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Thème : Temps


Ce que m'a dit la minute
Jean COCTEAU

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La minute m’a dit : « Presse-moi dans ta main ;
Tu ne sais aujourd’hui si tu seras demain ;
Ainsi prends tout le suc qui m’enfle comme une outre,
Ne tourne pas la tête et ne passe pas outre,
Vis-moi ! … dans un instant, je serai du passé !
Mais tu ne sais peut-être au juste ce que c’est
Qu’éteindre dans ses bras la minute qui passe,
Si tu comprends la splendeur grave de l’espace
Qui te laissait jadis indifférent et froid,
Si tu sais accepter la douleur sans effroi,
Si tu sais jouir d’un très subtil parfum de rose,
Si pour toi le couchant est une apothéose,
Si tu pleures d’amour, si tu sais voir le beau
Alors suis sans trembler la route du tombeau.
Tu vivras de chansons, de splendeurs, de murmures,
Le chemin n’est plus long si l’on cueille ses mûres,
Et je suis près de toi la mûre du chemin ! »
La minute m’a dit : « Presse-moi dans ta main. »

 

© Jean COCTEAU
Extrait du recueil La lampe d'Aladin, 1909

 

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Jean Cocteau
(1889-1963)
Poète, peintre, dessinateur, dramaturge et cinéaste, Jean Cocteau est élu à l'Académie française en 1955 et compte parmi les artistes qui ont marqué le xxe siècle, il a côtoyé la plupart de ceux qui ont animé la vie artistique de son époque. Il a été l'imprésario de son temps, le lanceur de modes, le bon génie d'innombrables artistes. En dépit de ses œuvres littéraires et de ses talents artistiques, Jean Cocteau insista toujours sur le fait qu'il était avant tout un poète et que tout travail est poétique.
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→ Du même auteur
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→ Citations
Le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants.
Tu dis que tu aimes les fleurs et tu leur coupes la queue, tu dis que tu aimes les chiens et tu leur mets une laisse, tu dis que tu aimes les oiseaux et tu les mets en cage, tu dis que tu m'aimes alors moi j'ai peur.
La poésie est une religion sans espoir.
Il est aussi difficile à un poète de parler poésie qu'à une plante de parler horticulture.
Le poète est un menteur qui dit toujours la vérité.
Le zéro, collier du néant.
Sexe : le fruit d'Eve fendu.
Les rêves sont la littérature du sommeil.
A force d'aller au fond des choses, on y reste.
Ecrire est un acte d'amour, s'il ne l'est pas, il n'est qu'écriture.
De temps en temps, il faut se reposer de ne rien faire.
Vivre est une chute horizontale.
Les poètes trouvent d'abord et ne cherchent qu'après.

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https://www.maisonjeancocteau.com/

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Le Monde de Poetika
Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797