Seuls et vaincus
Vous finirez seuls et vaincus, sourds aux palpitations du monde
A ses hoquets, ses hauts ses bas, ses haussements d’épaules veules
Au recensement des ossements qui tapissent le fond des eaux
Vous finirez seuls et vaincus, aveugles aux débris tenaces
De ces vies qui têtues s’enlacent, de ces amours qui ne se lassеnt
Même lacérées de sе hisser à la cime des songeries
Vous finirez seuls et vaincus, grands éructants rudimentaires
Insouciants face à nos errances sur la rude écale de la Terre
Indifférents aux pulsations qui lâchent laisse à l’espérance
Vous finirez seuls et vaincus car longue longue est la mémoire
Des pieds des peaux des au-revoir, et de ces temps itinérants
Où devisant et divisant, vous créez un monde en noir et blanc
Vous finirez seuls et vaincus, vos cris vos cors et vos crédos
Autorité en toc et broc ne sauront vous sauver de rien
L’éclat de nos vies entêtées éblouira vos en-dedans
Et vos enfants joyeux et vifs feront rondes et farandoles
Avec nos enfants et leurs chants, et s’aimant sans y prendre garde
Vous puniront en vous offrant des petits-enfants chatoyants
Vous finirez seuls et vaincus car invincible est notre ardeur
Et si ardent notre présent, incandescent notre avenir
Grâce à la tendresse qui survit à ce passé simple et composé
© Christiane TAUBIRA
Poème écrit lorsqu'elle a quitté ses fonctions de ministre.