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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797
Conversations surprises au cours de chaudes nuits d’été
aux fenêtres des immeubles
dans les cités de ce monde
ou dans les chefs-lieux des campagnes
les amants dans les escaliers de secours
ou sur les balançoires des balcons
calculant leur fuite
et les vieux cherchant le frais à l’intérieur
somnolant sur les nouveaux journaux
en train de se bercer
les mots doux des amants surpris par les vieux
comme autant de week-ends perdus ou de trains ratés
les promesses de baisers lointains
en des paradis inconnus
résonnent encore
dans les syllabes de la nuit chaude
dans la bouche même des jeunes gens
dans l’éternelle chanson
que l’on pourra toujours rechanter
© Lawrence FERLINGHETTI
Lawrence Ferlinghetti (1919-2021)
Poète américain, passionné dès l'école primaire par l'écriture, Lawrence Ferlinghetti écrit ses premiers poèmes. Découvrant Baudelaire à l'adolescence, il entre à l'université et apprend les classiques. Créateur de la maison City Lights à San Francisco, il a diffusé dès les années 1950 les écrits de bon nombre d’auteurs du mouvement de la Beat Generation, dont Jack Kerouac, Allen Ginsberg et Gregory Corso. Lawrence Ferlinghetti a publié plus d'une quinzaine de recueil ; il est aussi peintre. Il est décédé à l'âge de 101 ans, le 22 février 2021.
Sa biographie sur Wikipédia
Elle haïssait les hommes depuis la préhistoire
Et leur virilité la voix du désespoir
Au segment des ténèbres seule et sans être cher
Du tréfonds des enfers elle maudissait la chair
Elle avait déchiré les demandes en mariage
Elle avait humilié les matins du partage
Elle avait allumé les feux de l’ironie
Tous ces gestes blessants des hommes à l’agonie
Les hommes, pauvres robots ou frêles immatures
Avec leurs mains glaçantes, toucher devient torture
L’amour a des tombeaux, des cercueils en binôme
Amour est trop sérieux pour se confier aux hommes
De gestes inavoués en promesses futiles
De relations perdues en scènes inutiles
Elle a cinglé l’azur de mots à coup de fouet
Elle a cessé un jour enfin d’être Jouet
Elle avait des secrets, des sourires électriques
Des vibrations puissantes venues du fond des anges
Des folies interdites que le désir démange
Des coquines pensées, des caresses inédites
Elle avait des lueurs au milieu de la foule
L’amour n’est qu’un gadget, l’amour un jeu de boules
Elle avait des fusées pour crier aux étoiles
Tout le mépris des hommes dans son lit se dévoile
De sensations sensuelles, en drogue prioritaire
Dans le silence paisible de massages solitaires
Elle cache ses amants, des joujoux démoniaques
Et des amours volés lovés au fond d’un sac
© Franck WATIER
Franck Watier
Passionné d'écriture (journal, poésie, aphorismes, nouvelles), avec un penchant pour l'observation et la description,
Franck Watier écrit depuis l'âge de 15 ans. Il aime les mots, la musique, les émotions...
J’ai grimpé sans vertige aux vertèbres de fonte
Qui rouillent sur les murs des titans new-yorkais.
Assis sur l’ossature ocre d’un mastodonte,
J’ai écouté l’Hudson clapoter sous les quais :
Comme octobre apportait d’autres langueurs saumâtres
Aux feux industriels et au bois des pontons
Poisseux – moi, j’épiais les porte-avions grisâtres
Bourlinguer leur carlingue hérissée de canons
Aux pieds des perce-ciel de mon jardin de pierre –
Chrysalides de verre et d’électricité,
Qui zèbrent l’horizon de l’azur à la terre
Et brûlent au flambeau de la publicité.
Dans le tohu-bohu des rues de Babylone
Où les banquiers ventrus ont des regards d’enfants
Je courus ! Et les taxis jaunis par l’automne
Crachaient aux carrefours leurs klaxons triomphants.
Il se jouait, sous les néons des avenues,
Bien des scènes ; de là où j’aimais à m’asseoir,
Les foules de cols blancs, les seins des putains nues
Et les cris des mendiants engorgeaient l’air du soir.
Théâtres de Broadway ! Comédies assassines,
Vaudevilles odieux, voici vos vraies couleurs !
J’ai vu sur vos tréteaux des actrices félines
Donner la main à des travestis enjôleurs ;
J’ai vu des histrions jouer les vierges prudes,
Et rougir dans les bras d’Hippolyte malsains ;
Je les ai vus gémir sous des caresses rudes,
Ou singer l’affliction en se frappant le sein.
Et déjà le métro battait son pouls tranquille,
Déjà ses gueules d’or vomissaient des troupeaux
Placides – comme un Léviathan sous la ville,
Serpentant ses wagons d’écailles et de peaux
Métalliques. Ô, dans le ventre de la bête,
Qu’ai-je rêvé d’amours bucoliques et doux !
Pour un sourire en coin, pour un signe de tête,
J’entendais : aime-moi ! – et tombais aux genoux
De filles bien laides. Vingt-trois ans !… J’étais jeune !
La Grande Ourse m’ouvrait ses bras de soleils blancs
Et légers comme un soupir de femme. Si jeune !
Je brûlais ma candeur aux crépuscules lents.
New York ! New York, où mes rêves d’enfant moururent !
Ouverte dans le flanc de notre humanité,
Je t’aimais pourtant comme on aime une blessure,
Comme on aime un adieu à la fin de l’été.
New York ! Je t’ai vécue comme on vit un orage.
Tu fis de moi un homme – et parfois je revois
Ton visage de fer vibrer tel un mirage,
Comme au temps où j’aimais à m’asseoir sur tes toits !
© Aurélien CLAUSE
Aurélien Clause (1989-)
Le bac littéraire en poche, après trois ans de prépa lettres, Aurélien Clause intègre HEC Paris. Auteur et traducteur de poésie, il travaille dans l'édition (Synchronique Editions) et en freelance avec des entreprises de communication. Il est créateur et animateur de la chaine YouTube L’Arche, dédiée à la poésie.
A noter que cet auteur a remporté le Premier Prix du Concours Poetika en 2015 avec le texte : Par-delà les Alpes
Chaîne YouTube L'Arche
Nous disions alors à grand'mère :
Contez-nous l'Escalier de verre !
Et grand'mère alors s'amusait
mais gravement elle disait :
Pour arriver dans cette terre
passez par l'Escalier de verre.
Alors quittez vos lourds sabots,
le verre est fin, les pieds sont gros.
Je suis allée dans un pays
où l'on attelait les fourmis.
Je suis entrée dans les maisons
où l'on y sucrait les jambons.
Je suis allée à l'écurie
on y déployait un tapis ;
La lune brillait tout le jour,
le soleil était dans le four.
Le pain cuisait à la fontaine
et les hommes filaient la laine.
Le fau pleurait des larmes d'eau,
la fermière plumait un veau.
Le vin coulait à l'avreuvoir
et l'eau ruisselait du pressoir.
Les vaches paissaient les nuages
et tous les enfants étaient sages.
Les loups berçaient les nourrissons
et leur murmuraient des chansons.
Les renards allaient à confesse
et le lutin chantait la messe.
L'église dansait la polka
et les maisons la mazurka
Alors pour quitter cette terre
j'ai repris l'Escalier de verre.
J'ai dit à tous ceux que j'ai vu
et personne, alors, ne m'a cru.
Mais si vous voulez tout savoir
fermez les yeux, allez-y voir.
Je prends la clé et je la serre
au bas de l'Escalier de verre.
Celui qui la retrouvera
mon petit conte achèvera.
Personne n'a trouvé la clé.
Cric ! Crac ! mon conte est achevé.
© Louisa PAULIN
Louisa Paulin (1888-1944)
Louisa Paulin est une institutrice et poétesse d'expression française et occitane. Elle a commencé par publier des contes et des essais régionalistes. Atteinte de neuropathie amyloïde, maladie qui évolue lentement vers la cécité et la paralysie, elle prend une retraite anticipée en 1932 et s'installe dans son village natal à Réalmont (Tarn) où elle étudie l'occitan. Elle entre alors en intense période d'activité littéraire bilingue et obtient deux prix de l'Académie des Jeux Floraux puis publie ses premiers poèmes. Devenue presque aveugle, elle dicte ses poèmes et ses lettres aux amis qui viennent la voir.
Le site de l'Association des amis de Louisa Paulin
http://www.louisa-paulin.org/
Sa biographie sur Wikipédia
Que disait-il cet homme à la fin que l'on tue
Et qui restait debout sous l'injure et les coups
Qu'avait-il donc à rire avec ce rire fou
A regarder plus loin que le coin de la rue ?
C'était pourtant pour lui cette solide corde
Qu'on avait préparée avec au bout ce noeud
Pas plus grand que la tête. Et ce restant de feu
Qu'on demande toujours au passant qu'on aborde
Il le laissait éteindre en songeant que peut-être
La femme qu'il aimait ne ressemblerait pas
Dans son angoisse lourde à la femme aux grands bras
Qu'il voyait se pencher à l'une des fenêtres.
Il fallait qu'il soit seul avec sa mort stupide
Lentement accomplie. Une mort seule en lui
Déjà monte à sa gorge et la vitre qui luit
A la dernier éclat d'une prunelle vide.
Il collait à sa mort de tout son désir d'homme
Tout son désir d'aimer qui gisait en débris
Et enflait dans sa bouche en cet ultime cri
Vers l'enfant qui passait en croquant une pomme.
© Rouben MELIK
© Image : les résistants du groupe Manouchian peu avant leur exécution le 21 février 1944 au fort du Mont Valérien
Rouben Mélik (1921-2007)
D'ascendance arménienne, Rouben Mélik est né à Paris. Poète résistant, il est l'un des fondateurs de la Jeunesse Arménienne de France regroupant les associations arméniennes issues de la Résistance ; il en est le premier secrétaire national et dirige le journal Arménia. Aux côtés de poètes engagés (Paul Eluard, Louis Aragon...), il trouve dans la poésie l'expression de la Résistance. Il échappe au STO mais doit servir l'administration ; il réussira à subtiliser des documents et des fichiers afin qu'ils ne tombent pas aux mains de l'occupant.
L'Assocation Les Amis du poète Rouben Mélik
Sa biographie sur Wikipédia
Tes hivers sont de plus en plus sourds.
Nos hivers sous la couverture...
De plus en plus lourds
De plus en plus longs.
De plus en plus saoul
Moi je tourne en rond
Sous la couverture
Surtout l'hiver.
© Robert BASQUIN
Robert Basquin
Ecrivain, parolier, poète et dramaturge, Robert Basquin a publié plusieurs recueils dans sa série Egographie.
Son site
http://www.robertbasquin.org/
Tu avais jadis, lorsque je t’ai prise,
il y a trois ans,
des timidités, des pudeurs exquises.
Je te les ai désapprises.
Je les regrette à présent.
A présent, tu viens, tu te déshabilles,
tu noues tes cheveux, tu me tends ton corps…
Tu n’étais pas si prompte alors.
Je t’appelais : ma jeune fille.
Tu t’approchais craintivement.
Tu avais peur de la lumière.
Dans nos plus grands embrassements,
je ne t’avais pas tout entière…
Je t’en voulais. J’étais avide,
ce pauvre baiser trop candide,
de le sentir répondre au mien.
Je te disais, tu t’en souviens :
« Vous ne seriez pas si timide
si vous m’aimiez tout à fait bien !… »
Et maintenant je la regrette
cette enfant au front sérieux,
qui pour être un peu plus secrète
mettait son bras nu sur ses yeux.
© Paul GERALDY
Paul Géraldy (1885-1983)
Paul Géraldy, pseudonyme de Paul Lefèvre, est un poète et dramaturge français.
Il publie son premier recueil Les petites âmes en 1908. Il connaît un très grand succès populaire avec son second recueil Toi et moi en 1912.
Sa poésie est sensible, parfois qualifiée de désuète (L’abat-jour), ce qui vaut alors un certain succès auprès du public féminin. Il livre ses confidences avec des mots de tous les jours.
Géraldy, a été omis de l’anthologie de la poésie française de Pierre Seghers, ce qui l’a rendu presque inconnu de la génération après guerre. Le journaliste Jean-François Kahn le fera redécouvrir au public le temps d’une émission télévisée au début des années 80.
Sa biographie sur Wikipédia
Lapidaires
pour
user
pour résister.
Lapidaires et fermés
enclos sur eux-mêmes
secrets
serrés
pour s’opposer à la brisure
pour retenir l’implosion.
Plus subtils qu’un souffle
qu’un frisson de l’ange
impuissant à nous apaiser,
les mots.
Au-dedans
la densité
le poids
l’obscur qui cerne
la marée obsédante.
Au-dedans
poussières
espace émietté
rêves disjoints
discordants.
Nostalgie infinie
d’un creux encore tiède
d’un rire sous l’écorce
broyé.
Nostalgie d’une voix
multiple proche
coléreuse.
© Agnès SCHNELL
Agnès Schnell (1943-2015)
Née en Belgique dans une région minière et française d'adoption, Agnès Schnell s'est installée en terre ardennaise, pays de forêts, de collines, de fleuves et rivières où elle a vécu pleinement sa passion pour l'écriture.
Conteuse pour les petits, alphabétisatrice pour les grands, elle a été membre de la Société des écrivains ardennais.
Dans le vent qui les tord les érables se plaignent,
Et j'en sais un, là-bas, dont tous les rameaux saignent !
Il est dans la montagne, auprès d'un chêne vieux,
Sur le bord d'un chemin sombre et silencieux.
L'écarlate s'épand et le rubis s'écoule
De sa large ramure au bruit frais d'eau qui coule.
Il n'est qu'une blessure où, magnifiquement,
Le rayon qui pénètre allume un flamboiement !
Le bel arbre ! On dirait que sa cime qui bouge
A trempé dans les feux mourants du soleil rouge !
Sur le feuillage d'or au sol brun s'amassant,
Par instant, il échappe une feuille de sang.
Et quand le soir éteint l'éclat de chaque chose,
L'ombre qui l'enveloppe en devient toute rose !
La lune bleue et blanche au lointain émergeant,
Dans la nuit vaste et pure y verse une eau d'argent.
Et c'est une splendeur claire que rien n'égale,
Sous le soleil penchant ou la nuit automnale !
Albert Lozeau (1878-1924)
Poète québécois, Albert Lozeau étudie à l'académie Saint-Jean-Baptiste de Montréal. En 1892, paralysé peu à peu par le mal de Pott (arthrite tuberculeuse de la colonne vertébrale), il reste confié dans sa chambre, recroquevillé par la maladie. Il écrit ainsi ses premiers poèmes puis publiera plusieurs recueils. Émotif, solitaire et nostalgique, il a écrit des vers mélancoliques sur la nature, ce qui lui vaudra d'être inclus dans la littérature du terroir.
Sa biographie sur Wikipédia
Rien ne ronfle
à part l’espoir
de ton retour
tu ne reviens pas
mais nous te devinons
quelque part dans notre mémoire
Au point que ton image
nous trouve loin du mirage
Respirons
ce parfum d’angoisse
pour n’en tirer
que l’essence
ou plutôt l’audace
des fleurs sauvages
qui poussent
sans eau
© Damien PAISAINT
Damien Paisant
Né en 1984, Damien Paisant a écrit ses premiers poèmes en 2016, influencés par le deuil, publiés dans plusieurs revues (Recours au poème, A l'index, Short Edition, Revue Phoenix...). Il a édité son premier recueil « Absent Présent » en 2017 aux Editions Abordo. Il est également comédien et metteur en scène.
Site qu'il anime avec Christophe Bregaint : https://poesiemuziketc.wordpress.com/
Brûle aux yeux des femmes
Et garde ton cœur,
Mais crains la langueur
Des épithalames.
Bois pour oublier !
L’eau-de-vie est une
Qui porte la lune
Dans son tablier.
L’injure des hommes
Qu’est-ce que ça fait ?
Va, notre cœur sait
Seul ce que nous sommes.
Ce que nous valons
Notre sang le chante !
L’épine méchante
Te mord aux talons ?
Le vent taquin ose
Te gifler souvent ?
Chante dans le vent
Et cueille la rose !
Va, tout est au mieux
Dans ce monde pire !
Surtout laisse dire,
Surtout sois joyeux
D’être une victime
À ces pauvres gens :
Les dieux indulgents
Ont aimé ton crime !
Tu refleuriras
Dans un élysée.
Âme méprisée,
Tu rayonneras !
Tu n’es pas de celles
Qu’un coup de destin
Dissipe soudain
En mille étincelles.
Métal dur et clair,
Chaque coup t’affine
En arme divine
Pour un dessein fier.
Arrière la forge !
Et tu vas frémir
Vibrer et jouir
Au poing de Saint George
Et de Saint Michel,
Dans des gloires calmes
Au vent pur de palmes
Sous l’aile du ciel !…
C’est d’être un sourire
Au milieu des pleurs,
C’est d’être des fleurs
Au champ du martyre,
C’est d’être le feu
Qui dort sous la pierre,
C’est d’être en prière,
C’est d’attendre un peu !
Paul Verlaine
(1844-1896)
Ecrivain et poète français, Paul Verlaine écrit son premier recueil (Poèmes Saturniens) à l'âge de 22 ans. Sa vie est bouleversée lorsqu'il rencontre Arthur Rimbaud. Leur vie amoureuse, tumultueuse et errante le poussera à blesser Rimbaud et il passera deux ans en prison où il écrira plusieurs recueils. Usé par l'alcool et la maladie, Verlaine meurt d'une pneumonie aiguë à 51 ans. Archétype du poète maudit, Verlaine est reconnu comme un maître par la génération suivante. Son style et la tonalité de nombre de ses poèmes révèlent, au-delà de l'apparente simplicité formelle, une profonde sensibilité, en résonance avec l'inspiration de certains artistes de l'époque.
Autres textes
Eté
Après trois ans
Chanson d'automne
Printemps
Sa biographie sur Wikipédia
Natif de Saint-Jean-Pied-de-Port,
il avait mis le nez dehors
juste le jour du mardi gras
et son visage était ingrat !
Ses copains se moquaient de lui
– ce qui n’était pas très gentil ! –
ils lui disaient en aparté :
« ton pif il est tout épaté ! »
Sauf la maman… c’était marrant !
© Pierre DUPUIS
Pierre Dupuis (1946-)
Né à Fresnes-l'Archevêque dans l'Eure, Pierre Dupuis alias Rotpier, a travaillé dans l'industrie de tôlerie et en construction métallique jusqu'en 1976 puis a enseigné comme professeur de lycée professionnel jusqu'en 2002. Passionné de poésie depuis l'enfance, il a commencé à écrire dès les années 1990, poésie très éclectique, sous toutes ses formes : classique, libérée et libre, sa devise étant : « Enfermez la poésie dans un genre et elle s'étiole. »
Si vous voulez connaître l'épilogue de ce joyeux poème, rendez-vous sur son site : http://rotpier.over-blog.com/
La poésie contemporaine ne chante plus elle rampe.
Elle a cependant le privilège de la distinction
Elle ne fréquente pas les mots mal famés elle les ignore.
On ne prend les mots qu’avec des gants : à « menstruel » on préfère périodique »,
Et l’on va répétant qu’il est des termes médicaux
qu’il ne faut pas sortir du laboratoire et du codex.
Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n’employer que certains mots déterminés,
à la priver de certains autres, qu’ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques,
me fait penser au prestige du rince-doigts et du baisemain.
Ce n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse.
Ce n’est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le mot.
Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir sils ont leur compte de pieds,
ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes.
Le poète d’aujourdhui doit être d’une caste, d’un parti ou du « Tout Paris ».
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé.
La poésie est une clameur. Elle doit être entendue comme la musique.
Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie.
Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale
tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche.
L’embrigadement est un signe des temps. De notre temps.
Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes.
Les sociétés littéraires c’est encore la Société.
La pensée mise en commun est une pensée commune.
Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes.
Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes.
Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d’un coup toute sa musique.
Beethoven était sourd. Il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok.
Rutebeuf avait faim. Villon volait pour manger. Tout le monde sen fout.
L’Art n’est pas un bureau d’anthropométrie.
La Lumière ne se fait que sur les tombes.
Nous vivons une époque épique et nous n’avons plus rien dépique.
La musique se vend comme le savon à barbe.
Pour que le désespoir même se vende il ne nous reste qu’à en trouver la formule.
Tout est prêt : les capitaux, la publicité, la clientèle.
Qui donc inventera le désespoir ?
Avec nos avions qui dament le pion au soleil.
Avec nos magnétophones qui se souviennent de ces « voix qui se sont tues »,
avec nos âmes en rade au milieu des rues,
nous sommes bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande
à regarder passer les révolutions.
N’oubliez jamais que ce qu’il y a d’encombrant dans la Morale,
c’est que c’est toujours la Morale des Autres.
Les plus beaux chants sont des chants de revendication.
Le vers doit faire l’amour dans la tête des populations.
A l’école de la poésie, on n’apprend pas. ON SE BAT !
© Léo FERRE
Léo Ferré (1916-1993)
Auteur-compositeur-interprète et poète monégasque, Il a réalisé plus d'une quarantaine d'albums originaux couvrant une période d'activité de 46 ans. Il se revendiquait anarchiste et ce courant de pensée inspire grandement son œuvre.
Le texte intégral de la préface à « Poète… vos papiers ! »
Ecouter Léo Ferré déclamer ce texte
Sa biographie sur Wikipédia
Vous me lirez lorsque je serai mort et ce sera bien ainsi
Car tout ce que j’ai écrit je l’ai écrit dans cette ombre paisible
Juste à côté de vous dans le silence heureux
0ù les mots se laissent entendre dans une clarté
Qui n’existe que là
Et lorsque vous me lirez ce sera comme si une voix glissait
De l’autre côté des futaies et venait vous rappeler
Qu’il existe une autre manière de parler donc de vivre
Et que le monde n’est pas cette fête triste qu’on en fait
Pour vous empêcher de vivre toute la vie qui vous appelle
Ne laissez jamais la poésie
N’être qu’une image ou un mot
Regardez-la toujours
Se dessiner à l’horizon comme une aurore
Sur le désert qu’elle va fertiliser
Ne lui donnez pas la forme d’un visage venu du passé
Mais d’une musique
Sur laquelle vous danserez votre vie
En ne laissant rien retomber
De ce qui en vous demande à vivre
Lorsque vous l’entendrez et que cette voix vous paraîtra la vôtre
Qu’elle vous ramène à ce qui en vous souffre de sommeiller
– Le plus beau –
Qu’elle vous donne le désir de l’embraser
Puis qu’elle se perde dans le silence d’où elle est venue
Car c’est à vous
Qu’appartient le royaume
Ne laissez jamais personne
Écrire à votre place
Le poème de votre vie
© Emmanuel GODO
Extrait du recueil « Je n'ai jamais voyagé »
Emmanuel Godo (1965-)
Ecrivain et essayiste, Emmanuel Godo est docteur ès Lettre et professeur de littérature en classes préparatoires au Lycée Henri IV de Paris, il est aussi universitaire et enseignant à Lille. Critique, auteur d'essais littéraires, il s'est spécialisé dans les rapports entre la littérature et l'expérience intérieure, en particulier la spiritualité.
Son site : http://www.emmanuel-godo.com/
J’ai enfin trouvé une ouverture
Dans ces murs qui m’entourent
J’y ai rencontré la littérature
Elle est devenue mes nuits et jours
Entre les murs de mes prisons
J’avais tout pour vivre librement
La création d’un univers de passion
Il suffisait de voir la vie autrement
L’évasion avec et par la lecture
Je ne voyais même plus les barreaux
Avec les personnages vivre l’aventure
Avec les mots j’oubliais les maux
Puis j’ai continué mon parcours
De la lecture passée à l’écriture
Maintenant je vis au jour le jour
Et je ne suis plus dans l’obscur…
« Création de son propre univers
Pour sortir de ce milieu austère ».
© Jean-Luc LAHURE
Jean-Luc Lahure (1957-)
Poète, romancier et essayiste, Jean-Luc Lahure est né à Troyes dans l'Aube. À l’âge de 15 ans et demi, il arrête l’école et entre dans le monde du travail pour continuer à aider ses parents. Commence la vie la nuit, l’alcool, la drogue et le poker. En 1978, il est condamné à treize ans de prison pour homicide, suite à une bagarre qui a mal tourné. A sa sortie de prison, il retrouve la stabilité et se lance vraiment dans l'écriture en 2001, suite à l'attentat du 11 septembre. Depuis il a publié plusieurs recueils.
Ses parutions : https://www.bookelis.com/auteur/lahure-jean-luc/7232#contenuauteur
Sa page Facebook
Margault
Etudiante en Master 2 de droit à Versailles, elle participait samedi 1er décembre à sa première manifestation, elle aime écrire des poèmes engagés, du haut de ses 22 ans.
Article source :
http://www.revolutionpermanente.fr/Revolte-A-propos-des-gilets-jaunes-en-poesie
Je suis en grève, oui ! En grève de la grève
Ai filé ce matin en forêt à l'anglaise
Au lieu d'aller crier dans les métrofournaises
Déserteur de la guerre, j'ai préféré la trêve
J'ai parcouru forêt, à mes côtés mon chien
Emprunté des chemins, qui ne sont jamais miens
Traverser des contrées qui n'ont pour seuls maîtres
Que le génie du temps et les cycles champêtres
J'allais tranquillement, tout à fait silencieux
De mes chaussures trouées, d'un pas parcimonieux
L'oreille attentive à ce qui, vu des cieux,
Font de la Nature une plus belle chose que dieu
Tout à coup, subitement, entre l'herbe et le vent
Entre le chant des fleurs et les murmures du temps
Une voix m'est venue, une voix grave et profonde
Comme provenue tout droit des profondeurs du monde
C'était un saule pleureur, penché sur le sentier
Qui ployait incertain sous le poids des années
Il me parlait à moi, d'une voix claire et sereine
C'était une voix de Roi qui a perdu sa Reine
"Je suis un saule pleureur, voici venu l'Automne
Vois ! Mes frères alentours se sont rendus aphones
Plus rien ici ne vibre et plus rien n'a de sens
Vous les humains, démons, avez perdu vos sens !
Vos bouches folles parlent plus qu'elles ne disent
Et vos bras ridicules, qui toujours mécanisent
Pour ne pas accomplir vos terribles entreprises
Qui font les oiseaux morts et les étoiles grises
Regarde ! Homme, ton espèce est aveugle !
Elle bêle depuis des siècles et maintenant elle beugle !
L'idée lui est venue, subitement tout à coup,
De mettre un gilet jaune pour prévenir du courroux ?
Homme ! Regarde ! Regarde, c'est l'Automne !
Et mes frères et moi nous nous drapons de jaune
Certains vont même jusqu'a saigner de rouge
Tout bloqués que nous sommes, nous voulons que ça bouge !
La mésange au travail prévenait de son bleu
Le rouge-gorge protestait, n'était pas merveilleux
L'abeille volait, criarde, de son jaune flamboyant
Et le feu des étoiles dans l'oeil de l'éléphant !
Tu n'as rien vu de ça, et tu parles de raison ?
Vois, âme de paille, et va dans les maisons,
Les rues et les palais, à travers les saisons
Et dis-leur que l'Automne est notre révolution !"
© Ben KWAK
Ben Kwak
Partons,
Ardent prophète de l’aurore,
par les sentiers cachés et abandonnés,
libérer le vert crocodile que tu aimes tant.
Partons
Vainqueurs de ceux qui nous humilient, l’esprit
rempli des étoiles insurgées de Marti,
jurons de triompher ou de mourir.
Quand retentira le premier coup de feu et s’éveillera
dans un virginal étonnement tout le maquis,
à tes côtés nous combattrons,
nous serons là.
Quand ta voix répandra aux quatre vents
réforme agraire, justice, pain, liberté,
à tes côtés, avec les mêmes mots,
nous serons là.
Et quand viendra à la fin du voyage
la salutaire opération contre le tyran,
à tes côtés, espérant la dernière bataille,
nous serons là.
Le jour où le fauve se léchera le flanc meurtri
par la flèche de la nationalisation,
à tes côtés, le cœur fier,
nous serons là.
Ne pense pas que ces insectes décorés armés de cadeaux
puissent affaiblir notre fermeté ;
nous leur demandons fusil, balles et une montagne.
rien de plus.
Et si le fer vient interrompre notre voyage,
nous demandons un suaire de larmes cubaines
pour couvrir les os des guérilleros
entraînés par le courant de l’histoire américaine.
Ernesto CHE GUEVARA (1956)
Ernesto Che Guevara (1928-1967)
Révolutionnaire cubain d'origine argentine, Che Guevara mènera aux côtés de Fidel Castro une guérilla contre le pouvoir du dictateur Batista. En 1959, le régime renversé, Che Guevara occupera différents postes au sein du nouveau gouvernement et deviendra Ministre de l'industrie en 1961. A la surprise générale, il abandonne toutes ses fonctions en 1965, se rend en Bolivie et en Afrique où il reconstitue une guérilla. Très peu soutenu lors de ce combat, il est capturé dans la forêt par l'armée bolivienne aidée par la CIA. Il sera exécuté le 09 octobre 1967 dans le village de La Higuera en Bolivie.
Sa biographie sur Wikipédia
Contempler le fleuve fait de temps et d’eau
Et se souvenir que le temps est un fleuve aussi,
Savoir que nous nous perdons comme fait le fleuve
Et que les visages passent comme l’eau.
Sentir que la veille est elle aussi un sommeil
Qui rêve de ne point dormir, et que la mort
Que craint notre chair est cette même mort
Qui vient chaque nuit, qu’on appelle sommeil.
Voir dans le jour, dans l’année un symbole
Des jours de l’homme et de ses ans ;
Convertir l’outrage des ans
En une musique, un bruit, un symbole.
Voir le sommeil dans la mort, dans le couchant
Un or triste, telle est la poésie
Qui est immortelle et pauvre. La poésie
Revient comme l’aurore et le couchant.
Parfois, le soir, un visage
Nous regarde du fond d’un miroir :
L’art doit être comme ce miroir
Nous dévoilant notre propre visage.
On raconte qu’Ulysse, rassasié de prodiges,
Pleura d’amour en retrouvant son Ithaque
Verte et humble. L’art est cette Ithaque
Riche d’une verte éternité, non de prodiges.
Il est aussi comme le fleuve sans fin
Qui passe et qui reste, toujours le cristal d’un seul
Inconstant Héraclite, qui est toujours le même
Et autre pourtant, comme un fleuve sans fin.
© Jorge Luis BORGES
Jorge Luis Borges (1899-1986)
Ecrivain argentin de prose et de poésie, il grandit à Palermo, haut lieu du tango, séjourne à Genève où il découvre la littérature française, et étudie en Espagne. Il écrit ses premiers poèmes en 1918.
A son retour à Buenos Aires en 1921, il se fait une réputation de poète, traducteur et essayiste. Mais il se détourne peu à peu de la poésie pour le genre qui fera sa notoriété : la nouvelle. La profondeur, la diversité et la qualité de son oeuvre fait de lui une figure majeure de la littérature. Écrivain hors du commun et grand amateur de voyages, Jorge Luis Borges, reconnu comme l'un des maîtres du réalisme magique a toujours considéré la littérature comme un terrain d'évasion et d'absolu.
Borges devient progressivement aveugle. Il a été nommé plusieurs fois pour le prix Nobel de littérature mais ne l'a jamais obtenu.
Autre texte : Instants
Sa vie, son oeuvre sur Wikipédia
Toutes ces langues que j’entends un peu
quelques mots ou davantage
toutes ces langues dont je n’entends rien
quelques sons une musique
dans chacune de la pensée s’anime
parle prend forme devient
la nature de la pensée est-elle partout
la même sous la différence d’expression
ou bien la langue change-t-elle le sens
en le conditionnant
langue ressentie soudain comme un double
une doublure et non cette bulle externe
nourrie de souffle mais un corps
engagé dans le corps une épaisseur
interne pénétrante et charnelle
désir à présent très ancien de voir
cette chair pensante sous la langue
fumant des mots vers la bouche
d’en saisir enfin toute l’empreinte
avec une farine semée à contre-flot
de la sueur verbale
mais tout cela ne sera jamais qu’une image
alors que tu en éprouves pourtant la réalité
une brèche à l’instant vide le présent
une fuite où se perd la volonté d’être
cet écorché sans autre corps
que le corps de sa pensée
donc des mots seulement et par eux
le désir de remonter vers leur provocation
et chaque fois un échec inlassable
à croire que l’échec ouvre plus d’avenir
que son contraire et en effet que faire
de l’absolu sinon périr en lui
d’une indigestion d’être
mais qu’en est-il en nous de la langue d’en bas
celle qui va comme le vent sans retenir
même l’instant de sa caresse longue
la perception retombe ici dans sa source
et tant pis si le cœur ne va pas jusqu’aux lèvres
parfois une clarté mûrit au plus profond
sa goutte de lumière jaillit du noir
on ne sait qui de l’instinct ou de la sensation
qui a changé la place de la bouche
© Bernard NOEL, L'outrage aux mots, 2011
Bernard Noël (1930-)
Poète, essayiste, critique d'art et romancier, Bernard Noël est remarqué en 1958, dès la parution de son premier livre de poésie "Extraits du corps", il attend neuf années avant de publier son deuxième ouvrage "La Face de silence" (1967). Saluée par Louis Aragon, André Pieyre de Mandiargues et Maurice Blanchot, l'œuvre de Bernard Noël donne à la poésie un rôle capital et unificateur, car elle en détermine l'espace et la nécessité.
Site :
http://atelier-bernardnoel.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Je suis la clé des champs
Ma serrure est le vent,
Mon parfum, le printemps
Et ma voix, l’océan.
Ma porte, les saisons,
L’univers ? Ma maison,
Le temps ? Mon horizon
La fuite, ma raison.
Je suis l’identité,
Ce soupçon d’entité
Que l’on veut captiver,
Garder, emprisonner ;
Qui vient à vous quand ça l’enchante,
Celle qui pleure ou bien qui chante
Fille de l’air et du Léthé
Que l’on appelle : Liberté.
© Lydia PAVOT
Lydia Pavot
Je suis entré en moi
Sans un bruit dans mon tumulte
Pas un cri du bois
Pas un grincement du pêne
Rien
A peine le crissement d'une larme
Sur le désert d'une joue
J'ai poussé le verrou
Comme on passe la main
Sur un front moite
Ou sur un ventre chaud
Et la poigne qui me serrait le cou
A relaché son étreinte
Le grabat rouge de ma peau
Me tendait les bras
Et dans un râle de vague
Sur le cimetière d'une plage
Je m'y suis étendu
J'avais payé mon dû
J'ai fermé les yeux
Et aux horizons de ma rétine
Tout a vacillé
Le soleil de ma nuit interne
M'a mordu les paupières
Insensiblement le galop furieux
Des jours des soirs des nuits
S'est estompé
Mille hennissements l'ont salué
Là-bas ciel et terre
S'accouplaient sauvagement
Dans la gouttière oxydée
De mes artères
Le sang s'est remis à couler
A longs glouglous
Au rythme de ma respiration
Se commet l'assassinat
Inlassablement répété
De l'oxygène
Des armées en déroute
Refluent dans mes veines
Mon sang charrie des cadavres
Les électrons même
Ont déposé les armes
Brisé les fusils
Signé l'ignoble trêve
Et aux créneaux de la citadelle
Ne se dressent plus
Que de sombres déclins
Tandis que
Dans mon poing crispé
S'apaise
La brûlure du poignard
Qu'insidieusement l'on m'a glissé
En me disant :
La vie
© Christian-Erwin ANDERSEN
Christian-Erwin Andersen (1944-)
Ecrivain et poète belge d'expression française, Christian-Erwin Andersen a arrêté sa scolarité à 17 ans et devient fonctionnaire au Ministère des travaux publics jusqu'en 2005. Ancien militant trotskyste, il évolue vers l'anarchisme après 1967. S'étant découvert poète dès 1973, il abandonne l'écriture et se passionne pour le Sahara algérien, qu'il sera contraint de quitter en 2003 suite à un grave accident. Il se remet alors entièrement à la poésie et publie plusieurs recueils.
Sa biographie sur Wikipédia
Se souvenir - du bruit du clair de lune,
lorsque la nuit d'été se cogne à la montagne,
et que traîne le vent,
dans la bouche rocheuse des Monts Liban.
Se souvenir - d'un village escarpé,
posé comme une larme au bord d'une paupière ;
on y rencontre un grenadier,
et des fleurs plus sonores
qu'un clavier.
Se souvenir - de la vigne sous le figuier,
des chênes gercés que septembre abreuve,
des fontaines et des muletiers,
du soleil dissous dans les eaux du fleuve.
Se souvenir - du basilic et du pommier,
du sirop de mûres et des amandiers.
Alors chaque fille était hirondelle,
ses yeux remuaient, comme une nacelle,
sur un bâton du coudrier.
Se souvenir - de l'ermite et du chevrier,
des sentiers qui mènent au bout du nuage,
du chant de l'Islam, des châteaux croisés,
et des cloches folles, du mois de juillet.
Se souvenir - de chacun, de tous,
du conteur, du mage, et du boulanger,
des mots de la fête, de ceux des orages,
de la mer qui brille comme une médaille,
dans le paysage.
Se souvenir - d'un souvenir d'enfant,
d'un secret royaume qui avait notre âge ;
nous ne savions pas lire les présages,
dans ces oiseaux morts au fond de leurs cages,
sur les Monts Liban.
© Nadia TUENI
Nadia Tuéni (1935-1983)
Nadia Tuéni est une auteure libanaise d'expression française reconnue "pour une poésie qui porte en elle les rythmes, les visions, la somptuosité du vers arabe". Elle sera rédactrice littéraire au journal libanais de langue française "Le Jour", et collabore à diverses publications arabes et françaises. Elle a a reçu le Prix de l'Académie Française en 1973.
Sa biographie sur Wikipédia
Quand tu me déshabilleras
De tes mains de sourcier
Fais lentement glisser
Ma robe d'aubes calcinées
Lisse ma peau de vélin
Refleuris mes saisons usées
Amarante moi, girofle moi
Mais s'il te plait
N'efface rien
Je suis faite d’herbes incendiées
De lisières d'enfance jaunies
Ta main les reverdit
© Catherine SMITS
Catherine Smits
Née en 1965, gérante de société, Catherine Smits se dit boulimique de la vie en général et de mille autres petites choses en particulier, les livres, l'écriture, les voyages, le bénévolat... Elle est membre du jury Prix des Lecteurs l'Express/BFMTV.
Tu es ma nuit radieuse
nuit sortilège nuit sacrificielle
où le sexe incarne le sang
des hautes luttes passionnelles
où le coeur bat le rappel des rêves
sur des tambours d'ébène
Je suis pirogue d'os et de peau
remontant le cours d'une Amazonie fiévreuse
aux berges peuplées de perroquets
et de toucans criards
de singes hurleurs
parmi les lianes du désir
nous sommes fleurs et flammes voluptueuses
à l'assaut d'un ciel étoilé
où s'écrivent en lettres délirantes
les mots d'amour que nous étouffons
jusqu'à ce que mort nous couve
dans un berceau de douce humanité
© André CHENET
André Chenet (1954-)
Poète et écrivain français, après avoir pas mal bourlingué et exercé plusieurs métiers, André Chenet a commencé sur le tard à publier dans des revues francophones. Il édite depuis 2006 "Danger Poésie" et organise des Rencontres poésie dans le sud-est de la France. Il a également publié plusieurs recueils.
Blog de poésie
https://poesiedanger.blogspot.com/
Autre blog
Désobéissance civile
Dans des armoires de fer, montées sur de grinçantes roues,
On amène aux méchants petits vieux, le potage qui sent le chou.
Un jour de mars, en me penchant, j'ai failli entrevoir,
Parménide vieilli que suivait la déesse, et tant d'autres encore.
Pauvre
Will qui s'en gausse.
Les héros accablés
Lèvent l'une après l'autre leurs jambes faibles.
Le monde est un triste théâtre aux quatre coins du vent : du côté de la cour
On entend les cuisines, leurs jurons ; du côté du jardin,
C'est un arbre qui croît, solitaire,
Auquel un jour nous avons dérobé le fruit.
Nous sommes oublieux du mal et de nos fuites
Sur la route où nos pieds se meurtrirent.
Où êtes-vous, lancent parfois nos cris à ceux qui nous ont précédés,
Mais nous n'écoutons pas le chœur nous avertir
Des solitudes enchantées où nous tombons sans fin
Pour avoir oublié l'amour et la joie de l'azur.
© Philippe DELAVEAU
Philippe Delaveau (1950-)
Poète et écrivain français, également traducteur et critique d'art, Philippe Delaveau a fait de nombreux séjours à Londres. Il est l'auteur d'une dizaine de recueils et lauréat de plusieurs prix.
Sa biographie sur Wikipédia
Ce soir, en écoutant de la noble musique,
Mon esprit, libéré de l'entrave physique,
S'est envolé d'un bond soudain, puissant et sûr,
Tel l'oiseau délivré s'élance vers l'azur.
Dans des temples, vibrant d'un somptueux andante,
Et des jardins, baignés d'une lumière ardente,
Je fus, trop bref instant, l'hôte des Maîtres morts,
Tout n'était qu'harmonie, extase, purs accords.
La voix des sources et la voix des clairs de lune
Se mêlaient aux sanglots des mers et de la dune,
Les chants de Montsalvat à l'ivresse d'Yseult...
O concert exalté jaillissant pour moi seul !
Et je compris qu'une obscure miséricorde,
Prévoyant la muette et sombre mort, accorde
À ceux que marque le stigmate sensuel
D'entendre, avant le grand Silence, un peu du ciel...
© Paul MORIN
Paul Morin (1889-1963)
Ecrivain et poète québécois, Paul Morin a fait paraître, en 1911, un recueil de poèmes intitulé Paon d'émail chez l'éditeur français Lemerre. Ce recueil alimenta la querelle des exotiques et des régionalistes au Québec.
Sa biographie sur Wikipédia
Pour les accros au chocolat
Je croqu'en plaque
Et croque et craque !
Saveur ébène
Arachnéenne,
Sérénité
Sous le palais,
Fondant carré
Croque café
A déguster
Enamourée.
Chocolatier,
Je vais craquer
Tout acheter.
Pralin, praline,
Suis une gamine,
Suis amoureuse
Du chocolat.
A heure creuse,
Gourmande et pieuse
Je croqu'en plaque
Pour le plaisir,
Dans un désir
Aphrodisiaque !
Si mon cerveau
A l'trémolo,
Je croque et craque
Puis, je recraque
A satiété
Un peu shootée,
Je plonge
Et ronge
Comm'une souris
Au paradis.
J'ai le mouron,
Ça sent l'bonbon
Au chocolat
Et patatras !
Dans un' marée,
Ensorcelée,
De guerre lasse,
J'y fais la brasse
Puis, rassasiée
Le tentateur
Libérateur
Sait mes faiblesses
Et mon ivresse !
Pour n'plus craquer,
Je mets la plaque
En clic et clac.
Paradisiaque
Goût vanillé
Estampillé !
Puis, je bivouaque
Et je recraque
C'est insensé !
Dans la mer noire
Acidulée
Mon chocolat
Met en émoi.
Il se prélasse
Dans la mélasse
De mon palais
A fin gourmet.
Si je l'adore,
Encore, encore,
Faut pas m'juger !
En guilledou,
Le roudoudou
Me fait craquer.
Et puis après,
Est-ce un péché ?
© Colette BONNET SEIGUE
Colette Bonnet Seigue
Ecrivain, poètesse et parolière, Colette Bonnet Seigue a abandonné l'enseignement en maternelle et primaire pour se consacrer entièrement à l'écriture, au sein d'ateliers destinés au jeune public. Elle a publié plusieurs albums jeunesse et un roman.
Autre texte :
Ma chaumière
Biographie :
http://welovewords.com/colbonne
Sous la tiédeur d’avril quand renaît la nature,
Et qu’un printemps galant tonifie le gazon
Bordant les longs sentiers, l’abondante verdure
Habille un riche sol flattant l’intersaison.
Le lent baiser du jour offre au bois la parure
D’un lever de rideau dorant la frondaison,
Où les douces senteurs, dans le vent qui murmure,
S’essaiment alanguies, flânant vers l’horizon.
Dans toute la vallée baignée de solitude,
Je respire au secret de cette quiétude,
Les pervenches et lys cortégeant mon parcours.
Les arbres fraternels dans la vapeur légère
Des prémices du jour se dressent alentour,
Et dans l’humus épais prospère la fougère.
© André LAUGIER
André Laugier
Dès sa plus tendre enfance, André Laugier a baigné dans le milieu artistique. Après des études musicales, il poursuit dans l'Art Dramatique et se tourne vers la prestidigitation et l'illusionnisme dont il fait son métier. Depuis plusieurs années, il se consacre entièrement à la poésie et a publié plusieurs recueils.
Autre texte :
Le crayon et la... gomme
Site officiel : http://echos-poetiques.e-monsite.com/
Pour aller plus avant,
il faut s’enténébrer
d’orphidiennes racines ;
vivre avec la vipère :
sagesse de la pierre
où le soleil s’enferme ;
sagesse de la terre,
de la pluie et du vent.
Il faut se mélanger
aux crapauds des étangs
qui disent avec leurs flûtes
la glaise originelle,
la saveur de la nuit
comme un lait qui se caille
et fait un noir fromage
pour les brebis galeuses.
Et c’est un dur ciment
qui maçonne les trous
creusés par la lumière
dans les feuilles, les branches...
© Claude VAILLANT
Claude Vaillant (1924-2004)
Poète breton, Claude Vaillant est l'auteur d'une œuvre poétique marquée par la puissance, la joie de vivre, l'amour, l'érotisme, la révolte, le style et le constant renouvellement de son écriture.
Sa biographie sur Wikipédia
Dans les lignes de ta main
Pour me plaire j’y veux voir
Que rien ne nous sépare
Et qu’avons même destin.
Dans les lignes de ta main
Je découvre en cherchant
Les signes bienfaisants
De ce qui me convient.
Dans le creux de ta paume
Où ma main se blottit
Je retrouve mon abri
Doux et calme. Comme un baume.
© Esther GRANEK
Esther Granek (1927-2016)
Poétesse franco-belge qui a survécu à l'Holocauste.
Autres textes :
Quoi donc ?
Offrande
Ephémérides
La fenêtre
Vacances
Site officiel : http://esthergranek.webs.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Rien qu’un trait bleuté au flanc des étoiles,
Une légère brûlure et le vent
Qui frissonne doucement dans les voiles
De mon cœur éveillé et impatient.
Au gisant de la nuit froide, se croisent
Nos âmes offrant sans autre discours
Une liberté aux heures qui toisent
La course du temps dans les hautes tours.
De mes doigts, je façonne l’éphémère
Gravier lascif de ces ombres sans tain.
Mon bateau amarré à la lumière
Sera un refuge jusqu’à demain.
Avec le flux de la mer, un murmure
Palpite telle une odeur sur nos peaux.
Quand le silence fait morne figure,
Tout au bout du chenal, montent les eaux.
Devant le ressac, tes vagues d’iode
Invite l’air salin de l’océan,
Sur le clapotis où encore, rôde
La chaloupe de nos baisers brûlants.
Le jour s’égoutte dans le marécage
Où s’encartent les lueurs du matin.
Déjà, la mer descend de son étage
Mais l’estran garde nos traces sans fin.
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
Autres textes
Planète en danger
Air marin
La poudre d'escampette
Son site : http://www.cassiopee17.fr/
Le bonheur, ce n'est point aimer, puisque l'on pleure.
Le bonheur, ce n'est point savoir : on ne sait rien.
Est-ce vivre ? La vie est-elle un si grand bien ?
Est-ce mourir ? La mort n'est-elle pas un leurre ?
Ce n'est point se blesser à nos amours d'une heure,
Ni, sans ailes, tenter l'essor aérien.
Ce n'est pas habiter la terre, et l'on peut bien
Ne pas croire qu'une autre étoile soit meilleure.
— Faible cœur, sais-tu bien, avant de blasphémer,
Ce qu'ouvre le tombeau qui vient de se fermer ;
Et que, tant qu'en nos yeux la lumière demeure,
Le bonheur, c'est marcher libre dans le devoir ;
C'est s'élever sans fin vers l'infini savoir.
Le bonheur, c'est aimer aussi, puisque l'on pleure.
Albert Mérat (1840-1909)
Poéte français, Albert Mérat a fait partie des poètes parnassiens, tout comme Théophile Gautier, José-Maria de Heredia, Théodore de Banville, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, François Coppée, Verlaine, Rimbaud. Il était loué par les poètes de son époque. Rimbaud le considérait comme visionnaire et en faisait, presque, l'égal de Verlaine, qui lui dédia son poème Jadis.
Autre texte
Les parfums
Sa biographie sur Wikipédia
La nuit primitive
qui s’élève de la terre noire,
et la lumière des premiers hommes
au-dessus de la baie immuable.
Une seule pierre déplacée
et l’arc-en-ciel des silex s’effondre,
une seule pierre ajoutée
et tout le promontoire gronde.
L’oiseau dépose son fragment de ciel,
le lézard inscrit sa ligne fugitive,
le vent et la pluie brassent
le levain des pierres.
Chaque caillou est un son arrêté,
chaque pierre une pensée d’un défunt,
chaque bloc est un rêve
qui continue de se réaliser.
Alentour la ronce chante,
le genêt distribue ses trilles jaunes,
l’ajonc percute les amorces marines,
le buisson de pierre comme une vasque de lune.
L’essaim de pierres attend sa ruche,
le cadran son aiguille solaire,
le grenier de pierre s’ouvre aux étoiles
et à la brise qui sème.
Dans le désordre des îles
il manquait un guetteur
aux yeux de houx et de jonquilles
Les hommes l’ont halé de leur âge de l’avenir.
Le grondement d’une vague de fond
qui a escaladé le promontoire
et s’est figé au sommet tel un migrateur
en attente d’un nouvel envol.
© Gérard LE GOUIC
© Image : Le cairn de Barnenez (Finistère) Archives Ouest France
Gérard Le Gouic (1936-)
Poète et écrivain français, Gérard Le Gouic est né en 1936 à Paris, où il vécut jusqu'à son départ pour l'Afrique. Il rencontra le poète Maurice Fombeure comme professeur au collège Lavoisier de Paris. Puis pendant un séjour de dix ans en Afrique, il se lie d'amitié avec Henri Queffelec. Il revient régulièrement en vacances en Bretagne, contrée d'origine de ses parents, et s'y installe définitivement dès 1969 où il créé sa propre maison d'édition.
Sa biographie sur Wikipédia
C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d'incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes
Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croit
D'autres viennent Ils ont le cœur que j'ai moi-même
Ils savent toucher l'herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s'éteignent les voix
Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l'aube première
Il y aura toujours l'eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n'est le passant
C'est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont chez eux
Comme si ce n'était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre...
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu'à qui voudra m'entendre à qui je parle ici
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
© Louis ARAGON
Louis Aragon (1897-1982)
Poète et romancier français, il participe au mouvement dadaïste et surréaliste aux côtés de André Breton. En 1928, sa rencontre avec Elsa Triolet, l'amour de sa vie, lui inspirera de nombreux poèmes.
Autres textes
Que serais-je sans toi ?
Les larmes se ressemblent
Les mains d'Elsa
J'arrive où je suis étranger
Autre site
http://www.maison-triolet-aragon.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Fonder quelque chose
Demeurer vivant
Brûler à tes causes
Courir en avant
Fonder l’amour même
Et l’homme nouveau
Nier le problème
Lancer des bateaux
Ouvrir une route
Cueillir le grand vent
Défier le doute
Brûler le gréement
Atteindre la rive
Débloquer le port
Débarquer les vivres
Débusquer la mort
Tricher sur les dates
Sauver la maison
Avancer sans carte
Plaider la passion
Inventer de l’âme
Gonfler les enjeux
Tutoyer le drame
Rallumer le feu
Renverser la table
Nier le destin
Croire dans ses fables
Retoucher la fin
Rallumer de l’homme
Se laisser hanté
Ramener de l’homme
Tout réinventer
Ramener de l’homme
Cueillir en hiver
Réhabiter l’homme
Planter dans la mer
Parler à mon frère
Te prendre la main
Quelques pas sur terre
Enfant du chagrin
Défier les astres
Marcher au canon
Violer le cadastre
Rétablir les ponts
Croire dans des choses
L'homme est dans nos mains
Boire dans des causes
Aimer à sa faim
Boire dans des causes
Aimer à sa faim
Ramener de l’homme
Cueillir en hiver
Réhabiter l’homme
Planter dans la mer
Parler à mon frère
Te prendre la main
Quelques pas sur terre
Enfant du chagrin
Défier les astres
Marcher au canon
Violer le cadastre
Rétablir les ponts
Croire dans des choses
L’homme dans nos mains
Boire dans des causes
Aimer à sa faim
Boire dans des causes
Aimer à sa faim
Boire dans des causes
Aimer à sa faim !
© Jacques BERTIN
Jacques Bertin (1946-)
Chanteur, poète et journaliste français, Jacques Bertin est un artiste à contre-courant de la variété en plein développement à partir de la seconde moitié des années 1960 et son œuvre n'aura jamais les faveurs des médias ni du grand public. Artiste sans compromissions, ses chansons sont partagées entre une inspiration politique et une autre éminemment poétique. Il a obtenu deux fois le Grand Prix du Disque de l'Académie Charles-Cros durant sa carrière.
Sa biographie sur Wikipédia
Combien d'entre nous ont vu
Le vieux qui passe dans la rue
Épouvantail tout gris
Que la cité a exclu
La rue et les gens et le monde
Vont bien trop vite pour lui
Dans ses yeux absents d'enfant
Ne passe que l'effroi du temps
Pour descendre et remonter
Six étages d'escaliers
Il faut l'éternité
Quelle faute a-t-il pu commettre
Le vieux tout gris qui traîne
Ses vieux membres rassis ?
Combien d'entre nous ont fait
Quoi que ce soit de palpable
Un geste, un mot, un sourire
Pour le raccrocher à nous ?
La vieillesse nous fait frémir
On ne veut pas croire au pire
Nos yeux ne retiennent d'elle
Qu'une image irréelle
Mon vieux à moi, tous les mois
Va à tout petits pas
Empocher sa pension
Il se ménage au retour
Un détour insolite
Chez le glacier du coin
Quand je serai vieux et tout seul
Demain ou après demain
Je voudrais comme celui-là,
Au moins une fois par mois
Avec mes sous, si j'en ai
M'acheter une glace à deux boules
Et rêver sur leur saveur
A un monde rempli d'enfants
Mais peut-être que pour nous
Nous les vieux de demain
La vie aura changé
En s'y prenant maintenant
Nous-mêmes et sans attendre
A refaire le présent
Je donne à ceux qui sourient
Et qu'ont bien l'droit de sourire
Rendez-vous dans vingt, trente ans,
Pour reparler du bon temps.
© François BERANGER
François Béranger (1937-2003)
Auteur-compositeur-interprète libertaire français qui connaît une forte notoriété dans les années 1970 grâce à des textes dans la pure tradition du "protest song", symbole de l’après Mai 68. Des générations ont vibré sur Natacha, Alternative, Les Mots terribles,Magouilles blues ou Mamadou m’a dit. Aujourd’hui, Hubert-Félix Thiéfaine ou Sanseverino reprennent volontiers des chansons de son répertoire.
Sa biographie sur Wikipédia
Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D'un jeune éléphant,
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D'étoiles mon coeur !
Ce magnifique poème, qui évoque Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire, a été mis en musique plusieurs fois, en particulier par Léo Ferré et Serge Gainsbourg.
Image : Jeanne Duval par Baudelaire. Ce dessin à la plume (daté du 27 février 1865 par Poulet-Malassis) est reproduit page 48 du Baudelaire par lui-même présenté par Pascal Pia. Seuil 1952.
Charles Baudelaire (1821-1867)
Connu pour sa vie de bohême et poéte torturé, il ne publia de son vivant qu'une seule oeuvre "Les Fleurs du Mal", recueil qui fut condamné et censuré dès sa sortie en 1857 car trop choquant pour la morale bourgeoise avant de passer à la postérité. Criblé de dettes, il séjournera durant deux ans en Belgique (1864-1866) pour y donner des conférences mais sa santé se dégrade. Il revient à Paris où il meurt un an plus tard à l'âge de 46 ans des suites de la syphilis, d'abus d'alcool et autres drogues.
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Loin des vieux livres de grammaire, |
© Yves DUTEIL
Yves Duteil (1949-)
Auteur-compositeur-interprète, Yves Duteil a commencé son éducation musicale par le piano avant de découvrir la guitare. Son premier titre "Virages" (1972), lui ouvre les portes du succès et lui permet par la suite de créer sa propre maison d'édition. Engagé auprès de plusieurs associations caritatives, il a été également maire sans étiquette de la commune de Précy-sur-Marne.
Son blog
http://blog.yvesduteil.com/blog/
Sa biographie sur Wikipédia
© Serge GAINSBOURG
Image : Thibaut Hermant et Martine Hermann
Serge Gainsbourg (1928-1991)
Il accède à la notoriété en tant qu'auteur-compositeur-interprète, abordant de nombreux styles musicaux. Il s'essaiera également au cinéma et à la littérature, et réalisera plusieurs films et vidéo-clips et composera plus de quarante musiques de films.
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Nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres
Nous à qui n’appartient
guère plus même
cette odeur blême
des tristes jours anciens
Nous les gueux
nous les peu
nous les riens
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres
Qu’attendons-nous
les gueux
les peu
les rien
les chiens
les maigres
les nègres
pour jouer aux fous
pisser un coup
tout à l’envi
contre la vie
stupide et bête
qui nous est faite
à nous les gueux
à nous les peu
à nous les rien
à nous les chiens
à nous les maigres
à nous les nègres
© Léon-Gontran DAMAS
Léon-Gontran Damas (1912-1978)
D’origine africaine, amérindienne et européenne, Léon Gontran Damas est avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor un des fondateurs de la Négritude. Considérant indispensable de s’engager dans la lutte contre le racisme et pour l’avènement d’une conscience noire internationale, il oeuvrera au niveau mondial, autant en politique qu’en littérature.
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Pour Aimé Césaire
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs souliers
dans leurs smoking
dans leur plastron
dans leur faux-col
dans leur monocle
dans leur melon
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mes orteils qui ne sont pas faits
pour transpirer du matin jusqu'au soir qui déshabille
avec l'emmaillotage qui m'affaiblit les membres
et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mon cou en cheminée d'usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu'un
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leur multiple besoin de singeries
J'ai l'impression d'être ridicule
avec tout ce qu'ils racontent
jusqu'à ce qu'ils vous servent l'après-midi
un peu d'eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J'ai l'impression d'être ridicule
avec les théories qu'ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de paillasson
J'ai l'impression d'être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion
© Ilustration : Pigments de L.G. DAMAS, frontispice, sculpture sur bois de Frans Masereel, histoire-image.org
© Léon-Gontran DAMAS
Léon-Gontran Damas (1912-1978)
D’origine africaine, amérindienne et européenne, Léon Gontran Damas est avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor un des fondateurs de la Négritude. Considérant indispensable de s’engager dans la lutte contre le racisme et pour l’avènement d’une conscience noire internationale, il oeuvrera au niveau mondial, autant en politique qu’en littérature.
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Je suis n’importe qui
Mêlé à la poussière errante de la foule
Et mes mains sont trop lourdes pour la poésie
Et mon cœur se renverse à la table commune
Trinquant à la santé du monde comme il tourne
Je n’ai rien accepté je n’ai rien refusé
Je laisse les mouches ensevelir les morts
Et s’il m’arrive encore de me souvenir
D’une aurore en forêt d’un vol de libellules
C’est d’un élan trop bref pour toucher les étoiles
Le feu des images me couronne de cendres
Et seule mon angoisse s’émerveille parfois
D’une vie trop fragile pour être vécue
© Christian BACHELIN
Christian Bachelin (1933-2014)
Poète et écrivain français, Christian Bachelin s'engage à l'école militaire et ses professeurs remarquent ses dons littéraires. A l'adolescence, il découvre le surréalisme et rédige ses premiers poèmes. De retour à la vie civile, il reçoit en 1953 le prix Marie-Bonheur pour son recueil de poèmes Stances à la neige. Pendant dix ans, il exerce une multitude de petits métiers et se remet à l'écriture en publiant plusieurs recueils. En 1973, il obtient un poste d'employé aux écritures à la Société des gens de lettres.
En 1975, il décroche le prix Charles-Vildrac pour Ballade transmentale.
Sa biographie sur Wikipédia
J'aimais la danse du cheval
Au bord des falaises de nacre
Cette symphonie animale
Au printemps à l'heure du sacre
Les vents coulaient entre mes doigts
Vers une comète invisible
Que je devinais dans la voix
Profonde reine du possible
Le sel sur la roche piquait
Mon âme de fleur et d'épine
Je savais que le soir allait
Sécher mes tristesses marines
La marée me montait aux yeux
Dans un hennissement de sable
De tonnerre et d'air audacieux
Je chantais les flots indomptables
Le cheval dansait de plus belle
Pour les algues les coraux fous
Cependant qu'une ribambelle
D'éclairs joyeux ravageait tout
Autour de moi luisaient les portes
De mondes impensés la nuit
Également vivante et morte
Pleuvait de lumière et d'oubli
La musique se fit plus douce
Charmeuse d'enfants éternels
Finie la tempête aux secousses
De brume et de vase rebelle
La bête galopait déjà
Sur mes terres mes grands espaces
Mes mythologies d'au-delà
Les aiguilles des temps qu'on chasse
© Louis Lucien PASCAL
Louis Lucien Pascal
Auteur-compositeur-interprète, Louis Lucien Pascal est né à Saint-Raphaël en 1982. Pendant plusieurs années, il se produit sur scène au sein du trio Bilbo et accompagne à la guitare le chanteur provençal Pierre Pascal, son père, ami traducteur de Georges Brassens en espagnol. Il a collaboré avec Allain Leprest, notamment pour la chanson "Bien avancés". Il s'installe à Toulouse et se produit au Théâtre des Mazades puis à Venelles (13) et participe au festival "Détours de Chants" à Toulouse.
Son site : http://www.louislucienpascal.com
Ici, le temps accroche à la patère
Le sel de l’éternité pour flirter
Avec tous les océans de prières
Où nos axiomes se noient sans ciller.
Quand, debout, sur un radeau de fortune
La poésie expose ses lourds sanglots,
Des Noroîts s’accaparent sans rancune
Les discours brandis tel un calicot.
Pas de rédemption pour peupler la route.
Juste ce message qui s’est greffé
Sur les lianes du monde sans écoute,
Cédant au déclin déjà programmé.
Bientôt, quand nos oiseaux et ours polaires
Auront disparu, les silences drus
Régneront comme des vieux mercenaires
Sur les cendres des continents battus.
Pourtant, si les ombres cherchent leur place
Entre chaque battement des matins,
Notre printemps quitte sa carapace
Captivant le ciel de ses serpentins.
Mais, ce qui reste des rêves, demeure
Dans les brisures des vents harassés,
Et chaque saison crachote ses heures
A la figure des présents châtrés.
© Image : passion aquitaine.fr
© SEDNA
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont ses sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
Son site : http://www.cassiopee17.fr/
Entends la mer qui porte nos regards
Vers l’horizon d’un silence précaire.
La salicorne et les ajoncs cossards
Dorment sous le ciel et ses lampadaires.
De l’océan sans nom, le clapotis
Rappelle son souvenir à la plage.
S’enfuit vers le couchant, le gazouillis
Du jour écorné par ses tatouages.
Pour éclairer la nuque des feuillus,
La lune blanche retrousse ses manches.
Rapiéçant la peur dans les cumulus,
L’ombre déboule en forçant l’avalanche.
L’étoile consignée à bord du silex
Sans âge, persuade sa somnolence
Dans son lit froid, de se mettre à l’index
Pour se prouver enfin, une existence.
Mais, au sommet des mots abandonnés,
Il y a encore ce crépuscule
Fixé à l’alphabet entrebâillé,
Quand beaucoup plus loin, une aurore ovule.
Veux-tu respirer ce souffle marin
Si les voiliers de mon imaginaire
Naviguent entre un possible demain,
L’immédiat nous offre son estuaire.
Des traces de nous zigzaguent parmi
Nos consciences transies d’embruns corsaires.
Partons sur les vagues de l’infini,
Cet asile où nous serons locataires.
© Image : passion aquitaine.fr
© SEDNA
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
Son site : http://www.cassiopee17.fr/
Quelques fragments de mots se sont couchés
Près du canapé défait des comètes.
Le temps à vif, dans les immensités
Cherche l’aurore des autres planètes.
Bien avant que la nuit vole le jour
Par ses assauts brisant la lumière,
Sur les landes ouvertes au labour,
L’automne déroulait sa bannière.
Si les saisons errent sur le chemin
Au gré des retrouvailles du silence,
L’espoir, sur la rive des lendemains,
S’est abîmé dans la résilience.
D’où provient ce givre qui envahit
Les cieux où mon écriture s’accroche.
L’encre frissonne en l’hiver endormi
Tant la bise froide a percé sa poche.
Même si les oiseaux cachent leur chant
Dessous les vestiges glacés des heures,
Il faut libérer le long du couchant,
Les traces du crépuscule qui pleure.
A l’orée des pages, le regard
Déterre ses antiques amulettes
Exilées dans le sillon communard
Là, où je prends la poudre d’escampette.
Ce souffle où se montre à nu, les éclats
De rêves, raconte aux arbres moroses
Que la terre prolonge ses combats,
Pour que l’été d’avant-hier se repose.
S’envolent les oies dans le tourbillon
Du plus haut de cet ailleurs où bavardent
Les étoiles au sommeil de crépon.
Au loin, l’aube répare sa guimbarde.
© SEDNA
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
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Il pleut :
L’épinard verdoie
Et l’eau ravive la couleur de toute chose ;
La brique de l’auberge est plus rose
Et la mousse est plus bleue
Sur le toit.
Et toi, tu bois,
Cher bourgeois
Strasbourgeois
Qu’on voit au travers de la vitre close,
Tu bois en riant un vieux vin de choix
Et ton nez rougeoie.
Tristan Klingsor (1874-1966)
Poète musicien, peintre et critique d'art français, de son vrai nom Léon Leclère, Tristan Klingsor publie son premier recueil "Filles-fleurs" en vers de onze syllabes. Par la suite, il utilisera souvent une forme personnelle de vers libres rimés. Il a reçu en 1956 le Grand Prix des Poètes Français. Alexandre Arnoud de l'Académie Française le décrira comme un : "poète exquis, délicat, aérien, rompu aux rythmes rigoureusement libres, abondant en images transparentes et irisées, un des plus purs et des plus nécessaires de son temps".
Sa biographie sur Wikipédia
Le silence des maisons vides
Est plus noir que celui qui dort dans les tombeaux,
Le lourd silence sans repos
Où passent les heures livides.
On dirait que, comme le vent
Qui siffle à travers les décombres
Des vieux moulins tout remplis d'ombre
Passent, toujours se poursuivant,
L'heure, passant par ce silence
Comme si le pendule lent
Qu'une antique horloge balance
La comptait à pas lourds et lents,
Passe sans rien changer aux choses
Dans un présent cristallisé
Où l'avenir et le passé
Seraient comme deux portes closes
Et dans ce silence béant
On dirait, tant le temps est lisse
Que c'est l'éternité qui glisse
À travers l'ombre du néant.
Hector de Saint-Denys Garneau (1912-1943)
Peintre, poète et écrivain québécois, Saint-Denys Garneau entreprend des études de philosophie qu'il interrompra pour des problèmes de santé. A l’âge de 16 ans, il a contracté une fièvre rhumatismale causant des complications cardiaques. Quelques années plus tard, les médecins lui découvrent une lésion au cœur. Sa perception du monde change brutalement alors qu’il prend conscience de la fragilité de sa vie. Il ne publiera qu'un seul recueil "Regards et jeux dans l'espace" en 1937. Il sera reconnu après sa mort, comme un précurseur de la littérature moderne québécoise.
Sa biographie sur Wikipédia
Je te délègue mon ruisseau
pour te parler de mes absences
je t’envoie mon saule
pour pleurer tes nuits perdues
je t’envoie ma plus belle pierre
pour faire chanter ta fenêtre
je t’envoie l’oriole et son nid
je t’envoie un matin rare
je t’envoie un soir de pluie
je t’envoie la lune neuve
et si tu ne me vois pas
c’est que je n’existe plus.
© Gaston GIGUERE
Gaston Giguère (1929-2003)
Ecrivain, peintre et graveur québecois, Roland Giguère étudie la typographie, la gravure et la lithographie à l'École des Arts graphiques de Montréal puis à Paris. Il fonde en 1949 les Éditions Erta, d'où naîtront plusieurs dizaines de beaux ouvrages faits de mots et d'images. Il retourne plusieurs années à Paris puis revient au Québec où il sera maquettiste et professeur en arts graphiques. Au cours de ces années, Roland Giguère publie plusieurs recueils et a reçu plusieurs prix de poésie.
Sa biographie sur Wikipédia
Je suis parti sans savoir où
Comme une graine qu'un vent fou
Enlève et transporte :
A la ville où je suis allé
J'ai langui comme un brin de blé
Dans la friche morte
J'ai dit bonjour à bien des gens
Mais ces hommes étaient méchants
Comme moi sans doute.
L'amour m'a fait saigner un jour
Et puis j'ai fait saigner l'Amour
Au long de ma route.
Je suis descendu bien souvent
Jusqu'au cabaret où l'on vend
L'ivresse trop brève ;
J'ai fixé le ciel étoilé
Mais le ciel, hélas ! m'a semblé
Trop haut pour mon rêve.
Las de chercher là-haut, là-bas
Tout ce que je n'y trouve pas
Je reviens vers celle
Dont le sang coule dans mon sang
Et dont le grand coeur caressant
Aujourd'hui m'appelle.
Au doux terroir où je suis né
Je reviens pour me prosterner
Devant les miracles
De celle dont les champs sans fin
De notre pain de notre vin
Sont les tabernacles.
Je reviens parmi les guérets
Pour gonfler de son souffle frais
Ma poitrine infâme,
Et pour sentir, au seuil du soir,
Son âme, comme un reposoir
S'offrir à mon âme.
Je reviens, ayant rejeté
Mes noirs tourments de révolté
Mes haines de Jacques,
Pour que sa Grâce arrive en moi
Comme le dieu que l'on reçoit
Quand on fait ses Pâques.
Notre Dame des Sillons !
Ma bonne Sainte Vierge, à moi !
Dont les anges sont les grillons
O Terre ! Je reviens vers toi !
Gaston Couté (1880-1911)
Poète libertaire et chansonnier français, il est surtout connu pour ses textes antimilitaristes, sociaux et anarchistes, utilisant parfois le patois beauceron ou l'argot.
Sa biographie sur Wikipédia
A coups de métal,
A coups de vautour,
A coups d'océan,
A coups d'édredon,
A coups d'embrassades,
A coups de cresson,
A coups de pressoir,
A coups d'églantine,
A coups d'escalier,
A coups d'orphéon,
A coups d'horizon,
Dors et fais tes rêves.
© Eugène GUILLEVIC
Eugène Guillevic (1907-1997)
Eugène Guillevic est l'un des plus importants poètes français de la seconde moitié du XXe siècle. Il ne signa jamais ses nombreux recueils que de son seul nom, Guillevic. Catholique pratiquant jusque vers trente ans, il devient sympathisant communiste au moment de la Guerre d'Espagne, adhère en 1942 au Parti communiste alors qu'il se lie à Paul Éluard et participe aux publications de la presse clandestine. Sa poésie est concise, franche comme le roc, rugueuse et généreuse, tout en demeurant suggestive. Sa poétique se caractérise aussi par son refus des métaphores, auxquelles il préfère les comparaisons, jugées moins mensongères.
Sa biographie sur Wikipédia
Jusqu’à la fin des temps
et plus loin encore
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
jusqu’à la fin des mondes
et plus loin encore
bien plus loin
sans jamais rien comprendre
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
je remonte
vers la source
des hommes-questions
vers tous ceux
qui interrogent
la source sans source
je remonte
vers l’intérieur de tout
mille astres noirs
au fond de mes poches
je mets lentement au jour
cette force d’éden
de coeur en coeur
de lèvre en lèvre
de vie en vie
l’univers tout entier
suspendu
au visage d’une femme
je mets du baume
au monde
je marche l’immensité
je glisse et reglisse
le long des désolations
je remonte
vers les cendres fertiles
au jour le jour
à la nuit la nuit
j’écoute sans relâche
cette voix qui parle en moi
je l’écoute
aimanté par l’impossible
aimanté
par le fond des mondes
oui je dérive
vers la nuit de la nuit
je m’abandonne
aux avant-postes
des grands effondrements
je remonte
en fièvre pétrifiée
en étincelante déploration
mon âge se compte
en milliers d’étoiles
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
j’accueille le jamais plus
comme si l’inquiétude
ne pouvait plus neiger en moi
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
comme au premier jour
et les villes basculent
et les fleuves rebroussent chemin
dans la profondeur
des profondeurs
la sève circule
chez les danseurs de paradis
© Zéno BIANU
Zéno Bianu (1950-)
Zéno Bianu est un poète, dramaturge, essayiste et traducteur français né à Paris. Il est en 1971 l'un des signataires du Manifeste électrique. En 1973 au cours d'un voyage en Inde, l'Orient laissera une empriente durable sur son écriture. Il a reçu le Prix international de poésie francophone Ivan Goll en 2003. Il a dirigé la collection Poésie aux Editions Jean-Michel Place. Il reçoit Le Prix Robert Ganzo pour l'ensemble de son oeuvre en 2017.
Sa biographie sur Wikipédia
J’épie avec amour, ton sommeil dans la nuit :
Ton front a revêtu la majesté de l’ombre,
Tout son enchantement et son prestige sombre…
Et l’heure, comme une eau nocturne, coule et fuit !
Tu dors auprès de moi, comme un enfant… J’écoute
Ton souffle doux et faible et presque musical
S’élevant, s’abaissant, selon un rythme égal…
Ton âme, loin de moi, suit une longue route…
Tes yeux lassés sont clos, ô visage parfait !
Te contemplant ainsi, j’écoute, ô mon amante !
Comme un chant très lointain, ton haleine dormante,
Je l’entends, et mon cœur est doux et satisfait.
Renée Vivien (1877-1909)
Renée Vivien, née Pauline Mary Tarn, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française du courant parnassien de la Belle Époque. A l'abri du besoin par un héritage paternel conséquent, elle voyagea beaucoup à travers le monde. En 1899, elle s’installe définitivement à Paris et prend un nom de plume : René Vivien, prénom qu’elle féminise ensuite en Renée. L’intense production littéraire et poétique se mêle à des tentatives de suicide. Renée vit le spleen baudelairien, se drogue, boit de plus en plus d’alcool en solitaire.
Elle fut la première poétesse francophone à exprimer ouvertement son amour physique pour les femmes.
Autre texte : Victoire
Sa biographie sur Wikipédia
Flammes
Emportez
Aux quatre vents
Les mots et photos
D’hier
Lames
Découpez
Les sentiments
Aggiornamento
D’ère..
Yeux
Regardez
L’envie
Merveilleuse
De l’amour...
Feux
Entourez
la vie
Somptueuse
D’autres jours
© Christophe BREGAINT
Christophe Bregaint
Né en 1970 à Paris, Christophe Bregaint s’est d'abord passionné pour le dessin pictural avant de se tourner vers la musique rock puis l’écriture, et plus particulièrement la poésie. Il a débuté sur les forums de poésie, puis s’est tourné vers les revues et les recueils collectifs.
Il a publié deux recueils : « A l’avant-garde des ruines » et « Route de Nuit ».
Autre texte : A ma fée
Site qu'il anime avec Damien Paisant : https://poesiemuziketc.wordpress.com/
Dans la nuit qui finit l’usine est une étoile
Mitez-vous ô mes moucherons !
Courons, ô ma raideur, sur les pavés bossus
avec la main sur la musette
pour empêcher la vinaigrette
de corrompre en flic-floc mon repas suspendu
Gueule du métro chaude où l’on plonge enfiévrés
Bus et tramways que l’on submerge
— Accours et cours ! l’usine héberge ! —
Camions de brume où l’on s’entasse en étrangers.
Cadrans de pointage au giron
l’usine vous attend au centre de sa toile.
La sirène en serpent furieux se raidissant
s’élance ! Hâtez-vous travailleurs !
elle sera sur les rumeurs
tête coupée bientôt jet de sang s’affaissant.
Au déboulé, garçon, pointe ton numéro
pour gagner ainsi le salaire
d’un morne jour utilitaire
métro, boulot, bistro, mégots, dodo, zéro.
© Pierre BEARN
Pierre Béarn (1902-2004)
Né à Bucarest en Roumanie, Pierre Béarn, de son vrai nom Louis-Gabriel Besnard, est un homme de lettres français. Poète, romancier, fabuliste (360 fables à son actif), journaliste, auteur de récits de voyages, critique gastronomique et littéraire, il a vécu une vie assez aventureuse avant de se fixer à Paris comme libraire. Il invente l'expression "Métro-boulot-dodo" en 1968 qui deviendra l'un des slogans de Mai 68. Fin mai 2004, quelques mois avant sa mort, il se marie à 101 ans, avec Brigitte Egger. Il meurt à l'âge de 102 ans.
Site consacré à Pierre Béarn :
http://pierrebearn.free.fr/
Sa biographie sur Wikipédia
L'hiver est sorti de sa tombe,
Son linceul blanchit le vallon ;
Le dernier feuillage qui tombe
Est balayé par l'aquilon.
Nichés dans le tronc d'un vieux saule,
Les hiboux aiguisent leur bec ;
Le bûcheron sur son épaule
Emporte un fagot de bois sec.
La linotte a fui l'aubépine,
Le merle n'a plus un rameau ;
Le moineau va crier famine
Devant les vitres du hameau.
Le givre que sème la bise
Argente les bords du chemin ;
À l'horizon la nue est grise :
C'est de la neige pour demain.
Une femme de triste mine
S'agenouille seule au lavoir ;
Un troupeau frileux s'achemine
En ruminant vers l'abreuvoir.
Dans cette agreste solitude,
La mère, agitant son fuseau,
Regarde avec inquiétude
L'enfant qui dort dans le berceau.
Par ses croassements funèbres
Le corbeau vient semer l'effroi,
Le temps passe dans les ténèbres,
Le pauvre a faim, le pauvre a froid
Et la bise, encor plus amère,
Souffle la mort. — Faut-il mourir ?
La nature, en son sein de mère,
N'a plus de lait pour le nourrir.
Arsène Houssaye (1814-1896)
Homme de lettres français également connu sous le pseudonyme de Alfred Mousse.
Sa biographie sur Wikipédia
Nos visages
Se tissent
Dans le ventre des mères
Et puis se défissent
Dans l’enclos du temps
Ils furent soie
Ils furent lisses
En leur gloire pulpeuse
Ils furent cendres
Ils furent pierre
En leurs dernières moissons
Mais l’esprit veille encore
Sur le royaume des rides
Un sourire émaille
Nos trop brèves saisons
© Andrée CHEDID
Andrée Chedid (1920-2011)
Femme de lettres et poétesse française d'origine syro-libanaise. Elle déclare son humanisme entre autres avec son livre Le Message, écrit en 2000, en écrivant sa colère envers la guerre et la violence, à travers deux amants séparés par ces guerres. Les héroïnes de ses œuvres sont décidées, prêtes à tout pour atteindre leur objectif.
Sa biographie sur Wikipédia
Juste un petit poème, léger
Comme le souffle du temps !
C'est tout ce qu'ils veulent.
C'est là ce qu'ils réclament.
Ils ont oublié que Verlaine,
Qui toujours célébrait sa mie,
Souffrait aussi affreusement.
Il est sacré le poète immortel,
Bien qu'il plût sur son cœur
Comme il pleuvait sur la ville !
La nature inondait son âme,
Quand l'amour le suppliciait !
Ils ont oublié que Baudelaire
Aimait cueillir certaines fleurs
Qui étaient loin d'être vertueuses !
Des rimes qui dansent toujours,
C'est à légitime désir de l'âme.
Las ! Des vers qui pleurent aussi
Et racontent la peine et la douleur
Foisonneront toujours, chers amis,
Pour nous parler du mal de l'être.
© Jacqueline Quentin LOUISON
Jacqueline Quentin Louison
Jacqueline Quentin Louison ou J.Q. Louison est une écrivaine et poétesse martiniquaise née en 1952. Auteur de neuf ouvrages incluant quatre recueils de poèmes, publie depuis 2005. Passionnée par l'étude des cultures, par ses déplacements en Afrique, en Amérique et en Asie, riche de son expérience de vie, l'auteure nous présente une littérature où se côtoient le quotidien et le fantastique, pour exprimer l'universalité de l'être.
Sa biographie sur Wikipédia
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises
II y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends
Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler
Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en
Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l’œil
Je prends mon bain et je regarde
Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t’aime
© Blaise CENDRARS
Blaise Cendrars (1887-1961)
Ecrivain et poète suisse, Blaise Cendrars interrompt ses études de médecine et de lettres pour voyager à travers le monde. Aventurier, bourlingueur, il publie son premier poème : "Les Pâques" lors dun séjour à New York. S'engageant dans la Légion étrangère pendant la Première guerre mondiale, il y perd un bras. Il obtient la nationalité française en 1916 et décide de se tourner vers le roman après un séjour au Brésil. L'œuvre de Blaise Cendrars, poésie, romans, reportages et mémoires, est placée sous le signe du voyage, de l'aventure, de la découverte et de l'exaltation du monde moderne où l'imaginaire se mêle au réel de façon inextricable.
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Elle avait les mains blanches, blanches,
Comme deux frêles branches
D’un aubier de mai ;
Elle avait les mains blanches, blanches
Et c’est pour ça que je l’aimais.
Elle travaillait aux vignes ;
Mais les caresses malignes
Du grand soleil
Et l’affront des hâles
Avaient respecté sa chair pâle
Où trônait mon baiser vermeil.
Et ses mains restaient blanches, blanches,
Comme deux frêles branches
D’un aubier de mai.
Et ses mains restaient blanches, blanches
Et toujours ! toujours ! je l’aimais
Mais un monsieur de la ville
Avec ses billets de mille
Bien épinglés
Vint trouver son père
Aux fins des vendanges dernières
Et s’arrangea pour me voler…
Me voler la main blanche, blanche,
Comme une frêle branche
D’un aubier de mai,
Me voler la main blanche, blanche
La main de celle que j’aimais !
Au seul penser de la scène
Où l’Autre, en sa patte pleine
D’or et d’argent,
Broierait les mains chères
Au nez du maire et du vicaire,
J’ai laissé ma raison aux champs,
Lui ! toucher aux mains blanches, blanches,
Comme deux frêles branches
D’un aubier de mai,
Lui ! toucher aux mains blanches, blanches,
Aux mains de celle que j’aimais
La veille du mariage,
Chez le charron du village
Je fus quérir
Un fer de cognée,
Et m’en servis à la nuitée,
Quand ma belle fut à dormir.
J’ai coupé ses mains blanches, blanches,
Comme deux frêles branches
D’un aubier de mai,
J’ai coupé ses mains blanches, blanches…
C’était pour ça que je l’aimais !
Gaston Couté (1880-1911)
Poète libertaire et chansonnier français, il est surtout connu pour ses textes antimilitaristes, sociaux et anarchistes, utilisant parfois le patois beauceron ou l'argot.
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D’aussi loin que mémoire soudaine
les pas du cœur sont comptés
ma jeunesse en cendres, la voilà
à présent je viens à vous
aimez-moi
Voyez, les traces aux semelles
c’est tout ce qui reste
n’en soyez pas étonnés
la foudre rejoint partout ceux qu’elle aime
épargnant aux autres
tel malheur
ou certaines vérités
Tous, ici, tous ceux qui habitent la peine
et que la peine habite
aimez-moi comme on aime sa patrie
à travers les murs au-delà des flammes
en l’espace d’un oiseau tranchant sa clarté
de l’océan jusqu’aux larmes
pleurez-moi, que je sois consolé
Je viens à vous, aimez-moi
avant la fin du monde
si le monde se meurt
je pars avec lui
Aimez-moi j’arrive à vous
afin de n’être pas étranger
À défaut d’espoir et de rêve
faites qu’à l’horizon déchirant de mon âme
se lèvent des firmaments constellés
et qu’au grand jour éperdument
je vous aime
comme on n’aime plus
© Yves BOISVERT
Yves Boisvert (1950-2012)
Poète, essayiste, dramaturge, journaliste et pédagogue canadien, Yves Boisvert est un écrivain engagé, indépendantiste inlassable qui a écrit plus de trente-cinq livres. Il est co-fondateur du Festival international de la poésie de Trois-Rivières.
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L’homme se penche vers l’enfant
cela se passe en un miroir
d’une chambre il y a longtemps
entre un vieux fauteuil et l’armoire
l’homme se voit comme l’enfant
ou l’inverse, entre deux regards
il pourrait s’écouler mille ans
l’enfant s’écrie c’est un miracle
l’homme répond c’est un mirage
© Jean-Claude PIROTTE
Jean-Claude Pirotte
Poète, romancier et peintre, Jean-Claude Pirotte est né à Namur en Belgique le 20 octobre 1939. Il exerce la profession d'avocat pendant onze ans avant d'être condamné à 18 mois de prison ferme pour avoir favorisé la tentative d'évasion d'un de ses clients (acte qu'il a toujours nié). Il se soustrait à l'emprisonnement en vivant clandestinement jusqu'à la péremption de sa peine en 1981.
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Le poids d'une éponge croit
en proportion avec le nombre
de gouttes d'eau qu'elle absorbe
Mais aucune éponge ne peut absorber
toute l'eau du monde
Quand une éponge est saturée
personne ne peut prévoir
le comportement de l'eau
qu'elle n'absorbe plus
ni le comportement du monde
Il faut imaginer pourtant
une éponge qui absorberait
toute l'eau du monde
Nous la mettrions
à la place de notre mouchoir
dans la poche du coeur
Nous serions un bateau
Nous serions le sel
Nous serions tous les fleuves
du monde qui se jettent dans
le ciel
Une éponge est comme une valise pure
qui contiendrait tout nos chemins
Chaque fois que nous achetons une valise
nous croyons qu'elle va diminuer le poids
des affaires que nous y rangeons dedans
La valise idéale consiste à diminuer
le poids de ce que nous y transportons
jusqu’à ne peser que son poids de valise
ou à devenir plus légère que ce qu'elle était au départ jusqu'à
ne plus exister
Dans une éponge idéale on peut
ranger toute la mer
si on la place dans la poche du coeur
Dans une valise idéale
on peut ranger tout l'univers
la troupe engloutie des étoiles
une seule fourmi
un seul amour
Dans un poème on peut ranger
tout l'avenir
qu'on voudrait faire exister
© Serge PEY
Serge Pey (1950-)
Ecrivain et poète français né à Toulouse, il a fondé la revue "Emeute" en 1975 puis "Tribu" en 1981. Avec "Los Afiladores" : les aiguiseurs de couteaux, il met en œuvre la poésie d'action-Flamenco. Créateur de situations, il rédige ses textes sur des bâtons avec lesquels il réalise ses scansions, ses performances et les rituels de ses poèmes d'action. Il a reçu le Grand Prix national de Poésie en 2017. Le Prix Guillaume-Apollinaire lui a été remis le 6 novembre 2017 pour son ouvrage Flamenco.
Site officiel :
http://sergepey.fr/
Il suffit de poser les mots
Bord à bord
En suivant le fil à plomb
De l'inspiration
Et le mur de la poésie se construit
Enjambement de briques
Ciment symétrique
La truelle rattrape
La rime qui dérape
Lisse l'adverbe rebelle
Et l'épithète qui fait la belle
Le poète est un maçon
Qui du mot fait une maison
Ouverte dans tous les sens
Et à tous les visiteurs du bonheur
© Joël SADELER
Joël Sadeler (1938-2000)
Poète français qui a donné son nom au prix Joël Sadeler récompensant chaque année depuis 2001 un recueil de poésie destiné à la jeunesse. Il a été enseignant dans un collège sarthois et animateur en poésie. Amoureux des mots, des sons et des images, il rend sa poésie, parfois grave mais souvent drôle, accessible à un jeune public.
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L'aube, je t'aime j'ai toute la nuit dans les veines
Toute la nuit je t'ai regardée
J'ai tout à deviner je suis sûr des ténébres
Elles me donnent le pouvoir
De t'envelopper
De t'agiter désir de vivre
Au sein de mon immobilité
Le pouvoir de te révèler
De te libérer de te perdre
Flamme invisible dans le jour
Si tu t'en vas la porte s'ouvre sur le jour
Si tu t'en vas la porte s'ouvre sur moi-même.
© Paul ELUARD
Paul Eluard (1895-1952)
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Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blémir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C'est le tien
C'est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelles
Et qui n'a pas changé
Aussi vraie qu'une plante
Aussi tremblante qu'un oiseau
Aussi chaude aussi vivante que l'été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi j'écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t'en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t'avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n'avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n'importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d'un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.
© Jacques PREVERT
Jacques Prévert (1900-1977)
Poète, scénariste, parolier et artiste français, Jacques Prévert devient un poète populaire grâce à son langage familier et à ses jeux sur les mots. Ses poèmes sont célèbres dans le monde francophone et appris dans les écoles françaises.
Sa biographie : http://xtream.online.fr/
La fermeture éclair a glissé sur tes reins
et tout l’orage heureux de ton corps amoureux
au beau milieu de l’ombre
a éclaté soudain
Et ta robe en tombant sur le parquet ciré
n’a pas fait plus de bruit
qu’une écorce d’orange tombant sur un tapis
Mais sous nos pieds
ses petits boutons de nacre craquaient comme des pépins
Sanguine
joli fruit
la pointe de ton sein
a tracé une nouvelle ligne de chance
dans le creux de ma main
Sanguine
joli fruit
Soleil de nuit.
© Jacques PREVERT
Jacques Prévert (1900-1977)
Poète, scénariste, parolier et artiste français, Jacques Prévert devient un poète populaire grâce à son langage familier et à ses jeux sur les mots. Ses poèmes sont célèbres dans le monde francophone et appris dans les écoles françaises.
Sa biographie : http://xtream.online.fr/
Il me reste un pays à te dire
Il me reste un pays à nommer
Voilà le pays que j’aime
Il me reste un pays à prédire
Il me reste un pays à semer
Vaste et beau comme la mer
Avant d’être découvert
Puis ne tient pas plus de place
Qu’un brin d’herbe sous l’hiver
Voilà mon jeu et ma chasse
Il te reste un pays à connaître
Il te reste un pays à donner
C’est un pont que je construis
De ma nuit jusqu’à ta nuit
Pour traverser la rivière
Froide, obscure, de l’ennui
Voilà le pays à faire
Il me reste un nuage à poursuivre
Il me reste une vague à dompter
Homme, un jour tu sonneras
Cloches de ce pays-là
Sonnez, femmes, joies et cuivres
C’est notre premier repas
Voilà le pays à vivre
Il nous reste un pays à surprendre
Il nous reste un pays à manger
Tous ces pays rassemblés
Feront l’homme champ de blé
Chacun sème sa seconde
Sous l’amour qu’il faut peler
Voilà le pays du monde
Il nous reste un pays à comprendre
Il nous reste un pays à changer
© Gilles VIGNEAULT
Gilles Vigneault
Né le 27 octobre 1928 à Natashquan au Québec, Gilles Vigneault est un poète, auteur de contes et de chansons, auteur-compositeur-interprète québécois. Ardent défenseur de la langue française, c'est un auteur prolifique (plus de 400 poèmes) dont les chansons représentent quelque quarante albums édités. Ses écrits parlent abondamment des gens et de Natashquan, qui a eu, en 1996, la particularité d''être inaccessible par la route, dépendant ainsi des transports maritimes.
Site officiel :
http://gillesvigneault.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Le soleil rouge nous regarde
Nous regardent les oiseaux
Sur les plages du sommeil
La vague blanche nous regarde
Nous regardent les enfants
Aux terrasses de l’été
La lune bleue nous regarde
Nous regardent les roseaux
Sur les berges du réveil
Le poisson de jais nous regarde
Nous regardent les hiboux
Sous les greniers de la nuit
Les grands arbres nous regardent
Nous regarde le ciel noir
Sur les étangs apaisés
Le sable-feu nous regarde
Nous regardent les cyprès
Sur les collines du vent
Je te regarde tu me regardes
Nous sommes regardés.
© Frédéric-Jacques TEMPLE
Frédéric-Jacques Temple (1921-2020)
Né à Montpellier, Frédéric-Jacques Temple est un écrivain et poète français.Très diverse dans sa forte unité, son œuvre comprend des poèmes (recueillis en 1989 dans une Anthologie personnelle), des romans, des récits de voyage et des essais.
Son blog :
https://lesuniversdetemple.wordpress.com/
Sa biographie sur Wikipédia
A Gaston Miron
Je suis lac, je mélèze,
je raquette, je harfange,
je portage, j’épinette,
je boucane, je castore,
je saumone, je traineaude,
j’omble, je truite, j’ourse,
j’orignale, je mirone,
je hurone, je rondine,
j’érablise, je québèque,
le cœur en fête, je marche :
là est le Sud, aussi.
© Frédéric-Jacques TEMPLE
Frédéric-Jacques Temple (1921-2020)
Né à Montpellier, Frédéric-Jacques Temple est un écrivain et poète français.Très diverse dans sa forte unité, son œuvre comprend des poèmes (recueillis en 1989 dans une Anthologie personnelle), des romans, des récits de voyage et des essais.
Son blog :
https://lesuniversdetemple.wordpress.com/
Sa biograhie sur Wikipédia
Nous sommes la nuit des faces noires
en marche vers la lumière
la nuit des faces noires
qui montent vers l’aurore
Nous sommes les affamés
du soleil de la liberté.
Nous tendons nos mains enchaînées
vers la levée des roses
Nous tendons nos mains couleur de lune
vers le paradis des roses
nos mains de nègres
vers la saignée de l’espoir.
Nous cernons le bonheur des hommes
qui se sont emparés du soleil
Nous cernons le bonheur lumineux des hommes
dont la liberté nous néglige.
Nous voulons goûter au bonheur
de la lumière des hommes dans la joie
Nous voulons marcher dans la lumière
des hommes lumineux de joie
Et que soit oubliée la nuit de nos visages.
Nous voulons que la nuit de nos coeurs
se dissipe
et que devienne lumineux
notre corps
Nous voulons que s’illumine dans la joie
notre corps de douleur
Notre corps semblable au vôtre
© Pierre BEARN
Pierre Béarn (1902-2004)
Né à Bucarest en Roumanie, Pierre Béarn, de son vrai nom Louis-Gabriel Besnard, est un homme de lettres français. Poète, romancier, fabuliste (360 fables à son actif), journaliste, auteur de récits de voyages, critique gastronomique et littéraire, il a vécu une vie assez aventureuse avant de se fixer à Paris comme libraire. Il invente l'expression "Métro-boulot-dodo" en 1968 qui deviendra l'un des slogans de Mai 68. Fin mai 2004, quelques mois avant sa mort, il se marie à 101 ans, avec Brigitte Egger. Il meurt à l'âge de 102 ans.
Site consacré à Pierre Béarn :
http://pierrebearn.free.fr/
Sa biographie sur Wikipédia
Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.
Tu sens le foin, tu sens la pierre
Où des bêtes se sont posées ;
Tu sens le cuir, tu sens le blé,
Quand il vient d’être vanné ;
Tu sens le bois, tu sens le pain
Qu’on apporte le matin ;
Tu sens les fleurs qui ont poussé
Le long d’un mur abandonné ;
Tu sens la ronce, tu sens le lierre
Qui a été lavé par la pluie ;
Tu sens le jonc et la fougère
Qu’on fauche à la tombée de la nuit ;
Tu sens la ronce, tu sens la mousse,
Tu sens l’herbe mourante et rousse
Qui s’égrène à l’ombre des haies ;
Tu sens l’ortie et le genêt,
Tu sens le trèfle, tu sens le lait ;
Tu sens le fenouil et l’anis ;
Tu sens les noix, tu sens les fruits
Qui sont bien mûrs et que l’on cueille ;
Tu sens le saule et le tilleul
Quand ils ont des fleurs plein les feuilles ;
Tu sens le miel, tu sens la vie
Qui se promène dans les prairies ;
Tu sens la terre et la rivière ;
Tu sens l’amour, tu sens le feu.
Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.
Rémy de Gourmont (1858-1915)
Rémy de Gourmont est un écrivain français, à la fois romancier, journaliste et critique d'art, proche des symbolistes.
Sa biographie sur Wikipédia
Comme je l’aime le vent d’automne
quand je l’entends à ma fenêtre
Et qu’il sonne
Comme je l’aime le vent d’automne
quand il caresse ma cheminée
Et qu’il ramone
Comme je l’aime le vent d’automne
quand il s’arrête d’un coup
Et puis résonne
Comme je l’aime le vent d’automne
qui m’amène un peu l’hiver
Mais je lui pardonne
Comme je l’aime le vent d’automne
quand je suis dans mon lit
Et que je m’abandonne
© Elodie SANTOS
Elodie Santos
On sait très peu de choses sur cette auteure, sinon que plusieurs de ses textes sont publiés sur poetica.fr et paroles2chansons.fr
Mon bel amour navigateur
mains ouvertes sur les songes
tu sais la carte de mon coeur
les jeux qui te prolongent
et la lumière chantée de ton âme
qui ne devine ensemble
tout le silence les yeux poreux
ce qu'il nous faut traverser le pied secret
ce qu'il nous faut écouter
l'oreille comme un coquillage
dans quel pays du son bleu
amour émoi dans l'octave du don
sur la jetée de la nuit
je saurai ma présence
d'un voeu à l'azur ton mystère
déchiré d'un espace rouge-gorge
© Gaston MIRON
Gaston Miron (1928-1996)
Poète et éditeur québécois, Gaston Miron est considéré comme un éminent poète national du Québec.
Sa biographie sur Wikipédia
Sur la route couleur de sable
En capuchon noir et pointu,
Le « moyen », le « bon », le « passable »
Vont, à galoches que veux-tu
Vers leur école intarissable.
Ils ont dans leur plumier des gommes
Et des hannetons du matin,
Dans leurs poches, du pain, des pommes,
Des billes, ô précieux butin
Gagné sur d’autres petits hommes.
Ils ont la ruse et la paresse
— Mais l’innocence et la fraîcheur
Près d’eux les filles ont des tresses
Et des veux bleus couleur de fleur
Et de vraies fleurs pour la maîtresse.
Puis, les voilà tous à s’asseoir
Dans l’école crépie de lune,
On les enferme jusqu’au soir
Jusqu’à ce qu’il leur pousse plume
Pour s’envoler. Après, bonsoir !
Ça vous fait des gars de charrue
Qui fument, boivent le gros vin,
Puis des ménagères bourrues
Dosant le beurre et le levain.
Billevesées, coquecigrues,
Ils vous auront connues en vain
Dans leurs enfances disparues !
© Maurice FOMBEURE
Maurice Fombeure (1906-1981)
Issu d'une famille d'agriculteurs du Poitou, Maurice Fombeure a été professeur de lettres et a publié son premier recueil en 1930. Très attaché à sa région natale, il a été très actif dans les milieux littéraires de la capitale, et obtient le grand prix de poésie de la ville de Paris en 1958.
Sa biographie sur Wikipédia
Quand il est entré dans mon logis clos,
J’ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L’hiver dans les doigts, l’ombre sur le dos…
Sais-je depuis quand j’étais là sans être ?
Et je cousais, je cousais, je cousais…
- Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?
Il m’a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu’ils semblaient, – si gais, si légers, si doux, -
Deux petits oiseaux caressant la dalle.
De-ci, de-là, j’allais, j’allais, j’allais…
- Mon cœur, qu’est-ce que tu voulais ?
Il m’a demandé du beurre, du pain,
- Ma main en l’ouvrant caressait la huche –
Du cidre nouveau, j’allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.
Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais…
- Mon cœur, qu’est-ce que tu cherchais ?
Il m’a fait sur tout trente-six pourquoi.
J’ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid et du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres…
Et je causais, je causais, je causais…
- Mon cœur, qu’est-ce que tu disais ?
Quand il est parti, pour finir l’ourlet
Que j’avais laissé, je me suis assise…
L’aiguille chantait, l’aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise…
Et je cousais, je cousais, je cousais…
- Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?
© Marie NOEL
Marie Noël (1883-1967)
De son vrai nom Marie Rouget, Marie Noël est une poétesse et écrivaine française.
Femme passionnée et tourmentée, elle n’est souvent connue que pour ses œuvres de « chanson traditionnelle », au détriment de ses écrits plus sombres, dont la valeur littéraire et la portée émotive sont pourtant bien plus fortes.
Sa biographie sur Wikipédia
C'est l'heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.
Leur chute est lente. Ou peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L'érable à sa feuille de sang.
Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées :
Mais ce n'est pas l'hiver encor.
Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l'air tout rose,
On croirait qu'il neige de l'or.
François Coppée (1842-1908)
Autres textes :
Rythme des vagues
La cueillette des cerises
Sa biographie sur Wikipédia
Oui, nous ferons la croix ensemble,
Et je te clouerai sur le lit
Et je mêlerai mes membres
Aux tiens, ma petite amie.
Oui, cela ferons ensemble
Et je te prendrai la main
Comme à l’enfant pour descendre
Dans le ravin.
Nous jouirons de nous surprendre
Ainsi liés, oui, c’est promis,
Et caresserons nos cendres,
Avec mépris.
Nous regarderons en face
Nos deux pauvres corps meurtris
Sans y voir malice, et fasse
Que le bon Dieu n’y soit. Ainsi
Nous pourrons tous deux survivre
A cet enfer et paradis
Ainsi nous mourrons, et vive
Après l’hiver, l’âpre fruit.
Car il faut que tout finisse
En splendeur, chemise ou non
Ah! que le jour serait triste
Sans la nuit qui dit son nom.
Le plaisir veut qu’on y pense
Un rien de plus qu’il ne vaut
Que la bête en nous dépense
Son crescendo.
A l’amour rendons les armes,
Il nous dérange si peu !
Sois tel un soldat. Les larmes
Ne sont rien qu’un coup de feu
Qu’à personne l’on destine
Sans savoir pourquoi, comment,
Dresse ton corps et calcine
Ton sempiternel tourment.
Laisse-toi souffrir, ma belle,
Moi je laisse aller mon coeur.
Ainsi le navire appelle
L’ancre. Ainsi l’âme soeur, ma soeur.
© Georges PERROS
Georges Perros (1923-1978)
Georges Perros (de son vrai nom Georges Poulot), est un écrivain et comédien français. Il étudie l'art dramatique de 1939 à 1946. Engagé à la Comédie-Française, il renonce pourtant au métier de comédien en 1950, devient alors lecteur au TNP de Jean Vilar, puis pour le compte des Éditions Gallimard, où il se lie d'amitié avec les principaux membres de la NRF. Retiré en Bretagne, à Douarnenez dès 1959, il est mort d'un cancer du larynx le 24 janvier 1978 à Paris.
Sa biographie sur Wikipédia
La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours, puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte, une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille,
Désir à combler, Faim à satisfaire,
Un cœur généreux,
Une main tendue, une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie, la vie à se partager.
La nuit n’est jamais complète.
© Paul ELUARD
Paul Eluard (1895-1952)
Sa biographie sur Wikipédia
Dans la chambre
fermée à clé
la nuit cogne
contre les meubles
tu ne l’entends pas
contre toi elle se glisse
dans les draps froids
elle se glisse et se faufile
entre tes cuisses
elle a la douceur de l’éclair
et le visage de l’oubli
tu voudrais la saisir
son odeur te poursuit
t’enveloppe d’insomnie
jusqu’à l’aube
*****
Rideaux d’acier
baissés – la respiration
suspendue
aux cris funestes
des sirènes
où es-tu mon amour
la nuit tisse sa toile
longe les murs
s’attarde aux reflets
troués des vitrines –
un visage d’ange
regarde le ciel
pétrifié
© Lydia PADELLEC
Lydia Padellec
Née en 1976 à Paris, Lydia Padellec est poète, haïjin, plasticienne. Passionnée par les livres d’artistes, elle a créé en 2010 les éditions de la Lune Bleue consacrées aux poètes et artistes contemporains. Publiée dans plusieurs revues (Poésie/première, N4728, Incertain regard, Terre à ciel, Cairns, Mouvances…) et anthologies en France et à l’étranger. Elle a publié une dizaine de recueils.
Cicatrice de l'Avant-jour est né du bouleversement provoqué par les événements tragiques de novembre 2015 à Paris.
Découvrir son blog :
http://surlatraceduvent.blogspot.com/
Ne laissez pas l’amour s’échapper de ses pommes.
Ce sont des fruits mordus, sucrés, puis oubliés.
On trouve dans l’herbage ce qui reste d’un homme ;
pulpes mortes et fraîches, chair qui perdit son nacré.
Le pommier a fleuri dans le gel d’hiver ;
ses pétales ont été emportés au loin par un vent sec.
L’écorce s’est fendue, la mousse est sa misère ;
une roue a écrasé ses pépins, la neige les enterre.
L’amour charnu bouge dans le vent froid,
pomme jaunie par les soucis :
c’est un nomade abandonné sans être en vie,
quel amant a choisi d’être un dieu sans carquois ?
Amour rouge et rond telle une pomme douce,
on retrouve des traces de dents sur la peau neuve.
Est-ce un baiser perdu dont la sève s’abreuve ?
On oublie le pas discret d’une saison trop rousse.
Amour, quoi de plus secret, perdu, abandonné,
la guêpe a mordu son cœur qui fut le tien.
Tu roules sur le chemin avec les chiens,
tu te laisses enfermer dans un blanc compotier.
Amour comestible dont le jus fait du bien.
© Jean CAYROL
Jean Cayrol (1911-2005)
Poète, romancier, essayiste et éditeur français, Jean Cayrol se consacre à l'écriture dès son plus jeune âge, et une revue littéraire avec Jacques Dalleas. C'est la voie qu'il choisit après l'échec de son doctorat en droit. Résistant durant la Seconde guerre mondiale, il est arrêté sur dénonciation en 1942 et déporté au camp de concentration de Mauthausen-Gusen. Cette expérience a nourri ses Poèmes de la nuit et du brouillard.
Récompensé par plusieurs grands prix littéraires, il a été membre de l'Académie Goncourt de 1973 à 1995. Il a également participé, comme scénariste ou réalisateur, à quelques films et téléfilms, dont au moins cinq courts-métrages. L'un de ces derniers, Nuit et brouillard, dont il a écrit le commentaire, a vivement impressionné des générations entières de spectateurs depuis 1955.
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Le monde entier disait : la France est en danger
Les barbares demain, camperont dans ses plaines
Alors, cet homme que nous nommions "l'étranger"
Issus des monts latins ou des rives hellènes
Ou des bords d'outre-mers, s'étant pris à songer
Au sort qui menaçait les libertés humaines
Vint à nous, et s'offrant d'un cœur libre et léger
Dans nos rangs s'élança sur les hordes germaines
Quatre ans, il a peiné, lutté, saigné, souffert !
Et puis un soir, il est tombé, dans cet enfer.
Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense
Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé
N'est pas cet étranger devenu fils de France
Non par le sang reçu mais par le sang versé.
© Pascal BONETTIPascal Bonetti (1884-1975)
Poète et journaliste français, il fut président puis président d'honneur de la Société des Poètes Français. L'ensemble de son œuvre poétique a reçu en 1961 le Prix d’Académie de l'Académie française.
Sa biographie sur Wikipédia
Aujourd’hui l’espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !
Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !
Mollement balancés sur l’aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,
Ma soeur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !
Charles Baudelaire (1821-1867)
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Un poème pour la terre
et le blé surgira
comme l’oiseau.
Un poème pour l’arbre,
et la feuille dira
le chant des sèves.
Un poème pour l’eau,
et la lumière
se peuplera de sources.
Un poème pour le chemin,
et le nuage nous apprendra
où se cachent les rêves.
Un poème pour le silence
et le vieux temps des fables
chaussera ses sabots
puisque tout sera dit
© Christian DA SILVA
Christian Da Silva (1937-1994)
Christian Da Silva est un poète, diseur, chanteur, homme de scène, l'un des principaux promoteurs de l'introduction de la poésie contemporaine dans le milieu scolaire. Il fonde et anime la revue Verticales 12 et y publie ses premiers poèmes en 1968 ainsi qu'aux éditions Encres vives avec Cendres sera mon aube. Il a obtenu le
Prix Malrieu en 1990.
Elle qui sait danser
Dit à la mer
Que sa vague est trop forte.
Elle qui vient des sables
Porte en mémoire
Des chateaux très anciens.
Elle, la nuit
Renait les étoiles
Et les caresse de ses doigts.
Aile devient
Sa longue main d'eau verte
Et fait oiseau
Le poisson bleu des fonds.
Elle qui sait danser
s'arrachera aux sables
Pour s'enivrer d'écume
Et mourir au matin.
© Christian DA SILVA
Christian Da Silva (1937-1994)
Christian Da Silva est un poète, diseur, chanteur, homme de scène, l'un des principaux promoteurs de l'introduction de la poésie contemporaine dans le milieu scolaire. Il fonde et anime la revue Verticales 12 et y publie ses premiers poèmes en 1968 ainsi qu'aux éditions Encres vives avec Cendres sera mon aube. Il a obtenu le
Prix Malrieu en 1990.
© Ludovic JANVIER
Ludovic Janvier (1934-2016)
D'ascendance haïtienne, Ludovic Janvier est un romancier, essayiste, nouvelliste et poète français. Il est le petit-fils de l'écrivain et homme politique haïtien Louis-Joseph Janvier.
Sa biographie sur Wikipédia
Je vis assis, tel qu’un ange aux mains d’un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L’hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l’air gonflé d’impalpables voilures.
Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier,
Mille rêves en moi font de douces brûlures ;
Puis par instants mon cœur triste est comme un aubier
Qu’ensanglante l’or jaune et sombre des coulures.
Puis quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille pour lâcher l’âcre besoin.
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l’assentiment des grands héliotropes.
Arthur Rimbaud (1854-1891)
Sa biographie sur Wikipédia
La brume conservait un goût de rêve étrange,
Déliant la candeur des secrets de la nuit,
Elle mêlait ainsi le soleil et l’ennui
Sous le voile infini de son aile d’archange ;
Déliant la candeur des secrets de la nuit
La neige regardait l’étoile ou le nuage,
Pâle comme un soupir, triste comme un naufrage,
Elle mêlait ainsi le soleil et l’ennui ;
La neige regardait l’étoile ou le nuage
Lorsque je m’éveillai dans le petit matin
Bercée par la douceur d’un rayon de satin…
Pâle comme un soupir, triste comme un naufrage.
© Isabelle CALLIS-SABOT
Isabelle Callis-Sabot
Née à Montpellier en 1958. Après des études d’ergothérapie, elle se consacre à l’écriture. D’abord poète, elle commence par publier quelques recueils, avant de se tourner vers le roman. Le Bugey, où elle est venue s’installer, devient la source de son inspiration, par la richesse de son histoire et la beauté de ses paysages. En 2009, elle quitte son pays d’adoption et choisit de vivre dans le Sud de la France. Un retour aux origines, un choix déterminé, un endroit où elle puisera le thème de ses futurs ouvrages.
Site officiel :
http://www.isabelle-callis-sabot.net/
Nous avions maquillé nos yeux pour contempler le ciel
Et rougi nos lèvres de grenades pour embrasser la terre
Nous avions arrondi nos ventres pour honorer le monde
Les oiseaux se sont tus
Ô silence des déserts rendus plus arides
Sous l'acharnement des chars
Que reste-t-il sous la cendre ?
Nous cherchons les chemins, les champs
Dévastés par les bottes
Nos yeux sont cernés de deuil, nos jardins de décombres
Nos sexes ont été fouaillés au nom des frontières
Nos bouches souillées
Nos ventres ont accouché d'enfants traîtres
Ô paix abandonnée aux ronces
Mariée couronnée de la fleur d'oranger
Laissée blanche dans un cortège funèbre
Nous demeurons tes filles d'honneur
Et
Nos voix continuent d'élever leurs chants au milieu des salves
Nos pieds continuent de fouler la terre gorgée de sang
Nous nous vêtirons à nouveau pour les noces
Nous nous parfumerons à nouveau de jasmin
Nos maisons s'ouvriront à nouveau au voyageur
L'écho de nos incantations poursuivra notre légende
© Ghyslaine LELOUP
Ghyslaine Leloup (1956-2018)
Ghyslaine Leloup a passé son enfance en Normandie, en contact permanent avec la nature et la mer. Études de Littérature française et comparée. Elle a travaillé dans le secteur artistique, notamment dans les domaines de la musique et des arts visuels. 1er recueil de poésie publié en 1999.
pas de clairon
ni de couronne
juste une chanson
celle de Craonne
pour les mutins
d’la der des ders
pour le trop-plein
de leurs colères
chemins des drames
bout du rouleau
poser les armes
l’assaut de trop
jours sans soleils
il fait si froid
même nos sommeils
portent leurs croix
tombe la sentence
du déshonneur
morts pour l’offense
au champ d’horreur
alors adieux
frères de combat
quel douloureux
jour ce trépas
c’est en soldats
que nous mourons
ne laissez pas
salir nos noms
même sans clairon
même sans couronne
reste une chanson
celle de Craonne
© Dessin de Jean Droit - Les boues de la Somme
© Didier VENTURINI
Didier Venturini
Auteur, compositeur, interprète et aussi poète, né à Chambéry en 1959. Il a publié deux CD "Orange brûlée" en 2007 et "Dernière Fable" en 2010.
Site officiel : http://www.didierventurini.com/
14-18
C’était la grande guerre
Ils ont vécu l’enfer
C’était la grande guerre
La folie meurtrière
Par un beau jour d’été
Sous un ciel bleu d’azur
Le clairon a sonné
Pour la grande aventure
Ils partirent faire la guerre
Au nom de la patrie
Ils étaient jeunes et fiers
Et la fleur au fusil
Mais du chemin des dames
Au fort de Douaumont
Ils ont perdu leur âme
Sous le feu des canons
Avec la peur au ventre
Ils chantaient la Madelon
En plein mois de décembre
Quand ils montaient au front
Ils tombaient un à un
Fauchés par la mitraille
De la Marne à Verdun
Au coeur de la bataille
Partout des trous de bombes
Partout des trous d'obus
Comme la fin d'un monde
Qui leur tombait dessus
Ils ont pleuré de joie
Le jour de l’armistice
Quand enfin arriva
La fin de leur supplice
Après un grand silence
Les cloches de la paix
Dans le ciel de France
Se mirent à sonner
14-18
C’était la grande guerre
C’était la der des ders
Mais cette grande guerre
Ne fut pas la dernière
© Jacques-Hubert FROUGIER
Dessin de François Flameng - Sur la route de Verdun
dessins1418.fr
Jacques-Hubert Frougier
Dans le ciel gris des anges de faïence
Dans le ciel gris des sanglots étouffés
Il me souvient de ces jours de Mayence
Dans le Rhin noir pleuraient des filles-fées
On trouvait parfois au fond des ruelles
Un soldat tué d’un coup de couteau
On trouvait parfois cette paix cruelle
Malgré le jeune vin blanc des coteaux
J’ai bu l’alcool transparent des cerises
J’ai bu les serments échangés tout bas
Qu’ils étaient beaux les palais les églises
J’avais vingt ans
Je ne comprenais pas
Qu’est-ce que je savais de la défaite
Quand ton pays est amour défendu
Quand il te faut la voix des faux-prophètes
Pour redonner vie à l’espoir perdu
Il me souvient de chansons qui m’émurent
Il me souvient des signes à la craie
Qu’on découvrait au matin sur les murs
Sans en pouvoir déchiffrer les secrets
Qui peut dire où la mémoire commence
Qui peut dire où le temps présent finit
Où le passé rejoindra la romance
Où le malheur n’est qu’un papier jauni
Comme l’enfant surprit parmi ses rêves
Les regards bleus des vaincus sont gênants
Le pas des pelotons à la relève
Faisait frémir le silence rhénan
Dessin de Jean Lefort - Retour des tranchées
dessins1418.fr
© Louis ARAGON
Louis Aragon (1897-1982)
Poète et romancier français, il participe au mouvement dadaïste et surréaliste aux côtés de André Breton. En 1928, sa rencontre avec Elsa Triolet, l'amour de sa vie, lui inspirera de nombreux poèmes.
Autres textes
C'est une chose à la fin que ce monde
Que serais-je sans toi ?
Les mains d'Elsa
Autre site
http://www.maison-triolet-aragon.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Mais qui a soulagé sa peine
Porté son bois porté les seaux
Offert une écharpe de laine
Le jour de la foire aux chevaux
Et qui a pris soin de son âme
Et l´a bercée dedans son lit
Qui l´a traitée comme une femme
Au moins une fois dans sa vie
Le bois que portait Louise
C´est le Bon Dieu qui le portait
Le froid dont souffrait Louise
C´est le Bon Dieu qui le souffrait
C´n´était qu´un homme des équipes
Du chantier des chemins de fer
À l´heure laissée aux domestiques
Elle le rejoignait près des barrières
Me voudras-tu moi qui sais coudre
Signer mon nom et puis compter,
L´homme à sa taille sur la route
Passait son bras, la promenait
L´amour qui tenait Louise
C´est le Bon Dieu qui le tenait
Le regard bleu sur Louise
C´est le Bon Dieu qui l´éclairait
Ils sont partis vaille que vaille
Mourir quatre ans dans les tranchées.
Et l´on raconte leurs batailles
Dans le salon après le thé
Les lettres qu´attendait Louise
C´est le Bon Dieu qui les portait
La guerre qui séparait Louise
C´est le Bon Dieu qui la voyait
Un soir d´hiver sous la charpente
Dans son lit cage elle a tué
L´amour tout au fond de son ventre
Par une aiguille à tricoter
Si je vous garde Louise en place
C´est en cuisine pas devant moi
Ma fille prie très fort pour que s´efface
Ce que l´curé m´a appris là
Et la honte que cachait Louise
C´est le Bon Dieu qui l´a cachée
Le soldat qu´attendait Louise
C´est le Bon Dieu qui l´a vu tomber
Y a cinquante ans c´était en France
Dans un village de l´Allier
On n´accordait pas d´importance
A une servante sans fiancé
Le deuil qu´a porté Louise
C´est le Bon Dieu qui l´a porté
La vie qu´a travaillé Louise
C´est le Bon Dieu qui l´a aidée
© Gérard BERLINER
Gérard Berliner (1956-2010)
Auteur-compositeur-interprète, Gérard Berliner a commencé sa carrière avec des petits rôles au cinéma et au théâtre, avant de suivre des cours d'art dramatique. La chanson étant sa deuxième passion, il remporte son premier succès en 1974, puis fait de la figuration pour la télévision où il rencontre de nombreux auteurs compositeurs. Remarqué par Serge Lama. En 1982, la chanson « Louise » lui apporte le succès. Passionné par Victor Hugo, il met en scène le spectacle « Hugo illumine Paris » joué sous la Tour Eiffel en 2002, pour fêter le bicentaire de l'auteur des Misérables.
Ecouter la chanson sur YouTube
Sa biographie sur Wikipédia
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe, il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été
La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues
Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers
On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent
© Jean FERRAT
Jean Ferrat (1930-2010)
Jean Tenenbaum, dit Jean Ferrat, est un auteur-compositeur-interprète français. Auteur de chansons à texte, il alterne durant sa carrière chansons sentimentales, chansons poétiques et chansons engagées et a souvent maille à partir avec la censure. Reconnu pour son talent de mélodiste, il met en musique et popularise nombre de poèmes de Louis Aragon avec l'approbation de celui-ci.
Sa biographie sur Wikipédia
Ce soir au bar de la gare
Igor hagard est noir
Il n'arrête guère de boire
Car sa Katia, sa jolie Katia
Vient de le quitter
Sa Katie l'a quitté
Il a fait chou-blanc
Ce grand-duc avec ses trucs
Ses astuces, ses ruses de Russe blanc
Ma tactique était toc
Dit Igor qui s'endort
Ivre mort au comptoir du bar
Un Russe blanc qui est noir
Quel bizarre hasard ! Se marrent
Les fêtards paillards du bar
Car encore Igor y dort
Mais près d'son oreille
Merveille! Un réveil vermeil
Lui prodigue des conseils
Pendant son sommeil
Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
T'es cocu, qu'attends-tu ?
Cuite-toi, t'es cocu
T'as qu'à, t'as qu'à t' cuiter
Et quitter ton quartier
Ta Katie t'a quitté
Ta tactique était toc
Ta tactique était toc
Ta Katie t'a quitté
Ote ta toque et troque
Ton tricot tout crotté
Et ta croûte au couteau
Qu'on t'a tant attaqué
Contre un tacot coté
Quatre écus tout comptés
Et quitte ton quartier
Ta Katie t'a quitté
Ta Katie t'a quitté
Ta Katie t'a quitté
Ta Katie t'a quitté
Tout à côté
Des catins décaties
Taquinaient un cocker coquin
Et d'étiques coquettes
Tout en tricotant
Caquetaient et discutaient et critiquaient
Un comte toqué
Qui comptait en tiquant
Tout un tas de tickets de quai
Quand tout à coup
Tic-tac-tic driing !
Au matin quel réveil
Mâtin quel réveille-matin<
S'écrie le Russe, blanc de peur
Pour une sonnerie
C'est une belle sonnerie !
© Boby LAPOINTE
Boby Lapointe (1922-1972)
Auteur-interprète et acteur français né et mort à Pézenas, il est surtout connu pour ses textes semés de calembours, de contrepèteries et d'allitérations.
Sa biographie sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boby_Lapointe
Association des Amis de Boby Lapointe :
http://www.bobylapointe.fr/
Écoutez ma chanson bien douce
Que Verlaine aurait su mieux faire
Elle se veut discrète et légère
Un frisson d'eau sur de la mousse
C'est la complainte de l'épouse
De la femme derrière son grillage
Ils la font vivre au Moyen Âge
Que la honte les éclabousse
© Pierre PERRET
Pierre Perret (1934-)
Auteur-compositeur-interprète jouant sur les mots et la musicalité de la langue française, Pierre Perret ne dédaigne pas pour autant l’argot, qu'il emploie à dessein dans de nombreux textes (il a réécrit les fables de La Fontaine). L'interprète, dans un style apparemment naïf, voire enfantin, avec candeur et humanisme, pose nombre de questions pertinentes qu'il déclame avec un sourire malicieux.
Autres textes
Les baisers
Le cul de Lucette
Site officiel
pierreperret.fr
A lire également sur son site
Démenti à propos de la rumeur pour la censure de cette chanson
Sa biographie sur Wikipédia
L'avion, au fond du ciel clair,
Se promène dans les étoiles
Tout comme les barques à voiles
Vont sur la mer.
C'est un moulin des anciens âges
Qui soudain a quitté le sol
A pris son vol.
Les oiseaux ont peur de ses ailes,
Mais les enfants le trouvent beau,
Ce grand cerf-volant sans ficelles
Qui va si haut.
Moi, plus tard, en aéroplane
Plus hardi que les plus hardis,
Je compte bien aller, sans peine
Au paradis.
Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945)
Poétesse, romancière, journaliste, historienne, sculptrice et dessinatrice, Lucie Delarue-Mardrus fut une artiste complète aux dons multiples, d'une curiosité insatiable et d'une capacité de travail impressionnante.
Autre texte :
Si tu viens
Sa biographie sur Wikipédia