Au pays de la solitude
Solitude en réseau

Un halo bleuté et froid éclaire un visage solitaire dans la nuit pixelisée.
Blême et figé, il est penché, fébrile.
Les doigts dansent nerveusement sur l’écran.
Les mots creux et les photos défilent, futiles.
Présences amicales fugaces.
Un cœur dessiné, un pouce levé.
Des notifications. Des followers. Des amis.
Des promesses virtuelles intangibles. Tendresse des émojis.
Connecté. Isolé.
Capture d’écran. Le vide absolu.
Vie pleine… d’absences.
© Annick PIPAUD
Annick Pipaud
Professeur de mathématiques à la retraite mais artiste dans l'âme (peinture, photo, poésie...), Annick Pipaud écrit depuis son plus jeune âge. Elle a participé à plusieurs festivals de poésie.
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Femmes damnées

Leurs bouches muselées nous disent que leurs mots
Sont des cris de souffrance et d’horreur enfouis
Chacune de leurs larmes se grave tel un sceau
Dans leurs yeux délavés, véritable lavis.
Derrière des burqas, comme des automates
Brillent les yeux des femmes où perce la détresse.
Elles n’ont plus la parole doivent se tenir coites
Les mots sont désuets pour dire la détresse
Imbibant le papier à tout vouloir nous dire.
La flamme qui miroite entre deux clignements
Photographie l’immonde et ce n’est pas peu dire
L’horreur qui s’y cache et un déchirement.
Une ombre projetée alerte les passants
Dans ses yeux traversés d’éclairs de solitude
Les paupières clignotent, futiles battements.
Ne baissez pas les yeux, regardez crânement !
Les bras sont repliés à l’arrière du corps
La bouche psalmodiant des prières à l’envers
Les pieds sont reliés à des fers de renfort
Les pères ont voté ce supplice pervers.
Moi je meurs en silence, ils m’ont coupé la langue
Je meurs pour mon pays dont la terre m’appartient
Je prie pour vous sauver de cette mort exsangue
Je me fane d’amour pour vous sauver demain.
Que ces lettres de sang pénètrent vos mémoires
Je meurs de solitude non par renoncements
Je meurs pour vous dire : « Aimez-vous tendrement »
Regarder mon image sur le mur imprimée.
© Claude DUSSERT
Claude Dussert (1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité 9 recueils de poèmes sur plus de 22 écrits, une pièce de théâtre et deux recueils de pamphlets non édités.
Son dernier recueil Par des Chemins de Traverse est libre de lecture ou de téléchargement sur le site 'MonBestSeller.com'. Il a reçu de nombreux prix dont 2024 : Médaillé aux Jeux Floraux de Toulouse pour le 700ème anniversaire - Prix Jean Michel Renautour AIEL - 2ème Prix Jeux Floraux du Béarn et en 2025 : 2ème Prix aux Jeux Floraux de Sartrouville - 3ème Prix au Concours International de la SPAF Occitanie - Grand Prix International du Conseil Départemental du Loir et Cher décerné par AIEL (Académie de l'École de la Loire). Sans oublier en 2023 le Prix Spécial du Jury au concours Poetika.
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Douce solitude

J’y aurai mis du temps pour t’apprivoiser.
Soixante ans bien comptés.
Au début j’étais timide.
On t’imposait à moi.
J’aimais bien ma vie.
Remplie d’amis, de jour comme de nuit.
Les soirées à fêter.
Les lendemains à récupérer.
Puis le temps m’a rattrapé.
Je n’avais plus envie d’être toujours mêlé.
Jusque-là je m’en étais bien tiré.
Pourtant un jour, me suis mis à douter.
Douter de moi, me demander pourquoi ?
Pourquoi tout ça ?
Pourquoi sans toi ?
Pourquoi sans moi ?
Enfin je t’ai rencontré.
Plus d’amis pour fêter.
Plus d’amis à fêter.
Tu étais là juste pour moi.
Ensemble, j’ai appris à être seul.
Pourtant tu étais là.
Seul sur un banc.
Seul avec toi.
Douce solitude
Ensemble toi et moi
Ça fait pas deux
C’est juste moi.
© Benoit LAPARÉ
Benoit Laparé
(1960-)
Né à Montréal, Benoit Laparé a tout d’abord étudié en musique et mené une carrière comme musicien pigiste et enseignant. Il a toujours écrit, et la pandémie a fait ressurgir et actualiser un grand besoin d’exprimer des émotions.
Sa poésie se veut intimiste et vise directement le cœur. Sa mission est de rendre accessible la poésie afin de toucher le plus grand nombre possible de lecteurs pour ainsi développer le vocabulaire émotionnel. Il est convaincu que la violence est avant tout due à un manque de vocabulaire. La nature humaine est pour lui une source inépuisable d’inspiration et Dame Nature est son refuge d’écrivain.
Il a publié plusieurs ouvrages :
« Les fables de L’Équerre », son premier livre publié en 2021.
« Les Chemins de ma Raison », le second, publié en 2023.
« Retour dans la forêt magique », publié en 2024.
« Kavana », en 2025.
Autres textes :
Lumière sur la ville
Le fleuve
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Chaussons de solitude

Le spectacle de ce soir est terminé
et le rideau est tombé avec peine,
les acteurs : amis et amies
sont rentrés chez eux.
La salle s'est plongée dans la semi-obscurité,
les derniers spectateurs sont partis l'antique théâtre de l'hypocrisie
a continué de se jouer aujourd’hui.
Il se fait tard, je dois aller
me réfugier dans mon havre de paix
Les pantoufles de la solitude
m'attendent sous le canapé.
Le spectacle de ce soir s'est terminé
et le rideau est tombé avec peine,
les acteurs : amis et amies
sont rentrés chez eux.
La salle s'est plongée dans la semi-obscurité,
les derniers spectateurs sont partis l'antique théâtre de l'hypocrisie
a continué de se jouer aujourd'hui.
© Irma KURTI
Irma Kurti (1966-aujourd'hui)
Poète, écrivaine, parolière, journaliste et traductrice albanaise naturalisée italienne, Irma Kurti écrit depuis qu'elle est enfant.
Détentrice de nombreux prix littéraires, en Italie et Suisse italienne, Irma Kurti a été nommée à vie « Ambassadrice de la Paix » par l'Université de la Paix de Suisse italienne. Elle est également connue du public comme l'auteure des paroles de nombreuses chansons à succès, avec lesquelles elle a participé à plusieurs festivals de musique nationale et pop en Albanie, au Kosovo et en Macédoine. Ses textes de chansons pour adultes et enfants, ont été écrits notamment en albanais, italien et en anglais. En 2022, elle a reçu la nomination d'ambassadeur pour l'Albanie de l'Académie des arts et des sciences philosophiques de Bari.
Elle a publié 29 livres en albanais, 25 en italien et 15 en anglais. Elle a traduit 20 ouvrages de poésie et de fiction de différents auteurs, ainsi que toutes ses œuvres publiées en italien et en anglais. Ses livres sont traduits et publiés dans 16 pays à travers le monde.
Autre texte :
Amitiés
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La solitude
La solitude est terrible pour qui écoute les oiseaux mais aptère
Reste figé les deux pieds sur terre
La solitude est fardeau
Pour qui vit parmi les fleurs mais n’est que bois mort flottant entre deux eaux
La solitude est souffle court
Pour qui ouvre grandes les fenêtres quémandant une caresse au vent
Sur une peau devenue cuir.
La solitude est absence d’olfaction
Le lobe olfactif à une fragrance choisie
N’est plus réceptif
Signature choisie d’un billet odoriférant
Quintessence incessamment réclamée aux herbiers fanés par le temps.
La solitude est douche froide
Pour celui qui sort sans parapluie afin de sentir la pluie mouiller son front, et s’étonner qu’elle ne l’épargne pas,
l’intégrant au monde des vivants aspergé par un nouveau baptême qui le lie à la communauté des humains
Il s’imagine marin sur le pont d’un navire luttant pour un port illusoire
À qui offrirait-t-il la rose des vents
Dénué de repères sans points cardinaux ?
La solitude propose des anamorphoses de visages aimés
Mille fois recomposés par les nuages repentis par la course des vents.
Les souvenirs ont triste propension
À muer en nostalgie de joyeux albums photos.
La joie est dans le partage
À quoi sert d’être un vieux sage
Si la folie n’est invitée à la fête
D’une belle musique en tête
Ariette ou bluette prennent possession du sombre bastion.
La solitude :
C’est dormir prisonnier de ses propres mains jointes sur sa poitrine.
C’est l’attente d’un train sur une ligne désaffectée.
C’est posséder un bateau sans pouvoir obtenir un gréement.
C’est un sourire de circonstance
Esquissé comme un dessin sur un papier mouillé.
C’est une mise à l’écart
Dans une économie de marché
Qui bannit toute générosité.
C’est nager loin des côtes
Au-dessus des abysses de l’oubli.
C’est être dans la vallée aux loups
Quand le troupeau pait
Dans la quiétude de l’enclos
Là-haut.
C’est un ruisseau d’amour asséché
Proposant son lit à une pluie toujours attendue.
C’est le soleil qui soliloque
Toute vie étouffée par sa solitude triomphante.
C’est saint Jérôme dans le désert peint par JB COROT dans l’église de Ville d’Avray
La solitude est-elle l’apanage recherché de vieux sages
Ou malédiction attribuée au maitre des nuages ?
Bientôt la monotone tyrannie du vert éteindra la lumineuse gaité du jaune acide.
Et je roulerai triste mais peinard dans un plat d’épinard…
© Raymond BOURMAULT
Raymond Bourmault
Amoureux des arts, Raymond Bourmault est artiste peintre et a obtenu le diplôme des Beaux Arts de Versailles. Après avoir travaillé dans l’informatique jusqu’à sa retraite, il se consacre désormais à sa passion artistique et s'adonne également à la poésie.
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Solitude

Dans la forêt où l’arbre dépouillé
Accueille le silence qui crachote,
Je marche dans un corridor rouillé
Par l’automne quittant sa redingote.
Au lit du vent, mes rêves éperdus
Se serrent dans de grises couvertures.
Oubliés dans l’ombre, d’anciens rébus
Tuent le temps en cherchant une ouverture.
Ma cape d’amertume sur la peau
Ne suffit pas à réchauffer l’haleine
De mes souvenirs dont le vieux troupeau
Occupe le grand désert de ma peine.
Pourtant, le brouillard sème son ennui
Sur mon cœur triste et festonné de larmes.
L’oiseau s’envole du feuillus vieilli
J’accroche mon regard à son alarme.
J’ai congédié l’attente hors du chemin
Mais si elle tente encore sa chance,
Des cloches éternuent dans le lointain
Comme si elles ruminaient vengeance.
Et, dans l’embrasure du ciel frisson
Un astre invite dans l’infinitude
L’absence transpirant sous l’édredon
De mon vaste pays de solitude.
© SEDNA
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont ses sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
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Son site : → http://www.cassiopee17.fr/
Quand se noient nos saisons

Aux franges des saisons,
La solitude pleure
Le vide et la douleur
Quand meurent les moissons…
Tout au bout du jardin,
C’est la rose oubliée,
Le cœur un peu fané,
Sans couleurs, sans parfums…
Elles cherchent encore
Des partages d’amour
A vivre au jour le jour
Dans des soleils d’aurore…
Ses pétales se brisent
Sur des murs de silence,
Des glaçons d’absence,
Des mots qui agonisent…
Les heures funambules
Sonnent indifférentes
Dans ce désert d’attente
Où les instants basculent…
Seul, un envol de mots
Comblerait les fissures,
Guérirait les blessures
Des roses en lambeaux…
Sur des ciels d’avenir
Ils peindraient des sillages
Pour de nouveaux voyages
Nimbés de souvenirs…
Car au seuil des moissons
La solitude pleure
Le vide et la douleur
Quand se noient nos saisons…
© Marie MINOZA
Illustration : © Marie MINOZA
Marie Minoza
Cette enseignante en école primaire a exercé dans les Deux-Sèvres puis dans la Vienne à Châtellerault. Tout au long de sa carrière, elle a aimé partager l’amour de la peinture, de la poésie et de la création avec ses élèves. Aujourd'hui à la retraite, elle partage ses écrits et ses créations d'images sur son blog. Tous les deux ans, elle contribue avec des amis poètes à la création d’un livre de contes et de poésies destiné aux enfants gravement malades… Elle participe également avec ses anciens collègues à un spectacle chorale, comédie musicale (création d'images et de montages power-point pour animer chants et mimes).
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L'âme désertée

Au pays de la solitude
Le cœur est étranger
Sans lumière et fané.
Et l’âme se dénude.
Au pays de la solitude
Le cœur est en exil
Chancelant sur un fil
Dans l’ombre de sa lassitude.
Parfois pourtant il est utile
De savoir s’éloigner
Calmement méditer,
Songer au sein d’un sûr asile,
Afin d’échapper aux rumeurs,
À l’indigne attitude
De l’hostile multitude
Où la sérénité se meurt.
La plus grande des solitudes
Croît chez l’être entouré
Mais incompris, nié
Renié dans ses inquiétudes.
Sans communion ni amitié
Sombre, farouche et rude
L’âme isolée prélude
À un inaccessible été.
© Christiane RENARD-GOTHIÉ
Christiane Renard-Gothié
Avant tout musicienne de formation (piano, orgue), Christiane Renard-Gothié (Harmonie Hermeline sur Facebook) est née au Mans dans la Sarthe et vit maintenant à Lyon. Mariée, mère de quatre enfants et grand-mère de sept petits-enfants, elle a commencé à écrire de la poésie assez tôt, par jeu. Peu à peu, la poésie est devenue une compagne et un moyen d’exprimer une vision intérieure, une nostalgie, un idéal tourné vers l’espérance. Elle a publié plusieurs recueils dont un de nouvelles.
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L'obscurité grandissante

L’obscurité grandissante
accentue ta solitude
les battements de ton cœur
t’effraient d’autant plus
Tu n’es pas pour autant
plus serein dans la lumière
si aucun rivage ne te retient
pas même une main
pas même des lèvres
Illustration : encre de Chine sur galet © Jean-Charles PAILLET
Jean-Charles Paillet
Jean-Charles Paillet est animé par l’instant présent et les belles valeurs qui élèvent le coeur et l’âme... Sa poésie se retrouve dans ses dessins, ses photographies et ses chansons. Sa rencontre avec Yves Broussard est un tournant dans sa vie de poète.
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Solitude acceptée

Ne la regardant plus comme intolérable souffrance
30 octobre 2025
© Mokhtar EL AMRAOUI
Mokhtar El Amraoui (1955-aujourd'hui)
Poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, Mokhtar El Amraoui a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Il est passionné de poésie depuis son enfance. Il a publié quatre recueils de poésie et plusieurs de ses poèmes ont été publiés sur Internet et en revues-papier.
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Solitude d'automne

Au pays des solitudes
les arbres parlent bas
le vent vieil ami
te frôle sans te reconnaître
Les bancs vides
gardent la forme des adieux
et les feuilles ces lettres mortes
tourbillonnent sans destinataire
On dirait que le ciel s’est retiré
dans le silence des nuages
qu’il ne reste plus
que le battement discret du monde
un souffle
une absence
Tu marches dans le crépuscule roux
les poches pleines de rien
le cœur en veilleuse
Les jours tombent un à un
comme des fruits pourris
et tu t’apprends doucement
à n’attendre personne
© Nathalie LAURO
© Illustration : Aquarelle de Nathalie Lauro
Nathalie Lauro
Ecrivaine, poétesse et artiste numérique, Nathalie Lauro travaille à partir de ses photos shootings. Elle aime photographier les villes comme Berlin, Londres, Paris, Hambourg et Amsterdam mais sa spécialisation reste le sud, la Méditerranée, le soleil, les couleurs, les lumières et la Dolce Vita. Elle est par ailleurs présidente de l'association Luna Rossa.
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Seule

Dans son vieux fauteuil de cuir craquelé,
comme hier, et avant-hier, affalée,
alors que le jour est à peine levé,
là-bas on ne fait pas de grasse matinée,
Elle ne pense qu’à son petit-déjeuner.
Le café sera-t-il pour une fois plus chaud ?
Et les tartines beurrées comme il faut ?
Car tout est compté, y a jamais trop.
Ce sera de la confiture d’abricot :
le choix ne fait pas partie du lot.
Elle n’a pas beaucoup dormi dans ce lit
Revu, « médicalisé » comme on dit.
Une couverture c’est trop peu, pardi !
Réclamer n’a aucun écho ici.
Faut juste être content d’être servi.
Ses yeux voilés par les larmes rentrées,
fixent la fenêtre barricadée.
Ben oui, y a pas moyen de s’échapper
de cette chambre, refuge des âmes oubliées.
Mais, enfin, voici venir le café !
Un filet de lait, deux sucres, quel délice !
Ça réchauffe un petit peu là où ça glisse.
Une bouchée, deux bouchées, quel supplice !
Quand l’appétit n’est plus que factice.
Au diable le plateau, qu’on en finisse !
À travers la vitre, on peut voir les feuilles
d’un arbre tomber : c’est l’automne, c’est le deuil.
C’est devenu son compagnon qu’elle garde à l’œil :
à chaque jour davantage les branches s’ effeuillent.
À son image, qui pense à un cercueil.
Mais le plus dur, c’est pas l’habitude.
Morne et cruelle, en mauvais prélude.
C’est pas le cœur lourd, la lassitude.
Non plus ce ressenti d’ingratitude.
Celle qui ronge, c’est la solitude.
Son regard s’abîme à travers la vitre
Absente, immobile, elle clôt son chapitre.
Non, aujourd’hui personne ne viendra.
Elle l’a compris depuis longtemps déjà
Elle terminera son calvaire seule,
tout à côté de son bien-aimé tilleul.
© Michel KEUKENS
Michel Keukens (1948-aujourd'hui)
Né en Belgique, Michel Keukens a 75 ans et travaille toujours à titre de traducteur de brevets européens depuis plus de 30 ans, après avoir effectué une carrière partielle d'enseignant en langues germaniques (néerlandais, anglais, allemand) dans le secondaire.
Il s'est toujours senti bien dans le monde de l'écriture, un parfait dérivatif qui le change radicalement de son activité éminemment technique ! En fait, il aime bien "raconter des histoires".
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« Une douce habitude... » (1)

La solitude en refuge
Bien loin d’être un subterfuge
Se révèle être un abri
Qui gentiment nous sourit…
Le grand monde et sa tourmente
Dans leur agitation
D’une onde que rien n’arrête
Voudraient nous assujettir
Sans l’ombre d’un repentir
Ils vont de façon concrète
Et sans hésitation
Dans une ardeur assommante…
Savoir s’échapper du rang
Fuir son zèle récurrent
-Force de la solitude
Apaisante certitude-...
© Didier COLPIN
(1) Ma solitude, Georges Moustaki
Nota : écrit dans la résurgence de la fable de Jean de La Fontaine « Le Songe d'un habitant du Mogol »
« … Solitude où je trouve une douceur secrète,
Lieux que j’aimai toujours ne pourrai-je jamais,
Loin du monde et du bruit, goûter l’ombre et le frais ? ... »
Didier Colpin (1954-aujourd'hui)
Didier Colpin est né en 1954 à Laval, petite ville de l’Ouest de la France. Il a découvert l’écriture et la poésie « sur le tard », en 2010. Depuis elle est devenue sa compagne de tous les jours…
La poésie est pour lui le contraire de Twitter et de sa rapidité. Elle est un arrêt sur image… Sur un émoi sur un trouble sur la Beauté sur la laideur. Le tout vu, ressenti à travers le prisme qu’est son regard où deux plus deux ne font pas toujours quatre…
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Les brumes froides
Les brumes froides sèment des mains ouvertes :
les écarter d’un geste d’ennui ?
Les effacer d’un silence absolu ?
Les chemins décimés fleurent aux étoiles de l’aube.
Oh, l’exil malhabile signe la défaite sanglante aux lèvres des ondines !
Est-il ce chant que perdent les sirènes au bord du gouffre ?
Est-il ce feu aux ombres vacillantes ?
Ou bien encore mes larmes abandonnées au coin d’un linceul ?
Ta voix respire un trésor d’imprévisibles lueurs.
Un murmure, souviens-t’en :
il est le souffle du vent d’autan sur tes épaules éclairées,
loin de tes yeux de myrrhe.
Les volutes de l’encens parfument les rumeurs
sur les toits rouillés de ma solitude.
Vois le phénix, renaîtra-t-il désormais au miroir du ruisseau ?
L’automne sourit,
les asters et les colchiques voguent sur un lit de rocaille,
tandis que les oies sauvages s’envolent vers les déserts des grandes lumières rouges.
© Roland MUHLMEYER
Roland Muhlmeyer
Roland Muhlmeyer est guitariste classique de formation. Il apprend le chant lyrique, deux matières qu'aujourd'hui encore il enseigne. Il se spécialise par ailleurs dans le chant grégorien, qu'il a également enseigné. Il a écrit des poèmes dans sa jeunesse qui ont paru dans quelques publications. Après un long repos poétique, il s'est remis à écrire. Il a le souci du rythme, des couleurs, des mots dans ses textes qu'il traite comme une partition de musique contemporaine.
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Solitude nue

Bien vite tu es parti
Rencontrant l’âme sœur
Tu étais mon petit
J’étais ton professeur.
Je me suis retrouvée
Seule dans l’appartement
Comme une veuve éplorée
J’ai pleuré mon tourment.
Il m’a fallu un an
Pour pouvoir accepter
Que mon dernier enfant
Venait de déserter.
Cette douce solitude
Je l’ai apprivoisée
Une douce habitude
S’est maintenant installée.
Elle m’a fait découvrir
En moi quelques talents
Comme celui d’écrire
Et de saisir l’instant.
© Myriam CLOWEZ
Myriam Clowez (1961-aujourd'hui)
Retraitée du secteur sanitaire et social, Myriam Clowez a toujours aimé la poésie et c'est surtout à l'adolescence qu'elle a écrit de nombreux poèmes. Aujourd'hui, elle profite de son temps libre pour participer aux concours de poésies.
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Sans domicile fixe

Assis sur le trottoir et le dos contre un mur,
Jérémy, sans un mot, regarde les passants.
Sans but, sans espoir, et sans avenir, il dure…
Car aux âmes mal nées, la survie prend son temps.
Petits boulots, chômage ont eu raison de lui.
L’alcool comme un refuge et loyers impayés.
Famille qui éclate, part un jour sans un bruit…
Seul alors dans la rue, ne sachant où aller.
Ce soir il dormira, comme à son habitude,
Sous un pont, à l’abri, avec d’autres errants
Briser durant la nuit cette âpre solitude,
Et puis le lendemain, regarder les passants…
© Pierre PAYSAC
Pierre Paysac (1948-aujourd'hui)
Fréquentant un atelier d'écriture depuis plus de dix ans, Pierre Paysac a publié son premier recueil, Errance, en 2021, aux éditions Persée. Son deuxième recueil est en cours d'édition. Il a par ailleurs participé au concours Poetika 2023 et l'un de ses textes a été remarqué par les membres du jury.
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L'horloge

Tic-tac, tic-tac, c’est la musique de ma journée
Après une nuit avec des insomnies répétées.
Le matin, je la regarde à l’heure des cachets
Toujours la même heure pour ne pas les oublier.
Elle est le décompte de ma vie qui s’enfuit
Lentement, mais sûrement, sans faire de bruit.
Je l’écoute parfois gémir les souvenirs du passé
Nostalgie d’un temps révolu qui est enterré.
Douze heures ont sonné, c’est l’heure du déjeuner
Avec le ragoût de la veille réchauffé sans doute.
A moins que je me prépare un plat congelé
Afin de déguster autre chose qu’un casse-croûte.
Puis, c’est l’heure des informations à la télé
Toujours la routine des images qui font pleurer.
Mais je n’ai pas vu la fin du journal télévisé
Le canapé a eu raison de moi pour rêvasser.
Et voilà le soir qui tombe, la journée se termine
C’est drôle, je ne l’ai pas vue passer, cette coquine.
L’heure de la soupe a sonné, à table pour déguster
Toujours devant la télé, compagne de mes journées.
L’horloge vient de retentir pour aller me coucher
Après cette monotonie qui agrémente mes jours.
Tic-tac, tic-tac, c’est la musique pour me bercer
Je ferme les yeux, ma nuit sera comme toujours.
Demain, l’horloge m’attendra, du moins, je l’espère.
Comme d’habitude, on échangera des mots familiers.
Ceux de la solitude de cette triste vie sans partenaire
Douleur de ce monde où nous sommes des milliers.
© Jean-Marc LAINELLE
Jean-Marc Lainelle (1951-aujourd'hui)
Né en 1951 à Haveluy, une petite commune du Nord de la France. Jean-Marc Lainelle se découvre une passion pour la poésie grâce à son travail au cœur de la forêt de Saint-Amand-les-Eaux.
Quelques petites notes en 1995 sur un calepin de bûcheron vont très vite prendre de l'ampleur et le faire devenir poète par la force des choses.
Cette richesse poétique, qu’il partage autour de lui sans modération, lui vaut la reconnaissance dans de nombreux concours nationaux et internationaux de poésie. Il vient de publier son premier recueil : Poésie ma fidèle amie. En 2025, il remporte le Prix du Public au Concours
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Solitude de l'aigle

Solitude de l'aigle sur son rocher de brume
Soleil déchirant nos cœurs mélancoliques
Chemin caillouteux aux herbes imposantes
Solitude c'est toi qui dresses
Ton front de statue figée dans le marbre des siècles
Et je me sens alors écrasée
En plein vol par cette absence chargée
De silences et d'abandons multiples,
Je me sens fétu de paille, grain de sable,
Dans l'immensité d'un monde changeant.
Solitude des murs glacés et des ombres
Où l'on se terre pour écarter le réel,
Solitude qui parcourt les saisons
Avec un arrière-goût amer, un poids
Dans la poitrine qui nous fait vaciller
Jusqu’à rejoindre de ténébreux abîmes.
Tu es pourtant l'aiguillon nécessaire
A toute création, le levain d'une pâte
Fournie qui nous réconcilie
Avec nous-mêmes et avec tous les autres.
© Marie-José PASCAL
Marie-José Pascal (1952-aujourd'hui)
Marie-José Pascal écrit depuis l'enfance. Membre de l'association Le Capital des Mots, sociétaire de L'Académie internationale L'école de La Loire, elle a été publiée dans de nombreuses revues et anthologies : Humanisme Harmonie, Florilège, l'Etrave, Traversées, revue numérique des citoyens des lettres, anthologie Flammes vives, de l'Humain pour les Migrants. Elle a reçu le Prix Charles Péguy 2020. En 2021 : le prix Hubert Fillay 2021 pour le recueil « A deux voix » co-écrit avec Alain Morinais, le prix Jules Supervielle 2021 pour le recueil « Lanterne de papier », le prix Qualité des Arts. En 2023, le Prix Paul Verlaine et 2024, le Prix Jacques Prévert.
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Solitude

© Corinne DELARMOR
Corinne Delarmor
Juriste de formation, Corinne Delarmor a exercé en France, en Espagne et en Allemagne, avant de se consacrer à la poésie depuis 2018. Deux recueils de poèmes « Embruns » et « Nouvelle Terre » ont été publiés en novembre 2019 et avril 2021, aux Éditions Ethen, petite Maison d’Édition de province à compte d’éditeur. Ses poèmes sont régulièrement publiés dans différentes revues de poésie et elle anime des après-midis de lecture poétique dans les médiathèques, MJC, et les EHPAD…
L’inspectrice d’Académie de Créteil lui a proposé de présenter ses poèmes dans les écoles élémentaires. Membre de la Société des Poètes Français (SPF) depuis 2022, elle a publié deux recueils en 2022 et 2023, à savoir Fragments poétiques et Nurserie du poème.
Autre texte :
Comme un oiseau
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La maison aux feuilles mortes

Dans la rue aux feuilles mortes,
Il y a une maisonnée
Aux yeux toujours fermés.
Personne ne pousse jamais la porte.
Habillée de toiles d'araignée
Et de l'oubli, la forêt
Entend encore le passé
Qui souvent résonne
Du bruit de ses sanglots.
Sous le temps qui a fui,
On peut entendre, dans la nuit,
Le murmure de ce lourd fardeau.
© Caroline BAUCHER
Caroline Baucher (1983-aujourd'hui)
Caroline Baucher est née en Roumanie et a été adoptée à l'âge de trois ans, sous le régime Ceaucescu. Elle se passionne pour l'écriture au décès de son grand père ; c'est pour elle un exutoire, mais également un jeu : elle a publié quatre recueils dont Vers cent nuits d'encre en 2024. Elle se passionne également pour la photo, notamment les réflexions. Elle vit actuellement à Nice. Découvrir l'un de ses derniers recueils : Te souviendras-tu ?
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Sur le fil

Ma chair fissure
Sous l’absence
Les silences grignotent
L’hier
Les mots gercent
Les lèvres
De cette vie en barbelés
Tu ne sens pas mon odeur
Tu n’entends pas le son de ma voix
Tu ne me vois pas
Tu ne me touches pas
Tu me laisses seule ici
Tu oublies de me faire un signe
Tu gommes mon sourire
Tu me prives de toi, de nous…
© Sandrine DAVIN
Sandrine Davin (1975-aujourd'hui)
Sandrine Davin est née à Grenoble où elle vit toujours. Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des tankas, elle a édité une quinzaine de recueils.
Ses ouvrages sont étudiés par des classes de l’enseignement primaire et au collège où elle intervient auprès des élèves. Elle a ce goût de faire partager la poésie au jeune public et de donner l’envie d’écrire… Elle est également diplômée par la Société des poètes français pour son poème « Lettre d’un soldat ».
Autre texte :
Jardin de grand-père
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Ma solitude
© Georges MOUSTAKI
Georges Moustaki (1934-2013)
Auteur-compositeur-interprète naturalisé français, Georges Moustaki est né en Egypte à Alexandrie. Ses parents Nessim et Sarah sont grecs et originaires de l'île de Corfou. Il passe son enfance dans un environnement multiculturel. Inscrit dans une institution française, il se passionne pour la littérature et la musique. Il rejoint Paris à l'âge de 18 ans et fréquente les cabarets. Il rencontre plusieurs artistes dont Henri Salvador et Georges Brassens. En 1958, il rencontre Edith Piaf et lui écrit son plus grand succès Milord. Il compose également pour Yves Montand, Barbara, Dalida et Serge Reggiani. En 1969, il enregistre Le Métèque qui lance sa carrière de chanteur. Infatigable voyageur, il rencontrera les grands noms de la musique brésilienne et ses compositions s'inspireront de ses voyages et des différentes cultures qu'il côtoie.Très prolifique, Georges Moustaki est l'auteur de plus d'une vingtaine d'albums et a également composé des musiques de films. Il meurt à Nice le 23 mai 2013 d'un emphysème pulmonaire. Il repose au cimetière du Père-Lachaise.
Autres textes :
Sans la nommer
Ma liberté
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La solitude

La solitude est une amie
La tienne, la mienne aussi
Si elle s’en va, moi je m’ennuie
Alors elle s’inscrit sur mes papiers
Et se couche sur mon oreiller
Tous mes rêves sont gris
Et son sourire me fuit
Elle est là
Patiente
Elle attend
Une parole
Un geste
Et elle accourt
Apaise, comprend.
La solitude est mon amie
Ses rêves sont mes rêves
Elle ne me reproche rien
Ni la vaisselle dans l’évier
Ni les vêtements éparpillés
Ni les sourires forcés
Ni les pleurs asséchés.
Elle est là.
Patiente
Elle attend
Une parole
Et puis s’en va
Dans d’autres bras
Apaise, comprend
La solitude est mon amie
Je n’en fais pas mystère
Et si elle s’accroche à moi
Et m’aide à marcher droit
Je l’en remercie à pleurer
Et mes larmes dans l’encrier
Lui disent merci d’être là
© Renée BORON
Renée Boron (1939-aujourd'hui)
Renée Boron s'adonne à la poésie pour son plaisir et écrit aussi des nouvelles. Elle travaille la terre aux Ateliers d'Art de Château-Thierry.
Elle aime également peindre et a pris quelques cours de calligraphie. Elle a ouvert une petite bibliothèque dans sa commune qui compte 83 habitants. C'est avant tout le plaisir de se rencontrer, d'échanger et... de jouer aux cartes.
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Rupture

J’effacerai le temps
J’effacerai les jours
Mais je sais qu’au retour
J’irai me questionnant
Voilà
J’ai les mains vides
Vides sont mes mains
Vides
Parfois je les regarde, stupide
Et les feuilles tombent dans l’air limpide
Encore une fois
J’effacerai les places
J’effacerai les traces
Me faisant un espace
Dont tu seras absent
Encore une fois
Voilà
J’ai les mains vides
Et du creux de mes paumes arides
S’échappent fuyant entre mes doigts
Les restes d’un espoir pesant
J’effacerai les peines
J’effacerai les joies
Notre route bifurqua
Et chacun eut la sienne
Voilà j’ai les mains vides
Vides sont mes mains
Vides
Et les feuilles tombent dans l’air limpide
Encore une fois
© Esther GRANEK
Esther Granek (1927-2016)
Poétesse belgo-israélienne francophone, Esther Granek n'a pas pu suivre de scolarité du fait des lois anti-juives durant l'Occupation. Arrivée en France en 1940, elle est déportée dans le camp de Brens (Tarn) d'où elle s'échappe en 1941 pour retourner à Bruxelles. De 1943 jusqu'à la fin de l'occupation nazie, elle est cachée avec de faux papiers par une famille chrétienne à Bruxelles, qui la fait passer pour leur fille. Survivante de la Shoah, elle part vivre en Israël à partir de 1956 et travaille à l’ambassade de Belgique à Tel Aviv, comme secrétaire-comptable pendant 35 ans. Elle est également auteure-compositrice de chansons et a publié plusieurs recueils.
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La solitude

Solitude … Pour vous cela veut dire seul,
Pour moi – qui saura me comprendre ?
Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre,
Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul.
Mot vert. Silence vert. Mains vertes
De grands arbres penchés, d’arbustes fous ;
Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous,
Pieds de cèdres âgés où se concertent
Les bêtes à Bon Dieu ; rondes alertes
De libellules sur l’eau verte…
Dans l’eau, reflets de marronniers,
D’ifs bruns, de vimes blonds, de longues menthes
Et de jeune cresson ; flaques dormantes
Et courants vifs où rament les « meuniers » ;
Rainettes à ressort et carpes vénérables ;
Martin-pêcheur… En mars, étoiles de pruniers,
De poiriers, de pommiers ; grappes d’érables.
En mai, la fête des ciguës,
Celle des boutons d’or : splendeur des prés.
Clochers blancs des yuccas, lances aiguës
Et tiges douces, chèvrefeuille aux brins serrés,
Vigne-vierge aux bras lourds chargés de palmes,
Et toujours, et partout, fraîche, luisante, calme,
L’invasion du lierre à petits flots lustrés
Gagnant le mur des cours, les carreaux des fenêtres,
Les toits des pavillons vainement retondus…
Lierre nouant au front du chêne, au cou du hêtre,
Ses bouquets de grains noirs comme un piège tendu
À la grive hésitante ; vert royaume
Des merles en habit – royaume qui s’étend
Ainsi que dans un parc de Florence ou de Rome
En nappes d’émeraude et cordages flottants…
Lierre de cette allée au porche de lumière
Dont les platanes séculaires, chaque été,
Font une longue cathédrale verte – lierre
De la grotte en rocaille où dorment abrités
Chaque hiver, les callas et les cactus fragiles ;
Housse, que la poussière blanche de la ville
Givre à peine les soirs de très grand vent – pour moi,
Vert obligé des vieilles pierres,
Des arbres vieux, des toits qui penchent, des vieux toits –
Un château ? Non, Madame, une gentilhommière,
Un ermitage vert qui sent les bois, le foin,
Où les bruits de la route arrivent d’assez loin
Pour n’être plus qu’une musique en demi-teintes.
Un train sur le talus se hâte avec des plaintes,
Mais l’horizon tout rose et mauve qu’il rejoint
Transpose le voyage en couleurs de légende.
On regarde un instant vers ces trains qui s’en vont
Traînant leur barbe grise – et c’est vrai qu’ils répandent
Un peu de nostalgie au fil de l’été blond…
Mais le jazz des moineaux fait rage dans les feuilles,
Les pigeons blancs s’exaltent, le cyprès
Est la tour enchantée où des notes s’effeuillent
Autour du rossignol. Du pré,
Monte la fièvre des grillons, des sauterelles,
Toutes les herbes ont des pattes, ont des ailes –
Et l’Âne et le Cheval 2 de la Fable sont là
Et Chantecler3 se joue en grand gala
Jour et nuit dans la cour où des plumes voltigent.
Au clair de l’eau, c’est l’éternel prodige
Du têtard de velours devenu crapaud d’or,
De la voix de cristal parmi les râpes neuves
D’innombrables grenouilles. Le chat dort.
Dickette – chien s’affaire – et sur leur tête pleuvent
Des pastilles de lune ou de soleil brûlant.
S’il pleut vraiment, la pluie à pleins seaux ruisselants
S’éparpille de même aux doigts verts qui l’arrêtent.
Un tilleul, des bambous. L’abri vert du poète,
Du vert, comprenez-vous ? Pour qu’aux vieilles maisons
Rien ne blesse les yeux sous leurs paupières lasses.
Douceur de l’arbre, de la mousse, du gazon…
Vous dites : Solitude ? Ah ! dans l’heure qui passe,
Est-il rien de vivant plus vivant qu’un jardin,
De plus mystérieux, parfumé, dru, tenace,
Et peuplé – si peuplé qu’il arrive soudain
Qu’on y discourt avec mille petits génies
Sortis l’on ne sait d’où, comme chez Aladin.
Un mot vert… Qui dira la fraîcheur infinie
D’un mot couleur de sève et de source et de l’air
Qui baigne une maison depuis toujours la vôtre,
Un mot désert peut-être et desséché pour d’autres,
Mais pour soi, familier, si proche, tendre, vert
Comme un îlot, un cher îlot dans l’univers ?…
© Sabine SICAUD
Extrait de Les poèmes de Sabine Sicaud, 1958 - Recueil posthume
Sabine Sicaud (1913-1928)
Cas unique et prodige dans les annales de la littérature française, Sabine Sicaud est une enfant douée pour la poésie et remporte dès l'âge de 11 ans plusieurs prix littéraires. Issue d'une famille d'érudits du Lot-et-Garonne, elle baigne dans un monde artistique et culturel qui éveillera en elle un don précoce pour l'écriture poétique. Son oeuvre s'achève brutalement par son décès prématuré à l'âge de 15 ans, suite à une blessure au pied qui s'envenime et la laisse dans de terribles souffrances.
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Solitude

Les lumières de la ville
Sous ses yeux sont tombés
Une nuit difficile
S’annonce dans ce quartier.
Il lui faut le quitter
Et retrouver les autres
Tous ceux qui l’ont guidée
Sont un peu ses apôtres.
Être femme dans la nuit
Veut dire dormir peu
Elle ne fait pas de bruit
Et elle fait de son mieux,
Pour qu’une fois apaisée
Et l’estomac rempli
La maraude passée
Elle sombre dans l’oubli.
Il y a peu de temps
Elle était une mère
Ils ont pris ses enfants
L’ont réduite en poussières.
Les lumières de la ville
Reflètent sa misère
La faucheuse est passée
Disparue la lumière.
La mort a commencé
Sa poursuite et sa chasse
Et des requins zélés
Aujourd’hui la pourchassent.
Et un soir de janvier
Les lumières de la ville
L’ont vu agonisée
Sur sa vie difficile.
© Myriam CLOWEZ
Myriam Clowez (1961-aujourd'hui)
Retraitée du secteur sanitaire et social, Myriam Clowez a toujours aimé la poésie et c'est surtout à l'adolescence qu'elle a écrit de nombreux poèmes. Aujourd'hui, elle profite de son temps libre pour participer aux concours de poésies.
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Soupir

Ne jamais la voir ni l’entendre,
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais, fidèle, toujours l’attendre,
Toujours l’aimer.
Ouvrir les bras et, las d’attendre,
Sur le néant les refermer,
Mais encor, toujours les lui tendre,
Toujours l’aimer.
Ah ! Ne pouvoir que les lui tendre,
Et dans les pleurs se consumer,
Mais ces pleurs toujours les répandre,
Toujours l’aimer.
Ne jamais la voir ni l’entendre,
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais d’un amour toujours plus tendre
Toujours l’aimer.
© Sully PRUDHOMME
Extrait du recueil Solitudes
Sully Prudhomme (1839-1907)
Poète français, Sully Prudhomme est le premier lauréat du prix Nobel de littérature en 1901. Vite décu par son emploi d'ingénieur, il reprend ses études et se consacre au droit et à la philosophie puis décide de se vouer entièrement à la littérature. Son premier recueil, Stances et Poèmes (1865) est loué par Sainte-Beuve et lance sa carrière. Il renferme son poème le plus célèbre, Le Vase brisé, élégante métaphore du cœur brisé par un chagrin d'amour. Caractérisé par son extrême élaboration esthétique, sa poésie lui ouvre aussitôt les portes de la revue du Parnasse. L'influence de ce mouvement devient très sensible dans ses œuvres ultérieures, comme Les solitudes (1869) et plus tard Les destins (1872). Il consacra également un ouvrage poignant à son expérience de la guerre, dont il garda de graves séquelles, et publia en outre divers essais de poétique et d'esthétique.
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