Le souffle de l'automne
LES CHÂTAIGNES
IL AUTOMNE
Il automne à pas feutrés,
Il automne à pas craquants
Sous un ciel pourpre et doré.
Sur les jardins dénudés
Se reflètent en transparence
Les brumes d'automne rouillées,
Rouillées
Dans la forêt de tes cheveux
Aux senteurs de poivres mêlés
Et sur nos nuits de mi-novembre,
Il automne miraculeux,
Il automne miraculeux.
Sur leurs deux coeurs endeuillés.
Il automne des sanglots longs
Sous un ciel gris délavé
Et, de la gare au cimetière
Où ils reviennent chaque année,
De banc de bois en banc de pierre
Et jusqu'à la dernière allée,
On les voit d'escale en escale
Qui n'en peuvent plus d'être vieux.
Sur ce chemin de leur calvaire
Qu'ils refont depuis tant des années,
Il automne désespéré,
Il automne désespéré.
Il automne des pommes rouges
Sur des cahiers d'écoliers.
Il automne des châtaignes
Aux poches de leur tablier.
En haut du grand marronnier.
Il y a des rouges-gorges
Au jardin de Batignolles
Et les enfants de novembre
Croient que sont venus du ciel
Ces petits oiseaux de plumes
Echappés d'un arc-en-ciel.
Pour les enfants de novembre
Qui ramènent, émerveillés,
Un peu de l'automne rousse
Au fond de leur tablier,
Il automne le paradis
Bien plus beau que le paradis.
Il automne à pas furtifs,
A pas feutrés,
A pas craquants
Et, sur nos nuits de mi-novembre,
Il automne miraculeux,
Miraculeux, mon amour...
Tons d'automne
La rentrée
Un oiseau chantonne
Un air de Mozart
Que le vent d'automne
Emporte au hasard.
Bernard et Nicole,
La main dans la main
Ont pris de l'école
Le joli chemin.
On voit sous les pommes
Crouler les pommiers.
Les crayons, les gommes
Sortent des plumiers.
Le ciel est morose
Il verse des pleurs...
Mais Rosa la rose
Est toujours en fleurs.
première plume
L'acacia
Le vent
Passait, pleurant.
L’acacia dit :
Vent d’automne
Au front gris,
Tu t’ennuies :
Je te donne
mes feuilles.
Prends, cueille
Et va jouer au volant
Avec ton amie
La pluie.
Le printemps,
En son temps,
m’en fera de plus jolies !
Province
Les tilleuls parfumaient la blonde matinée.
Province ! Il y avait de l’herbe plein la cour
Et, quand nous descendions jouer dans le grand jour,
Nos âmes, gravement, étaient illuminées
Ô nos clairs tabliers d’enfants dans le jardin !
Cela disait, cela chantait sans le comprendre
Dans un balbutiement mystérieux et tendre
Le bonheur qui comblait nos cerveaux enfantins
L’azur tremblait au bleu reflet du toit d’ardoises
Et, quand nous rentrions, joyeux, à la maison
L’ombre avait la senteur acide des framboises
Qui mûrissaient au bas du mur frais du salon.
AUTOMNE
Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon
Après d’ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !
.
La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l’encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.
.
O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d’oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.
l'école d'autrefois
Dans l’école d’autrefois,
Au village des merveilles,
L’odeur était sans pareille ;
Encre, craie, cire, vieux bois.
Je voyais le pré des sources
Et les vaches ruminant.
Le maître gardait le temps
Dans sa grosse montre rousse.
Nos talons sur le plancher
Faisaient un bruit de forêts ;
Nos plumes grattaient, grattaient
La neige de nos cahiers.
Et parfois une autre vie
Déroulait ses sortilèges
Quand on tombait dans le piège
Tendu par les poésies.
L'école d'antan
D'un côté les garçons et de l'autre les filles,
En classe ou en récré, c'était le protocole ;
Les tabliers cachaient habits chics ou guenilles.
Je me souviens encor de l'odeur de la craie,
De la carte de France suspendue au mur...
Côte à côte on s'échangeait nos petits secrets
Penché sur son voisin dans un bruyant murmure.
Puis la règle claquait et le maître criait :
"Vous copierez cent fois : je dois me taire en cours !"
Rouge aux joues on plongeait la plume en l'encrier,
Impatients de finir l'histoire dans la cour.
Nos yeux suivaient alors la mouche sur la vitre
Dans sa danse infernale pour la liberté.
Il est bien loin le temps où l'on faisait le pitre...
Celui de l'insouciance et la fraternité.
L'école
L'école était au bord du monde,
L'école était au bord du temps.
Au dedans, c'était plein de rondes ;
Au dehors, plein de pigeons blancs.
On y racontait des histoires
Si merveilleuses qu'aujourd'hui,
Dès que je commence à y croire,
Je ne sais plus bien où j'en suis.
Des fleurs y grimpaient aux fenêtres
Comme on n'en trouve nulle part,
Et, dans la cour gonflée de hêtres,
Il pleuvait de l'or en miroirs.
Sur les tableaux d'un noir profond,
Voguaient de grandes majuscules
Où, de l'aube au soir, nous glissions
Vers de nouvelles péninsules.
L'école était au bord du monde,
L'école était au bord du temps.
Ah ! que n'y suis-je encor dedans
Pour voir, au dehors, les colombes.