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(sauf bien entendu aux poètes disparus et certains auteurs-compositeurs-interprètes), ou bien ils sont envoyés spontanément par les auteurs publiés.
Et sauf mention spéciale, toutes les images proviennent de pixabay.com.
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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797
J’écrirai des poèmes
Sur les panneaux publicitaires
Les prospectus
Les nappes de restaurants
Les catalogues de vente
J’écrirai des poèmes
Sur les affiches électorales
Sur les bilans financiers
Sur les P.V.
Sur les confettis
Les cocottes en papier
J’écrirai des poèmes
Sur les relevés d’identité bancaire
Les notices explicatives
Sur les papiers cadeaux
Et peut-être
Et peut-être
Sur les papiers toilette
J’écrirai des poèmes
Sur les feuilles d’imposition
Les factures EDF
Sur des papiers
De toutes les couleurs
Photocopiés à des milliers d’exemplaires
Que je larguerai par hélicoptère
J’écrirai des poèmes
Dans les papillotes
Dans les pochettes surprises
Sur les paquets de cigarettes
Les étiquettes des bouteilles
J’écrirai des poèmes
A l’encre indélébile
Sur des lettres
Que j’enverrai au hasard
Aux quatre coins de la planète
J’écrirai des poèmes
De tous les poètes du monde entier
En toutes les langues
Pour que la poésie se répande
Se propage
Se déverse
Et nous inonde de son chant fraternel
© Salvatore SANFILIPPO
Salvatore Sanfilippo
Salvatore Sanfilippo pratique avec bonheur une poésie sonnante, proche du chant, du théâtre : des poèmes à dire, à lire et à rire, à réfléchir aussi. Il a publié plusieurs recueils de poésie et participe également à plusieurs revues en ligne.
Son blog :
http://salvatore-sanfilippo.over-blog.com/
Elle est assise
dans ses quarante kilos
devant la mer
vaste
comme les questions
qu’elle se pose
j’imagine
devant la mort.
Elle est assise
sous ses yeux
et sous le ciel
ses yeux regardent
et gardent ce qu’ils regardent
dans sa main
qu’elle dépliera de l’autre côté
comme un enfant montre ses billes
au soleil
et à ses copains.
Elle entraine ses yeux
à l’horizon
elle s’entraine
au point de non retour.
Assise
dans ses quarante kilos
dans ses quatre-vingt-deux ans
elle vérifie une dernière fois
le tour de la terre
par la mer
avec ses yeux
elle marche sur l’eau.
Elle cogne à l’horizon
pour ouvrir
à la mer
la porte du ciel.
Elle se prépare
pour être la première
le dernier jour.
© Yvon LE MEN
Yvon Le Men (1953-)
Né à Tréguier en Bretagne, ce poète et écrivain vit actuellement à Lannion. Depuis son premier livre "Vie", écrire et dire sont les seuls métiers d'Yvon Le Men. Ses textes, livres ou anthologies sont traduits dans une dizaine de langues. Il a été lauréat du Prix Théophile Gautier de l'Académie Française et reçoit en mai 2019 le Prix Goncourt de la poésie.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Cette lumière est celle de l’esprit, froide et planétaire,
Et bleue. Les arbres de l’esprit sont noirs.
L’herbe murmure son humilité, dépose son fardeau de peine
Sur mes pieds comme si j’étais Dieu.
Une brume capiteuse s’est installée en ce lieu
Qu’une rangée de pierres tombales sépare de ma maison.
Je ne vois pas du tout où cela peut mener.
La lune n’offre aucune issue, c’est un visage morne
D’une blancheur d’os effroyable.
Elle traine derrière elle l’océan comme un crime obscur ; elle est calme,
Trou béant de désespoir total. J’habite ici.
Deux fois tous les dimanches les cloches ébranlent le ciel –
Huit langues puissantes annoncent la Résurrection.
A la fin, seul vibre le son grave de leur renommée.
Le cyprès se dresse alors, gothique.
Aux yeux levés sur lui, il désigne la lune.
La lune est ma mère. Elle n’a pas la patience de Marie.
Son vêtement bleu laisse échapper chauves-souris et hiboux.
Je voudrais tellement pouvoir croire à la tendresse –
Au visage de cette effigie, adouci par la lueur des cierges,
Qui poserait sur moi son regard bienveillant.
© Sylvia PLATH
Sylvia Plath (1932-1963)
Ecrivaine américaine, Sylvia Plath, a également écrit un roman, des nouvelles, des livres pour enfants et des essais. Brillante élève, très précoce en poésie, Sylvia décide dès l'adolescence de devenir écrivain. Si elle est surtout connue en tant que poète, elle tire également sa notoriété de The Bell Jar (La Cloche de détresse), roman autobiographique qui décrit en détail les circonstances de sa première dépression, au début de sa vie d'adulte. Tout au long de sa vie, elle souffrira de troubles bipolaires graves. Grâce à l'octroi d'une bourse d'étude, elle intègre, en 1950, l'une des plus grandes et prestigieuses universités américaines réservées aux femmes, Smith College, située à proximité de Boston et obtient brillamment son diplôme. Elle poursuit ses études en Angleterre où elle épouse Tom Hughes dont elle se sépare après la naissance de leur premier enfant. Cette séparation, due en partie aux troubles psychiatriques de Sylvia, accélèrera sa chute : elle se suicide à Londres le 11 février 1963.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Paresseux morose
j’ai laissé passer
l’étoile et la rose
sans les regarder.
L’école des jours
instruit ses enfants :
« aimons-nous toujours,
mentons-nous souvent,
qui naît doit grandir
dans la déraison,
au mal du désir
pas de guérison ».
— Comprendre m’ennuie,
ces ruses, ces traits !
Le jeu de la vie
me trouve distrait.
A telle sagesse
je n’ai point de part,
je prends, je délaisse
au gré du hasard.
Derrière le voile
des métamorphoses
est-il une étoile,
est-il une rose ?
© Henri THOMAS
Henri Thomas (1912-1993)
Ecrivain, romancier et traducteur français, il rencontre André Gide et publie ses premiers poèmes. Il vit dix ans à Londres jusqu'en 1958 où il travaille comme traducteur à la BBC, puis aux Etats-Unis où il restera deux ans. Il fonde la revue Obsidiane en 1978 et obtient en 1986 le grand Prix de Poésie de l'Académie Française. En dépit de l'importance et de la qualité de sa production littéraire et poétique, Henri Thomas reste assez largement méconnu du grand public.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Le chaume et la mousse
Verdissent les toits ;
La colombe y glousse,
L'hirondelle y boit ;
Le bras d'un platane
Et le lierre épais
Couvrent la cabane
D'une ombre de paix.
La rosée en pluie
Brille à tout rameau ;
Le rayon essuie
La poussière d'eau ;
Le vent qui secoue
Les vergers flottants,
Fait sur notre joue
Neiger le printemps.
Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Poète, romancier, dramaturge français, ainsi qu'une personnalité politique qui participa à la Révolution de février 1848 et proclama la Deuxième République.
Autre texte :
La branche d'amandier
Biographie détaillée sur Wikipédia
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
Le casque des pavés ne bouge plus d'un cil
La Seine de nouveau ruisselle d'eau bénite
Le vent a dispersé les cendres de Bendit
Et chacun est rentré chez son automobile
J'ai retrouvé mon pas sur le glabre bitume
Mon pas d'oiseau-forçat, enchaîné à sa plume
Et piochant l'évasion d'un rossignol titan
Capable d'assurer le Sacre du Printemps
Ces temps-ci je l'avoue j'ai la gorge un peu âcre
Le Sacre du Printemps sonne comme un massacre
Mais chaque jour qui vient embellira mon cri
Il se peut que je couve un Igor Stravinsky
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
Et je te prends Paris dans mes bras pleins de zèle
Sur ma poitrine je presse tes pierreries
Je dépose l'aurore sur tes Tuileries
Comme roses sur le lit d'une demoiselle
Je survole à midi tes six millions de types
Ta vie à ras le bol me file au ras des tripes
J'avale tes quartiers aux couleurs de pigeon,
Intelligence blanche et grise religion
Je repère en passant Hugo dans la Sorbonne
Et l'odeur d'eau-de-vie de la vieille bombonne
Aux lisières du soir, mi-manne, mi-mendiant
Je plonge vers un pont où penche un étudiant
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
Le jeune homme harassé déchirait ses cheveux
Le jeune homme hérissé arrachait sa chemise :
"Camarade, ma peau est-elle encore de mise
Et dedans mon cœur seul ne fait-il pas vieux jeu ?
Avec ma belle amie quand nous dansons ensemble
Est-ce nous qui dansons ou la terre qui tremble ?
Je ne veux plus cracher dans la gueule à papa
Je voudrais savoir si l'homme a raison ou pas
Si je dois endosser cette guérite étroite
Avec sa manche gauche, avec sa manche droite,
Ses pâles oraisons, ses hymnes cramoisis,
Sa passion du futur, sa chronique amnésie"
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
C'est ainsi que parlait sans un mot ce jeune homme
Entre le fleuve ancien et le fleuve nouveau
Où les hommes noyés nagent dans leurs autos.
C'est ainsi, sans un mot, que parlait ce jeune homme
Et moi l'oiseau-forçat, casseur d'amère croûte
Vers mon ciel du dedans j'ai replongé ma route,
Le long tunnel grondant sur le dos de ses murs
Aspiré tout au bout par un goulot d'azur
Là-bas brillent la paix, la rencontre des pôles
Et l'épée du printemps qui sacre notre épaule
Gazouillez les pinsons à soulever le jour
Et nous autres grinçons, pont-levis de l'amour
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
© Claude NOUGARO
Claude Nougaro (1929-2004)
Auteur-compositeur-interprète et poète français, Claude Nougaro était grand amateur de jazz, de musique latine et africaine, jouant sur la musicalité des mots, il s'est appliqué tout au long de sa carrière, dans un insolite mariage des genres, à unir chanson française, poésie et rythme.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Il existe un oiseau, dont le pâle plumage,
Des forêts du tropique étonne la gaieté ;
Seul sur son arbre en deuil, les pleurs de son ramage
Font gémir de la nuit le silence attristé.
Le chœur ailé des airs, loin de lui rendre hommage,
Insulte, en le fuyant, à sa fatalité ;
Lui-même se fuirait, en voyant son image
Poignardé de naissance, il naît ensanglanté.
Et le poète aussi, merveilleuse victime,
Qui mêle de son sang dans tout ce qu’il anime,
Arrive dans ce monde, un glaive dans le cœur ;
Et l’on n’a point encore inventé de baptême,
Qui puisse en effacer le stigmate vainqueur :
Cette tache de mort, c’est son âme elle-même.
Jules Lefèvre-Deumier (1797-1857)
Ecrivain et poète français dont le vrai nom est Lefèvre auquel il a ajouté Deumier en hommage à sa tante qui lui laissa une fortune considérable. Docteur en médecine, il s'engagea sous le drapeau polonais pour l'indépendance de la Pologne. Blessé à plusieurs reprises et atteint du thyphus, il put se soigner et soigner ses compagnons de cellule. A son retour en France, il fut nommé bibliothécaire de l'Elysée par Louis-Napoléon. Profondément romantique, il se passionna pour la poésie de André Chénier et Byron. Il fut l'un des poètes les plus remarquables de son époque.
Sa vie, son oeuvre sur Wikipédia
Les yeux sur ses formes où dansent ses paillettes,
Lorsque tout s’illumine aux ondoiements en or.
Ses murmures charnels envoûtent tout mon corps
Quand son pas délicat est rythmé par ma quête.
Par son parfum impur, je deviens sa conquête.
Lorsqu’elle inhibe en moi tout combat, tout effort,
Je la soulève ferme ignorant son accord
Et j’unis mes lèvres à sa bouche discrète.
Pour mélanger nos sucs bien doucereusement,
Son enivrant nectar au goût ensorcelant,
Capable de damner un bienveillant Saint Père.
Le réfrigérateur n’est pas très éloigné.
La saisir, se servir et boire une autre bière.
Ceux qui n’ont pas compris, allez y, relisez.
© Yvan BERT
Yvan Bert (1965-)
Cet auteur s'essaie depuis quelques mois à la poésie avec une préférence pour les sonnets réguliers. Ses textes retracent les images de son parcours professionnel, sa vie de famille, la vie de tous les jours...
Autre texte :
Crépuscule d'une nuit
© Pierre DUPUIS
Pierre Dupuis (1946-)
Né à Fresnes-l'Archevêque dans l'Eure, Pierre Dupuis alias Rotpier, a travaillé dans l'industrie de tôlerie et en construction métallique jusqu'en 1976 puis a enseigné comme professeur de lycée professionnel jusqu'en 2002. Passionné de poésie depuis l'enfance, il a commencé à écrire dès les années 1990, poésie très éclectique, sous toutes ses formes : classique, libérée et libre, sa devise étant : « Enfermez la poésie dans un genre et elle s'étiole. »
Autre texte :
L'épatant charcutier
Son blog :
http://rotpier.over-blog.com/
Oui je sais que
la réalité a des dents
pour mordre
que s’il gèle il fait froid
et que un et un font deux
je sais je sais
qu’une main levée
n’arrête pas le vent
et qu’on ne désarme pas
d’un sourire
l’homme de guerre
mais je continuerai à croire
à tout ce que j’ai aimé
à chérir l’impossible
buvant à la coupe du poème
une lumière sans preuves
car il faut être très jeune
avoir choisi un songe
et s’y tenir
comme à sa fleur tient la tige
contre toute raison
© Jean-Pierre SIMEON
Jean-Pierre Siméon (1950-)
Poète, romancier, critique et dramaturge, Jean-Pierre Siméon est agrégé de Lettres modernes. Il est l'auteur d’une vingtaine de recueils de poésie, mais également de romans, de livres pour la jeunesse et de pièces de théâtre pour lesquels il a obtenu de nombreux prix. Il participe activement à de nombreux festivals nationaux et internationaux. Il a été directeur artistique du Printemps des Poètes de 2001 à 2017 puis a pris la direction de la collection Poésie chez Gallimard en 2018.
Sa vie, son oeuvre sur Wikipédia
On meurt de rire on meurt de faim
On meurt pour blessure à la guerre
On meurt au théâtre à la fin
D’un drame où le ciel est par terre.
Il est cent façons de mourir
Pour vivre on est beaucoup plus sage.
Il s’agit de savoir moisir
Entre l’espoir et le fromage.
© Georges PERROS
Georges Perros (1923-1978)
Ecivain et comédien français, il a d'abord étudié le piano et l'art dramatique avant d'entrer à la Comédie Française. Perros emploie tour à tour l'humour et la distance au quotidien, dans des aphorismes ou des développements de quelques pages, au fil d'une langue à la fois dense et dépouillée.
Autre texte :
Ainsi soit elle
Sa vie, son oeuvre sur Wikipédia
Tes jambes de printemps flattent mes yeux d’automne.
Ta chevelure brune unie aux épis gris,
Quand ta démarche vive attend mon pas flétri,
Tu ris et tu danses aux heures qui résonnent.
Car c’est par ta jeunesse aux fougues de lionne
Que tu séduis l’ancien aux cernes défraîchis,
Une autre ère, autre époque et je t’aurais dit oui.
Mais garde toi ma belle, adorable amazone,
De t’approcher de moi, célébrant ta fraîcheur,
Et penser que les ans, dans toute leur splendeur,
Forgent la quiétude et font des vieux des sages.
Même si tes matins pourraient ravir mes soirs,
Tes couchers de soleil deviendraient mes otages,
De mes cieux étoilés, de mes nuits sans espoir.
© Yvan BERT
Yvan Bert (1965-)
Cet auteur s'essaie depuis quelques mois à la poésie avec une préférence pour les sonnets réguliers. Ses textes retracent les images de son parcours professionnel, sa vie de famille, la vie de tous les jours...
Même si vous n’êtes plus
que des mots dans mes poèmes
– des pronoms personnels
qui pour moi ont des corps
des gestes des paroles –
c’était pour toi pour vous pour nous
ces phrases où j’ai laissé
mes pas derrière mon cœur.
Et si l’eau est venue tout recouvrir
ou de la terre la terre
et des ciels d’autres ciels
je n’oublie pas
– vous qui n’êtes plus que des mots
dans mes poèmes –
que sous l’eau la terre le ciel
je suis relié à vous
qui me reliez à moi.
Alors je continue
de vous parler
de t’embrasser
de nous croire mortels
et d’écrire quelquefois des poèmes
où mon corps mes gestes mes paroles
sont ces cendres encore chaudes
sous mes phrases où vos pas
c’est mon cœur.
© François de CORNIERE
François de Cornière (1950-)
François de Cornière est né à Caen où il a animé pendant plus de trente ans les Rencontres pour lire. Il vit aujourd'hui près de Guérande. Il fait partie de cette nouvelle génération qui s’oppose au formalisme des années 60/70 et qui milite pour une poésie ouverte sur le quotidien, la vie réelle. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages, il a reçu le Prix RTL-Poésie 1, le Prix Georges Limbour et le Prix Guillaume-Apollinaire.
→ Courte biographie : castorastral.com
Il était une feuille avec ses lignes
Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de cœur
Il était une branche au bout de la feuille
Ligne fourchue signe de vie
Signe de chance
Signe de cœur
Il était un arbre au bout de la branche
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur
Cœur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit.
Il était des racines au bout de l'arbre
Racines vignes de vie.
Vignes de chance
Vignes de cœur
Au bout des racines il était la terre
La terre tout court
La terre toute ronde
La terre toute seule au travers du ciel
La terre.
© Robert DESNOS
Robert Desnos (1900-1945)
Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos fréquente les milieux littéraires très tôt et adhère au mouvement surréaliste en 1922. Engagé dans la Résistance, au sein du réseau AGIR, il sera arrêté puis déporté dans plusieurs camps avant de mourir du typhus au camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie.
Autre texte :
Dans un petit bateau
Sa vie, son oeuvre sur Wikipédia
Au profond de l'allée
Les quénépiers en fleurs
Répandent une odeur
Légère et vanillée
Un essaim bourdonnant
D'abeilles matinales
S'en vient dans le jour pâle,
Joyeux et frissonnant
Chercher dans les corolles
Un précieux butin.
Et dans le clair matin
Les papillons s'envolent.
Un rayon de soleil
Baise au front une rose,
Qui se trouble, et qui n'ose
Regretter son sommeil.
Un parfum se respire
Sous les grands platanes,
Un parfum printanier
De chose en délire.
Et je m'emplis les bras
De fleurs à peine écloses,
De jasmins et de roses,
De lis et de lilas,
Et j'écoute, charmée,
Le murmure des eaux
Et tous les chants d'oiseaux
Repars dans la ramée.
Les cieux sont éclatants
Car le soleil s'enflamme,
Et je sens dans mon âme
Chanter tout ce Printemps !
© Ida FAUBERT
Ida Faubert (1882-1969)
Fille du président Salomon, Ida Faubert est née à Port-au-Prince où elle passe une enfance heureuse au palais présidentiel. Chassé du pouvoir par les opposants, le président Salomon s'exile en France et Ida fait ses études à Paris. Après un premier mariage raté, elle retourne à Haïti où elle épouse André Faubert. Elle mène une vie mondaine et se lance dans la renaissance de la littérature de son pays. Puis en 1914, elle s'établit à Paris, divorce à nouveau et fréquente les artistes surréalistes et les grands écrivains. Ses poèmes se publient en Haïti et en France.
Sa biographie sur Wikipédia
Saperlipopette ! Saperlipopette !
Le clair juron que celui-ci
comme une fleur criarde
aux lèvres d’un printemps !
Saperlicoquette ! Saperlicoquette !
dit l’oiseau qui voit tant de rose
sur les tendres joues de l’aurore !
Saperlipompette ! Saperlipompette !
dit mon cœur qui voit tant de rouge
sur le nez solaire d’un ciel
ivre d’été dès le matin
Saperliproprette ! Saperliproprette !
dit le ciel en voyant la terre
se laver à grande eau de pluie.
Et toi qui lis présentement
mes mots en jeu mes mots en joie
Tu dois te dire en souriant :
Saperlipoète ! Saperlipoète !
© Christian MONCELET
Christian Moncelet (1944-)
Professeur des universités, spécialiste du poète René Guy Cadou, d’Alexandre Vialatte et d’André Frédérique, Christian Moncelet a consacré des recherches au comique des textes et des images. Il est aussi créateur d’Insolivres, collection d’objets livresques mêlant humour et poésie et co-fondateur de la revue ARPA.
Dans l’air la merveilleuse odeur de violettes,
Nos doigts entrelacés et nos lèvres muettes.
Les rosiers roux ont la couleur de tes cheveux
Et nos coeurs sont pareils… Je veux ce que tu veux.
Tout le jardin autour de nous, ma bien-aimée,
Et la brise embaumant ta face parfumée.
Nulle n’a la splendeur de tes cheveux flottants
Ni le charme de ton sourire, ô mon Printemps !
De tout mon coeur avide et chantant je te loue.
Nulle n’a le contour précieux de ta joue,
Nulle n’a ce regard incertain qui me plaît,
Mêlé de gris aigu, de vert, de violet.
Dans l’énorme univers nulle ne te ressemble,
C’est pourquoi près de toi mon désir brûle et tremble.
Je le sais, ton regard n’a pas de loyauté
Et ta bouche a menti… Que j’aime ta beauté !
Règne sur moi toujours, préférée et suprême…
Que tes plus petits pas sont charmants… Que je t’aime
Renée VIVIEN
Renée Vivien (1877-1909)
Renée Vivien, née Pauline Mary Tarn, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française du courant parnassien de la Belle Époque. A l'abri du besoin par un héritage paternel conséquent, elle voyagea beaucoup à travers le monde. En 1899, elle s’installe définitivement à Paris et prend un nom de plume : René Vivien, prénom qu’elle féminise ensuite en Renée. L’intense production littéraire et poétique se mêle à des tentatives de suicide. Renée vit le spleen baudelairien, se drogue, boit de plus en plus d’alcool en solitaire.
Elle fut la première poétesse francophone à exprimer ouvertement son amour physique pour les femmes.
Autres textes :
Veillée heureuse
Victoire
Sa biographie sur Wikipédia
Comment se fait-il que la nature soit si belle
Dans la moindre ramure, dans le moindre champ
Dans les envolées d’oiseaux, les nuances
du couchant ?
Arbres, fleurs et fruits
Planètes, étoiles, galaxies
Tout bruisse chante rayonne
Et ne dit presque rien
Tout tourne danse absorbe
Et dans l’échange se tient
La sève est
Le rêve est
Tout est divers et tout est un
Tout est lumière et tout s’éteint
Qui donne au monde cette intime vibration
Cet élan qui abonde mon corps
Et que mon âme cherche tant ?
Comment se fait-il
Qu’au moindre de ses gestes
Du nord au sud, d’est en ouest
Jamais rien ne l’élude, jamais rien ne l’arrête ?
Où est la musique qu’elle a en tête
Que dit-elle ?
Elle doit bien avoir une douce musique en tête
Pour paraître si belle
Arborer ce sourire
D’arbres, fleurs et fruits
Planètes, étoiles, galaxies
Qui donne au monde cette intime vibration
Le vent dans le ciel, le sang dans les veines
L’espace et le temps, les femmes si belles ?
On dirait de l’amour
Où est le coeur du monde ?
© Sylvain FESSON
Sylvain Fesson
Poète interprète, également journaliste et collaborateur à Philosophie Magazine, Sylvain Fesson aime s'entourer de musiciens pour faire bouger les lignes. Mis en musique par Arthur Devreux, son album « Sonique-moi » dont est extrait ce texte, signe la maturité de son écriture. Artiste à découvrir d'urgence !
Son site : http://www.sylvainfesson.com/
Découvrir ses albums :
https://sylvain-fesson.bandcamp.com/
Journaliste, intervieweur : http://parlhot.com/
Je me souviens de mon grand-père,
Me racontant les monstruosités de cette ère,
Inimaginables et impensables,
Comment ont-ils fait pour ne pas se sentir responsables ?
Je me souviens de mon grand-père,
Me parlant de cet homme qu’il avait côtoyé,
Cet homme, aux cheveux aussi noirs que le charbon qui les emmenait auprès de leur bien-aimé,
Fixant nuit et jour, ce numéro ou son nom, lui-même ne savait la différence…
Par leur faute, ces gens à l’étoile jaune étaient devenus des chiens à la recherche de leur laisse.
Je me souviens de mon grand-père,
Me décrivant ses cauchemars, ses frayeurs, ses angoisses,
Dès que le blockältester entrait dans la pièce,
Les coeurs ne battaient plus.
Pourquoi ?
Ces Hommes, ces Femmes et ces Enfants
Etaient déjà éteints,
La bougie de leur existence était morte…
Abattue, à cause d’un simple nom :
“Juif”, “Homosexuel”, “Handicapé”, “Communiste”, “Tzigane”
Je me souviens de mon grand-père,
Se confessant, de la profondeur du regard de son ami,
Emmené dans la douche Maudite.
La main sur la vitre de la porte, derrière lui, les gens sombrent, s’affolent, tombent,
Amorphes, Épuisés.
Cet homme l’a fixé, longuement, une chaude larme a coulé sur sa joue,
Il a serré son poing.
A fait un léger sourire, amical et sincère.
Puis, est tombé.
La rage s’est emparée de mon grand-père, qui regardait le ciel,
Cette odeur. Cette fatigue. Cette haine. Cet amour l’a motivé.
Réduits à de simples chiffres, condamnés à souffrir, ces héros, on été guidés par la force et le courage.
La maigreur, la peur, l’agonie et l’envie hantaient leurs pensées.
Je me souviendrai toujours,
De ce que mon grand-père me racontait.
Gravé et inscrit à vie dans mon esprit.
© Paul BOUQUILLARD
Paul Bouquillard
C'est à titre tout fait exceptionnel que je publie ce texte, écrit par un jeune poète de 14 ans, habitant en région parisienne.
Je parcourais l'azur, ivre d'éther, sauvage,
D'un coup d'aile puissant je déchirais les cieux
Guettant de mon zénith l'exotique rivage
Où des nymphes dansaient en m'appelant des yeux.
Sans voiles tu musais, belle au sortir de l'onde.
Là, croyant voir Cypris, mon envol s'est brisé
Fondu, presque, au soleil de cette clarté blonde
Que les gouttes semaient d'un cristal irisé.
Moi de flux en reflux, toi roulis et tangage,
Notre premier soupir fut bientôt un péan
(Car étant du flot né, l'amour tient son langage),
Nous étions moi la nef et toi mon océan.
Et puis tu m'as laissé, comme le fait un rêve,
Sans un mot, sans adieu, sans même un souvenir
Que celui d'une étreinte unique et bien trop brève,
Hantise que je hais sans pouvoir la bannir.
Je suis resté là-bas, mes pennes abolies,
A la croix de nos chairs où sont nés deux chemins,
Sur l'un d'eux je t'attends, sur l'autre tu m'oublies,
Seul, dans les bris épars de mes vols surhumains.
Hélas ! Fille de l'eau, ton cœur est un voyage ;
Ton désir juvénile aspire au corps à corps ;
Tu fuis de port en port, de mouillage en mouillage,
Des mâts dressés te font d'orgiaques décors.
© Philip KIE
Philip Kie (1953-)
Auteur vivant dans la Drôme, fan de poésie et de Stéphane Mallarmé, en particulier. Il a publié un recueil de poésie « Trip mogigraphique » aux Editions Sydney Laurent en 2018.
De l’avenir, rien n’est promis.
Mais entre-temps, chantez, fillettes !
Nombreux éviers. Miroirs. Tout brille.
Portes cachant sièges-cuvettes.
Bruits d’eau. Tintement de piécettes.
Et puis ce mot sans fin redit : « Merci ».
Dans ce salon de lieux d’aisance
où les odeurs et les essences
se combattent en catimini,
vers quels ailleurs vont vos errances ?
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Qui vous mit en ce paysage ?
Quel tour du sort ? Quelle ironie ?
De quel airain est le rivage
où vous prenez refuge, appui ?
Sous le blanc soleil des néons
illuminant murs et plafonds,,
ressassez-vous mortes-saisons
entre serpillières et torchons ?
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Et craignez-vous (constante angoisse !)
de voir paraître en cet espace
quelque témoin d’un temps fini,
là, tout soudain, figé sur place ?
Redoutez-vous qu’ouvrant la porte
par où tous ces gens entrent et sortent
surgisse un jour l’ancienne amie ?
Le hasard a des coups qui portent !
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
C’est fait !… Ce fut !… C’est arrivé !…
La mer a de sournoises lames.
Nul n’aurait deviné le drame
Si peu serait à raconter…
De part et d’autre une émotion
doublée d’un embarras sans nom.
La vie parfois a des façons !
Indélébile, l’instant qui fuit…
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Pourtant, penchée sur la lunette,
le front brûlant, tempes en tempête,
vous offrîtes la place nette
comme en un jour cent fois vous faites…
Dès lors les mois vous font plus grise.
Faciès où tout trait se durcit.
Lèvres nouées. Trois poils qui frisent
au creux de joues jadis exquises…
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Vous fûtes belle ? Songes bannis !
Et de l’emploi enfin la tête !
La hargne prête ! L’oeil aux piécettes !
Jurons rentrés à chaque oubli !
Mercis sifflants !… Étrange fête…
© Esther GRANEK
Esther Granek (1927-2016)
Poétesse franco-belge qui a survécu à l'Holocauste, Esther Granek a été déportée en 1940 dans un camp de concentration à Brens, près de Gaillac. Avec sa famille, elle a pu s'échapper du camp en 1941 puis elle est retournée à Bruxelles où elle reste cachée chez son oncle et sa tante jusqu'en 1943. De 1943 jusqu'à la fin de l'occupation nazie, elle a été cachée par une famille chrétienne avec de faux papiers, prétendant être leur enfant, et travailla dans leur magasin. Elle vécut en Israël à partir de 1956. Elle a travaillé à l’ambassade de Belgique à Tel Aviv en tant que secrétaire-comptable pendant 35 années.
Autres textes :
Abri
Quoi donc ?
Offrande
Ephémérides
La fenêtre
Vacances
Site officiel : http://esthergranek.webs.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Ma Belle de Fontenay, ma Roseval, ma Viola,
ma Géante Violette de Jersey, ma Vitellote d’autrefois,
ma Désirée, ma Stella, ma Charlotte, ma Nicolas,
ma Franceline, ma Pousse Debout, ma Pompadour,
– ma Reine de tous les jours, à tous mes repas ! –
ma Rosabella, ma Rosine, mon Estima,
ma Magnum Bonum, ma Manon, ma Samba, ma Mona Lisa
– a! aa! aa! aaa! vocalise-t-il comme à l’opéra ! –
Ah ! mes Divas, mon Urgenta
(y a urgence parfois, n’est-ce pas ?)
ma Bintje pour qui j’ai un bountje typiquement bruxellois,
ma ratte du Touquet (plus radine que ratte, en effet,
mais quel morceau de choix qui n’a d’égal
que la corne de gatte de Florenville et par-delà)
même à toi, ma très moderne B.F. 15, à toutes
– fort opulentes, bien en chair, ou plus minces,
voire en forme de saucisse oblongue ou parfaitement
rondes et rubicondes de joie ! – à toutes – sans exclusive ! –
quelle que soit votre provenance
(Hollande, Belgique, Flandres, Merveille d’Amérique,
du Canada ou de la France)
que vous soyez jaunes, rouges, roses ou blanches,
laissez-moi vous appeler : mes chéries ! Laissez-moi
vous dire et vous nommer : mes patates chéries,
laissez-moi hurler : ah, purée de purée !
Qu’est-ce que je vous aime !
Que ce soit en robe des champs ou de chambre
(même s’il y a une sacrée différence) que ce soit
en pommes Duchesse, en galettes, noisettes
ou croquettes prêtes à se laisser croquer, que ce soit
en mousseline transparente ou sous la cendre
où mon cœur couve d’impatience, peu importe
pourvu que ce soit une nuit, un jour, une fois
(plusieurs fois rendraient notre Poète gaga !) pourvu que ce soit
en chemise ! Oui ! En liquette ! À tu et à toi !
Sans fioritures, ni épluchures, ni falbalas !
À cul et à chemise, quoi !
Voire à cascasse à cul tout nu comme on dit
en Ardennes, entre Rethel, Attigny et Rocroi !
Poil au patois !
© Jean-Pierre VERHEGGEN
Jean-Pierre Verheggen (1942-)
Ecrivain et poète belge de langue française, Jean-Pierre Verheggen participe dans les années 70 à TXT, revue d'avant-garde textuelle. Entre humour et dérision, sa poésie est orale, un incessant remaniement de la langue qui avec calembours, dérision et trivialité ne manque pas de truculence et ne craint pas l'obscénité. Mais les décharges et « mitraques » (selon son terme) de ce rire, mêlant cruauté et volupté, s'accompagnent aussi d'une violence négative à l'égard de toutes les illusions politiques, sociales et langagières, contre tous les rites verbaux de la société aliénante : « Mon écriture, dit Verheggen, remonte au déluge, à ce vaste orage intérieur, fou et illettré. »
Sa biographie sur Wikipédia
Dans Venise la rouge,
Pas un bateau ne bouge,
Pas un pêcheur dans l’eau,
Pas un falot.
Seul, assis à la grève,
Le grand lion soulève,
Sur l’horizon serein,
Son pied d’airain.
Autour de lui, par groupes,
Navires et chaloupes,
Pareils à des hérons
Couchés en rond,
Dorment sur l’eau qui fume
Et croisent dans la brume
En légers tourbillons
Leurs pavillons.
La lune qui s’efface
Couvre son front qui passe
D’un nuage étoilé
Demi voilé.
Ainsi, la dame abbesse
De Sainte-Croix rabaisse
Sa cape aux vastes plis
Sur son surplis.
Et les palais antiques
Et les graves portiques
Et les blancs escaliers
Des chevaliers,
Et les ponts et les rues,
Et les mornes statues,
Et le golfe mouvant
Qui tremble au vent,
Tout se tait, fors les gardes
Aux longues hallebardes
Qui veillent aux créneaux
Des arsenaux
© Alfred de MUSSET
Alfred de Musset (1810-1847)
Poète et dramaturge français, de la période romantique. A 19 ans, il publie son premier recueil qui révèle son talent et commence à mener une vie de dandy débauché. Sa première comédie, « La Nuit Vénitienne » est un échec
et il renonce provisoirement à la scéne. Pendant sa relation mouvementée avec George Sand, il écrit son chef-d'oeuvre « Lorenzaccio » en 1834 et sa pièce à succès « On ne badine pas avec l'amour. » Dépressif et alcoolique, à 30 ans, il écrit de moins en moins, mais il est élu à l'Académie française en 1852. Mort à 46 ans, à peu près oublié, il est redécouvert au XXè siècle et considéré comme l'un des grands écrivains romantiques français.
Sa biographie sur Wikipédia
Les petits matins froids du mois de février
Se lèvent dans des tons de rouge orangé,
Et les nuages lentement s'étirent,
Laissant au soleil le temps de se vêtir.
De sa douce chaleur, il fait fondre la glace
Que la nuit dépose comme une carapace,
Sur une nature, encore engourdie
Qui ne demande qu'à reprendre vie.
Février à mauvaise réputation.
A la lecture des vieux dictons
On le dit, froid, pluvieux, venteux
Et pourtant il est bien besogneux
Puisqu'il prépare le Printemps
Tirant la nature de son engourdissement
Un petit peu plus, chaque jour
Sans rien attendre en retour
Que de mourir, pour laisser sa place
A ce coquin de mois de Mars.
Mardi-gras et la chandeleur
Amènent à ce petit mois travailleur
Un air de fête, apprécié des petits
Qui le couvrent des couleurs des confettis.
© Dominique SAGNE
Dominique Sagne (1956-)
Peintre, poètesse et photographe, Dominique Sagne réside dans le sud de la France.
Son blog :
https://departbis.skyrock.com/
Que faites-vous, gente Dame, au bord de la falaise ?
Je regarde l'horizon qui sans trève m'appelle.
Vous me semblez si triste ! N'êtes-vous pas à votre aise ?
Je me sens disparaître mais aucun ne s'interpelle.
Il faut garder espoir et aller de l'avant !
Mais les hommes d'aujourd'hui ne veulent que du concret !
Toujours moins de poètes, toujours plus de savants.
Peu de gens désormais me confient leurs secrets.
En ces temps, parmi vous, je ne suis plus à ma place
Mais vous êtes attachante, de surcroît si jolie !
Je vous prie d'épargner vos compliments, de grâce !
Je ne suis faite que de rêve et de mélancolie.
Y-a-t-il un moyen de retenir votre fuite ?
Raconter mes souffrances jusqu'en Polynésie !
Voulez-vous que partout votre douleur s'ébruite ?
Faites le savoir au monde ! Mon nom est Poésie...
© Mathias ATAYI
Mathias Atayi
Mathias Atayi, rugbyman de métier le jour et poète une fois la nuit tombée, se livre à coeur ouvert dans un premier recueil de poésie à fleur de peau. Il nous dévoile, sans détour, ses pensées, ses rancoeurs, ses peines et ses sentiments sous forme de poèmes. Bien plus qu'un simple recueil, ses réflexions sont empreintes de philosophie où l'auteur médite sur la condition humaine et ses valeurs. C'est un éloge profond au bonheur, à la tolérance et à l'amour. Ce poème est extrait de son premier recueil « Envolées fugaces » paru aux Editions Euphorie Chimérique.
Entre les arbres se nouent des nimbus laiteux,
Exécutant sans fin leur lente transhumance,
Des formes où le ciel perd un peu de sa clémence
Entre tous les gris d’un azur infructueux.
Et toute cette grisaille de fin d’hiver
N’effraie pas les oiseaux qui sans cesse piaillent…
On peut ainsi entendre les chants les plus divers,
La guerre perdurant jusqu’à ce qu’ils s’en aillent.
L’herbe frémit de ces prémices du printemps,
Répondant à la fraîcheur du soir qui s’installe
Que son passage ici n’est pas plus important
Que l’air fugitif de ce lapin qui détalle.
Et le jour se prépare à son terme glorieux,
En Bretagne, par la grisaille qui sied le mieux.
© Kerian WALL
Kerian Wall (1981-)
Né dans le Finistère, Kerian Wall est traducteur de métier et poète par passion. Il participe à des revues littéraires et a publié trois recueils.
Ton corps est un pays
Où j’aime me perdre
Où j’aime me pendre
Me suspendre
Le long du temps
Et des saisons
Où les hivers sont rares
Et les étés torrides.
Ton corps est un pays
Que j’aime arpenter
Où j’aime glisser
Sur ses courbes généreuses
Sur ses formes orgueilleuses
Ondulantes dans l’extase
Soumises aux fantasmes
De chevauchées extraordinaires
De mon pays imaginaire.
Ton corps est un pays
Où il n’y a nulle frontière
Aucune couleur
Sauf celle de l’amour
Identique au ciel pur
Pareil à l’azur
De la caresse du vent
Qui dépose sur moi
Des bijoux océans
Et la promesse éternelle
D’avoir toujours vingt ans.
Ton corps est un pays
Que j’aime regarder
Où j’aime voir briller
Au fond d'eaux diamantées
Les étoiles orangées
De tes désirs cachés
Les soleils enfiévrés
De tes plaisirs chantés
Les aubes enchantées
De tes baisers bleutés.
Ton corps est un pays
Où j’aime me reposer
Où j’aime m’allonger
Où j’aime m’enterrer
Où j’aime ressentir
Mon corps te languir
Mon cœur s’attendrir
Et mon âme
T’appartenir...
© Stéphane GEBEL DE GEBHARDT
Stéphane Gebel de Gebhardt
Ecrivain touche à tout, récits courts et nouvelles en passant par la poésie, il a publié plusieurs recueils chez Book Edition. Il vit à Rimouski au Québec.
Autres textes
Une éternité à t'aimer
Odette à Huguette
Ses blogs :
lejournaluse.blogspot.fr
humouretgalipettes.blogspot.fr
Si vivante
La lumière
Sur le volet bleu
Fissuré
Si vivant
Le caillou
Sur la marelle
Effacée
Si vivante
La craie
Sur le tableau
De mon enfance
Si vivant
Le souffle
Sur ma lèvre
Asséchée
Si vivante
La flamme
Qui brûle
Mon chagrin
Si vivant
Le néant
Au linceul
Du destin
Si vivante
La rose
Sur le banc
Des amants
Si vivant
Le trèfle
Près du cèdre
Endormi
Si vivante
La main
Qui caresse
Mes cernes
Si vivant
Le sanglot
Qui coule
Sur " maman"
Si vivante
La pluie
Sur la fissure
Du marbre
Si vivant
L’indigo
Sur l’arc en ciel
Ephémère
Si vivante
L’étoile
Aurore
De l’infini
Si vivant
Le lambeau
Sur ce corps
Epuisé
Si vivante
La crasse
Sur la croix
Du mendiant
Si vivant
Le rêve
Au lit
Tumultueux
Si vivante
La ride
Au miroir
Silencieux
© Bruno KROL
Bruno Krol
Fils, petit- fils de mineur de fond, ayant lui-même travaillé comme ouvrier des houillères, Bruno Krol habite OIGNIES (62) à deux pas de la fosse 9, qui a vu fermer en 1990 le dernier puits de mine dans le Nord Pas-de-Calais..
Militant engagé, il a vécu auprés des mineurs des moments forts, de joies, de souffrances, de luttes qu'il n'oubliera jamais !
Il est aujourd'hui enquêteur social dans sa région.
Ses passions : peinture, écriture.
Il ne revendique nullement l'excellence littéraire, mais l'authenticité !! Ses mots sont des cris.
Sa page sur atramenta.net
A l’écheveau des heures, se fabrique
Le cœur des saisons où glisse le vent.
De l’autre côté des mots bucoliques,
L’hiver rend l’âme en quelques battements.
…
Le jour jase déjà dans les secondes
Qui ne font que passer au bord du temps.
Un silence baille et lance sa fronde
Sur mes cernes suppliant le printemps.
…
Écoute l’aube, devant la colline
Ouvrir sa fenêtre au soleil pâlot.
Des ombres gelées ferment leur rétine,
Quand la rosée chasse ce complot.
…
Dans son donjon de givre, la pierraille
Me raconte ses rêves fabuleux.
Les oiseaux se taisent sur la rocaille,
Cachés dans le silence paresseux.
…
Sur mon cahier où la neige distille
Ses comètes, j’invoque ton regard.
Et l’infini s’habille de guenilles,
Laissant des graffitis sur mon buvard.
…
Pas même le houx dans la clairière
Ne veut dépérir quand le ciel bien bas
Enferme dans sa cage, la lumière.
Sous les ronces, la vie agite ses bras.
…
Aussi, je viens courtiser l’espérance.
Si ce matin, éclot le mimosa,
En flocons lumineux, la confiance
Coiffera les futaies de son aura.
…
Dés lors, l’écho de ton cœur désinvolte
Tambourine les cailloux de janvier.
Dans le chêne échevelé, virevolte
L’effraie revenue me parler.
© SEDNA
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont ses sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
Autres textes
Marée haute
Planète en danger
Air marin
La poudre d'escampette
Son site : http://www.cassiopee17.fr/
© Eric ALLARD
Eric Allard (1959-)
Éric Allard est né en 1959, un jour de carnaval, à Charleroi, en Belgique, où il habite et travaille en tant que professeur de mathématiques. Coanimateur de la revue de poésie Remue-Méninges depuis 1983, il a publié des textes dans diverses revues papier ou en ligne (Microbe, Mgversion2, Décharge, Liqueur 44, La Belle-mère dure...).
Son profil sur Twitter
Avec ton parapluie bleu et tes brebis sales,
avec tes vêtements qui sentent le fromage,
tu t’en vas vers le ciel du coteau, appuyé
sur ton bâton de houx, de chêne ou de néflier.
Tu suis le chien au poil dur et l’âne portant
les bidons ternes sur son dos saillant.
Tu passeras devant les forgerons des villages,
puis tu regagneras la balsamique montagne
où ton troupeau paîtra comme des buissons blancs.
Là, des vapeurs cachent les pics en se traînant.
Là, volent des vautours au col pelé et s’allument
des fumées rouges dans les brumes nocturnes.
Là, tu regarderas avec tranquillité,
L’esprit de Dieu planer sur cette immensité.
Francis Jammes (1868-1938)
Poète, romancier, dramaturge français, Francis Jammes passa la majeure partie de sa vie dans le Béarn et la Pays Basque, principales sources de son inspiration.
Autre texte : La salle à manger
Sa biographie sur Wikipédia
Au clair soleil de la jeunesse,
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru.
- Est-il sûr qu’un jour tout renaisse,
Après que tout a disparu ?
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru !
Et tout manque où ma main s’appuie.
- Après que tout a disparu
Je regarde tomber la pluie.
Et tout manque où ma main s’appuie
Hélas ! les beaux jours ne sont plus.
- Je regarde tomber la pluie…
Vraiment, j’ai vingt ans révolus.
Louisa Siefert (1845-1877)
Poétesse française, elle est accablée dès l’adolescence par la tuberculose qui devait l’emporter précocement. Son premier recueil de poèmes, « Rayons perdus », paru en 1868, connaît un grand succès. Elle a laissé une poésie empreinte de douleur mais soutenue d’un vif spiritualisme protestant. Louisa Siefert est l'arrière-grand-tante du chanteur Renaud.
Sa biographie sur Wikipédia
Un coup pour a. Deux coups pour b.
Le monde bouge. Il va tomber.
Trois coups pour c. Quatre pour d.
C’est le moment de regarder.
Cinq coups pour é. Six coups pour f.
Il n’a plus d’âme. A-t-il un chef ?
G, coups sept. Hache huit. I neuf.
Comment faire un monde plus neuf ?
Dix coups pour j, plus un pour k.
L’existence nous convoqua.
Taciturne à force de cris,
la jupe grosse de conscrits,
elle nous apprend tour à tour
l’ombre claire, le sombre jour,
l’enfer béni, le ciel puni,
tout le fini de l’infini,
douze pour I et treize pour
ème, les griffons de l’amour,
n, o, p, q, quatre, cinq, six
et sept, le poison, le tennis
mais, aussi, la peur de périr
qui nourrit l’honneur de souffrir.
R dix-huit. S dix-neuf.
Elle s’en va. Tu te sens veuf.
Vingt coups pour t, plus un pour u.
À mesure qu’elle décrut,
le souffle approcha notre main.
Aujourd’hui s’appelle demain.
Vingt-deux et trois pour les deux v.
Que voulons-nous ? Nous élever.
Quatre et cinq pour l’x et l’i grec.
Mais le bourreau ne vienne avec.
Pour la lettre z un seul coup.
Le prisonnier se met debout.
Car le terme ouvre le début
Rien ne sera de ce qui fut.
© Jacques AUDIBERTI
Jacques Audiberti (1899-1966)
Ecrivain, poète et dramaturge français, Jacques Audiberti a débuté comme journaliste d'investigation, puis a publié son premier recueil de poèmes en 1930.
Il est l'auteur d'une œuvre théâtrale importante, mais aussi de romans, d'essais, de poèmes et de critiques cinématographiques.
Association des Amis de Jacques Audiberti
Sa biographie sur Wikipédia
J’ai trempé mon doigt dans la confiture
Turelure.
Ça sentait les abeilles
Ça sentait les groseilles
Ça sentait le soleil.
J’ai trempé mon doigt dans la confiture
Puis je l’ai sucé,
Comme on suce les joues de bonne grand-maman
Qui n’a plus mal aux dents
Et qui parle de fées…
Puis je l’ai sucé
Sucé
Mais tellement sucé
Que je l’ai avalé !
© René DE OBALDIA
René de Obaldia (1918-2022)
Dramaturge, romancier et poète français, souvent qualifié « d'inventeur du langage », René de Obaldia écrit des textes qui sont presque tous empreints d'humour fantastique, de fantaisie et d'imagination. Il est membre de l'Académie française.
Sa biographie sur Wikipédia
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent commes des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
© Jacques PREVERT
Jacques Prévert (1900-1977)
Poète, scénariste et dialoguiste français, qui devint célèbre grâce au succès de son premier recueil de poèmes, « Paroles », où son langage familier et ses jeux de mots sont appréciés. Ses poèmes sont depuis lors connus dans le monde entier et appris dans les écoles françaises.
Autres textes
Cet amour
Sanguine
Sables mouvants
Mai 68
Le cancre
Sa biographie sur Wikipédia
J’efface de mes virtuelles caresses
Les jours anciens de ton corps
Pour que tu retrouves encore
Le chemin ébloui de ma tendresse
La main modelant le désir
Le mystère et l’audace au tréfonds
La beauté est toujours au fond
D’une blessure du plaisir
Tu effaces de tes virtuelles caresses
Les jours anciens de mon corps
Pour que je retrouve encore
Le chemin ébloui de ta tendresse
Ce qui est dit l’est toujours en fonction
De ce qui ne sera jamais exprimé
C’est là que nous nous reconnaissons
Le seul vrai langage est un baiser.
© Jacques VIALLEBESSET
Jacques Viallebesset (1949-)
Né en 1949 en Auvergne où il réside, Jacques Viallebesset est le pseudonyme d’un éditeur de spiritualité et d’ésotérisme. Franc-maçon, il s’est fait connaître comme co-auteur d’un roman "La conjuration des vengeurs" (2006), où il utilise tous les ressorts de l’imaginaire et de la symbolique maçonniques, adapté en bande dessinée sous le titre éponyme en 2010 chez Glénat. Il a publié plusieurs recueils et ses textes sont présents dans plusieurs revues et anthologies.
Son blog
L'atelier des Poètes
© Arnaud SOMVEILLE
Arnaud Somveille
Professeur des écoles, Arnaud Somveille est un poète "touche-à-tout", aime jouer avec les mots. Il est auteur de limericks, dictons, abécédaires, contes et petits poèmes pour enfants. Il a publié plusieurs recueils dont "C'est encore loin Limerick ? Tais-toi et rime"...
Son site
http://www.sororimmonde.com/
Le doux titre et l’emploi charmant :
Être, en juin, un berger d’abeilles,
Lorsque les prés sont des corbeilles
Et les champs des mers de froment ;
Quand les faucheurs sur les enclumes
Martèlent la faux au son clair,
Et que les oisillons dans l’air
Font bouffer leurs premières plumes !
Berger d’abeilles, je le fus,
A huit ans, là-bas, chez mon père,
Lorsque son vieux rucher prospère
Chantait sous ses poiriers touffus.
Quel bonheur de manquer l’école
Que l’été transforme en prison,
De se rouler dans le gazon,
Ou de suivre l’essaim qui vole,
En lui disant sur un ton doux
Pour qu’il s’arrête aux branches basses :
« Posez-vous, car vous êtes lasses ;
Belles abeilles, posez-vous !
« Nous avons des ruches nouvelles
Faites d’un bois qui vous plaira ;
La sauge les parfumera :
Posez-vous, abeilles, mes belles ! »
Et les abeilles se posaient
En une énorme grappe grise
Que berçait mollement la brise
Dans les rameaux qui bruissaient.
« Père ! criais-je, père ! arrive !
Un essaim ! » Et l’on préparait
La ruche neuve où sans regret
La tribu demeurait captive.
Puis, sur le soir, lorsque, à pas lents,
Du fond des pâtures lointaines
Les troupeaux revenaient bêlants
Vers l’étable et vers les fontaines,
Je retrouvais mon père au seuil
Comptant ses bêtes caressantes,
Et lui disais avec orgueil :
« Toutes les miennes sont présentes ! »
Le doux titre et l’emploi charmant :
Être, en juin, un berger d’abeilles,
Lorsque les prés sont des corbeilles
Et les champs des mers de froment !
François Fabié (1846-1928)
Poète régionaliste français né en Aveyron, François Fabié a été professeur de littérature au lycée de Toulon où il se marie et publie son premier recueil de poésie "La poésie des bêtes". Il enseigne ensuite au lycée Charlemagne à Paris puis à sa retraite, en 1908, il rejoint le village de La Valette à côté de Toulon d'où est native sa femme. Le Moulin de Roupeyrac, sa maison natale, est aujourd'hui un musée consacré à sa vie et à son œuvre.
Sa biographie sur wikipédia
Par la seule magie de leurs noms
il est des villes perdues ou non
d’Aden à Zanzibar
qui chantent dans nos mémoires.
Ô cette rumeur de l’inconnu
au coin des rues de la terre
à Samarkand comme à Shanghaï
avant même que d’y être…
Le refrain qui a ouvert la route
parle au cœur et aux songes
de Tombouctou, de Bénarès, de Louxor
et d’Antioche-sur-Oronte :
c’est à l’oreille aussi
qu’il faut courir le monde.
© André VELTER
André Velter (1945-)
Poète, essayiste, chroniqueur et homme de radio français, même s’il ne se reconnaît qu’une seule qualité : celle de « voyageur ». Ses poèmes sont traduits dans une trentaine de langues.
Il a multiplié les collaborations avec d'autres artistes, des photographes, des peintres, des musiciens, des chanteurs, des comédiens, des metteurs en scène. Il a remporté le Prix Goncourt de poésie en 1996.
Son site
http://www.andrevelter.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Pour apaiser l'enfant qui, ce soir, n'est pas sage,
Églé, cédant enfin, dégrafe son corsage,
D'où sort, globe de neige, un sein gonflé de lait.
L'enfant, calmé soudain, a vu ce qu'il voulait,
Et de ses petits doigts pétrissant la chair blanche
Colle une bouche avide au beau sein qui se penche.
Églé sourit, heureuse et chaste en ses pensers,
Et si pure de cœur sous les longs cils baissés.
Le feu brille dans l'âtre ; et la flamme, au passage,
D'un joyeux reflet rose éclaire son visage,
Cependant qu'au dehors le vent mène un grand bruit...
L'enfant s'est détaché, mûr enfin pour la nuit,
Et, les yeux clos, s'endort d'un bon sommeil sans fièvres,
Une goutte de lait tremblante encore aux lèvres.
La mère, suspendue au souffle égal et doux,
Le contemple, étendu, tout nu, sur ses genoux,
Et, gagnée à son tour au grand calme qui tombe,
Incline son beau col flexible de colombe ;
Et, là-bas, sous la lampe au rayon studieux,
Le père au large front, qui vit parmi les dieux,
Laissant le livre antique, un instant considère,
Double miroir d'amour, l'enfant avec la mère,
Et dans la chambre sainte, où bat un triple cœur,
Adore la présence auguste du bonheur.
© Illustration : Zinaida Serebryakova (1884-1967)
Albert Samain (1858-1900)
Poète symboliste français, Albert Samain a dû arrêter ses études à la mort de son père, à l'âge de 14 ans. Rejoignant Paris vers 1880, il commence à fréquenter les cercles littéraires et récite ses poèmes au « Chat noir ». En 1893, la publication de son recueil « Au jardin de l'infante » lui vaut un succès immédiat. Fin 1899, sa santé se détériore : il est atteint de phtisie. Il se retire chez un ami dans la Vallée de Chevreuse et meurt à l'été 1900. Une des originalités d'Albert Samain est l'utilisation du sonnet à quinze vers. Après sa mort, ses poésies sont réimprimées un nombre considérable de fois, et de nombreux musiciens ont composé des mélodies sur ses textes.
Autres textes
Hiver
Matin sur le port
La cuisine
Sa biographie sur Wikipédia
Ce baiser tant langui, je l'ai chanté aux anges,
J'en ai parlé aux fleurs qui bordaient mes sentiers,
Aux peintres de la mer qui rêvaient de mélanges,
Aux saisons, aux oiseaux, à la nuit étoilée.
Ce baiser espéré, je le craignais sans doute ;
- Pour un poète en noir, l'espoir n'est pas permis -
Il a suffi de toi, lumière sur ma route,
Pour y croire à nouveau et chasser mes "tant pis".
Ce baiser m'a surpris, te prenant par la taille,
L'appel de ton parfum ne montrait que ta joue,
Un mot à peine né de mes sombres entrailles
Soudain s'effilocha comme un pleutre "miaou"...
Ce baiser libéré, l'index mis sur ma bouche,
Ce goût fort étrange, ces scellés de l'été,
Ces plis d'ailes moirées sur tes lèvres farouches,
Cachaient nos deux prénoms dans un nid d'oiselets...
© Frédéric COGNO
Frédéric Cogno
Autodidacte, rêveur et passionné, épris de poésie et de théâtre, Frédéric Cogno est éducateur auprès d'adultes handicapés mentaux et animateur-poète dans une maison de retraite. Il s'évertue à partager des émotions et la saveur des mots. Auteur de plusieurs recueils de poésie, il a aussi mis en scène un conte musical pour enfants.
Autre texte
Le litchi
O mes îles,
Marquises bénies des vents,
je vous murmure des mots
que les embruns coifferont d’éternité.
Je crie des larmes inconnues
longtemps perçues en apparence.
Une étoile aussi est une île
et l’âme s’enroule à ses neiges.
Je voyage sur les vagues la main sur la Bible
vers Pâques où les moai tournent le dos à l’océan.
Galapagos aux rives lentes,
laissez-moi vous offrir
mon ancre d’Eden aux genêts d’Armorique.
Jean-Albert Guénégan (1954-)
Poète breton, Jean-Albert Guénégan est auteur de plusieurs ouvrages de poésie, récits autobiographiques et livres d’artiste. Il est aussi membre du jury de poésie de l’Association des Ecrivains Bretons, de l’Union des poètes et Compagnie, il intervient dans les écoles, collèges et lycées, anime des soirées lecture dans les médiathèques et travaille avec des amis artistes peintres et sculpteurs. Avec deux amis poètes, il est le fondateur de la revue en ligne l'Herbe Folle. Ses textes ont été traduits en langue bretonne, italienne, portugaise, arabe et roumaine.
Sa biographie sur wikipédia
Les ajoncs éclatants, parure du granit,
Dorent l’âpre sommet que le couchant allume ;
Au loin, brillante encor par sa barre d’écume,
La mer sans fin commence où la terre finit.
A mes pieds c’est la nuit, le silence. Le nid
Se tait, l’homme est rentré sous le chaume qui fume.
Seul, l’Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
A la vaste rumeur de l’Océan s’unit.
Alors, comme du fond d’un abîme, des traînes,
Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
De pâtres attardés ramenant le bétail.
L’horizon tout entier s’enveloppe dans l’ombre,
Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
Ferme les branches d’or de son rouge éventail.
José-Maria de Heredia (1842-1905)
Homme de lettres d'origine cubaine, naturalisé français en 1893. Il est l'auteur d'un seul recueil : "Les Trophées".
Autres textes
Le récif de corail
Le lit
Sa biographie sur wikipédia
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger.
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux.
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus.
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps.
C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie.
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux.
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
A l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées.
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
© Louis ARAGON
Louis Aragon (1897-1982)
Poète et romancier français, il participe au mouvement dadaïste et surréaliste aux côtés de André Breton. En 1928, sa rencontre avec Elsa Triolet, l'amour de sa vie, lui inspirera de nombreux poèmes.
Autres textes
Que serais-je sans toi ?
Les larmes se ressemblent
Les mains d'Elsa
Autre site
http://www.maison-triolet-aragon.com/
Sa biographie sur Wikipédia
L’hiver blanchit le dur chemin.
Tes jours aux méchants sont en proie.
La bise mord ta douce main,
La haine souffle sur ta joie.
La neige emplit le noir sillon.
La lumière est diminuée…
Ferme ta porte à l’aquilon !
Ferme ta vitre à la nuée !
Et puis laisse ton cœur ouvert !
Le cœur, c’est la sainte fenêtre.
Le soleil de brume est couvert ;
Mais Dieu va rayonner peut-être !
Doute du bonheur, fruit mortel,
Doute de l’homme plein d’envie,
Doute du prêtre et de l’autel,
Mais crois à l’amour, ô ma vie !
Crois à l’amour, toujours entier,
Toujours brillant sous tous les voiles !
À l’amour, tison du foyer !
À l’amour, rayon des étoiles !
Aime, et ne désespère pas.
Dans ton âme où parfois je passe,
Où mes vers chuchotent tout bas,
Laisse chaque chose à sa place.
La fidélité sans ennui,
La paix des vertus élevées,
Et l’indulgence pour autrui,
Éponge des fautes lavées.
Dans ta pensée où tout est beau,
Que rien ne tombe ou ne recule.
Fais de ton amour ton flambeau.
On s’éclaire de ce qui brûle.
À ces démons d’inimitié
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse-leur en pitié
Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine.
La haine, c’est l’hiver du cœur.
Plains-les. Mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur.
Bel arc-en-ciel, sors de l’orage !
Garde ton amour éternel.
L’hiver, l’astre éteint-il sa flamme ?
Dieu ne retire rien du ciel ;
Ne retire rien de ton âme !
Victor Hugo (1802-1885)
Poète, dramaturge, prosateur et dessinateur romantique français, Victor Hugo est considéré comme l'un des plus grands écrivains de langue française. Il est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé. Homme de théâtre, il est l'un des chefs de fil du romantisme français. Il a fortement contribué au renouveau de la poésie et du théâtre.
Autres textes
Premier Mai
Demain dès l'aube
Sa biographie sur Wikipédia
je suis né d’une erreur du vent et de la mer
c’est pourquoi j’ai vécu au rythme des marées
entre les hommes et dieu je n’ai pas pu choisir
poisson-lune égaré sur un trottoir vitreux
je n’ai fait que passer sans pouvoir respirer
un enfant replié s’est pris dans ma mémoire
qui m’empêche d’atteindre au pays d’où je viens
quand trouverai-je enfin de quoi crever mes yeux
sur le plancher glissant d’une barque fantôme
si je viens à mourir qu’on me jette à la mer
dans l’aube bleue des sables je trouverai ma route
j’arriverai enfin à cette grande fête
où mon corps fait surface à l’intérieur du sel
© Tristan CABRAL
Tristan Cabral (1944-)
Tristan Cabral est le nom de plume de l'écrivain et poète français Yann Houssin, né à Arcachon le 29 février 1944. Il a été pasteur et professeur de philosophie à Nîmes et a voyagé en Iran, Turquie, Amérique Centrale, Pérou, Bolivie... S'est engagé au Kurdistan, puis en Irlande du Nord.
Autres textes
Le passeur de silence
Mon pays mon naufrage
Biographie sur Wikipédia
Les deux amants heureux ne font plus qu’un seul pain,
une goutte de lune, une seule, dans l’herbe,
ils laissent en marchant deux ombres qui s’unissent,
dans le lit leur absence est un seul soleil vide.
Leur seule vérité porte le nom du jour :
ils sont liés par un parfum, non par des fils,
ils n’ont pas déchiré la paix ni les paroles.
Et leur bonheur est une tour de transparence.
L’air et le vin accompagnent les deux amants,
la nuit leur fait un don de pétales heureux,
aux deux amants reviennent de droit les œillets.
Les deux amants heureux n’auront ni fin ni mort,
ils naîtront et mourront aussi souvent qu’ils vivent,
ils possèdent l’éternité de la nature.
© Pablo NERUDA
Pablo Neruda (1904-1973)
Autre texte
Sonnet 89
Sa biographie sur le site
Camaïeux
de verts de bleus de mauves et de gris
de vagues hérissées de cristes-marines
pommelé or des genêts camaïeux de câprier des îles
centaurées de Salonique et du solstice
de silènes à fleurs roses saponaires et scabieuses
camaïeux de jusquiame blanche
et de filaires lancéolées haut perchées
sur leurs ergots de tiges sombres
Camaïeux de fauvettes et de carouges à tête jaune
d'hirondelles Astarté d'alouettes des champs
de passerins Ciris et de pluviers des sables
camaïeux de cailles blés d'Ortygie et faisans de Colchide
d'aigrettes des récifs de butors étoilés
camaïeux de caméléons crocodiles et caïmans
alligators miniatures et geckos des murailles
lézards Mürr filant au gré des lauzes
immortelles dressées odorantes du temps
ivresses du sentier nuages en miroir sur la roche
Camaïeux de vert de turquoise de noir
tiédeur des roches douces ivresses de sel
bouquets de mandragores gorgées de soleil
et du miel de dragons languissants
écharpes de lumière phylactères de brumes sombres
les serpents d'écailles étirent leurs ondes
encerclent les roches vagues bleues crêtes
et voiles d'écume blanche
camaïeux du roulis régulier de la vague
crépitements crêpelés de lumière ambre rousse
grenailles de cailloux de criques aux bruyères
incendiées de folioles
clairs de terre en camaïeux
de chants de cuivre
de cymbales et crotales
de feu
© Angèle PAOLI
Angèle Paoli (1947-)
Angèle Paoli est née à Bastia. Elle a enseigné pendant de nombreuses années la littérature française et l'italien. Elle vit actuellement dans un village du Cap Corse, d'où elle anime la revue de poésie & de critique Terres de femmes, créée en décembre 2004.
Terre de femmes
J’allume à ma fenêtre une petite lampe,
une petite lampe bleue comme mon coeur
afin que tous les mots qui traînent dans la nuit
– les mots perdus, les mots blessés,
les mots ivres de clair de lune,
les mots amoureux de la brume,
les bons mots, les mauvais mots,
les petits et les gros mots,
les mots qui volent, qui rampent,
les mots qui luisent,
les mots qui chantent,
les obscurs,
les délaissés –
afin que tous les mots de la nuit
sachent qu’il y a ici, au bord du ciel,
la maison d’un poète
qui est prêt à les accueillir
pour les bercer, les réchauffer,
les serrer contre son cœur.
© Jean JOUBERT
Jean Joubert (1928-2015)
Poète et romancier français, Jean Joubert a beaucoup écrit d'ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse. Son œuvre comprend une douzaine de recueils de poèmes, des romans et livres pour enfants. Il a a été salué comme l'un des premiers poètes lyriques de sa génération.
Autre texte :
Asseyez-vous, peuples de loups
Sa biographie sur Wikipédia
Ecoute
Le premier cri du jour
Dans son lit de velours
Les soupirs atténués
Du vent dans les nuées
L’haleine parfumée
Des terres embrumées
La rumeur imprécise
Des forêts sous la brise
La vibration limpide
De l’étang qui se ride
Le murmure gercé
De la source blessée
La mélodie secrète
Des rivières discrètes
Ecoute
L’orchestre palpitant
De la vie et du temps.
© Robert GELIS
Robert Gélis (1938-)
Poète, conteur et nouvelliste, Robert Gélis a publié plusieurs recueils de poésie et des contes d'humour et d'humanité.
L’Autre :
Celui d’en face, ou d’à côté,
Qui parle une autre langue
Qui a une autre couleur,
Et même une autre odeur
Si on cherche bien …
L’Autre :
Celui qui ne porte pas l’uniforme
Des bien-élevés,
Ni les idées
Des bien-pensants,
Qui n’a pas peur d’avouer
Qu’il a peur …
L’Autre :
Celui à qui tu ne donnerais pas trois sous
Des-fois-qu’il-irait-les-boire,
Celui qui ne lit pas les mêmes bibles,
Qui n’apprend pas les mêmes refrains …
L’Autre :
N’est pas nécessairement menteur, hypocrite,
vaniteux, égoïste, ambitieux, jaloux, lâche,
cynique, grossier, sale, cruel…
Puisque, pour Lui, l’AUTRE …
C’est Toi
© Robert GELIS
Robert Gélis (1938-)
Poète, conteur et nouvelliste, Robert Gélis a publié plusieurs recueils de poésie et des contes d'humour et d'humanité.
Une dernière fable
De Venise
Rêves de sable
Qui s’enlisent
Cité mystère
Palais des doges
Les sanctuaires
La grande loge
Les amulettes
Les talismans
Les cours secrètes
Leur goût d’orient
Éclats de lune
Sur les canaux
Que disent les runes
Baron Corvo
Pont des merveilles
Pour une émeraude
Que les lions veillent
Dans la nuit chaude
La clavicule
De Salomon
Lire les formules
Les allusions
Rencontres nocturnes
Une poétesse
Parmi les brumes
Beaucoup d’ivresse
La rue de l’amour
Des amis
Plus loin toujours
D’autres pays
© Didier VENTURINI
Didier Venturini
Auteur, compositeur, interprète et aussi poète, né à Chambéry en 1959. A publié 2 CD "Orange brûlée" en 2007 et "Dernière Fable" en 2010.
Autre texte
Pour l'exemple
Site officiel : http://www.didierventurini.com/
Sous la cloche de cristal bleu
De mes lasses mélancolies,
Mes vagues douleurs abolies
S’immobilisent peu à peu :
Végétations de symboles,
Nénuphars mornes des plaisirs,
Palmes lentes de mes désirs,
Mousses froides, lianes molles.
Seul, un lys érige d’entre eux,
Pâle et rigidement débile,
Son ascension immobile
Sur les feuillages douloureux,
Et dans les lueurs qu’il épanche
Comme une lune, peu à peu,
Élève vers le cristal bleu
Sa mystique prière blanche.
Maurice Maeterlinck (1862-1949)
Ecrivain belge francophone Maurice Maeterlinck publie dès 1885 des poèmes d'inspiration parnassienne. Après sa rencontre avec Georgette Leblanc, sœur de Maurice Leblanc, il tient un salon parisien dans la Villa Dupont : on y croise, entre autres, Oscar Wilde, Stéphane Mallarmé, Camille Saint-Saëns, Anatole France, Auguste Rodin. Figure de proue du symbolisme belge, il reste aujourd'hui célèbre pour son mélodrame Pelléas et Mélisande. Son oeuvre fait preuve d'un éclectisme littéraire et artistique (importance de la musique dans son œuvre théâtrale) propre à l'idéal symboliste. Il a obtenu le prix Nobel de littérature en 1911.
Sa biographie sur Wikipédia
À l’abri des rideaux couleur de paradis,
Un vague demi-jour sommeille dans la chambre ;
Est-ce en rêve les mots frivoles que tu dis ?...
Je m’oublie aux senteurs de tes fins cheveux d’ambre.
Un vague demi-jour sommeille dans la chambre,
La pendule a perdu son rythme avertisseur ;
Je m’oublie aux senteurs de tes fins cheveux d’ambre,
Ton âme dans tes yeux sourit avec douceur.
La pendule a perdu son rythme avertisseur,
Le grand lit dans l’alcôve est nimbé de mystère ;
Ton âme dans tes yeux sourit avec douceur,
Lèvres, fleur de pêcher folâtre, il faut vous taire.
Le grand lit dans l’alcôve est nimbé de mystère,
Le tapis de Turquie éteint le bruit des pas ;
Lèvres, fleur de pêcher folâtre, il faut vous taire
Dans l’abandon des longs baisers qu’on n’entend pas.
Le tapis de Turquie éteint le bruit des pas,
L’air est tout languissant d’un parfum de paresse ;
Dans l’abandon des longs baisers qu’on n’entend pas,
Veux-tu qu’un petit coin du ciel nous apparaisse ?
L’air est tout languissant d’un parfum de paresse,
Conseilleur de jolis projets un peu hardis...
Veux-tu qu’un petit coin du ciel nous apparaisse,
À l’abri des rideaux couleur de paradis ?
Edouard Dubus (1864-1895)
Littérateur et journaliste, esprit polyvalent, féru d'art et de poésie, aux opinions politiques versatiles, intéressé par l'occultisme et le mysticisme, il s'adonnait à la morphine et mourut dans des toilettes publiques da la place Maubert à Paris. Même si sa mort précoce ne lui permit pas d'écrire plus d'un recueil (Quand les violons sont partis), il est un des représentants importants du symbolisme, pour son activité journalistique. Il est co-fondateur du Mercure de France.
Dans l’orage secret, dans le désordre extrême
Je n’ose m’avouer à moi-même que j’aime !
Cela m’est trop cruel, trop terrible... Mais j’aime !
Pourquoi je l’aime ainsi ? L’éclat de ses cheveux...
Sa bouche... Son regard !... Ce qu’elle veut, je veux.
Je ne vis que de la clarté de ses cheveux...
Et je ne vis que du rayon de ce sourire
Qui m’attendrit, et que j’appelle et je désire...
Ô miracle de ce miraculeux sourire !...
Sa robe a des plis doux qui chantent... Et ses yeux
Gris-vert ont un regard presque... miraculeux...
J’adore ses cheveux et son front et ses yeux...
Elle ne saura point, jamais, combien je l’aime
Cependant ! Car jamais ma jalousie extrême
Ne lui laissera voir, jamais, combien je l’aime !
Renée Vivien (1877-1909)
Renée Vivien, née Pauline Mary Tarn, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française du courant parnassien de la Belle Époque. A l'abri du besoin par un héritage paternel conséquent, elle voyagea beaucoup à travers le monde. En 1899, elle s’installe définitivement à Paris et prend un nom de plume : René Vivien, prénom qu’elle féminise ensuite en Renée. L’intense production littéraire et poétique se mêle à des tentatives de suicide. Renée vit le spleen baudelairien, se drogue, boit de plus en plus d’alcool en solitaire.
Elle fut la première poétesse francophone à exprimer ouvertement son amour physique pour les femmes.
Autres textes :
Veillée heureuse
Victoire
Sa biographie sur Wikipédia
Je prends mes peines à tes peines,
Et mon ciel au ciel de tes veines ;
Ton corps est mon vin et mon pain,
Mon sel est au creux de ta main,
Dans la joie ou quand tu défailles
Réclame-moi par tes entrailles –
Pour suivre ton intime loi
L’amour m’a fait naître de toi.
L’amour qui courbe et couche
Les femmes deux à deux,
S’étanche par leur bouche
Et pleure par leurs yeux.
Unir la source à l’eau
Et le son à l’écho
Ou joindre deux rivages
– Sans pont matériel –
Semblables mariages :
Ciel noyé dans du ciel,
Reflet d’un corps à corps palpable
comme une âme,
Devenir une femme entre des bras de femme
© Natalie CLIFFORD BARNEY
Natalie Clifford Barney (1876-1972)
Femme de lettres américaine, une des dernières salonnières parisienne, Natalie Clifford Barney était fascinée par les poésies de Sappho et ouvertement lesbienne, elle a cherché à faire de son salon littéraire une école de femmes qui réponde à une Académie Française strictement masculine. Pendant plus de soixante ans, son salon a revivifié un monde littéraire et féminin. Par son indépendance d'esprit, sa liberté de mœurs, sa séduction, son goût pour les choses de l'esprit, sa fortune personnelle, elle a su donner dans le Paris de la Belle Epoque et de l'Entre deux guerre, un retentissement international de la cause féminine.
Sa biographie sur Wikipédia
Sur le versant de la montagne,
A mi-hauteur, on aperçoit
Une petite maison toute seule.
D’ici, elle semble accrochée
A un pan de muraille nue,
Et le soir, on voit sa lumière
Agoniser sous le poids de la nuit.
- Ah ! comment peut-on vivre là ?
T’exclames-tu en frissonnant.
Moi, je ne connais pas l’endroit
Mais je sais bien que la montagne
N’a pas, pour qui gravit ses pentes,
Ce visage fermé qu’on voit de loin.
Moi, je sais bien qu’elle est vêtue
De fenouil, de myrte et de menthe,
De romarin, de lavande et de thym ;
Et que sa cime se recule
A mesure qu’on va vers elle
Et que son flanc parfois se creuse
Offrant un sûr et calme asile.
Je sais qu’il y a un mûrier,
Des amandiers, des pins, des chênes,
Un tapis d’herbe et deux chevrettes
Derrière la petite maison.
Et devant elle, une terrasse
Avec son banc et sa table de pierre
Où des gens, après leur travail,
Dans l’air doré du crépuscule,
Boivent frais le vin de leur vigne.
© Charles VILDRAC
Charles Vildrac (1882-1971)
Poète et dramaturge français, Charles Vildrac fonde avec Georges Duhamel le groupe de l'Abbaye, une expérience communautaire en bord de Marne ouverte aux artistes (1906-1908). Poète, conteur, essayiste et surtout auteur dramatique : il reste l'un des écrivains de théâtre les plus importants des années 1920.
Sa biographie sur Wikipédia
Le soleil meurt : son sang ruisselle aux devantures
Et la boutique immense est comme un reposoir
Où sont, par le patron, rangés sur le comptoir
Comme des cœurs de feu, les bols de confitures.
Et, pour mieux célébrer la chute du soleil,
L’épicier triomphal qui descend de son trône,
Porte dans ses bras lourds un bocal d’huile jaune
Comme un calice d’or colossal et vermeil.
L’astre est mort ; ses derniers rayons crevant les nues
Illuminent de fièvre et d’ardeurs inconnues
La timide praline et les bonbons anglais.
Heureux celui qui peut dans nos cités flétries
Contempler un seul soir pour n’oublier jamais
La gloire des couchants sur les épiceries.
Vincent Miselli (1879-1956)
Poète français, Vincent Miselli fut, comme Guillaume Apollinaire, l'un des collaborateurs de la revue Les Marges, dirigée par Eugène Montfort, émanation de la Ligue des Amis du latin. Il exerce peu de temps dans le professorat libre puis se consacre entièrement à l'écriture. Ses poèmes sont souvent des quatrains ou des sonnets. Il reçoit en 1932 le Grand Prix Petitdidier de la Maison de Poésie, dont il devient membre en 1938.
Sa biographie sur Wikipédia
Saute à la corde
Fillette aux jupes courtes
Tu ne veux pas écraser le serpent
Tu joues
Désir qui tourne
danger sifflant
tremblante étoile
Toujours plus vite
L’Avenir frémit comme l’air au dessus du poèle
Tu VIS
Auréole de jeunesse
Amour Ô gloire frémissante
Ô cuirasse d’inconnu
Quand tu danseras à la Galette
Tes hauts talons battant tes jupes
Tu seras la corde qui tournera
toujours plus vite
Autour de l’homme qui te tiendra
Elle avait
deux enfants
de son pre-
mier amant
Saute et chante
la vie est toute dans les chansons
Tes jeunes seins vivent sur ta poitrine
Cette balle ronge qui veut danser
Des voyoux la bourrent de coups de pieds
C’est mon cœur
réchauffe-le entre tes mains
Souffle ton haleine sur l’oiseau tombé du toit
C’est ta mission
fille à la corde
Ce souffle froid qui vient du corridor...
Serpent qui passe sous tes bottines
Villes campagnes
fleuves gonflés de pluie
Saute et danse
la terre tourne sous tes pieds
Tu planes au milieu des étoiles
JEUNESSE MÉTÉORE DES NUITS D’ÉTÉ
© Paul DERMEE
Paul Dermée (1886-1951)
Paul Dermée, né Camille Janssen est un écrivain, poète belge, critique littéraire et directeur de revues et mari de Céline Arnauld.
Après des études scientifiques, il s'essaie à la littérature comme directeur d'une revue liégeoise "Mosane". Il s'installe à Paris en 1910 et rencontre Guillaume Apollinaire. Grâce à lui, il fait la connaissance des peintres Picasso, Juan Gris, Sonia et Robert Delaunay et des poètes Valery Larbaud et Max Jacob. Collaborateur de plusieurs revues. En 1927, il crée avec Michel Seuphor et Prampolini les « Documents internationaux de l’Esprit nouveau ».
Sa biographie sur Wikipédia
Le rythme de l’océan berce les transatlantiques,
Et dans l’air où les gaz dansent tels des toupies,
Tandis que siffle le rapide héroïque qui arrive au Havre,
S’avancent comme des ours, les matelots athlétiques.
New York ! New York ! Je voudrais t’habiter !
J’y vois la science qui se marie
A l’industrie,
Dans une audacieuse modernité.
Et dans les palais,
Des globes,
Eblouissants à la rétine,
Par leurs rayons ultra-violets ;
Le téléphone américain,
Et la douceur
Des ascenseurs...
Le navire provoquant de la Compagnie Anglaise
Me vit prendre place à bord terriblement excité,
Et tout heureux du confort du beau navire à turbines,
Comme de l’installation de l’électricité,
Illuminant par torrents la trépidante cabine.
La cabine incendiée de colonnes de cuivre,
Sur lesquelles, des secondes, jouirent mes mains ivres
De grelotter brusquement dans la fraîcheur du métal,
Et doucher mon appétit par ce plongeon vital,
Tandis que la verte impression de l’odeur du vernis neuf
Me criait la date claire, où, délaissant les factures,
Dans le vert fou de l’herbe, je roulais comme un œuf.
Que ma chemise m’enivrait ! et pour te sentir frémir
A la façon d’un cheval, sentiment de la nature !
Que j’eusse voulu brouter ! que j’eusse voulu courir !
Et que j’étais bien sur le pont, ballotté par la musique ;
Et que le froid est puissant comme sensation physique.
Quand on vient à respirer !
Enfin, ne pouvant hennir, et ne pouvant nager,
Je fis des connaissances parmi les passagers,
Qui regardaient basculer la ligne de flottaison ;
Et jusqu’à ce que nous vîmes ensemble les tramways du matin courir à l’horizon,
Et blanchir rapidement les façades des demeures.
Sous la pluie, et sous le soleil, et sous le cirque étoilé,
Nous voguâmes sans accident jusqu’à sept fois vingt-quatre heures !
Le commerce a favorisé ma jeune initiative :
Huit millions de dollars gagnés dans les conserves
Et la marque célèbre de la tête de Gladstone
M’ont donné dix steamers de chacun quatre mille tonnes,
Qui battent des pavillons brodés à mes initiales,
Et impriment sur les flots ma puissance commerciale.
Je possède également ma première locomotive :
Elle souffle sa vapeur, tels les chevaux qui s’ébrouent,
Et, courbant son orgueil sous les doigts professionnels,
Elle file follement, rigide sur ses huit roues.
Elle traîne un long train dans son aventureuse marche,
Dans le vert Canada, aux forêts inexploitées,
Et traverse mes ponts aux caravanes d’arches,
A l’aurore, les champs et les blés familiers ;
Ou, croyant distinguer une ville dans les nuits étoilées,
Elle siffle infiniment à travers les vallées,
En rêvant à l’oasis : la gare au ciel de verre,
Dans le buisson des rails qu’elle croise par milliers,
Où, remorquant son nuage, elle roule son tonnerre.
Arthur Cravan
(1887-1918)
Né à Lausanne en Suisse, Arthur Cravan, de son vrai nom Fabian Avenarius Llyod, a disparu vraisemblablement dans le golfe de Tehuantepec (Mexique) en novembre 1918. Poète et boxeur britannique de langue française, il fut considéré, tant par les dadaïstes que par les surréalistes comme un des précurseurs de leurs mouvements, Arthur Cravan a provoqué le scandale partout où il est passé.
Sa biographie sur Wikipédia
J’écoute passer l’heure et la brume glisser
Le long des arbres nus que l’hiver a cassés.
Le vent s’agite et court parmi le paysage
Et mon rêve avec lui se soulève et voyage.
Tant de chagrins mauvais se sont mêlés à lui
Que, l’ayant bien connu, je l’ignore aujourd’hui.
Plus jeune, il s’émouvait des fillettes ornées
Et du ciel et des eaux et des courtes années
Et de l’automne agile à dépouiller les bois,
Mais ce soir hivernal, je m’attriste et je vois
Sur la mer de mon cœur que la passion soulève,
Aux vents se déchirer les voiles de mon rêve.
Louis Boumal (1890-1918)
Ecrivain et poète belge, Louis Boumal a été professeur de rhétorique à l'Athénée royal de Bouillon et collabore à la revue Wallonia. Il est mobilisé alors que son épouse est enceinte. Durant la Première guerre mondiale, il continue d'écrire et publie des "Lettres de soldat", puis fonde une revue derrière le front intitulée "Les Cahiers". Ses poèmes, écrits au front, expriment la mélancolie de l'éloignement forcé et le regret du bonheur abandonné au pays natal. Il meurt de la grippe espagnole peu de temps avant la fin des combats qu'il n'avait jamais quittés. Il avait conquis sur le champ de bataille son étoile de lieutenant et avait été fait Chevalier de l'ordre de la couronne.
Sa biographie sur Wikipédia
Tu auras tous les mensonges devant toi
comme un paquet tout neuf
de cartes à jouer
tu seras le roi et il n’y aura plus de reine
que des valets et des bouffons
que les carreaux et les piques
le cœur et le trèfle seront abandonnés en aumône
aux pauvres types devant les temples sales
tu auras la ville à tes pieds
ses ruines gluantes
tu en achèteras des reproductions
où un filtre céleste ennoblit la pureté des angles
ranime le blanc de la pierre
teint le ciel
éblouit l’œil et rachète ton âme
tu diras toute la vérité, rien que la vérité
avec des lieux communs, des phrases toutes faites
des enthousiasmes en série
tu seras normal, rassuré, intégré, bien-aimé
récompensé
tu auras beau jeu, bon vent
sur l’autoportrait, ton blanc sourire
s’harmonisera avec la ville splendide
en arrière-plan
Narcisse se payera ta tête
avec une super caméra
le Président du mensonge te décorera
la Police t’offrira des fleurs
la Putain t’embrassera sur la bouche
ta Mère te félicitera
quand tu te réveilleras
simple touriste
tu seras heureux que tout cela soit vrai
© Hélène MONETTE
Hélène Monette (1960-2015)
Poète et romancière québécoise, Hélène Monette a fait des études de littérature à l'Université du Québec à Montréal et à l'Université Concordia. Auteure d'une vingtaine d'ouvrages, elle a publié des poèmes dans la revue Moebius, des récits et deux romans.
Sa biographie sur Wikipédia
J’écris comme on consulte un album de photos
une photographie, c’est l’existence au plus-que-parfait du subjonctif
à l’imparfait du subversif, du disjonctif
J’essaie de me souvenir
comme l’enfant de la photo en couleur essaie de survenir
il se demande quel âge il aura en 2000
quand il aura terminé et miné ses études universitaires
Il rêve d’écrire un poème autobiographique
biophotographique, autobiograffiti
Quand il aura assez vécu pour ne plus écrire au futur antérieur
de la foutaise extérieur
Il ne sert à rien de vivre
si sa vie se perd au gré du présent, de l’opalescence
de l’espace qui sépare les photos en couleur dans l’album
Le temps est blanc et hermétique
Le temps taille les images
Les images taillent l’espace
L’espace taille les mots
Les mots taillent le temps
au stylet, au stylographe, que je tiens, inerte
comme la photo en couleur de mon grand-père
qui signe le registre matrimonial de mes parents
L’encre est noire comme un abîme
Je suis seul à Chapleau (Ontario)
(C’est écrit ainsi, de façon insignifiante,
dans la postface de Maria Chapdelaine.)
C’est la postface de mon passé
Je vois des arbres
Je sens la sève des conifères
J’entends le crépitement des aiguilles qui me crèvent les yeux
laissant couler ma mémoire en un flux sanguin
qui se coagule en encre noire
Je cherche un signe postcurseur de mes souvenirs autour de moi
Je cherche une cartromancière qui me raconterait mon passé
J’ai trop longtemps cherché mon avenir dans les signes du présent
Je n’ai qu’un présent perpétuel
J’ai atteint mon avenir
J’ai éteint mon passé
Je veux que s’irise le blanc de ma mémoire
Je veux souiller ce sens trop propre
Je marche en quête d’un signe :
des arbres, des lacs, la faune, des rails.
Non
Tout est univoque
Je suis un homme qui marche
[...]
© Eric CHARLEBOIS
Eric Charlebois (1976-)
Né en Ontario au Canada, Eric Charlebois est professeur, chroniqueur et poète canadien.
Polyvalent, il a enseigné pendant plusieurs années le français dans des écoles secondaires francophones de l’Ontario. Aujourd’hui, il est rédacteur, traducteur et réviseur.
Sa biographie sur Wikipédia
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
— Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur —
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
© Image : Apollinaire blessé le 17 mars 1916
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Considéré comme l'un des poètes français les plus important du début du XXe siècle Guillaume Apollinaire est l'auteur de poèmes ayant fait l'objet de plusieurs adaptations en chansons. La part érotique de son œuvre - dont principalement trois romans (dont un perdu), de nombreux poèmes et des introductions à des auteurs licencieux - est également passée à la postérité. Il expérimenta le calligramme et fut le chantre de nombreuses avant-gardes artistiques de son temps.
Il meurt à Paris de la grippe espagnole mais est déclaré mort pour la France en raison de son engagement pendant la guerre.
Sa biographie sur Wilipédia
Le coq égosillé chancelle comme un pitre.
Par grands coups de clarté, le soleil cogne aux vitres
Et, dans un remuement de feuillage et d’oiseaux,
Poursuit l’aube blottie au lit vert des roseaux.
Un volet qu’on entr’ouvre éveille le village.
Voici qu’un jardin bouge, où la poule saccage
La motte que blesse un furtif éraflement.
La coccinelle court et veut obstinément
Contourner du melon la panse lisse et ronde.
Le ciel crève d’été, toute la vie est blonde.
Des dindons hébétés picorent par erreur
Le rayon, sucre d’or. Une haute chaleur,
Lasse d’avoir plané, rabat son aile chaude
Sur les maisons, le sol. La ruche entière rôde.
Sur le sein plus rosé d’un calice mignon,
Comme une bouche, s’attarde le papillon,
Pendant que le soleil, sabot lourd de lumière,
Vient gravir le perron en écrasant le lierre.
© Medjé VEZINA
Medjé Vézina
(1896-1981)
Poétesse québécoise, Medjé Vezina est l’une des principales représentantes du mouvement romantique féminin. S’inspirant du Romantisme et du Parnasse, sa poésie revendique la place de la voix féminine à la recherche d’individualité et d’émotion. Ses poèmes, aux tons sensuels, n’échappent jamais tout à fait à une certaine culpabilité. Auteure d’un volume de poésie, son amour du lyrisme règne et sa voix poétique étonne et ravit : onirismes et associations inattendues créent un lyrisme original, dépassant celui que l’on pourrait nommer « proprement féminin ». Elle est membre de l’Académie canadienne française, aujourd’hui l’Académie des lettres du Québec.
J’avais un grand arbre vert
Où nichait mon enfance ailée,
Un arbre grand troué de lumière
Qui remplissait le haut de mon âme.
J’avais de douces branches vertes
Où chantait mon enfance triste,
Des branches vertes et sonores
Qui répétaient les chagrins de mon âme.
J’avais mille feuilles vertes
Où palpitait l’élan de mon enfance,
Des feuilles lisses et captives
Comme les oiseaux de mon âme.
J’avais un grand arbre vert
Où se dénouait la fleur de mon enfance,
Pour quel printemps, pour quelle abeille ?
Pour quelle joie, pour quelle souffrance ?
© Rina LASNIER
Rina Lasnier (1910-1997)
Poétesse et dramaturge québécoise, l'œuvre poétique de Rina Lasnier, commencée en 1939, a contribué à l’évolution de la poésie contemporaine au Québec au même titre que celle d’auteurs plus connus tels que Saint-Denys-Garneau, Alain Grandbois et Anne Hébert. De nombreux prix littéraires lui ont d’ailleurs été décernés.
Sa biographie sur Wikipédia
Voici les froides nuits aux creux de la tranchée
Et les longues factions, nerfs crispés, l’œil au guet ;
Et voici les retours, sans glaive et sans trophées,
Des soldats harassés, farouches et muets.
Voici les mois perdus déroulant, monotones,
La plainte quotidienne aux matins sans soleil ;
Voici l’église nue où les cloches ne sonnent
Que pour l’annonce encor d’un éternel sommeil.
Voici l’âpre contrée où l’enfer et le feu
Font, d’un gamin d’hier, la carcasse d’un homme ;
Et voici les corbeaux se disputant, furieux,
Cette carcasse encor jusqu’en son dernier somme !
Mon cœur, pourquoi pleurer l’envol des clairs matins
Et les baisers ardents, et les chaudes caresses,
Et l’extase infinie où des mains dans mes mains
Attendaient le réveil tremblant de ma tendresse ?
N’es-tu pas satisfait, soldat, de tant d’orgueil
Et de force brutale aux chants fiers de ta haine ?
Regarde, sous tes pieds, s’entrouvrir le cercueil
Et consume ta force à libérer tes chaînes !
Dessin de François Flameng - Sur la route de Verdun sur le site :
dessins1418.fr
Gaston de Ruyter (1895-1918)
Poète belge, Gaston de Ruyter, à tout juste dix-neuf ans, abandonne ses études pour s'engager. D’abord combattant pour l’armée de terre, il s’ennuie vite dans les tranchées. C’est là qu’il va se révéler en tant qu’écrivain. Il rédige plusieurs poèmes et chansons à la fin de 1917. Ses écrits sont publiés et connaissent un certain succès.
Il s'engage alors dans l'aviation pour devenir pilote. Le 2 octobre 1918, il rejoint une unité opérationnelle, la 11e escadrille, équipée du biplan Sopwith Camel. Il trouvera la mort quelques jours plus tard, le 7 octobre 1918, lors d’un vol d’essai.
Article source : http://lesresistantsdelamemoire.be/forum/topic-1148+gaston-de-ruyter-le-pilote-poete.php
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Considéré comme l'un des poètes français les plus important du début du XXe siècle Guillaume Apollinaire est l'auteur de poèmes ayant fait l'objet de plusieurs adaptations en chansons. La part érotique de son œuvre - dont principalement trois romans (dont un perdu), de nombreux poèmes et des introductions à des auteurs licencieux - est également passée à la postérité. Il expérimenta le calligramme et fut le chantre de nombreuses avant-gardes artistiques de son temps.
Il meurt à Paris de la grippe espagnole mais est déclaré mort pour la France en raison de son engagement pendant la guerre.
Autre texte
Si je mourrais là-bas...
Sa biographie sur Wilipédia
J’aime
tes cauchemars
je leur suis très
reconnaissant
et commence
à leur devoir
une sacrée ardoise
de tendresse
j’aime
tes cauchemars
et ta façon
de te réfugier
contre moi
pour les dissoudre
dans le grand noir
© Thomas VINAU
Thomas Vinau
Né en 1978 à Toulouse, Thomas Vinau est poète. Il vit dans le Lubéron. Il est l’auteur de romans, de nouvelles, de recueils de poésie et d’un album de jeunesse chez Motus. Ses textes parlent du quotidien, avec douceur et tendresse.
Sa biographie sur Wikipédia
Jamais je n'ai cherché la gloire
Ni voulu dans la mémoire des hommes
Laisser mes chansons
Mais j'aime les mondes subtiles Aériens et délicats
Comme des bulles de savon.
J'aime les voir s'envoler,
Se colorer de soleil et de pourpre, Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,
Puis éclater.
A demander ce que tu sais
Tu ne dois pas perdre ton temps
Et à des questions sans réponse
Qui donc pourrait te répondre ?
Chantez en coeur avec moi :
Savoir ? Nous ne savons rien
Venus d'une mer de mystère
Vers une mer inconnue nous allons
Et entre les deux mystères
Règne la grave énigme
Une clef inconnue ferme les trois coffres
Le savant n'enseigne rien, lumière n'éclaire pas
Que disent les mots ?
Et que dit l'eau du rocher ?
Voyageur, le chemin
C'est les traces de tes pas
C'est tout ; voyageur, il n'y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant.
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler Voyageur ! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer.
Tout passe et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer
© Antonio MACHADO
Antonio Machado (1875-1939)
Poète espagnol, Antonio Machado est l'une des figures du mouvement littéraire espagnol connu sous le nom de Generation 98. Il mélange la rêverie mélancolique et raffinée à l'inspiration terrienne. Il a exercé en tant que professeur de français à Soria où il rencontre Leonor Izquierdo Cuevas qu'il épouse en 1909. Il avait 34 ans et Leonor 15 seulement. Le couple se rend à Paris en 1911. Cependant au cours de l'été, Leonor, atteinte de tuberculose, oblige le couple retourne en Espagne où elle meurt en 1912. Très affecté par son décès, Antonio Machado quitte Soria et sera professeur à Ségovie. Lors de la Guerre civile d'Espagne, il est contraint de fuire avec ses frères en France. Arrivé à Collioure à quelques kilomètres de la frontière, épuisé, Antonio Machado y meurt le 22 février 1939, trois jours avant sa mère.
La Fondation Antonio Machado
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