Blanc comme neige
Un généreux bonhomme de neige
Il renaît de sa fonte
Le bonhomme de neige
Il revient tout brûlant
De rêves et d'étincelants désirs
En flocons de rires et sourires
Il offre sans nul soupir
Sa carotte de nez
Au lapin qui a froid
Ses bras branches
Au refugié qui a peur
De voir ses rêves mourir gelés
Son bonnet au loup persécuté
Tremblant de toutes les ruines figées
De ses crocs croulant glacés
Bonhomme comme en manège
Il roule en rigolantes boules
Jusqu’à l’orphelin qui pleure
Pour qu’il assomme avec tout fier
L’affreux sec et froid désespoir
Neiges
La fée neige rend merveilleux
Tout ce qu’elle recouvre
Elle lui offre une apesanteur tout en plumes
Elle réenfante le monde
Comme le doux coton enchanté
D’une légère berceuse maternelle
Chantant le lait d’une blancheur
De début en nouvelles pages
Etincelants cristaux d’étoiles calligraphiant
D’invisibles riantes lettres à deviner
Mais la neige est aussi
Lourd linceul pour ceux
Qui n’ont pas de logis
Qui n’ont que leurs yeux
Pour voir effrayés tout ce blanc ciel
Leur tomber dessus comme glaives
Les enterrant rêvant d’un âtre
Les laissant figés dans leur désastre
Elle leur ravit la vie
Elle qui aurait pu les ravir
S’ils avaient été bien vêtus
Bien chauffés bien nourris bien aimés
Il y a toujours quelque part en hiver
Il y a toujours quelque part en hiver
un fragile filet d’eau gelée
à la gorge enrouée d’une fontaine
un arbre dévêtu qui frissonne
un soleil pâle désuni de ses rayons
un blanc manteau sur le sol engourdi
un bonhomme blanc comme neige qui sourit
Neige
Sur de vastes plaines,
Sans traces ni couleur.
Veille mon cœur,
La neige nous met en selle
Sur des coursiers d’écume.
Sonne l’enfance couronnée,
La neige nous sacre en haute-mer,
Plein songe,
Toute voile dehors.
La neige nous met en magie.
Blancheur étale.
Plumes gonflées
Où perce l’œil de cet oiseau.
Mon cœur ;
Trait de feu sous des palmes de gel
Fille de sang qui m’émerveille.
Froid dure
Mer givrée, mer figée, mer blanchie de silence
Sur les champs endormis, la neige a déposé
Une page où les vents gravent leur violence.
Ils sont écheveaux et chevaux désenclosés
Courant sur l’écume d’un temps tout d’indolence,
À fleur de veille, au cœur de nuits décomposées.
Pas de mots menteurs pour contrer ces insolences,
Point de maux mentors non plus pour s’y scléroser,
Juste le vertige du rêve à proposer,
L’oubli de soi, comme étouffé, la somnolence,…
L’aube en robe blême, enfin, vient s’imposer
Et toute auréolée d’une aurore rosée
Brisant les os d’une nuit toute à la semblance
D’un jour en oripeaux laiteux qui nous relance…
Il neige
C'est un après-midi du Nord.
Le ciel est blanc et morne. Il neige ;
Et l'arbre du chemin se tord
Sous la rafale qui l'assiège.
Depuis l'aurore, il neige à flots ;
Tout s'efface sous la tourmente.
A travers ses rauques sanglots
Une cloche au loin se lamente.
Le glas râle dans le brouillard,
Qu'aucune lueur n'illumine...
Voici venir un corbillard,
Qui sort de la combe voisine.
Un groupe, vêtu de noir, suit,
Muet, le lourd traîneau funèbre.
Déjà du ciel descend la nuit,
Déjà la route s'enténèbre.
Et toujours du bronze éploré
Tombe la lugubre prière;
Et j'entends dans mon coeur navré
Tinter comme un glas funéraire.
Je me souviens... Je me revois,
Sur le blanc linceul de la terre,
Dans la bise, en pleurs, aux abois,
Suivant le cercueil de mon père.
Je ne puis détacher mon oeil,
Voilé d'une larme dernière,
Du silencieux groupe en deuil
Qui marche vers le cimetière.
Je sens, saisi d'un vague effroi,
Qui me retient à la fenêtre,
Qu'en la marche du noir convoi
Fuit quelque chose de mon être.
Soudain dans le champ de la mort
Disparaît le sombre cortège...
C'est un après-midi du Nord.
Le ciel est blanc et morne. Il neige.
Dans l'interminable...
Dans l’interminable
Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune,
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?
Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Neige
En hiver
Le sol trempé se gerce aux froidures premières,
La neige blanche essaime au loin ses duvets blancs,
Et met, au bord des toits et des chaumes branlants,
Des coussinets de laine irisés de lumières.
Passent dans les champs nus les plaintes coutumières,
À travers le désert des silences dolents,
Où de grands corbeaux lourds abattent leurs vols lents
Et s’en viennent de faim rôder près des chaumières.
Mais depuis que le ciel de gris s’était couvert,
Dans la ferme riait une gaieté d’hiver,
On s’assemblait en rond autour du foyer rouge,
Et l’amour s’éveillait, le soir, de gars à gouge,
Au bouillonnement gras et siffleur, du brassin
Qui grouillait, comme un ventre, en son chaudron d’airain.
L'hiver
L'hiver, s'il tombe de la neige,
Le chien blanc a l'air beige.
Les arbres seront bientôt touffus
Comme dans l'été qui n'est plus.
Les oiseaux marquent les allées
Avec leurs pattes étoilées.
Aussitôt qu'il fait assez jour,
Dans le jardin bien vite on court.
Notre maman nous emmitoufle,
Même au soleil, la bise souffle.
Pour faire un grand bonhomme blanc,
Tout le monde prend son élan.
Après ça, bataille de neige !
On s'agite, on crie, on s'assiège.
Et puis on rentre, le nez bleu,
Pour se sécher autour du feu.
Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.