Le printemps à ma porte
Eclosion

Le ciel s’effeuille, la mine défaite.
Dans la lumière, des mots inconnus
Traversent les giboulées d’une traite
En s’approchant de ton cœur revenu.
…
Telle une fleur sans nom, entre les pierres,
Mon texte grandit, insoumis au vent.
Il s’égare à la vitesse du lierre
Qui envahit des murs, chaque fragment.
…
Avec ma plume faite d’herbes folles,
J’enlace la rime pour courtiser
Ton âme, où j’aperçois les fumerolles
Du jour, lapant le temps dans l’encrier.
…
La nuit repart dans les fossés sauvages.
Seule avec l’aube éveillant le désert,
Mon poème sur le sable encourage
Les syllabes à offrir un concert.
…
Et, hors du cahier, une caravane
De lettres accoste près de tes doigts.
Je vois déjà le seuil de ta cabane.
Veux-tu ouvrir pour devenir mon roi.
…
Ici, les heures éclosent sans larmes
Offrant aux pluies, chacun de leurs bourgeons.
A la lisière, j’entends le vacarme
Du printemps en route sur l’horizon.
Printemps de Bretagne

Une aube de douceur s'éveille sur la lande :
Le printemps de Bretagne a fleuri les talus.
Les cloches de Ker-Is l'ont dit jusqu'en Islande
Aux pâles « En-Allés » qui ne reviendront plus.
Nous aussi qui vivons et qui mourrons loin d'elle,
Loin de la douce fée aux cheveux de genêt,
Que notre cœur au moins lui demeure fidèle :
Renaissons avec elle à l'heure où tout renaît.
Ô printemps de Bretagne, enchantement du monde !
Sourire virginal de la terre et des eaux !
C'est comme un miel épars dans la lumière blonde :
Viviane éveillée a repris ses fuseaux.
File, file l'argent des aubes aprilines !
File pour les landiers ta quenouille d'or fin !
De tes rubis. Charmeuse, habille les collines ;
Ne fais qu'une émeraude avec la mer sans fin.
C'est assez qu'un reflet pris à tes doigts de flamme,
Une lueur ravie à ton ciel enchanté,
Descende jusqu'à nous pour rattacher notre âme
A l'âme du pays qu'a fleuri ta beauté !
Le moulin au printemps

Le chaume et la mousse
Verdissent les toits ;
La colombe y glousse,
L'hirondelle y boit ;
Le bras d'un platane
Et le lierre épais
Couvrent la cabane
D'une ombre de paix.
La rosée en pluie
Brille à tout rameau ;
Le rayon essuie
La poussière d'eau ;
Le vent qui secoue
Les vergers flottants,
Fait sur notre joue
Neiger le printemps.
Printemps du Nord

Linotte
Qui frigotte,
Dis, que veux-tu de moi ?
Ta note,
Qui tremblote,
Me met tout en émoi.
Journée
Illuminée,
Soleil riant d'avril,
En quel songe
Se plonge
Mon cœur, et que veut-il ?
Sur la haie,
Où s'égaie
Le folâtre printemps,
La rosée,
Irisée,
Sème ses diamants.
Violette
Discrète,
Devant Dieu tu fleuris ;
Primevère,
A la terre,
Bouche d'or, tu souris.
Petite
Marguerite,
Conseillère du cœur,
Ta couronne
Mignonne
Epèle mon bonheur.
Blanche et fine
Aubépine,
A tes pieds, la fourmi
Déjà teille
Et réveille
Son brin d'herbe endormi.
La mousse
Qui repousse
Attend l'or du grillon ;
La rose,
Fraîche éclose,
Rêve au bleu papillon.
Mais, fidèle
Hirondelle,
Au nid toi qui reviens,
La tristesse
M'oppresse...
Où donc sont tous les miens ?
L'eau sans ride
Et limpide
Ouvre de ses palais,
Où tout brille
Et frétille,
Les réduits les plus frais.
Sur la branche
Qui penche,
Vif, l'écureuil bondit ;
La fauvette
Coquette
Se lustre dans son nid.
La grue
En l'étendue
A glissé, trait d'argent ;
Dans l'anse
Se balance
Le cygne négligent.
La follette
Alouette,
Gai chantre des beaux jours,
Dans l'azur libre
Vibre,
Appelant les amours.
Journée
Illuminée,
Soleil riant d'avril,
En quel songe
Se plonge
Mon cœur, et que veut-il ?
Dans l'onde
Vagabonde,
Aux prés, sur les buissons,
Sous la ramée
Aimée,
Aux airs, dans les sillons,
Tout tressaille
Et travaille,
Germe, respire et vit,
Tout palpite
Et s'agite,
Va, chante, aime et bénit.
Mais mon âme
Est sans flamme...
Beaux jours en vain donnés,
Nature
Calme et pure,
Ô printemps, pardonnez !
Linotte
Qui frigotte,
Dis, que veux-tu de moi ?
Ta note
Qui tremblote
Met mon cœur en émoi.