dans le coeur
Mais quand on a vingt ans
Et qu'on croit tout possible
Comment imaginer
Qu'on peut être la cible
De stupides soldats
Comment imaginer
Qu'on vous tire dessus
Et c'est ainsi qu'on meurt
Un beau jour de printemps
Il croyait en Jésus
Elle croyait en Allah
Gens de Sarajevo
Pleurez sur vos enfants
L'eau de la Miliatska
Est rouge de leur sang
Concours 2009
Toi le fougueux Sisyphe étranger sur la terre
Qui roules ton rocher absurde et solitaire...
Toi qui vis dans un monde où tout semble vain
Un monde sans saveur comme un pain sans levain...
Toi qui cherches l'amour dans les yeux d'une femme
Qui veux donner un sens aux élans de ton âme...
Toi qui n'as pas choisi entre doute et désir
Qui voudrais tout lâcher qui voudrais tout saisir...
Toi qui dois malgré tout adopter l'attitude
De l'homme résigné devant ma servitude...
Je sais ton mal de vivre et ta soif de savoir
Et c'est pourquoi ce soir j'ai voulu te revoir...
Je ne te dirai pas le bonheur de ce monde
Mais je te parlerai du soleil et de l'onde
De l'odeur de la terre aux aurores de l'été
De ce rire d'enfant d'où jaillit la clarté...
Oui je te parlerai de tout ce qui parfume
Du givre sur la barnche et du canal qui fume
Je te raconterai la douceur d'un baiser
La couleur de l'azur sous le ciel embrasé...
Et puis ce concerto émouvant et superbe
Qui rend l'homme serein et met l'espoir en herbe
Et qui vient apaiser le coeur l'âme et le corps
Quand la nuit doucement estompe les décors
Concours 2009
Je voudrais à dessein tomber l'anonymasque
Vous dévoiler enfin mes intentions fantasques
Je voudrais devenir le plus grand plumoriste
Provoquer des fous rires aux gamins les plus tristes
J'écrirai des romans on ne peut plus marrants
Mes héros seront lents grotesques et touchants
On lira Dindon Juan ou bien d'Artagnangnan
Dans un style alléchant imagé et vivant
Je mènerai dès lors une vie de pacha
De riche mirliflor acclamé de hourras
Je me ferai conduire en toute suffisance
Je me ferai construire un joli bâtimmense
Dans ce noble palais, j'inviterai Demi
Lui dirai "tu me plais mammairveilleuse amie"
Nous vivrons en osmose elle sera mon amour
Que la vie sera rose avec ma Demi Moore
Dans un vaste salon tapissé de croco
Nous nous déplacerons en canapédalo
Puis pour nous prélasser en passion l'atrium
Nous irons nous baigner dans notre aquarihomme
Mais je rêve et m'égare en discours fanfarons
Je voudrais sans retard sans nulle prétention
Simplement devenir le plus grand plumoriste
Provoquer des fous rires aux gamins les plus tristes
Concours 2008
Résidant en Loire-Atlantique, David Foucher est préparateur en pharmacie. Il participe à de nombreux concours de poésie.
Du même auteur :
Confinement
Le plumoriste
Intolérance aviaire
Qui sait ce qu'elle vit l'épouse d'une plume
Très quotidiennement près de son tartarin
N'ayant comme projet que de battre l'enclume
Pour violenter le mot jusqu'en son coeur d'airain ?
Et c'est ainsi qu'il va d'un bout de l'an à l'autre
Machiavéliquement prisonnier de l'écrit
Se voulant d'un ailleurs le frénétique apôtre
Qui se sent heureux d'être un éternel proscrit.
Pourtant entre factum et pasquin et diatribe
Comme entre dithyrambe et autre encensement
Ce n'est qu'aridité sous les doigts de mon scribe
Absurdement captif en son recueillement !
Ayant tout entendu de chacun de ses proches
Sur les dits plumitifs et les poétereaux
Il écoute sonner bien à l'amble les cloches
Sans avoir à l'esprit la crainte des bourreaux !
Il est altièrement sourd à toute prière
S'évertuant à creuser en glèbe un sillon
Qui n'est d'autre à jamais qu'une profonde orinière
Telle une offrande au ciel de mon écrivaillon !
Quel temps me reste-t-il à tenter de survivre
Près de qui s'évertue à ne rien discerner
D'autre que ce chemin de plumasson trop ivre
Que tous les maux du jour tentent d'assassiner ?
Concours 2008
Orpailleur ?
Moi, épouse de plume !
Se peut-il ?
De quoi demain sera-t-il fait ?
Mais qu'avons-nous ?
"On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans..."
A. Rimbaud
Une ombre vespérale avivait mes vouloirs
De fantasmes brumeux comme un étant d'automne
Et ma couche de lin, sans que je m'en étonne,
Epousait les rondeurs d'avenants nonchaloirs.
Rêver, mon Dieu, rêver, de choses ineffables,
De vallons s'empreignant des parfums d'orient,
De dunes de velours qu'un esprit souriant
A ma paume offrirait pour des plaisirs coupables.
Même au coeur de l'hiver pourrissant d'un ciel bas
L'air embaumait parfois de tièdes indécences,
Des arbres inconnus mélangeaient leurs essences
Dans d'obscures forêts refuges de sabbats.
Qui louera ces jardins qu'à peine on imagine
Où s'ouvrent des lotus au pistil doux-amer,
Ces songes en hamac quand le chant de la mer
D'une sirène en fleur dit la grâce androgyne ?
La gorge s'altérait d'un permanent désir :
Devenir un instant, dans cette autre, soi-même,
Gésir en ce creuset et fondre comme on aime,
Aimer, aimer encore, et mourir de plaisir.
Qu'y a-t-il de plus beau que cette immensité,
Rejoignant l'horizon à perte de regard,
Ses camaïeus de bleus ont une intensité
A faire pâlir de honte les couleurs du hasard.
Dès qu'une brise féline vient onduler ses flancs,
Elle devient voluptueuse, caressante et lascive,
Mais le mistral surgit, sournois et persiflant
La métamorphosant en vagues agressives.
Mouettes et goélands s'égosillent de concert,
Survolant tendrement en un bruissement d'ailes,
Cette étendue cendrée qui est "mère nourricière"
Leur prodiguant survie par ses fonds naturels.
Les pêcheurs la vénèrent et la portent aux nues,
Car elle offre son coeur de poissons argentés
A leurs filets avides, l'obscurité venue,
Par un profond élan de générosité.
Son immortalité est à jamais figée
Par moultes poésies, huiles ou aquarelles,
Qui ont si bien rendu, sans jamais l'affliger,
Son côté merveilleux et sa face rebelle.
Mais la mer est perfide et morne sa complainte,
Sitôt le vent se lève, elle gronde et se mutine,
Attirant les marins dans ses griffes d'enceinte,
Les engouffrant en elle aux premières mâtines.
De l'homme elle est maîtresse et s'aliène sa vie,
Mais traîtresse elle devient, à sa première envie..
Concours 2008
Laissez-moi vous parler des seins de Marie-Laure
Deux bijoux de douceurs aux effluves exquises
Deux diamants de tendresse émanant de sa flore
Tels des reflets d'argents sur le bleu des banquises...
Marie-Laure a les seins d'une fraîcheur vive
Majestueux de grâce, abondants, licencieux,
Comment ne pas partir ainsi à la dérive
Sur ses deux monts bénis par le regard des cieux...
Marie-Laure a les seins que l'amant imagine
Dans ses songes secrets, dans ses folles chimères,
Vous savez, ce décor qui soudaint s'illumine
Rendant la nuit dorée... mais, hélàs, éphémère...
Marie-Laure a les seins que les sculpteurs espèrent
Modelant leur argile à en faire de l'or,
Mais l'imagination, même la plus prospère,
Ne peut se figurer les seins de Marie-Laure...
Ô ! Marie-Laure, assez, le diable est-il logé
Au fond du creux sensuel de tes charmes d'azur ?
Car mon esprit se noie... et je bois des gorgées
De désir et d'envie... Ô ! Tes seins de luxure...
Donnez-moi ce talent, je les dessinerai
Avec la volupté de Marie Laurencin,
Ainsi vous pourrez voir, parfum de roseraie,
La beauté émanant de Marie-Laure, en seins...
Concours 2007
Une bavarde pie désignant de son aile,
A sa progéniture un appliqué pivert,
Se gaussa méchamment de son gai congénère :
"Observez mes petits les étrangers rituels
De ce fou picidé, persifla la commère,
Qui torture le bois de nos vertes parcelles".
"Comment donc ! réagit le pivert en colère,
Puis-je en paix dénicher de fameux petits vers
Sur le tronc généreux de quelque conifère,
Sans qu'un gros corvidé, sans beauté ni couleur,
Dénigre, dédaigneux, mon talent de chasseur ?"
Et l'oiseau, dégoûté, s'en alla vivre ailleurs.
Cette prise de bec est toute imaginaire
Car jamais une pie ne railla de pivert.
L'homme, lui, se révèle un peu moins tolérant
Vis-à-vis de celui qui lui est différent.
Dis-moi, te souviens-tu, nos récits érotiques ?
Je n'ai rien oublié...
Quand nos corps devenaient par l'ardeur poétique
Intimement liés...
Je buvais chaque mot que ta plume enfantait
Telle une source vive,
Fontaine intarissable à l'écume argentée
S'écoulant sur ma rive.
Je pouvais, par tes vers, découvrir des prodiges :
Tes courbes et tes hanches !
Parcourir la chaleur de ta peau de prestige
Si délicate et blanche.
Tu dévoilais ainsi chacun de tes secrets
Jusqu'à tes seins si mûrs,
Et l'amant que j'étais entendait, indiscret,
L'azur de tes murmures.
Ô ! Le creux de tes reins, Ô ! Ton intimité
Siège de mon émoi !
Et tu m'offrais alors l'honneur de visiter
Ton doux morceau de roi.
Dis-moi, te souviens-tu, nos récits érotiques ?
Nos corps au goût de miel...
Et nos âmes montaient par l'ardeur poétique
Jusqu'au septième ciel...
Ô ! Toi qui me connais, Ô ! Toi qui me rends ivre,
Ô ! Belle épistolière,
Il me vient une idée : si l'on faisait revivre
Tous nos récits d'hier ?
Concours 2007
Fais-moi l'amour avec de jolis mots, tout en tendresse
Pour un prélude à de chaudes caresses,
Que mon corps se souvienne en prenant son repos
Que tu m'as fait l'amour avec de jolis mots.
Fais-moi l'amour avec des mots salaces !
Traite moi de salope, de putain et de garce
Que mon corps se souvienne en prenant son repos
Que tu m'as fait l'amour rien qu'avec des gros mots.
Fais-moi l'amour sans me dire un seul mot
Si tes lèvres sur mes lèvres laissent nos bouches closes
Que mon corps se rappelle en prenant son repos
Tout ce qu'ont dit tes mains en caressant ma peau.
Concours 2007
Les deux premières années du concours (2005 et 2006), il y avait seulement trois Prix attribués, les auteurs pouvaient envoyer jusqu'à trois poèmes, et au final c'était l'auteur ayant remporté la meilleure moyenne qui obtenait la Palme.
Là-bas en mil neuf cent, l'on dansait la musette,
L'athlète moustachu courait pour un record.
Sur les trottoirs pavés nous faisions la causette,
Je n'étais pas né, mais je m'en souviens encor...
Concierge dans Paris, je vis de pas grand chose,
Comme tous ces forçats qui portent le charbon.
Le matin sur le zinc, le leur paye une pause,
Un ballon de vin rouge, un morceau de jambon.
J'ai pas trouvé l'amour, pourtant j'en vois du monde :
Des dames du quartier qui traînent en chapeau
Et se moquent parfois en m'appelant Raymonde ;
Moi je regarde un peu dessous leurs oripeaux.
Là-bas en mil neuf cent, nous roulions en calèche,
L'on respirait l'air pur dans le parc Montsouris.
Le dimanche un copain m'emmenait à la pêche,
Je n'étais pas né, mais, chaque fois j'en souris.
Je dessine des chats, invente des histoires,
Les enfants du quartier me couvrent de bisous.
Le soir à la belote après quelques victoires,
Je me roule un mégot, mon plaisir à deux sous.
Jamais je ne voyage et pourtant je m'évade :
Des bateaux sur la Seine aux chansons dans les cours ;
Même les jours d'hiver, quand j'ai l'âme maussade
Le bonheur se faufile et me porte secours.
Là-bas en mil neuf cent, ça sentait l'aventure,
Celle qui finit bien, qu'on aime raconter.
Nous révions d'avenir sous une couverture,
Je n'étais pas né, mais, je vais y retourner.
Je vois dans le ciel bleu de frêles tourbillons
Aux méandres fortuits, des ailes colorées
Augurant du plaisir qu'un vol de papillons
Choisisse mon jardin et mes fleurs vénérées
Je m'assieds sur le banc, le regard attentif
A ces beaux compagnons déployant leurs soieries,
Esquissant un sourire, heureux, contemplatif
Du ballet voluptueux sur mes plantes fleuries.
Quand soudain j'aperçois, merveilleux spécimen,
Un papillon diaphane ourlé d'une dentelle
Aux reflets mordorés ; de l'infime abdomen
S'évade sa dorure en fine cascatelle.
Son doux frémissement m'offre des chants joyeux,
Je contemple ébahi sa robe éblouissante.
Ephémère bonheur car bientôt sous mes yeux,
Disparaît dans l'azur son ombre évanescente.
Je pense au lendemain quand mon jardin s'endort,
Qu'un dieu des papillons du zénith s'en retourne
Pour inonder mon coeur de sa parure d'or,
Survolant ma fontaine au gré de l'eau qui tourne.
Concours 2006
Par une belle journée de printemps,
Se promenait une petite virgule ;
Insouciante, elle flânait dans les champs,
Puis, lasse, alla se reposer sur un monticule.
Rapidement assoupie, elle rêva d'une soirée
Où étaient invités tous les signes de sa génération :
Les parenthèses, le tréma, les tirets,
Et même le grand point d'exclamation !
Elle dansait et chantait sans aucun complexe,
Conversant quelquefois avec les guillemets ;
Elle s'amusait avec le point d'interrogation et l'accent circonflexe
Et cherchait, toute la nuit, à se faire désirer.
Mais finalement, aucun de ces invités ne lui tapa dans l'oeil
Et elle alla se blottir dans un petit coin.
Quand soudain elle aperçut assis sur un fauteuil,
Celui que son coeur cherchait : c'était le petit point.
Leurs regards se croisèrent
Et bientôt naquit une folle passion.
Sans plus attendre, ils se marièrent
Et eurent beaucoup de ....... points de suspension.
Concours 2006
O combien de soirées, tu passais à broder,
Lorsque tes cinq enfants dormaient à poings fermés,
A la faible lueur de la lampe à pétrole,
Et quand dehors brillait la jolie luciole.
Concours 2006
Se peut-il que je t'aime en taisant mon amour
Ainsi qu'on dissimule une pierre précieuse
Par peur qu'elle affriole une main audacieuse
En quelque clair-obscur d'un simple petit jour ?
Se peut-il que je t'aime à n'en jamais crier,
A suivre infiniment le chemin de la meute
Alors que je ne suis et ne serai choreute
D'un théâtre qu'il soit de vent ou de papier ?
Se peut-il que je t'aime à ne plus le savoir
Comme cela est dit lorsqu'on s'avance en âge
Et que le coeur chavire en un somptueux naufrage
Croyant être arrivé au bout de son devoir ?
Se peut-il que je t'aime à m'en écarteler,
A m'en éclater l'âme en tant d'éclaboussures
Qu'elles parsèmeraient cent mille salissures
En un ciel bien heureux d'ainsi tant rutiler ?
Se peut-il que je t'aime en toute déraison
Jusqu'à m'en égarer en ce tout nouveau monde
Qui me fait naître au temps où nuit et jour se fondent
Ainsi à chaque aurore et en toute saison ?
Il se peut que tu sois cet amour absolu
Celui-là dont on sait qu'il aide l'homme à vivre,
Qui permet à chacun d'aller de braise en givre
En n'ayant point regret de l'hier révolu.
Si mon soleil ne brille plus,
Si mes jours n'ont aucun attrait,
Si tous les fruits sont défendus,
Si nul instant ne me distrait,
Si les sentiers de mes forêts
S'y broussaillent au gré du temps,
Si les parfums de mes genêts
S'y carapatent dans les vents,
Si mon violon n'a plus d'archet,
S'il ne pleure en mes nuits sans lune,
Si la rosée au jardinet
S'y passe en chagrin d'infortune
Si je n'ai plus aucun regard,
Si mon sourire est un méfait,
Si je n'ai plus droit qu'au hasard,
Si vivre ainsi me satisfait,
Il me faut dire sans retard :
"De quoi demain sera-t-il fait ?"
Mais qu'avons-nous bâti dont nous sommes si fiers ?
De grands châteaux d'écume en les dunes de sable
Sous un ciel tempétueux qui comblaient nos hiers
En nous intronisant à jamais respectables !
Mais qu'avons-nous bâti sinon mille déserts ?
Mais qu'avons-nous écrit pour espérer l'espoir ?
Des myriades de mots en puériles fadaises,
De ces riens que l'on cache à l'envers du miroir,
De ces dits sans attrait qu'il faudrait que l'on taise !
Mais qu'avons-nous écrit qui ne soit du trottoir ?
Mais qu'avons-nous crié lorsque le loup hurla ?
Quelques petits jurons inaudibles peut-être
Qui n'avaient point fonction d'aller bien au-delà
Des volets trop bien clos de l'unique fenêtre !
Mais qu'avons-nous crié pour qu'on n'entende pas ?
Mais qu'avons-nous prié pour avoir un pardon ?
Un très quelconque dieu sans croix ni basilique,
Celui-là qui bénit entre ortie et chardon
La brebis égarée en ses soirs faméliques !
Mais qu'avons-nous prié qui puisse offrir pardon ?
Mais qu'avons-nous voulu lors de l'ultime instant ?
Juste un petit salut de la foule importune
Qui n'en finit jamais de prendre tout son temps
De vivre en chaque jour sa très bonne fortune !
Mais qu'avons-nous voulu sans être repentant ?
Mais qu'avons-nous donc fait pour n'avoir mérité
Même pas quelque éclat d'une modeste étoile ?
Rien sinon s'acquitter seulement d'exister
Ainsi qu'un pur chef d'oeuvre à jamais sur sa toile !
Mais nous n'avons rien fait et donc rien mérité !
Concours 2005
Orpailleur ?
Moi, épouse de plume !
Entre les murs de ma prison
Et ma pauvre carcasse humiliée
Par la force de ma pensée,
Je crée un tout autre horizon.
Sur les taches sales et grises
Souillant les plâtres délités,
Je fais fleurir mille bouquets
Aux formes et couleurs exquises.
A la fenêtre sans volets,
Les barreaux aux teintes rouillées
Disparaissant comme fumées,
Font place à des troncs de palmiers.
Les pigeons gris, sur les toitures,
Déploient leurs ailes dans le ciel
Vers des rivages virtuels,
Navires aux blanches voilures.
En bout de cour, le mirador
Projette sur le sol son ombre
Mais dans la nuit au voile sombre
Il sera phare aux rayons d'or.
Le pas du maton qui résonne
Derrière la porte fermée
Se change en longue chevauchée
Dans un matin bleu qui frissonne.
Et quand arrive enfin le soir,
Un jour de plus laissé en route,
Oubliant la haine et le doute,
Je tords le cou au désespoir.
Je rêve d'un beau soir tout chargé de langueurs
Où le soleil de mai glissant dans un ciel rose
Ferait pleuvoir sur nous ses mourantes couleurs
En s'effaçant, là-bas, dans une apothéose.
Je baiserai alors tes cheveux dont l'or fin
S'allumant aux rayons de l'astre qui s'éteint,
Ferait à ton beau front un halo de satin.
Je rêve d'un beau soir au crépuscule sombre
Où les oiseaux d'amour, les rossignols divins,
Chanteraient pour nous deux, perdus au fond de l'ombre,
De magiques concerts, merveilleux et sereins.
Je rêve d'une nuit où les chaudes senteurs
Des zéphyrs langoureux viendraient, au clair de lune,
Enlacer nos deux corps en de folles ardeurs,
Qu'augmenterait encor le silence nocturne.
Nous serions là, tous deux, embrassés et sans voix,
Tous remplis de désirs, de tendresse et d'émoi,
Je rêve d'un beau soir où tu serais à moi.
Concours 2005
Allons cueillir la rose en ce matin divin
Venez tous au jardin, mes tendres chérubins.
Soyez gais, soyez fous et donnez-vous la main
Vous y ferez la ronde avec les sept nains.
Douce coccinelle viendra vous enchanter
Le chant de la cigale vous y découvrirez.
Une folle farandole vous entonnerez
Fourmis et papillons pour vous accompagner.
Les lilas sont fleuris et la glycine coule,
Le mimosa croustille et va se mettre en boules.
Que diront les pensées au pied du tulipier
Quand les premières jonquilles viendront les déloger ?
Pléiade de couleurs aux multiples senteurs
Viendront comme les anges embaumer tous les coeurs.
Courez mes chers petits dans la cour de la vie
Tous les enfants du monde viendront y faire leur lit...
Concours 2005
Frédéric ALBOUY (2019)
Lodewijk ALLAERT (2010)
Suzanne ALVAREZ (2016)
Thiphaine BALDINGER (2021)
Hélène BERGER (2014)
Valérie BERTHET-BOYER (2024)
Françoise BIDOIS (2020)
Rebecca BOURGEOIS (2023)
Alain CADU (2021)
Kévin CASTEL (2023)
Aurélien CLAUSE (2015)
Dominique DAO HUU BAO (2012)
Albert DARDENNE (2022) [Belgique]
Martial DAVID (2017)
Maryse DECOOL (2015-2017-2024)
Claudia DEMARET (2012)
Isabelle DESCARTES (2020) [Suisse]
Catherine DESTREPAN (2024)
Claude DUSSERT (2023)
Eliane ESNEU-BOUTRUCHE (2006)
Robert FAUCHER (2014-2015)
Louis FONTAS (2011)
David FOUCHER (2007-2008)
Pascal FOUQUET (2017)
Marie-Claude GALLOYER (2010-2017-2019)
Pierre-Etienne GIRARD (2016)
Claudine GUICHENEY (2014-2019-2023)
Claudine HILLARD (2012-2015)
Alice HUGO (2021-2024)
Monique-Marie IHRY (2022-2024)
Alain JEAN (2010)
Christine LAMY (2013)
Patrick LANCIOT (2018)
Madeleine LECOUR (2007)
Guy LE HULUDUT (2005-2008-2020)
Sylvaine LE QUERREC (2017)
Claudette LOUCHART (2018)
Olivier MALAVAL (2007)
Simone MARECHAL (2016)
Andrée MARQUIS-DUEZ (2013-2015-2019)
Daniel MARTINEZ (2018-2020)
Roger MARTINI (2014)
Jacques MARTY (2005)
Charles-Henry MASSA (2019) [Belgique]
Laurent NOGATCHEWSKY (2021)
Paule OLIVET-THIBIERGE (2012)
Christophe OZANNE-KAUFFMANN (2023)
Jean-Claude PAILLOUS (2022)
Jean-François PASCOLO (2013)
Philippe PAUTHONIER (2022)
Julien PEYRARD (2020)
Françoise PINAUD (2005)
Dominique PRUSKY (2011)
Denis QUILLACQ (2011)
Claire RENAUD (2020)
Jacques RENNESSON (2014)
Laurent RETORET (2018)
Sylvette RICOINE (2019)
Frédéric ROCHE (2009-2010-2011)
Lionel RODOZ (2011)
Mohamed SABEUR-ARHID (2006) [Tunisie]
Isabelle SAVIGNY (2011)
Jean-Paul SILVANO (2010)
Sylvette SIMON (2014)
Jacqueline TESSON (2008)
Arielle THOMANN (2012)
Patrick VENTURE (2020-2022)
Louis de VASSELOT (2022)
Guy VIEILFAULT (2008-2010-2011-2016-2018)
Dominique ZEDET (2006)
Danielle ZONCA (2016)