L'enfance
Mon enfant
Foule la terre de tes pieds
écoute la résonner
à chacun de tes pas
et que danse la vie sur ton chemin
Bois à l’eau des fontaines
à la source de tes envies
les mains jointes et n’aie pas peur
d’éclabousser le cours du temps
Fais feu de tout bois
il en est tu le sauras
avec lesquels tu bâtiras
un toit
qui te ressemble
Évite les pièges mon enfant
et forge tes armes pour les combattre
Force tes rêves
vis tes joies et tes colères
grave tes mots jusqu’au cœur des pierres
Aujourd’hui mon enfant
aujourd’hui t’appartient
Blues de septembre
Lorsque l’école, hélas, des jeux tournait la page.
Car les plaisirs d’hier n’étaient plus que mirage.
Ô triste réfectoire aux effluves étranges !
Quand j'étais tout petiot
Quand j'étais tout petiot
J'étions déjà si grand devant l'immensément
Si puissant de mon ombre peignant les hautes herbes
Et tout là-haut dans l'azur tout gris tout sale
Dieu n'était-il pas mon frérot ?
Je bâtissais des barrages dans le ruisseau
Rêvant de fabuleuses catastrophes
Guerres feux et inondations à foison
Ah que j'étais heureux d'être seul au monde
Belles heures d'abandon au bord de la mare
Où vers aspics têtards et grenouilles
Chantaient la gloire de mon zizi
Longtemps tripoté avec la morve au nez
Et mes deux pieds plantés dans la boue
Quand j'étais tout petiot
J'étions déjà si grand devant l'immensément !
Les vieilles de mon village
Leçon de bonheur
J'ai été moi aussi un tout petit garçon
Et j'avais dans le coeur comme toi des chansons
Je pensais à jouer bien plus qu'à être sage
Et rêvais d'aventures en me croyant en cage !
Ma mère me disait : "ta vie n'est que bonheur,
Essaie d'apprécier et d'habiller ton coeur
De chacune des joies qui émaillent ta vie.
Ont bien
moins de valeur les rêves inassouvis !
Qui n'a pas peur d'aimer tout obstacle gravit
Puisque jamais l'amour personne n'asservit !
J'aimerais tant que tu fasses tienne l'idée
Que le bonheur toujours sera à ta portée !
Mon enfant toi qui es au printemps de ta vie,
Sache qu'avoir jamais ne rend plus heureux qu'être,
Qu'au banquet du bonheur seul qui donne est servi !"
Ces mots résonnent en moi et je veux les transmettre.
Chacun de son bien-être est le seul bâtisseur.
Il n'est qu'un seul moyen pour qu'il commence à poindre :
Il suffit d'apprécier chaque petit bonheur
Pour que d'autres, plus grands, viennent lors le rejoindre !
Le buffet de Tante Fine
Par delà les années, certains objets racontent
Des histoires surannées, des mots secrets, des contes
Voix de familiers imprégnées dans le bois
Sur les clefs chantournées, l'empreinte de leurs doigts...
Ainsi le vieux buffet, légué par tante Fine
Je l'ai toujours connu, trônant dans la cuisine
L'odeur de bois de chêne, vanille évaporée
Confiture et bouquets, à la cire mêlée.
Des fragrances d'antan effleurent ma mémoire
Violette et lilas sur napperon ivoire
Bottes de fleurs des champs à la fin de l'été
Et dans le compotier, les pommes du verger.
Biscuits et chocolat dans une boîte en fer
Tante Fine savait comment nous satisfaire
Le bol de lait fumant les dimanches de fête
À quatre heures sonnant et le vin d'épinette.
C'est comme un livre ouvert, les pages de l'enfance
Les rires de grand-mère, la joie, en abondance
Dans les grincements sourds des portes fatiguées
Résonne un sentiment de bonheur envolé ...
Il n'y a plus d'enfants
Jeux d'enfance
L'oreiller d'un enfant
Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !
Beaucoup, beaucoup d'enfants pauvres et nus, sans mère,
Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;
Ils ont toujours sommeil. Ô destinée amère !
Maman ! douce maman ! cela me fait gémir.
Et quand j'ai prié Dieu pour tous ces petits anges
Qui n'ont pas d'oreiller, moi j'embrasse le mien.
Seule, dans mon doux nid qu'à tes pieds tu m'arranges,
Je te bénis, ma mère, et je touche le tien !
Je ne m'éveillerai qu'à la lueur première
De l'aube ; au rideau bleu c'est si gai de la voir !
Je vais dire tout bas ma plus tendre prière :
Donne encore un baiser, douce maman ! Bonsoir !
Ma rentrée
Volée au gré de mes vacances.
Mes livres, ma plume et mes cahiers !
Devant mon pupitre en bois.
Lorsque la porte de la classe se refermait !
Etait aussi sèche que sa longue baguette.
Au son des mots qui s'envolaient !
De ma vie déjà bien plus austère.
Sous la caresse de mon crayon de papier !
Quand j'étais petite...
Quand j’étais petite
la nuit se tenait devant notre porte
et elle chantait d’étranges chants.
Pour les oiseaux qu’on ne voit pas.
Pour les pierres du chemin.
La nuit chantait
et moi
je dormais ou je veillais ?
Est-ce que je rêvais ?
Est-ce que je suis seule à entendre
le chant de la nuit sur la terre
aux portes des maisons ?
Qui berce le sommeil de ceux qui rêvent ?
La nuit a été une voix
qui m’a gardée
de toutes peurs.
Et puis la nuit s’est tue
et je suis restée seule.
Je suis sortie sur le seuil de la maison
J’ai appelé très doucement
Aucun son ne m’a répondu.
Dans ma poitrine
l’écho.
Assise sur le seuil
J’ai pleuré.
J’ai attendu le matin.
Et rien.
La nuit s’était tue pour toujours.
Je suis partie.
Un enfant
Un enfant
Ça vous décroche un rêve
Ça le porte à ses lèvres
Et ça part en chantant
Un enfant
Avec un peu de chance
Ça entend le silence
Et ça pleure des diamants
Et ça rit à n’en savoir que faire
Et ça pleure en nous voyant pleurer
Ça s’endort de l’or sous les paupières
Et ça dort pour mieux nous faire rêver
Un enfant
Ça écoute le merle
Qui dépose ses perles
Sur la portée du vent
Un enfant
C’est le dernier poète
D’un monde qui s’entête
A vouloir devenir grand
Et ça demande si les nuages ont des ailes
Et ça s’inquiète d’une neige tombée
Et ça croit que nous sommes fidèles
Et ça se doute qu’il n’y a plus de fées
Mais un enfant
Et nous fuyons l’enfance
Un enfant
Et nous voilà passants
Un enfant
Et nous voilà patience
Un enfant
Et nous voilà passés
L'enfance
Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain.
Que me servait que tant de connaissances
A mon esprit vinssent donner l’essor,
On n’a pas besoin des sciences,
Lorsque l’on vit dans l’âge d’or !
Mon coeur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas la noirceur,
De la vie en cueillant les fleurs,
Je n’en sentais pas les épines,
Et mes caresses enfantines
Étaient pures et sans aigreurs.
Croyais-je, exempt de toute peine
Que, dans notre vaste univers,
Tous les maux sortis des enfers,
Avaient établi leur domaine ?
Nous sommes loin de l’heureux temps
Règne de Saturne et de Rhée,
Où les vertus, les fléaux des méchants,
Sur la terre étaient adorées,
Car dans ces heureuses contrées
Les hommes étaient des enfants.