Un été
Un été
Où je venais d'atteindre mes quatorze ans
J'avais donné rendez-vous à une enfant
Une petite Espagnole du quartier
Un été
Par la fenêtre ouverte de la villa
Je guettais l'arrivée de ma Paquita
Et puis quand à la grille du jardinet
La cloche a carillonné
Je me suis soudain jeté à plat ventre
La joue clouée au plancher de ma chambre
Tremblant, roulant des yeux épouvantés
Oh non, non
J'entendis ma grand-mère crier mon nom
Et j'attendis dans une terreur sans nom
Qu'on me mît en présence de l'été
Et l'été
L'était là, debout, au milieu de ma chambre
Sous la jupette jaune brunissait l'or des jambes
Et le blanc de ses yeux brillait comme du lait
Il fait chaud cet été
L'été était muet, alors on est sortis
Et nous avons marché sur la route rôtie
Brûlants comme des rails, parallèles, on allait
Un été
Nous marchions côte à côte, sans nous parler
Les maisons avaient fermé tous leurs volets
Et parfois l'un de nos doigts se frôlait
Un été
Mes tempes battaient dans le ciel d'incendie
Et je me disais: " Qu'est-ce que je lui dis ? "
Je ne trouvais rien qu'à me trouver mal
Et quand nous fûmes au canal
Devant le pont où passe une eau malade
J'ai touché la main à ma camarade
Et lui tournant le dos, j'ai galopé
Galopé
Loin de la jupe jaune et du visage d'ambre
J'ai couru comme un forcené vers ma chambre
Le cœur craquant des cendres de l'été
Un été
© Claude NOUGARO