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(sauf bien entendu aux poètes disparus et certains auteurs-compositeurs-interprètes), ou bien ils sont envoyés spontanément par les auteurs publiés.
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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797
Mon aimable aux seins
sans lois, sans scrupules,
ma vicieuse, ma mécanique,
ma fée illogique, ma femme,
tu te ceins de nuits lourdes,
tu creuses mon nid dans tes hanches,
avenante, miroir fameux,
tu retournes sur toi
tous ceux qui te hument,
tu es la seule qui parvienne
à dévorer mon corps
sans que je saigne et périsse.
© Richard ROGNETRichard Rognet (1942-)
Richard Rognet est né en 1942, dans les Vosges, région où il vit actuellement et y demeure fermement attaché. Il a reçu de très nombreux prix, dont le prix Max Jacob, le prix Apollinaire, et, pour l’ensemble de son œuvre, le grand prix de poésie de la Société des gens de Lettres et le prix Alain Bosquet. Il est membre de l’Académie Mallarmé et traduit dans de nombreuses langues. Depuis 1978, il réalise régulièrement des livres d’artistes.
Sa biographie sur Wikipédia
I.
Je suis Gabriel Péri
Nous filons loin de Paris
Mon cœur de Français a froid
La mort c’est toujours tout droit
Ils portent un uniforme
Leur tête n’a pas de forme
Ils ne laissent pas de trace
Le vent est comme la glace
Dans la rigueur de l’hiver
Il y a parfois du vert
Nous roulons vers la banlieue
Dans un trou à mille lieues
Tout Paris est presque vide
Aucun pli aucune ride
Dans les hauteurs de Suresnes
Le ciel est lent comme un thrène
Sous le soleil de midi
C’était peut-être un lundi
Dans les yeux noirs des nazis
On ne voit que des fusils
La police a l’air française
On siffle la Marseillaise
Partout c’est la Gestapo
Ils vont me faire la peau
Nous marchions main dans la main
Mes amis étaient communs
Le peuple n’y croit plus guère
La France a perdu la guerre
II.
Je suis Gabriel Péri
Ils vont à l’ouest de Paris
C’était un après-midi
J’étais comme au paradis
L’amour est une espérance
J’ai tout donné à la France
Les bourreaux riaient à table
Leurs dents sont épouvantables
Entre les barreaux de fer
Je n’ai pas vécu l’enfer
Il n’y a plus de nuages
Ce sera un long voyage
Des étoiles sans raison
Ont déserté l’horizon
Le soleil a trop brillé
On va être fusillé
Il faut un jour dire adieu
Mon visage était radieux
Devant le Mont-Valérien
J’ai versé mon sang pour rien
La France bat dans mon cœur
Comme la joie d’un vainqueur
Ils ont prié pour mon âme
Je suis rentré voir ma femme
Les balles sont généreuses
Ma fin a été heureuse
Que je sois mort ou vivant
Les drapeaux flottent au vent
15 décembre 1941
Nicolas Grenier (1975-)
Ecrivain et poète français, Nicolas Grenier est l'un des maîtres du tanka et du haïku en France et pratique le haïku, en réinventant le haïku urbain. Dans le tanka et le haïku, il renouvelle le fond et la forme. Il collabore avec des artistes du monde entier. Ses poèmes en langue anglaise et française sont adaptés en musique électronique et classique par des compositeurs internationaux. Il rend hommage à des personnalités comme Bill Gates, John Fitzgerald Kennedy, Ludwig Wittgenstein et à des lieux, Marrakech, etc.
Sa biographie sur Wikipédia
Gabriel Péri (1902-1941) est un journaliste et homme politique français, arrêté comme résistant par la police française et fusillé comme otage par les Allemands à la forteresse du Mont-Valérien le 15 décembre 1941.
Coulée de feu
de fleurs en tiges
de tiges en feuilles
puis en racines
et de racines en feu de vie.
Les eaux s’enrobent
la nuit s’élève
écoulement
les eaux s’éclairent
égouttement
s’aubent les rêves
écoutement
fécond de mère.
Coulée de feu
de fleurs en tiges
de tiges en feuilles
puis de racines
en feu de vie.
© Jean-Pierre BARSJean-Pierre Bars (1958-)
Né en banlieue parisienne, Jean-Pierre Bars est actuellement enseignant spécialisé en Suisse romande. Il écrit au gré de ce qui vient et du désir, depuis une trentaine d'années. Il estime que la poésie est vécue et sentie comme activité intime et salutaire, comme saison de l’âme et du monde, comme question, dialogue, exploration et expression de la part secrète et transparente de mon ancrage dans la vie terrestre. La poésie est vécue comme une recherche, un chemin, une rencontre et un partage, la poésie comme un « creusement dans l'être » et approfondissement du destin. Il publie dans plusieurs revues en ligne et sur papier telles que Traversées, Le Journal des Poètes, Le Capital des Mots, Terre à Ciel, Lichen, etc.
Son site internet
Ambitieux poussés par une même faim,
Urbain au geste digne, et voyou de la rue,
Racaille, paysan qui laisse sa charrue,
Ils vont dans l'ignoré défier le destin.
Sous un ciel sans soleil poursuivant son chemin,
Au milieu de la plaine inquiétante et nue,
C'est peut-être à la mort que court cette cohue
Ruée aveuglément à son espoir lointain...
Affamés qui jouez contre l'or votre vie,
Foule dont l'âme avide au gain est asservie,
Arrêtez-vous devant l'exemple du passé !
Mesurez jusqu'au bout l'immense et blanc suaire,
Écoutez la chanson que la bise polaire
Souffle à travers les os jonchant le sol glacé !
Charles Gill (1871-1918)
Poète, conteur et peintre québécois, Charles Gill est l'auteur de plus de cinquante portraits, cinquante-huit poèmes, quatre-vingt-quinze récits en prose, treize pièces épiques et deux cent soixante-sept lettres au poète québécois Louis-Joseph Doucet. Il a subi l'influence des poètes français comme Charles Baudelaire et Paul Verlaine. Fauché par la grippe espagnole, il meurt à l'hôpital Notre-Dame de Montréal le 16 octobre 1918.
Sa biographie sur Wikipédia
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C’est la maclotte qui sautille
Toute les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu’elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d’argent
Des soldats passent et que n’ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l’automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire se rencontrent par le biais de Pablo Picasso en 1907. Ils vivent une relation tourmentée pendant cinq années avant que, lassée par des infidélités nombreuses, Marie Laurencin ne prenne définitivement ses distances.
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Considéré comme l'un des poètes français les plus importants du début du XXe siècle, Guillaume Apollinaire est l'auteur de poèmes ayant fait l'objet de plusieurs adaptations en chansons. La part érotique de son œuvre - dont principalement trois romans (dont un perdu), de nombreux poèmes et des introductions à des auteurs licencieux - est également passée à la postérité. Il expérimenta le calligramme et fut le chantre de nombreuses avant-gardes artistiques de son temps. Il meurt à Paris de la grippe espagnole mais est déclaré mort pour la France en raison de son engagement pendant la guerre.
Autres textes :
Si je mourrais là-bas...
Le pont Mirabeau
Sa biographie sur Wikipédia
Ils gardent, dans les yeux, ces étoiles magiques
Qui faisaient voyager les reines d’orient
Et leur belle fourrure a des frissons mystiques
Pour saisir la caresse, aux anges, souriant.
Empereurs sans domaine en quête de silence,
Quand le pas se souvient du velours disparu,
Leur museau maraudeur, dans le songe, s’élance,
Retrouvant, chaque fois, le chemin parcouru.
Ils prennent, en rêvant, les nobles attitudes
Des animaux sacrés qui charmeront les dieux,
Volupté de la pose, appel des solitudes,
Ils suspendent le temps sur les fleuves des cieux.
Vagabonds occupant le cœur de la légende,
Fidèles compagnons du poète inspiré,
Orpailleurs du soleil si le froid se lamente,
Ils composent, pour nous, l’opéra désiré.
Laissant, sur les coussins, leur empreinte soyeuse
Où s’endorment déjà les senteurs des jardins,
Ils incarnent l’esprit de la maison joyeuse,
Ces chats de la campagne et matous citadins.
Libres, mystérieux troubadours de la lune,
Ils s’en iront sécher les larmes de la nuit
Ayant le goût de sel de l’antique lagune,
Refuge merveilleux du regard qui s’enfuit.
© Marilène MECKLER
Marilène Meckler
Née à Montauban, Marilène Meckler a effectué sa carrière professionnelle dans les Vosges comme directrice administrative d'établissements de soins pour enfants et adolescents. Elle est lauréate de nombreux prix de poésie dont le Grand Prix International Victor Hugo de la Société des Poètes Français et a publié une dizaine de recueils. Revenue en terre natale, elle est actuellement vice-présidente de la Compagnie des Ecrivains de Tarn-et-Garonne.
Site officiel
Il en tomba combien dans cet abîme
Béant dans le lointain !
Et je disparaîtrai un jour sans rimes
Du globe, c’est certain.
Se figera tout ce qui fut, - qui chante
et lutte et brille et veut :
Et le vert de mes yeux et ma voix tendre
Et l’or de mes cheveux.
Et la vie sera là, son pain, son sel
Et l’oubli des journées.
Et tout sera comme si sous le ciel
Je n’avais pas été !
Moi qui changeais, comme un enfant, sa mine
- Méchante qu’un moment, –
Qui aimais l’heure où les bûches s’animent
Quand la cendre les prend,
Et le violoncelle et les cavalcades
Et le clocher sonnant…
– Moi, tellement vivante et véritable
Sur le sol caressant.
A tous – qu’importe. En rien je ne mesure,
Vous : miens et étrangers ?! –
Je vous demande une confiance sûre,
Je vous prie de m’aimer.
Et jour et nuit, voie orale ou écrite :
Pour mes « oui », « non » cinglants,
Du fait que si souvent – je suis trop triste,
Que je n’ai que vingt ans,
Du fait de mon pardon inévitable
Des offenses passées,
Pour toute ma tendresse incontenable
Et mon trop fier aspect,
Et la vitesse folle des temps forts,
Pour mon jeu, pour mon vrai…
– Ecoutez-moi ! – Il faut m’aimer encore
Du fait que je mourrai.
08 décembre 1913
Marina Tsvetaïeva (1892-1941)
L'une des poétesses russes les plus originales du XXe siècle, dont l'oeuvre ne fut pas appréciée par Staline et le régime soviétique. Sa réhabilitation littéraire commence dans les années 1960. La poésie de Tsvetaïeva vient du plus profond de sa personnalité, de son excentricité, et de son usage très précis de la langue.
Sa biographie sur Wikipédia
La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit…
Sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse,
Elle s’en va vers la mer
En passant par Paris.
La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
Et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse,
Immobile et sévère
Du haut de toutes ses pierres
La regarde de travers
Mais la Seine s’en balance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s’en va vers le Havre
Et s’en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris
© Jacques PREVERT
Jacques Prévert (1900-1977)
Poète, scénariste et dialoguiste français, qui devint célèbre grâce au succès de son premier recueil de poèmes, « Paroles », où son langage familier et ses jeux de mots sont appréciés. Ses poèmes sont depuis lors connus dans le monde entier et appris dans les écoles françaises.
Autres textes
Barbara
Cet amour
Sanguine
Sables mouvants
Mai 68
Le cancre
Sa biographie sur Wikipédia
Catherine Des Roches (1542-1587)
Catherine Fradonnet dite Catherine Des Roches est la fille de Madeleine Neveu. On les appelle Les Dames des Roches. Admirées au XVIè siècle pour leur savoir, et leur sens de la vocation littéraire, on les surnomme les « deux perles de tout le Poitou ». Elles vivent dans une société où la production féminine est rare, contre un pouvoir masculin écrasant. Elles tiennent un salon littéraire où se réunissent des cercles italiens, lyonnais et des salons parisiens. Elles publient en 1578 des poésies de cour, inspirées par le séjour d'Henri II à Poitiers.
Inséparables, elles meurent le même jour, suite à une épidémie de peste.
Source : siefar.org
Mon roseau noir, ma tour d’opale,
Mon enfant, mon matin d’été,
Mon hirondelle et ma cymbale,
Ma douceur, ma sévérité,
Mon liseron, ma transparence,
Mon ombre et mon opacité,
Mon remords et ma complaisance
Mon mensonge et ma vérité,
Ma Chine et ma rive étrangère,
Mon lointain, ma proximité,
Mon pilote et ma passagère,
Ma conteuse et ma racontée,
Mon horizon, ma familière,
Et mon impossibilité,
Ma mélodie et mon silence,
Ma halte et ma mobilité,
Ma maison, mon fleuve et ma danse,
Mon départ et mon arrivée,
Mon roseau noir, ma tour d’opale,
Mon masque et ma solennité
Mon hirondelle et ma cymbale
Mon luxe et ma nécessité,
Mon pain, mon vin, ma fausse oronge,
Mon pardon, ma complicité,
Herbe du rite et fleur du songe,
Porte de mes Félicités
© Alexandre VIALATTE
Alexandre Vialatte (1901-1971)
Ecrivain, critique littéraire et traducteur français, Alexandre Vialatte a été chroniqueur au journal La Montagne. Ancré en Auvergne, il a traduit Kafka, Hoffmansthal,
Nietzsche, Thomas Mann... Il a été l'ami de Henri Pourrat, amoureux de cette région et qui lui dédia des
recueils de contes. Et aussi un proche du peintre Dubuffet avec qui il avait des échanges passionnés
et pleins d'humour.
L'humour de Vialatte est présente dans les merveilleuses chroniques écrites pour le journal La Montagne, publiées après sa mort,
comme la plupart de ses livres.
Sa biographie sur Wikipédia
Silence froissé amour déchiré
mon cœur chiffonné à lisser repasser
une caresse de ta main velours ou satin
plus de faux plis plus de soucis
fini
mon chagrin
© Bernard FRIOT
Bernard Friot (1951-)
Ecrivain français et auteur de livres pour la jeunesse auprès de plusieurs éditeurs.
Il a été enseignant de lettres dans un collège à Lille puis responsable du Bureau du livre de jeunesse à Francfort en Allemagne pendant quatre ans. Aujourd'hui, après avoir travaillé dans plusieurs villes de France, il s'est installé à Besançon où il se consacre à l'écriture et à la traduction française de livres allemands pour la jeunesse. À ce jour, il a écrit plus d'une trentaine d'ouvrages destinés aux adolescents ou aux enfants.
Sa biographie sur Wikipédia
Quand je sens, certains soirs, ma vie qui s’effiloche
Et qu’un vol de vautours s’agite autour de moi,
Pour garder mon sang froid, je tâte dans ma poche
Un caillou ramassé dans la Vallée des Rois.
Si je mourrais demain, j’aurais dans la mémoire
L’impeccable dessin d’un sarcophage d’or
Et pour m’accompagner au long des rives noires
Le sourire éclatant des enfants de Louxor.
À l’intérieur de soi, je sais qu’il faut descendre
À pas lents, dans le noir et sans lâcher le fil,
Calme et silencieux, sans chercher à comprendre,
Au rythme des bateaux qui glissent sur le Nil,
C’est vrai, la vie n’est rien, le songe est trop rapide,
On s’aime, on se déchire, on se montre les dents,
J’aurais aimé pourtant bâtir ma Pyramide
Et que tous mes amis puissent dormir dedans.
Combien de papyrus enroulés dans ma tête
Ne verront pas le jour… ou seront oubliés
Aussi vite que moi?… Ma légende s’apprête,
Je suis comme un désert qu’on aurait mal fouillé.
Si je mourais demain, je n’aurais plus la crainte
Ni du bec du vautour ni de l’oeil du cobra.
Ils ont régné sur tant de dynasties éteintes…
Et le temps, comme un fleuve, à la force des bras…
Les enfants de Louxor ont quatre millénaires,
Ils dansent sur les murs et toujours de profil,
Mais savent sans effort se dégager des pierres
À l’heure où le soleil se couche sur le Nil.
Je pense m’en aller sans que nul ne remarque
Ni le bien ni le mal que l’on dira de moi
Mais je déposerai tout au fond de ma barque
Le caillou ramassé dans la Vallée des Rois.
© Bernard DIMEY
Bernard Dimey (1931-1981)
Poète, auteur de chansons et dialoguiste français, il s'installe à Paris à 25 ans sur la Butte Montmartre qu'il ne quittera plus. Cet amoureux de Montmartre où bien des endroits portent encore son nom était connu comme auteur de chansons à succès : « Syracuse », « Mémère », « Mon truc en plume », etc. qui ont été interprétées par des géants de la chanson française.
Autres textes :
Si tu me payes un verre
Quarante ans
Le quartier des Halles
Site de l'association B. Dimey :
festival-bernard-dimey
Site d'un passionné de Dimey :
parolesdedimey.free.fr
Quand ils viennent pour naître,
Leur mère va mouri.
Quand ils viennent pour rire,
Leur père meurt aussi.
Ils s’en vont à la chasse :
N’y a plus de perdrix ;
Ils s’en vont à la danse :
Les violons sont partis.
Ils ont faim dans le ventre :
La soupe a trop bouilli.
Ils montent dans la chambre :
N’y a plus de draps au lit.
Ils aiment une fille :
La belle fille a ri.
Ils la mènent à l’église :
Le curé refusi.
S’ils prennent une vieille,
Elle a trop de souci ;
Les garçons et les filles
Ne veulent pas veni.
S’ils viennent trois ou quatre,
Il n’y a plus d’habits ;
Ils couchent tous ensemble ;
Ils meurent p’tit à petit.
Donc, s’en vont à la guerre
Pour se faire péri.
La Mort, qui les rencontre,
N’veut pas les faire mouri !
Trop tôt venus au monde,
Ils n’en peuvent sorti.
Prions Dieu qu’il les aye
Ou ben l’diable, ça n’fait ri’.
Germain Nouveau (1851-1920)
Poète français, Germain Nouveau passe son enfance à Aix-en-Provence et s'installe à Paris vers 1872 où il fréquente la bohème littéraire. Il y rencontre Verlaine, Charles Cros et surtout Arthur Rimbaud qui aura une influence considérable sur sa poésie. Les dernières années du poète sont marquées par de très profondes crises mystiques jamais très éloignées du désordre mental. Suivant la doctrine de saint Benoît Labre, Nouveau s'astreint à la pauvreté et à la mendicité. Il meurt d'inanition en 1920, victime d'un jeûne trop prolongé, entre le Vendredi saint et Pâques.
Autre texte :
Sonnet d'été
Sa biographie sur Wikipédia
Sous le souffle étouffé des vents ensorceleurs
J'entends sourdre sous bois les sanglots et les rêves :
Car voici venir l'heure où dans des lueurs brèves
Les feuilles des forêts entonnent, choeur en pleurs,
L'automnal requiem des soleils et des sèves.
Comme au fond d'une nef qui vient de s'assombrir
L'on ouït des frissons de frêles banderolles,
Et le long des buissons qui perdent leurs corolles
La maladive odeur des fleurs qui vont mourir
S'évapore en remous de subtiles paroles.
Sous la lune allumée au nocturne horizon
L'âme de l'angelus en la brume chantonne :
L'écho tinte au lointain comme un glas monotone
Et l'air rêve aux frimas de la froide saison
A l'heure où meurt l'amour, à l'heure où meurt l'automne !
Stuart Merrill (1863-1915)
Poète américain d'expression française, Stuart Merrill se fixe définitivement en France en 1890. Il fut l'un des théoriciens du symbolisme. Il s'est intéressé au caractère purement musical de la poésie et a été également traducteur de plusieurs poètes et écrivains français.
Autre texte :
La bonne pluie
Sa biographie sur Wikipédia
Depuis tant d'années je lave mon regard
dans une fenêtre où ciel et mer
depuis toujours sont sans s'interrompre
où leurs vies sont un, sont innombrables
sont une fois encore dans mon âme
un champ magnétique d'épousailles
une goutte de lumière-oiseau.
Depuis tant d'années je lave mon regard
à la première couleur si fraîche
sur les lèvres humides de nuit
d'être la peau et d'être la pierre
où mes doigts rencontrent le secret,
ce savoir qu'ils sont et celui qui est
des tonnes infinies de lumière.
Du plus pâle au tranchant du plus sombre
sans s'interrompre entre sang et pensée
entre feuille pinceau étendue
corps de liquide musique à jamais
© Loránd GASPAR
Loránd Gáspár (1925-2019)
Né en Transylvanie, Loránd Gáspár est un poète, médecin, historien, photographe et traducteur français d'origine hongroise. Il entre à l’École polytechnique de Budapest en 1943. Déporté pendant la guerre, il fait ses études de médecine à Paris. Chirurgien de l’hôpital français de Jérusalem durant seize années, il pratique ensuite à l’hôpital Charles Nicolle de Tunis. Son oeuvre est consacrée à l’absolu négatif du désert et à l’éternité minérale des îles de l’Egée. Il a obtenu le Prix Goncourt de la Poésie en 1998.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Je suis Cap’tain Zombi
Je bois par les oreilles
J’entends avec les dix doigts
J’ai une langue qui voit tout
Un odorat-radar qui capte
Les ondes du cœur humain
Et un toucher qui perçoit
À distance les odeurs
Quant à mon sixième sens
C’est un détecteur de morts
Je sais où sont enterrés
Nos millions de cadavres
Je suis comptable de leurs os
Je suis comptable de leur sang
Je suis peuplé de cadavres
Peuplé de râles d’agonies
Je suis une marée de plaies
De cris de pus de caillots
Je broute les pâturages
De millions de morts miens
Je suis berger d’épouvante
Je garde un troupeau d’os noirs
Ce sont mes moutons mes bœufs
Mes porcs mes chèvres mes tigres
Mes flèches et mes lances
Mes laves et mes cyclones
Toute une artillerie noire
À perte de vue qui hurle
Au cimetière de mon âme !
Écoutez monde blanc
Les salves de nos morts
Écoutez ma voix de zombi
En l’honneur de nos morts
Écoutez monde blanc
Mon typhon de bêtes fauves
Mon sang déchirant ma tristesse
Sur tous les chemins du monde
Écoutez monde blanc !
Le sang nègre ouvre ses vannes
La cale des négriers
Déverse dans la mer
L’écume de nos misères
Les plantations de coton
De café de canne à sucre
Les rails du Congo-Océan
Les abattoirs de Chicago
Les champs de maïs d’indigo
Les centrales sucrières
Les soutes de vos navires
Les compagnies minières
Les chantiers de vos empires
Les usines les mines l’enfer
De nos muscles sur la terre
C’est l’ écume de la sueur noire
Qui descend ce soir à la mer !
Écoutez monde blanc
Mon rugissement de zombi
Écoutez mon silence de mer
O chant désolé de nos morts
Tu es mon destin mon Afrique
Mon sang versé mon cœur épique
Le pouls marin de ma parole
Mon bois-d’ébène mon corossol
Le cri des arbres morts en moi
L’écho de leur sève dans ma voix
Ma race tel un long sanglot
Qui cherche ma gorge et mes eaux
Qui cherche en moi le bras de mer
Où l’Afrique arrache son cœur
Écoutez monde amer monde blanc
Mon chant d’agonie ma vie ce chant
Qui marie en mon corps le vent
Et la vague, le ciel et l’enfer !
© René DEPESTRE
René Depestre (1926-)
Poète, romancier et essayiste né en Haïti. Il publie en 1945 son premier recueil de Poèmes, Étincelles. Activiste politique, il doit quitter Haïti après l'arrivée au pouvoir d'un régime militaire. Il s'installe à Paris et y suit des cours à la Sorbonne. Il rejoint Cuba en 1959 et soutient le nouveau régime de Fidel Castro, puis déçu par l'orientation de la révolution notamment après l’affaire du poète cubain Heberto Padilla en 1971, René Depestre décide de quitter l’île en 1978. Installé à Lézignan-Corbières dans les années 1980, il poursuit son oeuvre d'écrivain-poète et reçoit le prix Renaudot en 1988.
Autre texte :
Est-ce-vrai ?
Biographie détaillée sur Wikipédia
Dans un petit moulin,
Un moulin à café,
Le temps passait,
Le temps passait.
Et du soir au matin,
On voyait par-dessus,
Le temps moulu,
Le temps moulu.
Dans une jolie tasse,
Une tasse à café,
Le temps coulait,
Le temps coulait.
De profil et de face,
Je voyais dans la tasse
Le temps tassé,
Le temps tassé.
J’ai bu le café brûlant :
Il faut bien passer le temps.
© Carl NORAC
Carl Norac (1960-)
Né en Belgique, Carl Norac a exercé plusieurs métiers avant de se consacrer à l'écriture. Auteur de poésie et de théâtre, Carl Norac a aussi écrit des livres pour la jeunesse.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Ceux qui ont des chaînes
Et voient leurs disques augmenter
Trouveront-ils jamais le temps
De tout écouter ?
Et ceux qui ont des frigidaires
Sont-ils plus avancés
Que ceux qui font leur marché
Rien que pour une seule journée ?
Les abonnés du téléphone
Sont-ils privilégiés ?
Peut-être on peut communiquer
Autrement qu'avec ces appareils.
Ceux qui possèdent la télé
Font-ils une sorte d'apprentissage
De l'abrutissement total
Ou bien d'un autre moyen de
Transmettre les images ?
Et ces machines à laver la vaisselle
Donnent-elles plus de liberté
Ou est-ce qu'elles nous entraînent pas plus
Dans la ronde des prisonniers ?
Tous ceux qui ont l'électricité
Sont-ils mieux éclairés
Que ceux qui se couchent avec le soleil
Et qui le regardent se lever ?
Et la bagnole, notre Dieu
Va-t-elle nous transporter
Vers un pays merveilleux
Où règnent l'amour et la paix ?
Ou existe-t-il d'autres transports
Pour nous emmener
Vers la porte de sortie
Vers une autre destinée ?
Et tous ces biens qui nous obligent
A payer les frais
Tous les jours notre belle nature
Un peu plus dénaturée.
On dit qu'il n'est jamais trop tard
Pourvu que ça soit vrai
Car si les arbres venaient à mourir
Alors qu'est-ce qu'on ferait ?
Et après toute cette frénésie
Tant de travail acharné
Pour gagner l'argent nécessaire
Pour acheter plus, plus consommer.
Entendrons-nous cette voix
Qui nous appelle toujours
La seule voix à suivre
Celle de l'amour.
Non elle n'a jamais cessé
De nous appeler
En attendant que notre descente
Aux enfers soit terminée.
© Graeme ALLWRIGHT
Graeme Allwright (1926-)
Né en en Nouvelle-Zélande, Graeme Allwright est auteur-compositeur-interprète français d'origine néo-zélandaise. Il a en particulier adapté et introduit en français les œuvres du protest song américain ainsi que de nombreuses chansons de Leonard Cohen. Cette chanson fait partie de l'album du même nom paru en 1978. Plus de quarante ans après, elle n'a pas pris une ride...
Autre texte :
Petit garçon
Sa biographie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Graeme_Allwright
Déjà la vie ardente incline vers le soir,
Respire ta jeunesse,
Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,
De l’aube au jour qui baisse,
Garde ton âme ouverte aux parfums d’alentour,
Aux mouvements de l’onde,
Aime l’effort, l’espoir, l’orgueil, aime l’amour,
C’est la chose profonde ;
Combien s’en sont allés de tous les cœurs vivants
Au séjour solitaire
Sans avoir bu le miel ni respiré le vent
Des matins de la terre,
Combien s’en sont allés qui ce soir sont pareils
Aux racines des ronces,
Et qui n’ont pas goûté la vie où le soleil
Se déploie et s’enfonce.
Ils n’ont pas répandu les essences et l’or
Dont leurs mains étaient pleines,
Les voici maintenant dans cette ombre où l’on dort
Sans rêve et sans haleine ;
— Toi, vis, sois innombrable à force de désirs
De frissons et d’extase,
Penche sur les chemins où l’homme doit servir
Ton âme comme un vase,
Mêlé aux jeux des jours, presse contre ton sein
La vie âpre et farouche ;
Que la joie et l’amour chantent comme un essaim
D’abeilles sur ta bouche.
Et puis regarde fuir, sans regret ni tourment
Les rives infidèles,
Ayant donné ton cœur et ton consentement
À la nuit éternelle.
Anna de Noailles (1876-1933)
Poétesse et romancière française d'origine roumaine, la comtesse Anna de Noailles passe son enfance entre Paris et le lac Léman où ses parents ont une propriété. En épousant Mathieu de Noailles, elle fait partie de la haute bourgeoisie parisienne et attire l'élite intellectuelle, littéraire et artistique dans son salon situé avenue Hoche. Son premier recueil, Le Coeur innombrable (1901) eut un succès retentissant. Elle fut la première femme commandeur de la Légion d'honneur. Son lyrisme passionné s'exalte dans une œuvre qui développe, d'une manière très personnelle, les grands thèmes de l'amour, de la nature et de la mort.
Autre texte :
Les saisons et l'amour
Source : http://www.annadenoailles.org/
Combien de fois les pluies de l’aube m’emportèrent
en rêve sur leur chemin lentement et heureuse,
vers le cristal des champs, entre des files de pins,
recherchant les bienfaits d’une lumière étonnante ;
Combien de fois les ai-je vues revenir aux fenêtres
éteintes, parmi les arbres égarés dans les tumultes
purs de leurs ondes, enlacées aux rubans
du souvenir qui peuple ces murs transparents.
Je les entendis, éblouie, frapper sur les lucarnes
avec la suave insistance qui précède les éclairs,
alors que dans le feuillage luisaient les gemmes
liquides où baignent les fleurs et les tiges.
Toujours dans ces rumeurs je perçus l’écho d’un piano
qui séduisait le jardin de ses douces distances,
et découvris dans la façon de ces tissages
une profonde serre, bleu ciel en été,
Les colonnes et les statues asiatiques d’un temple,
des meutes qui dévalaient au pied d’une pente,
un Mercure entre platanes et senteurs extatiques
qui mouraient en désordre dans la nuit.
Je vis dans les trames troubles les déluges antiques
qui enfermaient les arbres, les tours et les hommes,
les villes naissantes et les champs blonds de blé.
dans des tombeaux de boue qui n’avaient pas de noms ;
Et dans les trames distinctes, seuls, prédestinés,
les noms préférés tournaient en cercle
jusqu’à trouver en dociles mètres amoureux
les vers remémorés, les vers promis.
© Silvina OCAMPO
Silvina Ocampo (1993-1993)
Figure majeure de la littérature argentine, Silvina Ocampo étudie le dessin et la peinture à Paris avec Giorgio de Chirico et Fernand Léger avant de se consacrer à la littérature vers l'âge de trente ans. Sa soeur, Victoria, femme influente et éditrice, lui propose d'écrire pour sa revue Sur, des articles, nouvelles et poèmes. C'est par l'entremise de cette revue qu'elle se fait connaître du grand public.
Sa biographie sur Wikipédia
Velouté de pêche… sur un teint d’abricot…
Un charme rayonnant jusque dans ses prunelles !
La cerise rougit comme un coquelicot
Devant cette nature à la fraîcheur d’airelles.
Ses cheveux flamboyants, aux tons de mirabelle
Possèdent un toucher pareil au lait d’amande
Ses bras prêts à l’envol, telle une tourterelle
Ont la fragilité des raisins qui se fendent.
Dans la douceur du soir d’un automne annoncé
Elle promène ainsi sa beauté printanière
Offrant au monde entier comme une panacée
Sa jeunesse éclatante… et pourtant éphémère.
Au jardin d’Hespérides , elle était une fée
Sylphide vaporeuse… éclat de volupté…
Par le chant d’un zéphyr, joliment décoiffée
Cueillant les pommes d’or de l’Immortalité ! …
© Jacqueline COMMARD
Jacqueline Commard
Jacqueline Commard est née à Angers. Elle est membre de plusieurs Académies littéraires et a obtenu, au fil des années de création poétique, de nombreuses distinctions de poésie. Elle participe également à plusieurs revues ou anthologies poétiques depuis de nombreuses années et a publié plusieurs recueils. Pour elle, la poésie est une fenêtre toujours ouverte qui permet de s’oxygéner, de valoriser ce qui semble banal et de sublimer le beau. Elle aide aussi à se poser un instant au bord de son chemin de vie pour… tout simplement admirer !
(A Roger Lahu)
Le pot-au-feu popote
dans la grande nuit qui tombe
les poireaux
les carottes
les patates et la viande
dessinent des fantômes
en buée sur les vitres
je vous attends
en mijotant
en bouillonnant
comme un vieux plat
d’automne
au fond de la cocotte
ma colère
mes silences
et ma connerie d’homme
quand vous serez là
la nuit sentira bon
et moi je serai
cuit
© Thomas VINAU
Thomas Vinau
Né en 1978 à Toulouse, Thomas Vinau est poète. Il vit dans le Lubéron. Il est l’auteur de romans, de nouvelles, de recueils de poésie et d’un album de jeunesse chez Motus. Ses textes parlent du quotidien, avec douceur et tendresse.
Autre texte :
L'ardoise noire
Sa biographie sur Wikipédia
II a suffi du liseron du lierre
Pour que soit la maison d'Hélène sur la terre
Les blés montent plus haut dans la glaise du toit
Un arbre vient brouter les vitres et l'on voit
Des agneaux étendus calmement sur les marches
Comme s'ils attendaient l'ouverture de l'arche
Une lampe éparpille au loin son mimosa
Très tard les grands chemins passent sous la fenêtre
II y a tant d'amis qu'on ne sait plus où mettre
Le pain frais le soleil et les bouquets de fleurs
Le sang comme un pic-vert frappe longtemps les coeurs
Ramiers faites parler la maison buissonnière
Enneigez ses rameaux froments de la lumière
Que l'amour soit donné aux bêtes qui ont froid
À ceux qui n'ont connu que la douceur des pierres
Sous la porte d'entrée s'engouffre le bon vent
On entend gazouiller les fleurs du paravent
Le coeur de la forêt qui roule sous la table
Et l'horloge qui bat comme une main d'enfant
Je vivrai là parmi les roses du village
Avec les chiens bergers pareils à mon visage
Avec tous les sarments rejetés sur mon front
Et la belle écolière au pied du paysage.
© René-Guy CADOU
René-Guy Cadou (1920-1951)
Poète français qui grandit dans une ambiance de préaux d’écoles, de rentrées des classes, de beauté des automnes, de scènes de chasse et de vie paysanne qui deviendront plus tard une source majeure de son inspiration poétique. Fils d'instituteurs, il devient lui aussi instituteur et rencontre Hélène, le grand amour de sa vie qui fut aussi l'inspiratrice de nombreux recueils. Durant l'Occupation allemande, il témoigne de son soutien à la Résistance par ses écrits et son désir de dénoncer la barbarie nazie. Il composera un nombre considérable de poèmes avant que la maladie ne l'emporte prématurément à l'âge de 31 ans.
Autre texte :
La saison de Sainte-Reine
Site officiel Hélène et René-Guy Cadou : http://www.cadou-poesie.net/
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Ame sentinelle,
Murmurons l’aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.
Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.
Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s’exhale
Sans qu’on dise : enfin.
Là pas d’espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Arthur Rimbaud (1854-1891)
Figure première de la littérature française, Arthur Rimbaud a écrit ses premiers poèmes à 15 ans. Il entretient avec Verlaine une relation tumultueuse, avec lequel il mènera une vie d'errance et de bohême, entre drogue et alcool. Ses idées marginales, anti-bourgeoises et libertaires le poussent à une vie aventureuse. Il finira par abandonner la poésie pour voyager en Europe et en Afrique où il sera commerçant. Une synovite au genou précipitera son retour à Marseille où les médecins l'amputeront de la jambe droite. Son état de santé s'aggrave et il meurt à trente-sept ans d'un cancer généralisé.
Autres textes :
Oraison du soir
Le buffet
Première soirée
Ma bohême
Sa biographie sur Wikipédia
J’ai peint, dans ton royaume de bonheur
L’ivresse de ta beauté, en mon cœur
Naviguant sur les lettres de ton poème
Qu’il me plait d’arpéger et que j’aime.
Elle traverse le miroir de mes rêves
A la fraicheur d’un moment qui s’élève
Vibrant, sur le fil d’un ailleurs matineux
Suspendu aux vagues de mots lumineux.
Des images me fusent entre les vagues
D’une mélodie où mon âme divague
Ton chemin me révèle comment l’écrire
Aux couleurs imperceptibles d’un sourire.
Votre Majesté la reine, je vous quémande
Un souvenir de vous inoubliable dans ce monde
Moi qui ne suis qu’un valet dans votre palais
Et duquel un jour, je dois m’en aller.
© Boualem MIHOUB
Boualem Mihoub (1960-)
Poète originaire d'Algérie, Boualem Mihoub est professeur de français à Mostaganem. Il est aussi guitariste et compositeur. Il a publié plusieurs recueils de poésie.
Il était de ces gens de la plus humble souche
venus un jour en France incultes sans souliers
Je ne sais pas pourquoi l'on traite de manouches
ceux qui sont dénommés travailleurs étrangers.
Il était de ces gens arrachés à eux-mêmes
qui laissent derrière eux leur cœur et qui l'enterrent
et c'est ça se mourir à tous ceux que l'on aime
Il était de ces gens qui savent pas dire non mon père...
Je l'ai vu quelquefois au sortir de l'usine
dans le troupeau blessé des gens qu'on licencie
et ma main dans la sienne se faisait plus intime
c'est de choses-là que j'ai connu la vie.
Il était de ces gens qui ont vendu leur âme
j'entends de ces mendiants qu'on oblige à se taire
au nom du pain béni, des enfants et des femmes
Il était de ces gens qui pouvaient pas dire non mon père...
Je l'ai vu trop souvent ramper à quatre pattes
pour un chef de mon cul bouffi de sa puissance
je l'ai vu s'humilier et se couper en quatre
pour bien des petits cons qui sont princes de France.
Il était de ces gens qui sont de bons services
j'entends des menacés par ces grands mercenaires
qui disent que le pauvre a besoin de police
Il était de ces gens qui pouvaient pas dire non mon père...
Je l'ai vu quelquefois s'essouffler sous la lampe
à tracer quelques mots de mauvaise écriture
Ca sert à quoi savoir disait-il quand on rampe ?
Toi, quand tu seras grand, t'auras la vie moins dure.
Il était de ces gens amputés de révolte
qui laissent derrière eux la haine et qui l'enterrent
au cœur de leurs enfants meurtris de coups de botte
Il était de ces gens qui savent pas dire non mon père...
Vous allez le juger : c'était un être veule
Moi, pour vous le chanter, JE GUEULE !
© Daniel SLIMAK
Daniel Slimak (1939-1999)
Poète, auteur-compositeur, Daniel Slimak est né à Vesoul en 1939. Fils d'un émigré tchécoslovaque, il a passé la plus grande partie de sa vie en Franche-Comté. Professeur de maths et d'arts plastiques, chanteur « engagé », militant associatif et politique, il a été repéré par Raymond Queneau chez Gallimard, salué par Giono, encouragé par Mauriac, mais n'a jamais souhaité basculer dans le vedettariat. Une récente biographie Quand l'oiseau meurt, la chanson reste... écrite par Céline et Gérard Lambert est parue aux éditions Gunten.
D'autres textes sur ce blog
Sur les buissons croît la brouille
Des nuages nus. La bouche
Du parc, orties qui se mouillent,
Sent les orages, les souches.
Des soupirs, le bois se lasse.
Le ciel s’emplit de passages.
Nu-pieds, l’azur a la grâce
D’échassiers au marécage.
Comme des lèvres qui luisent,
Que la main n’a pas essuyées,
Brillent les saules, les alises,
Les pas sur la terre mouillée.
© Boris PASTERNAK
Boris Pasternak (1890-1960)
Poète et romancier russe, prix Nobel de littérature en 1958, Boris Pasternak a grandi dans un univers intellectuel fécond. Ses parents côtoient régulièrement Rainer Maria Rilke et Tolstoï, ce qui le sensibilise aux arts et aux lettres. Son recueil Ma soeur, la vie, écrit en 1917, le consacre au public russe.
Pendant la Première Guerre mondiale, il enseigne et travaille dans une usine chimique de l'Oural. Cette expérience lui donne matière pour écrire la fameuse saga Le Docteur Jivago. Ce livre ne paraîtra en Union Soviétique qu'en 1985 à la faveur de la perestroïka. Tombé en disgrâce auprès des autorités soviétiques dans les années 1930, il échappe au Goulag. Il meurt dans la misère des suites d'un cancer du poumon.
Sa biographie sur Wikipédia
Quand toutes tes nuits, Eurydice
s’endorment en moi
s’emportent en moi
le vers dans le recueil
est irremplaçable
que le recueil ne remplace
quand toutes tes nuits, Eurydice
eurent fomenté leurs troubles
la musique fut vaine
quand toute nuit perdue
en paillette de jour
forme le livre de ma séparation
le jour à travers la nuit
s’éloigne
quand toutes cellules nouvelles
toutes nuits
se meurent d’être mises à jour
quand toutes nuits
réduites à l’aboiement de l’aube
s’emportent de leur berceau
nul est le mot
que lutte sourde ne remonte
à travers les saisons
© Charles RACINE
Charles Racine (1927-1995)
Poète suisse dont l'oeuvre fut partiellement publiée de son vivant. Il fut le contemporain ou l’ami de nombreux poètes qui écrivirent l’histoire de la poésie des années 60 et 70, comme Jacques Dupin, André du Bouchet, Jean Daive ou Michel Deguy.
Sa biographie sur Wikipédia
Cette blessure
Où meurt la mer comme un chagrin de chair
Où va la vie germer dans le désert
Qui fait de sang la blancheur des berceaux
Qui se referme au marbre du tombeau
Cette blessure d'où je viens
Cette blessure
Où va ma lèvre à l'aube de l'amour
Où bat ta fièvre un peu comme un tambour
D'où part ta vigne en y pressant des doigts
D'où vient le cri le même chaque fois
Cette blessure d'où tu viens
Cette blessure
Qui se referme à l'orée de l'ennui
Comme une cicatrice de la nuit
Et qui n'en finit pas de se rouvrir
Sous des larmes qu'affirme le désir
Cette blessure
Comme un soleil sur la mélancolie
Comme un jardin qu'on n'ouvre que la nuit
Comme un parfum qui traîne à la marée
Comme un sourire sur ma destinée
Cette blessure d'où je viens
Cette blessure
Drapée de soie sous son triangle noir
Où vont des géomètres de hasard
Bâtir de rien des chagrins assistés
En y creusant parfois pour le péché
Cette blessure d'où tu viens
Cette blessure
Qu'on voudrait coudre au milieu du désir
Comme une couture sur le plaisir
Qu'on voudrait voir se fermer à jamais
Comme une porte ouverte sur la mort
Cette blessure dont je meurs
© Léo FERRE
Léo Ferré (1916-1993)
Auteur-compositeur-interprète et poète monégasque, Léo Ferré a réalisé plus d'une quarantaine d'albums originaux couvrant une période d'activité de 46 ans. Il a dirigé à plusieurs reprises des orchestres symphoniques. Il se revendiquait anarchiste et ce courant de pensée a fortement inspiré son oeuvre.
Autres textes :
L'école de la poésie
Les poètes
Sa biographie sur Wikipédia
Toi mon aube déliée des brumes
mon geste à me munir aux portes du miroir
un an déjà tu vins avec l’arme de vie
creuser mon cœur au feu pour éclater en moi
un an déjà en vain de m’échapper de moi
ta chevelure et l’urne odeur de chlorophylle
et l’aine de l’automne où se glisse ma mort
et tes mains emmêlées aux racines du cri
je t’aime au nord l’oiseau blessé de l’ailehiver
je t’aime l’eau ton nom qui coule dans mon nom
la durée de ton front aux fenêtres du jour
tes lèvres qui dispersent les rives de la nuit
un an déjà en vain de m’échapper de toi
le temps me rive au temps je sais comment te vivre
je connais la saison du bateau qui chavire
à voyager le sel des paysages clos
je t’aime au chant des algues et libre ma mémoire
à piller les soleils couchés dans l’œil du soir
je t’aime au paysage des lumières violées
je t’aime dans mon âge debout sur mon passé
toi ma main droite enfin que s’invente ma croix
mon clair de cathédrale mon rire ma musique
à découvrir ensemble le règne de l’espace
toi mon geste sonore à dénouer l’absence
toi la chaude nervure aux parois de mon cri
toi ma chute mon ventre de pareille espérance
toi ma terre fragile où creuse la lumière
dans nos corps habitables éclate ma naissance
© Jean ROYER
Jean Royer (1938-2019)
Poète et écrivain québécois, Jean Royer a été critique littéraire au quotidien Le Devoir. Il a publié une quarantaine d'ouvrages, des récits et des essais, mais aussi une vingtaine de livres de poésie.
Sa biographie sur Wikipédia
Nous vivons sourds à la terre sous nos pieds,
À dix pas personne ne discerne nos paroles.
On entend seulement le montagnard du Kremlin,
Le bourreau et l'assassin de moujiks.
Ses doigts sont gras comme des vers,
Des mots de plomb tombent de ses lèvres.
Sa moustache de cafard nargue,
Et la peau de ses bottes luit.
Autour, une cohue de chefs aux cous de poulet,
Les sous-hommes zélés dont il joue.
Ils hennissent, miaulent, gémissent,
Lui seul tempête et désigne.
Comme des fers à cheval, il forge ses décrets,
Qu'il jette à la tête, à l'œil, à l'aine.
Chaque mise à mort est une fête,
Et vaste est l'appétit de l'Ossète.
Ossip Mandelstam (1891-1938)
Poète et essayiste russe, Ossip Mandelstam écrit cet épigramme contre Staline à l'automne 1933, ce qui lui vaut son arrestation en mai 1934 pour activités contre-révolutionnaires. Il échappe à la déportation qui est commuée en exil. Il choisit Voronej située à 600 km de la capitale où il vit misérablement avec son épouse. Ils tentent de s'installer à Moscou mais le permis de séjour leur est refusé. De nouveau arrêté en 1938, il est condamné aux travaux forcés. Après avoir subi les pires humiliations, il finit par mourir de faim, de froid et du typhus et son corps est jeté à la fosse commune. Ce poète ne sera pleinement connu et reconnu internationalement que dans les années 1970 et réhabilité en 1987 sous le gouvernement de Gorbatchev.
Sa biographie sur Wikipédia
C’est la pluie, comme un frais pardon,
Sur la route qui poudroie au soleil,
Et parmi les jardins de ce printemps vermeil,
C’est le tintement clair des gouttes qui font
Des ronds dans l’eau glauque des citernes.
Sur les collines les nuages roses cernent
Amoureusement le léger horizon
Comme des lèvres humides d’anges.
Et le passant chante sur la route,
Car cette pluie ne laissera pas de fange
Au carrefour où hésite son doute,
Et le laboureur pousse la charrue,
Le dos rond sous la chaude averse
Qui fait gonfler les mottes drues,
Et le malade auprès de la fenêtre,
Que le bruit de l’eau dans les arbres berce,
Sent l’âme en sa chair renaître.
C’est la bonne pluie bénie de Dieu
Qui rafraîchit la nuque du vagabond ;
C’est la bonne pluie du paradis des cieux
Qui féconde l’œuvre du tâcheron ;
C’est la bonne pluie qui fait rire les yeux
De ceux qui savent qu’ils mourront.
Et voici le signe de l’arc-en-ciel
Sur les maisons jaunes du village,
D’où les enfants, avec des corbeilles,
Sortent ensemencer, graves et sages,
Les jardinets où butineront les abeilles.
Et sous le signe de l’arc-en-ciel,
Chantant les floraisons proches,
Sonnent au crépuscule les cloches.
Stuart Merrill (1863-1915)
Poète américain d'expression française, Stuart Merrill se fixe définitivement en France en 1890. Il fut l'un des théoriciens du symbolisme. Il s'est intéressé au caractère purement musical de la poésie et a été également traducteur de plusieurs poètes et écrivains français.
Sa biographie sur Wikipédia
Il y avait un ciel
il y eut un nuage
Il y avait la boue
il y eut une plage
Il y avait une eau
il y eut un poisson
Il y avait un arbre
il y eut un oiseau
Il y avait la nuit
il y eut une femme
Il y avait le jour
et il y eut un homme
Il y avait l'amour
il y eut un silence
Mais il y eut un cri
et c'était un enfant
Et ce fut un poète
puisqu'il y eut un chant
© Bernard LORRAINE
Bernard Lorraine (1933-2002)
Artiste, comédien, conférencier et chansonnier, Bernard Lorraine a vécu douze ans en Amérique Latine en tant que professeur à l'Alliance française. Il revint en Lorraine, région dont il prit le pseudonyme. Il a publié vingt-huit recueis de poésies, dix anthologies et des essais où s'expriment révolte et indignation, tout en y mêlant force et humour. Sa poésie, qui reste classique et libre, est toujours solidement rythmée et rimée. Elle s'exprime dans une langue drue, puissante, mais dont la tendresse n'est pas absente. Quelques-uns de ses poèmes ont été mis en chanson.
Sa biographie sur Wikipédia
Miracle d’être en vie
Et d’avoir saigné
D’être un homme sans parents
Pourvu de mots pour le dire
Miracle d’avoir des mains de chair
Et que tout continue
Au niveau du drap rêche et du cheveu perdu :
Mes remords plantés en moi
Comme les feux d’un navire
Et mes muscles qui conspirent
Dans les puits rouges de ma voix
Douceur d’apprendre que ma mort
N’est qu’on oiseau perché sur mes éclats de rire
Qu’elle me doit son grain
Qu’elle est encore ma vie.
© Jean ROUSSELOT
Jean Rousselot (1913-2004)
Poète et écrivain, Jean Rousselot est orphelin, issu d'une famille ouvrière et doit très tôt gagner sa vie. Il étudie le droit et le latin et devient rédacteur à la mairie de Poitiers puis il réussit le concours pour être commissaire de police et poursuit sa carrière à Orléans où il entreprend des actions de résistance : poèmes, tracts, faux papiers. Il quitte la Sûreté nationale et décide de vivre de sa plume en 1943. Il a publié trente plaquettes ou volumes de poèmes. Il donne également une vingtaine de pièces pour la radio, comme il traduit ou adapte de nombreux poètes. Auteur de onze romans, de contes et nouvelles et de recueils de poésie, il a été président de la Société des gens de lettres et a participé à la refondation de l'Académie Mallarmé.
Sa biographie sur Wikipédia
Grand-mère Tida avait une tombe
Grand-mère Tida avait une maison
elle préférait la tombe à la maison
elle nourrissait la tombe de fleurs-soleils
elle s’arrangeait pour que la maison marche vers la tombe
la tombe était alors un jardin de lumières
Grand-mère Tida avait un cercueil
Grand-mère Tida avait un lit
elle préférait le cercueil au lit
elle parfumait tous les soirs le cercueil d’encens
elle s’arrangeait pour que le lit soit au-dessous du cercueil
le cercueil pouvait alors parler aux étoiles
Grand-mère Tida avait une robe blanche
Grand-mère Tida aimait sa robe blanche
c’était une robe de noces à volants
Grand-mère Tida ne l’avait jamais portée cette robe
Grand-mère Tida attendait seule la mort
elle chantait en lorgnant des yeux sa robe :
quand la paix règnera au ciel
nous y serons
© Rodney SAINT-ELOI
Rodney Saint-Eloi (1963-)
Poète, écrivain, essayiste, académicien et éditeur, Rodney Saint-Eloi réside depuis 2001 à Montréal. Auteur d'une dizaine de livres de poésie, il diirige également plusieurs anthologies. Son œuvre, traduite en anglais, espagnol, japonais, à l’écoute du monde, est une longue traversée des villes et des visages. Voyageur, conférencier, passeur de textes, de formes et de mémoires, il fonde à Montréal en 2003 les éditions Mémoire d’encrier, devenues très vite la référence en diversité et littérature-monde.
Sa biographie sur Wikipédia
Je ne veux qu'une seule leçon, c'est la tienne,
fontaine, qui en toi-même retombes, -
celle des eaux risquées auxquelles incombe
ce céleste retour vers la vie terrienne.
Autant que ton multiple murmure
rien ne saurait me servir d'exemple ;
toi, ô colonne légère du temple
qui se détruit par sa propre nature.
Dans ta chute, combien se module
chaque jet d'eau qui termine sa danse.
Que je me sens l'élève, l'émule
de ton innombrable nuance !
Mais ce qui plus que ton chant vers toi me décide
c'est cet instant d'un silence en délire
lorsqu'à la nuit, à travers ton élan liquide
passe ton propre retour qu'un souffle retire.
Rainer Maria Rilke (1875-1926)
Poète lyrique voire mystique, qui a beaucoup versifié vers la fin de sa vie, Rainer Maria Rilke a mené une vie de voyages entrecoupés de longs séjours à Paris où il sera le secrétaire d'Auguste Rodin. C'est en 1910 qu'il rencontre la princesse Marie von Thurn und Taxis dans son château de Duino et qu'il rédige les célèbres Elégies de Duino, considérées comme l'un de ses plus beaux chefs-d'oeuvre. A l'issue de la Guerre de 14-18, il part s'installer dans le Valais en Suisse. il écrit plusieurs recueils de poésie en français. Il retrouve Baladine Klossovska, artiste peintre, dont il devient l'amant. En 1926, il se pique avec les épines d'une rose qu'il vient de couper et meurt quelques temps après d'une leucémie au sanatorium de Valmont, refusant les soins thérapeutiques.
Sa biographie sur Wikipédia
Un oiseau chantonne
Un air de Mozart
Que le vent d'automne
Emporte au hasard.
Bernard et Nicole,
La main dans la main
Ont pris de l'école
Le joli chemin.
On voit sous les pommes
Crouler les pommiers.
Les crayons, les gommes
Sortent des plumiers.
Le ciel est morose
Il verse des pleurs...
Mais Rosa la rose
Est toujours en fleurs.
© Jean-Luc MOREAU
Jean-Luc Moreau (1937-)
Ecrivain poète, universitaire et traducteur français, Jean-Luc Moreau a fait une partie de ses études en Pologne et a été stagiaire à Moscou. Il est un éminent linguiste : hongrois, polonais, russe... Il est l'auteur de récits, essais et nombreux livres pour la jeunesse et a reçu de nombreux prix de poésie.
Sa biographie sur Wikipédia
Un jour, quand je serai
poussière,
il ne faudra pas
me crier après
si je glisse un peu
sous votre paupière.
Je m’envolerai
du mieux que je peux,
demandant au vent de me disperser.
Mes mots sont en vrac dans un des tiroirs,
piochez-les gaiement
à pleines poignées,
puis emmenez-les
le long du trottoir
pour la délicieuse balade du soir.
Et laissez-les faire
s’ils se roulent par terre
en flots de poussière.
C’est bien leur manière…
Pourvu qu’ils se fassent de nouveaux amis,
je serai fier d’eux, mes charmants
mots de compagnie.
© Dominique SORRENTE
Dominique Sorrente (1953-)
Ecrivain et poète français, Dominique Sorrente a passé son enfance entre Provence, Morvan et côte vendéenne. Ses premiers poèmes ont été publliés en 1975. Depuis 1999, il anime au vallon des Auffes à Marseille le groupe Scriptorium. Il a été couronné de plusieurs prix littéraires : Prix Luc Bérimont, Antonin Artaud, Louis Guillaume.
Sa biographie sur Wikipédia
Femme du tréfonds des univers
femme coulée d’argile et d’or
femme cadeau de l’enfer
femme trophée de guerre
femme souveraine des hommes
femme entrailles d’abondance
au visage de ma mère
au visage de ma soeur
au visage de l’inconnue
le verdict entaché de larmes éternelles
lavant draps oreillers et matelas
de la matrice à la tombe
dis-moi pourquoi tes tripes logent
l’amertume le pardon le remords
l’acceptation la révolte la colère
sous les côtes de l’autre
le mâle endimanché
de son glaive de son poing
de son fusil de son discours
gouffre qui te fascine
en un souffle rauque
sous la dureté du ventre
douce femelle sans saison
ta renaissance viendra de l’obscurité
en éclats de lumière inespérée
car tes os poussiéreux
sont pureté de diamant
l’éternité sous des décombres.
© Savannah SAVARY
Savannah Savary (1965-)
Economiste de formation, créatrice de bijoux exceptionnels et d'accessoires, originaire de Haïti, Savannah Savary s'est consacrée ces dernières années à la poésie. Elle collabore au journal Le Nouvelliste avec des articles abordant avec beaucoup de subtilité tout un éventail de sujets en rapport avec l'art, l'histoire, la sociologie, l'environnement... Elle a publié un roman historique, Miel et rapadou, en mai 2017.
Entre ce que je vois et dis,
Entre ce que je dis et tais,
Entre ce que je tais et rêve,
Entre ce que je rêve et oublie
La poésie.
Se glisse entre le oui et le non :
elle dit
ce que je tais,
elle rêve
ce que j'oublie.
Ce n'est pas un dire :
c'est un faire.
C'est un faire
qui est un dire.
La poésie se dit et s'entend :
elle est réelle.
Et à peine je dis
elle est réelle
qu'elle se dissipe.
Plus réelle ainsi ?
Idée palpable,
mot
impalpable :
la poésie
va et vient
entre ce qui est
et ce qui n'est pas.
Elle tisse des reflets
et les détisse.
La poésie
sème des yeux sur les pages.
Les yeux parlent
les mots regardent
les regards pensent.
Entendre
les pensées
voir ce que nous disons
toucher
le corps
de l'idée.
Les yeux
se ferment
Les mots s'ouvrent.
© Octavio PAZ
Octavio Paz (1914-1998)
Poète, essayiste et diplomate mexicain, lauréat du prix Nobel de littérature en 1990, Octavio Paz est surtout connu par ses poèmes et ses essais d'inspirations très diverses puis par son engagement anti-fasciste. Il est considéré comme l’un des plus grands poètes de la culture latino-américaine. Son œuvre est considérable.
Sa biographie sur Wikipédia
Je cherche une goutte de pluie
Qui vient de tomber dans la mer.
Dans sa rapide verticale
Elle luisait plus que les autres
Car seule entre les autres gouttes
Elle eut la force de comprendre
Que, très douce dans l’eau salée,
Elle allait se perdre à jamais.
Alors je cherche dans la mer
Et sur les vagues, alertées,
Je cherche pour faire plaisir
À ce fragile souvenir
Dont je suis seul dépositaire.
Mais j’ai beau faire, il est des choses
Où Dieu même ne peut plus rien
Malgré sa bonne volonté
Et l’assistance sans paroles
Du ciel, des vagues et de l’air.
© Jules SUPERVIELLE
Jules Supervielle (1884-1960)
Poète, conteur et auteur dramatique franco-uruguyen, Jules Supervielle est né à Montevideo. Il perd ses parents à l'âge de huit mois. Élevé par son oncle banquier et sa tante, il fait ses études à Paris et, sans perdre contact avec l'Uruguay, fréquente les milieux littéraires de l'avant-garde parisienne à partir des premières années du xxe siècle.
Voir aussi :
Un poète, une vie
Sa biographie sur Wikipédia
Dans le lazaret de ma ville
Je sculpte un rêve féodal
L'automne est un prince tzigane
Si délicat de la poitrine
Qu'un baiser d'amour lui fait mal.
Je veux aller dans la forêt
Ramasser mon fagot d'amour
Ramasser les bruyères mortes
Et les mousses des alentours
Pour le feu des nuits qui grelottent.
Un saxo sonne dans le soir
Et les copains des carrefours
Soulignent les mots les plus lourds
Sur les cahiers de ma mémoire
Pour tout oublier c'est trop tard.
Ma peine est un cri capital
Je la connais comme une bête
Que j'aurais cognée aux étoiles
Comme un matou sale et suspect
Qui se pourlèche sous un poêle.
Dans le lazaret de ma ville
Saoul du plain-silence civil
Je dénoue les Ainsi soit-il.
© Charles LE QUINTREC
Charles Le Quintrec (1926-2008)
Ecrivain et poète français, Charles Le Quintrec a reçu de nombreuses distinctions et prix littéraires tout au long d'une vie dense et riche, nourrie au sein d'une enfance bretonne puis de rencontres avec des écrivains tels que Hervé Bazin, Robert Sabatier, Bernard Clavel, Armand Lanoux... Charles Le Quintrec a fait de sa « poésie un château d’amour » et ses écrits mélangent avec bonheur poésie, voyages, histoire, Bretagne et spiritualité. Il considérait ses œuvres comme des « pages de sa foi et de sa ferveur ».
Sa biographie sur Wikipédia
Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour…
Quand je serai pour moi-même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l’esprit, O centre du mirage
Très haut amour.
Catherine Pozzi (1882-1934)
Poétesse et femme de lettres, Catherine Pozzi a grandi dans la bourgeoisie du Tout-Paris. Son couple battant de l'aile, elle se tourne alors vers la philosophie, les religions, les mathémathiques et les sciences. Divorcée, elle rencontre son « très haut Amour », Paul Valéry. Au terme de huit années d’une liaison tumultueuse, mais douloureuse et dévastatrice pour tous deux, elle rompt avec Paul Valéry : cette rupture l'éloignera du Tout-Paris. Rongée par la tuberculose, gavée de morphine et de laudanum, elle meurt en 1934. Catherine Pozzi est connue surtout pour six poèmes, publiés en 1935, après sa mort, dans la revue Mesures.
Sa biographie sur Wikipédia
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meut pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
© Primo LEVI
Primo Levi (1919-1987)
Ecrivain italien et docteur en chimie, Primo Levi est rendu célèbre par son livre « Si c'est un homme » dans lequel il relate son emprisonnement en 1944 dans le camp de concentration d'Auschwitz. Juif italien de naissance, chimiste de profession et de vocation, il entre tardivement dans une carrière d'écrivain orientée par l'analyse scientifique de cette expérience de survivant de la Shoah, dans le but de montrer, retranscrire, transmettre, expliciter. Il est l'auteur d'histoires courtes, de poèmes et de romans.
Sa biographie sur Wikipédia
Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère
Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal
La lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe
Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert
Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.
© Paul ELUARD
Paul Eluard (1895-1952)
Nom de plume d'Eugène Grindel, Paul Eluard est un poète français. Il adhère au dadaïsme et devient l'un des piliers du surréalisme. Obligé d'interrompre ses études à cause de la tuberculose, il séjourne en sanatorium où il rencontre une jeune russe qu'il prénomme Gala. Impressionné par sa forte personnalité, c'est d'elle qu'il tient son premier élan de poésie amoureuse. Il l'épouse début 1917. Malgré sa santé défaillante, il est mobilisé en 1914, puis publie ses premiers poèmes. Au lendemain de la Grande Guerre, il adhère au mouvement Dada puis s'engage dans celui du surréalisme. En 1928, il repart en sanatorium accompagné de Gala. C'est là qu'elle le quitte pour Salvador Dali. Autour d'un voyage autour du monde, il rencontre Maria Benz (Nusch) qui devient sa muse et lui inspirera ses plus beaux poèmes d'amour. Plongé dans le désespoir après le décès de Nusch en 1946, il rencontre Dominique qui devient sa dernière compagne et pour laquelle il écrit le recueil "le Phénix" consacré à la joie retrouvée. Il succombe à une crise cardiaque le 18 novembre 1952 et sera inhumé au Père Lachaise.
Autres textes
L'aube, je t'aime
La nuit n'est jamais complète
Liberté
Saisons
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur
Sa biographie sur Wikipédia
L’immensité déambule
d’un bout à l’autre de ses mondes
jusqu’au fin fond de nos jeux d’ombres.
Quand l’ancre mouille
et que les maillons s’entrechoquent comme des os
dans le grand donjon de noir et d’eau,
quand la peur des remous nous engloutit,
je sais.
L’immensité déambule
d’un bout à l’autre de ses mondes
jusqu’au fin fond de nos jeux d’ombres.
Nous habitons le cimetière avide
du capital et de l’hypnose,
et l’immensité danse et déambule
d’un bout à l’autre de ses mondes
jusqu’au fin fond de nos jeux d’ombres.
Chacun son espace cube de solitude,
chacun sa tête en hypothèque,
chacun ses yeux bombés de cris tus,
chacun sa confusion humide sous le bâillon,
chacun son illusion féroce et tenace.
Et l’immensité,
comme un velours,
ne cesse de jouer,
dans nos guenilles et nos atours,
aux billes, aux bulles,
aux boules et aux étoiles,
d’un bout à l’autre de ses toiles.
© Jacques RENAUD
Jacques Renaud (1943-)
Ecrivain québécois, Jacques Renaud est l'auteur d'une oeuvre classique "Le Cassé". Son premier livre, un recueil de poésie intitulé Électrodes, a été publié en 1962. Il a été également journaliste pigiste à Radio-Canada. Il publie sur Internet sous les pseudonymes de Loup Kibiloki ou Lucas Sinclair.
Sa biographie sur Wikipédia
© Bernard DIMEY
Bernard Dimey (1931-1981)
Poète, auteur de chansons et dialoguiste français, il s'installe à Paris à 25 ans sur la Butte Montmartre qu'il ne quittera plus. Cet amoureux de Montmartre où bien des endroits portent encore son nom était connu comme auteur de chansons à succès : « Syracuse », « Mémère », « Mon truc en plume », etc. qui ont été interprétées par des géants de la chanson française.
Autres textes :
Quarante ans
Le quartier des Halles
Site de l'association B. Dimey :
festival-bernard-dimey
Site d'un passionné de Dimey :
parolesdedimey.free.fr
Si je pouvais laisser
serait-ce un seul poème
aux hommes derrière moi,
une voix qui murmure
la douce mélopée
de tendresse et de paix,
la suave harmonie
comme un parfum d'automne,
odeurs d'herbe mouillée,
de feuilles frissonnantes
en fuite des beaux jours
vers d'autres horizons ?
Chuchotis indistinct
mêlé au vent frileux
dont les premiers soupirs
gonflent jupes des filles,
décoiffant leurs cheveux
sous le clair soleil froid.
Que poussières de mots
et ces bribes de phrases
jetées ici en vrac
par cette nuit glaciale
dans l'hiver de ma couche
trop vaste et solitaire
fondent en mon sommeil
en un bel assemblage
de couleurs chatoyantes.
Que mon âme dès lors
s'estompe et se dissolve,
dans l'odeur d'un sous-bois
dont le tapis roussi
annonce la torpeur
et l'engourdissement
prélude au long hiver.
Je revivrai alors
dans le chant des oiseaux,
au retour du printemps...
Ce poème, peut-être,
se répandra au vent...
© Claude MERCUTIO
Claude Mercutio (1935-)
A la fois comédien, metteur en scène, poète, auteur et adaptateur, Claude Mercutio ( de son vrai nom Claude Sylvain Bernard Sarfati) a publié plusieurs recueils.
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Il fait beau sur les chemins
Et les filles ont des ailes
Pour sauver jusqu’à demain
Ce qu’on ose attendre d’elles
Prenant lundi pour mardi
Comme un oiseau les éveille
La plus gentille s’est dit
Qu’il lui tardait d’être vieille
Nul amour n’aura chanté
Sans mourir de son murmure
Qu’on n’est plus d’avoir été
Le frisson de ce qui dure
Tout ce qu’on laisse en chemin
Se souvient avec ses ailes
Qu’à l’amour sans lendemain
Le cours de l’onde est fidèle
© Joë BOUSQUET
Joë Bousquet (1897-1950)
Poète et écrivain, Joë Bousquet a été grièvement blessé lors du combat de Vailly en 1918. Atteint à la colonne vertébrale par une balle allemande, il est paralysé à hauteur des pectoraux et perd l'usage de ses membres inférieurs. Il demeurera alité le reste de sa vie à Carcassonne, dans une chambre dont les volets seront fermés en permanence. Il fonde en 1928 la revue "Chantiers" et correspond avec de nombreux écrivains comme Paul Eluard, Max Ernst et également Simone Weil.
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Cette fleur que ses mains, que sa lèvre a touchée.
Et qu’elle a faite sienne entre toutes les fleurs,
Aujourd’hui sans parfum, sans forme et sans couleurs,
en un livre d’amour repose desséchée.
Elle même l’ignore, elle n’a jamais su
en l’oubliant, distraite, après l’avoir cueillie,
que je conserverais la chère fleur vieillie,
et c’est un souvenir que je n’ai point reçu.
Je me suis caché d’elle, et je crains le mystère
entre nous d’un reproche ou même d’un pardon
en laissant près de moi la fleur à l’abandon,
peut-être sa pitié fut-elle involontaire.
Je ne sais rien de plus, mais je songe parfois
qu’aux soirs de solitude, en ses rêves de femme,
un peu de moi peut-être, a fleuri dans son âme
comme cette fleur vaine a passé dans ses doigts.
André Rivoire (1872-1930)
Poète et auteur dramatique français, André Rivoire s'est tourné très tôt vers la poésie et publie sous le pseudonyme d’André Suzel. Auteur de dix-huit pièces de théâtre, il a également publié plusieurs recueils de poésie.
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Vous êtes jeune et beau, nous devenons vieillards.
On compte en petits sous, vous comptez en milliards.
La flamme de l’espoir, chez nous, elle vacille,
Vous, par votre fonction, vous pensez qu’elle brille !
Les ailes du pouvoir vous ont fait envoler,
Vers des cieux bien lointains à ne plus avoir pied ;
Eloigné du réel et du tout quotidien,
Souvenez-vous, qu’en bas, habitent des humains.
Pourquoi punissez-vous notre caste vieillesse ?
Pourtant elle a trimé toute sa vie durant !
Elle a sacrifié sa si belle jeunesse,
Cela fut bien trop tôt, dès l’âge de quinze ans ;
Des huit heures par jour, et six jours par semaine,
Sans congés, ou si peu, nous passâmes ce temps,
A bâtir notre toit à s’en péter nos veines,
Pour être à l’abri aux vieux jours arrivant.
Non ! On n’a rien volé !… Si ce n’est de nos ailes !
On avait des principes, on faisait son devoir,
On ne quémandait pas aux belles demoiselles
"Ces caisses de l’état, ces faciles abreuvoirs."
Avec nos seules mains, et beaucoup de fierté
On travaillait très dur du matin jusqu’au soir ;
Oui ! C’était notre honneur, notre esprit du clocher,
Animé par un mot qui s’appelait "Espoir" :
L’espoir pour nos vieux jours avant l’éternité,
De voir un coin de bleu, avant le grand trou noir.
Monsieur le Président, toute notre jeunesse
On paya la vignette pour aider nos aïeux,
Elle servait, déjà !… A renflouer des caisses,
Cet argent disparu à "La barbe" des vieux !...
Solidarité ! Généreuse rengaine,
Que vous chantez à ceux qui travaillent, et peinent,
Et "Piquez notre argent" pour tous les endormis,
Qui eux ! N’hésitent pas à rester dans leur lit ;
Nous, nous avons vécu sans aide !… Mais promesses !!
En vrai chef de famille assumant son foyer,
Quand vous nous ponctionnez pour "La pauvre jeunesse"
Sur nos retraites acquises en toute honnêteté,
On s’insurge, Monsieur ! Plutôt, on se révolte !
Devant votre justice vraiment imméritée,
Car votre doigt pointé sur le lieu de récolte,
A désigné les vieux comme gens argentés.
Est-ce que vous savez ce qu’est une famille ?
Vous qui n’avez pas, et n’aurez pas d’enfant.
Nous, nous aspirions qu’à un moment tranquille,
Gagné par le travail, la sueur et le sang.
C’est drôle ! Hilarant ! C’est même pitoyable,
Quand un énarque dit : « C’est pour l’égalité »
Mais octroie des pensions de façon lamentable,
Aux vieux venus d’ailleurs, qui n’ont pas travaillé.
Elle est belle Monsieur ! La généreuse France,
Dans ses excès de zèle et de Fraternité !
Écoutant vos Ministres, on a froid dans le dos,
Ils clament que les vieux ont fait leur temps sur terre ;
De Gaulle avait dit : « Les Français sont des veaux »
Ouvrez des abattoirs pour tous les volontaires,
Mais je vous le parie, ce sera un fiasco.
Et pas de bousculades au "Marin cimetière".
Nous préférerons nous rappeler d’un mot
Fuir et embarquer pour l’Ionienne Cythère"
Vos soumis maroquins, jurent et promettent,
Qu’il n’y aura jamais plus, de taxes, et d’impôts.
Mais le lendemain ils se trouvent très bêtes
A l’annonce subtile, d’augmentations de taux.
Vous devriez conseiller à tous vos bons Ministres,
De parler de cela, que les premiers Avril,
Leurs propos qui sont, des plus anthraconistres,
Feraient de bonnes blagues en ce jour puéril.
Vous rejetez les vieux, vous n’aimez pas la pierre,
Car votre patrimoine, vide d’immobilier,
Laissait bien présager de façon manœuvrière,
Que tout l’intransportable, vous le surtaxeriez ;
Même si pour donner "En même temps" le change
Oui ! Vous faites un cadeau ! "Mais qu’offrent les cités…"
Il faut dans nos vieux jours bien plus que du courage,
Pour avoir sa maison, et vivre en son foyer.
L’action et la startup ont votre préférence,
C’est l’immatériel, l’invisible parfait,
Si cela est pour vous l’avenir de la France,
Il n’est pas pour autant le bonheur des Français.
Vous vous trompez, Monsieur, car vous brisez des rêves,
Les esprits bâtisseurs, déjà désenchantés,
Ont rangé les outils et mis la pierre en grève,
Et votre économie en est désaffectée.
Taxer ! Taxer ! Taxer ! Ce n’est pas du courage.
C’est même son contraire, et la facilité,
Nous sommes, il est vrai, de dociles otages,
Partir serait pour nous, trop de complexité !
Il vous faut de l’argent ?... Montrez votre puissance !
A tout politicien aux rentes cumulées,
Payez-en une seule ; Ce pas vers la décence,
Serait déjà un signe de bonne volonté.
Avec tout le respect pour votre Présidence,
- Acquise sans ma voix - Aux prochaines élections,
Je rêve que les vieux de notre "Pauvre France"
Oublient votre parti, et oublient votre nom.
Monsieur le Président, je vous prie d’agréer
Mes salutations prétendues distinguées.
Comme "auteur" de ceci je ne vais pas signer
Car nous sommes nombreux à nous dentifier.
© Yvan BUONOMO
Yvan Buonomo (1946-)
Ancien joueur international de rugby (Béziers), Yvan Buonomo est un humaniste épicurien, grand amateur d’alexandrins et de taille de pierres, qui s’adonne depuis peu à la prose ("A la recherche du rugby perdu", aux Editions de la Mouette).
Sa biographie sur Wikipédia
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,
Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j'entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l'audacieux et farouche navire ;
Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Oh ! les gouttes rouges qui lentement tombent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! lève-toi et entends les cloches !
Lève-toi – c'est pour toi le drapeau hissé – pour toi le clairon vibrant,
Pour toi bouquets et couronnes enrubannés – pour toi les rives noires de monde,
Toi qu'appelle leur masse mouvante aux faces ardentes tournées vers toi ;
Tiens, Capitaine ! père chéri !
Je passe mon bras sous ta tête !
C'est quelque rêve que sur le pont,
Tu es étendu mort et glacé.
Mon Capitaine ne répond pas, pâles et immobiles sont ses lèvres,
Mon père ne sent pas mon bras, il n'a ni pulsation ni vouloir,
Le bateau sain et sauf est à l'ancre, sa traversée conclue et finie,
De l'effrayant voyage le bateau rentre vainqueur, but gagné ;
Ô rives, Exultez, et sonnez, ô cloches !
Mais moi d'un pas accablé,
Je foule le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.
Walt Whitman (1819-1892)
Poète et écrivain américain. Son chef-d'oeuvre est sans conteste « Feuilles d'herbe » (Leaves of grass).
Sa biographie sur Wikipédia
Noiseuse notoire, Nezha au regard noir,
traverse la salle en babillant, sa voix
recouvre le bruit des seaux en caoutchouc
qui s’entrechoquent, le bris de l’eau et les
cris des petites aux peaux neuves
qui gigotent dans les bassines
Ici, on n’entend aucun téléphone sonner
Ici, il n’y a pas de réseau car on est au
hammam
Des mémés claudiquant comme des crabes
traînant leurs corps ankylosés par les ans
succèdent à des Vénus rasées à blanc
aux fesses immenses écrasées sur le sol
Une madone au dos exsangue
dans la bleue lumière d’une vitre teinte
me guigne lorsque, molle,
allongée sur le ventre je regarde
une femme enceinte
elle qui ne peut pas faire comme moi
semble pourtant triomphante
de son enfant prochain j’imagine que
ce doit être
un mâle
Je tends la main et touche ma toison
Combien de femmes ont-elles
avant moi rêvé sur ce marbre
écru et chaud de sucer
ici-même un sexe aimé d’ouvrir
le leur à deux mains et dire
eat me I’m halal
leurs peaux mortes qui voyagent
vers le caniveau et s’y confondent
ont-elles reçu tous ces baisers
dont je me vante tant ont-elles
été aimées comme mes lambeaux et tous mes recoins
jusqu’à ce que le cœur batte dans le sexe
jusqu’à ce que le sexe devienne le centre de tout
écrin de l’âme si cela veut dire quelque chose à quelqu’un
La dame qui m’exfolie les fesses avec un gant de crin
m’explique lasse qu’elle ne rêve qu’à raccrocher ce dernier
me parle de cette femme violée par son mari policier
et son meilleur copain
me dit son bonheur de ne pas être à sa place
me dit son bonheur d’être dite vieille fille.
Ses yeux brillent avec lenteur et sa chair.
© Rim BATTAL
Rim Battal (1987-)
Artiste et poète, formée au journalisme et à la photographie à L'institut supérieur de l'information et de la communication, Rim Battal propose un nouveau modèle de femme, d’amour et de corps politique à travers les mots, la performance et les arts visuels.
Née à Casablanca en 1987, elle vit et travaille à Paris depuis 2013. Elle a pubié plusieurs recueils dont « Latex » dont est issu ce poème.
Son site Internet
Sa biographie sur Wikipédia
Trois petites notes de musique
Ont plié boutique
Au creux du souvenir
C'en est fini de leur tapage
Elles tournent la page
Et vont s'endormir
Mais un jour sans crier gare
Elles vous reviennent en mémoire
Toi, tu voulais oublier
Un p'tit air galvaudé
Dans les rues de l'été
Toi, tu n'oublieras jamais
Une rue, un été
Une fille qui fredonnait
La, la, la, la, je vous aime
Chantait la rengaine
La, la, mon amour
Des paroles sans rien de sublime
Pourvu que la rime
Amène toujours
Une romance de vacances
Qui lancinante vous relance
Vrai, elle était si jolie
Si fraîche épanouie
Et tu ne l'as pas cueillie
Vrai, pour son premier frisson
Elle t'offrait une chanson
A prendre à l'unisson
La, la, la, la, tout rêve
Rime avec s'achève
Le tien n'rime à rien
Fini avant qu'il commence
Le temps d'une danse
L'espace d'un refrain
Trois petites notes de musique
Qui vous font la nique
Du fond des souvenirs
Lèvent un cruel rideau de scène
Sur mille et une peines
Qui n'veulent pas mourir
© Henri COLPI
Henri Colpi (1921-2006)
Monteur, scénariste et réalisateur français, il est également le parolier de cette chanson (1961) qui a été interprétée, entre autres, par Yves Montand.
Sa biographie sur Wikipédia
On s’en vient seul et l’on s’en va de même.
On s’endort seul dans un lit partagé.
On mange seul le pain de ses poèmes.
Seul avec soi on se trouve étranger.
Seul à rêver que gravite l’espace,
Seul à sentir son moi de chair, de sang,
Seul à vouloir garder l’instant qui passe,
Seul à passer sans se vouloir passant.
© Liliane WOUTERS
Liliane Wouters (1930-2016)
Poétesse belge, auteur dramatique, traductrice, anthologiste et essayiste, Liliane Wouters a été institutrice de 1949 à 1980. C'est après avoir fait la connaissance d'Albert-André Lheureux et de son Théâtre de l'Esprit Frappeur que Liliane Wouters occupera une place méritée au théâtre. Elle a obtenu plusieurs distinctions dont le Prix Apollinaire en 2015.
Sa biographie sur Wikipédia
Saisir l’instant tel une fleur
Qu’on insère entre deux feuillets
Et rien n’existe avant après
Dans la suite infinie des heures.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant. S’y réfugier.
Et s’en repaître. En rêver.
À cette épave s’accrocher.
Le mettre à l’éternel présent.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant. Construire un monde.
Se répéter que lui seul compte
Et que le reste est complément.
S’en nourrir inlassablement.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant tel un bouquet
Et de sa fraîcheur s’imprégner.
Et de ses couleurs se gaver.
Ah ! combien riche alors j’étais !
Saisir l’instant.
Saisir l’instant à peine né
Et le bercer comme un enfant.
A quel moment ai-je cessé ?
Pourquoi ne puis-je… ?
Esther Granek (1879-1941)
Poétesse franco-belge qui a survécu à l'Holocauste.
Autres textes :
Complainte pour une Dame-pipi
Abri
Quoi donc ?
Offrande
Ephémérides
La fenêtre
Vacances
Site officiel : http://esthergranek.webs.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Les pieds sur les chenets de fer
Devant un bock, ma bonne pipe,
Selon notre amical principe
Rêvons à deux, ce soir d’hiver.
Puisque le ciel me prend en grippe
(N’ai-je pourtant assez souffert ?)
les pieds sur les chenets, ma pipe.
Preste, la mort que j’anticipe
Va me tirer de cet enfer
Pour celui du vieux Lucifer ;
Soit ! nous fumerons chez ce type,
Les pieds sur des chenets de fer.
Emile Nelligan (1879-1941)
Émile Nelligan est considéré comme l’un des plus grands poètes québécois. Poète au destin tragique et fulgurant, il puise chez les parnassiens leur forme et chez les symbolistes leur musicalité et leur imagerie évocatrice. La fragilité des plaisirs se lie à une mélancolie tourmentée et à une sensibilité extrême au monde. La recherche de l’idéal perdu des romantiques est présente, mais dépassée par son tissage de son et d’image.
Souffrant de schizophrénie, Nelligan est interné dans un asile psychiatrique peu avant l'âge de vingt ans et y reste jusqu'à sa mort.
Autres textes :
Devant deux portraits de ma mère
Soir d'hiver
Le salon
Le vaisseau d'or
La romance du vin
Article source :
lesvoixdelapoesie.com
Sa vie, son oeuvre sur Wikipédia
J'ai longtemps voyagé, courant toujours fortune
Sur une mer de pleurs, à l'abandon des flots
De mille ardents soupirs et de mille sanglots,
Demeurant quinze mois sans voir soleil ni lune.
Je réclamais en vain la faveur de Neptune
Et des astres jumeaux, sourds à tous mes propos,
Car les vents dépités, combattant sans repos,
Avaient juré ma mort sans espérance aucune.
Mon désir trop ardent, que jeunesse abusait,
Sans voile et sans timon la barque conduisait,
Qui vaguait incertaine au vouloir de l'orage.
Mais durant ce danger un écueil je trouvai,
Qui brisa ma nacelle, et moi je me sauvai,
À force de nager évitant le naufrage.
Philippe Desportes (1546-1606)
Poète baroque français, surnommé le « Tibulle français » pour la douceur et la facilité de ses vers, il fut abbé de Tiron, lecteur de la chambre du Roi et conseiller d'Etat.
Sa biographie sur Wikipédia
Je te blatte
Je te cétoine
Je te cicindèle
Je te grillonne
Je te piéride
Je te scorpionne
Je te bombyxe la ronce et le mûrier
Je te frelonne et refrelonne
Je te coccinelle
Je t’éphémère
Tu m’ensphinxes
Tu me lucanes
Tu me phasmes
Tu me ver-luisannes
Tu me libellules
Tu me belle-dames
Tu me fiancies
Tu me guêpes
Tu me mantes très religieusement
Tu me bousies
Tu m’enveuves noire
Je cafarde
Je tarentule
Je me mouche.
© Joëlle BRIERE
Joëlle Brière (1960-)
Née dans les Côtes d'Armor, autrefois enseignante, Joëlle Brière vit aujourd'hui en Bourgogne, dans l'Yonne où elle a fondé les éditions de La Renarde Rouge qui proposent des romans et de la poésie à destination des adultes comme des enfants. Ce sont des textes courts, forts, de tout genre littéraire et pour tous.
Sa maison d'édition
Le paveur de la rue s'éveille
Avec le chant des matelots,
Vois, les jours sont loin de la paye,
Nuno, il faut te lever tôt.
Prends tes outils sur le carreau,
Tes poissons frits, ton sac à dos,
Va sur la grand' place au soleil
Fleurir le sol de tes marteaux.
Calceteiro, noble poète !
Change ce monde piétiné,
Mon ami, l'effriteur céleste,
Fais-nous parler tous les pavés !
Avec des fleurs,
Avec des cœurs,
L'île aux farceurs,
Les lourds filets,
Ouvrier! Ajusteur d'été !
Le paveur de la rue m'éclaire,
Le paveur des places louange,
Il cloue sans règle ni équerre
Au noir bitume des vidanges ;
Il recouvre toutes les fanges,
Et les cailloux aux folles franges,
Bijoux du ciel, coraux des mers,
Seront les dominos des anges !
Calceteiro, grandeur, mystère !
Tambourine, frêles coups secs,
Ranime la lime des frères,
A sol ouvert, l'os se dissèque,
C'est du grand art,
Il faut le voir
Dans un mouchoir
Placer la Mecque
Avec des graines de pastèque !
Le paveur de l'âme imagine,
Le paveur de l'âme martèle
Des soleils nus dans les ravines,
Il retouche les caravelles,
Les cargaisons où l'or ruisselle,
L'endroit n'est plus qu'une vaisselle,
Au tesson bleu des couleuvrines,
Les mosaïques s'étincellent.
Calceteiro Manuélin !
Nos pas sont sertis de colombes !
Lisbonne d'hier, de demain,
Se lira même sous les combles !
La poésie
Du temps jadis
Sur le parvis
Naît sur les tombes !
Calceteiro ! Lustre les ombres !
Calceteiro : paveur des rues au Portugal
© Frédéric COGNO
Frédéric Cogno
Autodidacte, rêveur et passionné, épris de poésie et de théâtre, Frédéric Cogno est éducateur auprès d'adultes handicapés mentaux et animateur-poète dans une maison de retraite. Il s'évertue à partager des émotions et la saveur des mots. Auteur de plusieurs recueils de poésie, il a aussi mis en scène un conte musical pour enfants.
Autres textes
Ce baiser
Le litchi
Mon pays est une jeune fille au coeur lourd
Que le massif crayeux des Corbières protège
Des assauts d'un vent fou dont le rire rend sourd,
Démon né de quelque terrible sortilège.
Mon pays est une jeune fille aux yeux doux
Dans lesquels le sculpteur, le peintre ou le poète
Voient la source couler au pied du Canigou
Et Collioure aux quartiers éclairés par la fête.
Mon pays est une jeune fille aux pieds nus
Qui marche dans les champs en dépit des blessures
Que l'existence inflige à ses membres menus,
Si pauvre qu'elle ne peut porter de chaussures.
Mon pays est une jeune fille aux cheveux
Que la marinade amoureusement caresse
Et que le vent d'Espagne au long souffle nerveux
Fait frémir sous d'étranges bouffées de tendresse.
Mon pays est une jeune fille aux chansons
Qui viennent apporter à l'oreille autochtone
Ces cris d'espoir, montant de tous les horizons,
Qui naissent au printemps et meurent en automne.
Mon pays est une jeune fille qui dort ;
La nature, en avril, lui fait une litière
De mimosas, de genêts et de boutons d'or
Et pose un long baiser sur tout son corps de pierre.
© Jean IGLESIS
Jean Iglesis
Poète et correspondant de presse qui vit dans le sud de la France.
C’est vrai que ça ne rime à rien
un p’tit poème pas plus haut que trois pommes
un p’tit poème pas plus gros qu’un poussin
un p’tit poème pas pour les grands hommes
C’est vrai que ça ne rime à rien
un p’tit poème pas plus profond qu’un ru
un p’tit poème ni du mal ni du bien
un p’tit poème entrevu dans la rue
C’est vrai que ça ne rime à rien
un p’tit poème pas à pas
sauf si ce pas est un chemin
ce p’tit poème ah qui vient là
On dit qu’il mènera à tout
si on chante ses douze vers
quatre quatrains rien que pour nous
presque rien et tout l’univers
© Carl NORAC
Carl Norac (1960-)
Né en Belgique, Carl Norac a exercé plusieurs métiers avant de se consacrer à l'écriture. Auteur de poésie et de théâtre, il a aussi écrit des livres pour la jeunesse.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Ma précieuse rencontre
ma folie vibratoire
ma muse voluptueuse
ma lumière d’après-minuit
ma confiture de baie sauvages
mon église paillarde
ma paille de bergerie
pleine d’odeurs entêtantes
ma vitrine enchantée
où s’exposent mes désirs
ma libellule d’émois
comme flèche de jade
entre les nélumbos du plaisir
ma mousson féconde
ma savane crissante
comme les vagues sur le sable
ma blessure ravivée
où es-tu dis-moi où tu es ?
ma machine amoureuse
au regard de radium
mon épouse célibataire
qui me hausse sur la terre
de toutes les ailes de ton rire
ma respirante ma suffocante
ma diablesse biblique
au milieu des flammes et du sang
comme une prêtresse vaudou
mon alarmante souveraine
aux larmes de sirène
sur les joues des beaux jours
ma liane chasseresse
tressée avec une douceur de Licorne
ma fièvre d’Amazonie
ma provocante ma serpentueuse
Mélusine des métamorphoses
où es-tu dis-moi où tu es ?
© André CHENET
André Chenet (1954-)
Poète et écrivain français, après avoir pas mal bourlingué et exercé plusieurs métiers, André Chenet a commencé sur le tard à publier dans des revues francophones. Il édite depuis 2006 "Danger Poésie" et organise des Rencontres poésie dans le sud-est de la France. Il a également publié plusieurs recueils.
Autre texte :
La chair du désir
Blog de poésie
https://poesiedanger.blogspot.com/Autre blog
Désobéissance civile
Elle n’est pas contre le fait qu’on la photographie. Elle est belle et n’a rien à prouver ni rien à perdre, pas même son naturel.
Elle veut bien poser un peu, là, comme on l’a surprise, l’enfant tétant son sein dans les rues de Sacro-Monte, le visage ouvert à l’avenir.
Elle admet être un emblème. Le temps d’un cliché. La tête haute et le regard fier, mais une ride au front pour le jeu ou l’ironie.
Elle n’est pas dupe, elle accepte d’être souveraine. Pour tous les siens derrière elle, leurs vies levées dans les voiles du vent, leurs peaux qui s’écorchent aux barbelés parfois.
Un arrière-plan de sourires la porte. Celui des femmes surtout, leurs braises ardentes, qu’elle célèbre. En rayonnant.
© Michel BAGLIN
Michel Baglin (1950-)
Ecrivain français qui vit en région toulousaine et a été journaliste pendant plus de 30 ans. Poète, nouvelliste, essayiste et romancier, il est l'auteur de plus d'une trentaine d'ouvrages publiés chez divers éditeurs. Il a également publié sous le titre Les Chants du regard un album de 40 photos de Jean Dieuzaide qu’il a accompagnées de proses poétiques (éditions Privat).
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Je prenais la main de ma mère
Pour la serrer dans les deux miennes
Comme l’on prend une lumière
Pour s’éclairer quand les nuits viennent.
Ses ongles étaient tant usés,
Sa peau quelquefois sombre et rêche.
Pourtant, je la tenais serrée
Comme on le fait sur une prêche.
Ma mère était toujours surprise
De me voir prendre ainsi sa main.
Elle me regardait, pensive
Me demandant si j’avais faim.
Et, n’osant lui dire à quel point
Je l’aimais, je la laissais
Retirer doucement sa main
Pour me verser un bol de lait.
© Maurice CAREME
Maurice Carême (1899-1978)
Poète et écrivain belge de langue française, il écrit ses premiers vers inspirés par une amie d'enfance. Il devient instituteur de métier à Anderlecht-Bruxelles où il passera le reste de sa vie, tout en continuant à écrire poésies et comptines. Élu « Prince en poésie » au Café Procope à Paris en 1975, Maurice Carême est traduit dans le monde entier. Il est en particulier très apprécié pour son amour des enfants, un registre essentiel de son œuvre. Une oeuvre abondante qui comprend quelque quatre-vingt recueils de poèmes, contes, romans, légendes dramatiques, essais, traductions de poèmes néerlandais de Belgique.
Autre texte :
Le goûter
Fondation Maurice Carême :
http://www.mauricecareme.be/index.php
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Glissant sur la mousse des ombres parme,
Mon pas frôle le matin défroissé.
Au lichen gris, s’accroche le vacarme
Des iris gommant l’hiver éreinté.
…
Le vieil arbre sous son rideau de lierre,
Rumine chagrins et secrets d’antan.
Mais déjà, le silence au cœur de pierre
Scrute les oisillons et leur boucan.
…
Des traces d’aube martèlent ma page
Sous les paupières endormies des bois,
Le vert balafre les premiers feuillages
Témoins du printemps hissant ses pavois.
…
Dans ma main, éclatent des étincelles
Où s’enroule l’écume du hasard.
Les rêveries perdues dans leur chapelle
S’éveillent en oubliant leur cafard.
…
Soudain, dans les bras de ton nom, infuse
L’étoile délestée de sa peur.
Alors, ma voix vient franchir ton écluse
pour rejoindre la rive de ton cœur.
…
La lumière offre aux grappes des cytises
Son feu aussi bref que toute saison.
Que dure à jamais ce temps des cerises,
Il fait soleil sur le bout du crayon.
© SEDNA
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont ses sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
Autres textes
Ecoute l'aube
Marée haute
Planète en danger
Air marin
La poudre d'escampette
Son site : http://www.cassiopee17.fr/
La lune cette nuit est entrée dans ma chambre.
L’odieuse mégère a bu tous mes rêves avidement et s’est enfuie,
ne laissant derrière elle que le Noir et le Froid.
L’Aube, rose et fraîche de joues est enfin arrivée.
Las! amenant avec elle un oiseau criard,
qui a volé les restes de mon sommeil.
Demain je fermerai mes volets.
© Eliane BIEDERMANN
Eliane Biedermann (1945-)
Résidant en région parisienne, Eliane Biedermann collabore dans de nombreuses revues de poésie (Friches, Voix d'encre, Le Coin de table...). Elle a publié près d'une quinzaine de recueils dont plusieurs de haïkus et participé à des anthologies.
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Quand les nazis sont venus chercher les communistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas communiste.
Quand les nazis sont venus chercher les syndicalistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas syndicaliste.
Quand les nazis sont venus chercher les juifs
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas juif.
Quand les nazis sont venus chercher les catholiques
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.
© Martin NIEMOLLER
Martin Niemöller (1892-1984)
Pasteur allemand, militant pacifiste qui fut déporté au camp de Dachau en 1941.
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Je suis née de la mer et ne le savais plus
Trop de pavots avaient maculé mes pieds nus
Les soirs où les bergers m'appelaient dans la ronde
Pour passer le furet de ma main dans leurs mains
Furet des bois jolis furet des vieux jardins.
Je suis née de la mer et ne le savais plus
Trop de chênes avaient appris à mon corps nu
Cette haute caresse où l'écorce connaît
La façon d'arracher aux jeunes filles blondes
Des gouttes de bonheur de quelque sainte plaie.
Je suis née de la mer et ne le savais plus
Trop de bêtes avaient partagé mon cœur nu
Dans les hautes futaies habitées par la lune
Trop de sangliers forts à renifler l'oronge
Trop de biches mes sœurs effrayées par leurs songes
Trop de martins-pêcheurs gonflés d'humides chants
Délivrés par leurs becs en baisers trop savants.
Je suis née de la mer et ne le savais plus
Mais l'homme au bras marin me parla de l'écume
Et l'humus des forêts fut le sable des dunes
Et les bergers laissant leurs troupeaux de moutons
Au premier loup venu gardèrent des poissons
Le nez du sanglier fouilla le goémon
La biche apprivoisa chaque lame de fond
Et les désirs des fûts chantèrent un navire
Que les oiseaux pêcheurs voilèrent sans rien dire
De leurs ailes tendues à des ciels inconnus.
Je suis née de la mer et ne l'ai reconnu
Qu'au bras de mon amour et ne l'oublierai plus.
© Angèle VANNIER
Angèle Vannier (1917-1980)
Poétesse française qui devient aveugle à l'âge de 21 ans suite à un glaucome, et n'aura de cesse de soigner son mal par les mots. En 1950, elle écrit un poème intitulé Le Chevalier de Paris qui sera mis en musique par Philippe Gérard. Chantée par la suite par Édith Piaf, cette chanson recevra le premier prix de la chanson française. Elle sera reprise, notamment, par Yves Montand, Catherine Sauvage, puis Frank Sinatra. Elle réalisera également des émissions radiophoniques.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Dès que tu entres dans ma chambre
tu la fais se tourner vers le soleil.
Le front sur toi de la plus faible lueur
et c’est tout le ciel qui t’enjambe.
Pour que mes mains puissent te toucher
il faut qu’elles se fraient un passage
à travers les blés dans lesquels tu te tiens,
avec toute une journée de pollen sur la bouche.
Nue, tu te jettes dans ma nudité
comme par une fenêtre
au-delà de laquelle le monde n’est plus
qu’une affiche qui se débat dans le vent.
Tu ne peux pas aller plus loin que mon corps
qui est contre toi comme un mur.
Tu fermes les yeux pour mieux suivre les chemins
que ma caresse trace sous ta peau.
© Lucien BECKER
Lucien Becker (1911-1984)
Poète français, ami de Léopold Sédar Senghor. Il a composé une œuvre brûlante autour du corps de la femme, seul rempart contre le néant. Résistant pendant la guerre, il devient commissaire de police et fournit de faux-papiers à ceux qui fuient l'occupant et entre en contact avec le maquis du Vercors. A cinquante ans, abandonnant tout, il se retire dans le silence avec la femme de sa vie. Il publie son dernier recueil en 1961 et retourne à Dieuze en Moselle en 1983 où il décèdera.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Ma mère, que je l'aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu'elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien !
Ma mère que voici n'est plus du tout la même ;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal ;
Elle a perdu l'éclat du temps sentimental
Où son hymen chanta comme un rose poème.
Aujourd'hui je compare, et j'en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
Soleil d'or, brouillard dense au couchant des années.
Mais, mystère du coeur qui ne peut s'éclairer !
Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées !
Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer !
Emile Nelligan (1879-1941)
Émile Nelligan est considéré comme l’un des plus grands poètes québécois. Poète au destin tragique et fulgurant, il puise chez les parnassiens leur forme et chez les symbolistes leur musicalité et leur imagerie évocatrice. La fragilité des plaisirs se lie à une mélancolie tourmentée et à une sensibilité extrême au monde. La recherche de l’idéal perdu des romantiques est présente, mais dépassée par son tissage de son et d’image.
Souffrant de schizophrénie, Nelligan est interné dans un asile psychiatrique peu avant l'âge de vingt ans et y reste jusqu'à sa mort.
Autres textes :
Soir d'hiver
Le salon
Le vaisseau d'or
La romance du vin
Article source :
lesvoixdelapoesie.com
Sa vie, son oeuvre sur Wikipédia
Des roses et des lys filles et soeurs jumelles,
Qui sous un lait caillé doucement tremblotez,
Joues où l’amour joue en toutes privautés,
Et bâtit aux souris des demeures nouvelles,
Lors que vous rougissez, que vos roses sont belles,
Quand l’épine d’honneur veut armer vos beautés,
Le satin de vos lys montrant vos chastetés,
Donne aux amants la peur, et l’amour aux rebelles.
Petits creux, magasins et d’amours et d’appas,
La petite rondeur que vous avez en bas,
Fait que je vous compare aux pommes d’Atalante.
S’il faut pour ce beau fruit mourir, ou bien courir,
Ma course est inégale : il me faut donc mourir,
Si vous ne me donnez vos pommes, Amaranthe.
Pierre de Marbeuf (1596-1645)
Poète baroque français du XVIIe siècle.
Biographie détaillée sur Wikipédia
À toi
À toi ton domaine, à toi tes trésors.
Et à toi tout seul ta vaisselle en or.
À toi seul tes couverts en argent fin.
À toi seul tes champagnes et tes vins.
À toi ton esprit, tes dons, tes jardins.
Quant à ton épouse : à tout un chacun.
Papier de grand format
Ce n'est pas un mince présent
d'un poète, que ce papier blanc.
À Fabella
Que tu sois belle et fort jeune, déjà on le sait,
tout comme on sait que tu es riche au surplus.
Mais quand tu te vantes, Fabella, à l’excès,
ta beauté, ta jeunesse, tes biens ne se voient plus.
Martial (vers 40-104)
Poète latin né à Bibilis, province de Saragosse en Espagne. connu principalement pour ses épigrammes dans lesquelles il décrit la vie romaine de son époque.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Ligne de vie
Je revisite l’Histoire entre Nation
Et République
Candide à Voltaire
Terrorisée à Robespierre
Je me réjouis à Bonne Nouvelle
Galeries Lafayette
Me voilà
Je me désaltère Rue de la Pompe
Je m’offre une fleur
À Jasmin
Des choux à Maraîchers
Un saut chez les Yankees
Par Franklin Roosevelt
Un bouillon de cultures à Strasbourg— Saint-Denis
Dents serrées je reste La Muette
Mais je me ferais bien une danse
Avec Marcel Sembat
Attention danger
Le canon rue des Boulets
La mort à Charonne
En 1962
Bienheureusement
Au long du parcours
Ils se relaient
Les quatre saints
Ambroise
Augustin
Philippe qui Roule
Et le Cloud du Pont
Pour nous garder
Sur la voie
© Josée TRIPODI
Josée Tripodi (1943-)
Josée Tripodi est née à Paris en mars 1943. Professeur de lettres, puis principale de collège en banlieue parisienne, elle se passionne pour la lecture, la musique et la course à pied. "L'essentiel est de tenter d'égratigner les mystères du monde et d'atteindre ce qui, dans le cour des autres, me ressemble." Elle a obtenu le Prix Max-Pol Fouchet en 2010.
Courte biographie sur Babelio
Est-ce vrai qu’à tes yeux racistes
Dans l’ordre des fléaux de ce monde
les nègres viennent avant les volcans
les nègres viennent avant le grisou
les nègres viennent avant le simoun ?
Est-ce vrai que la force de mes bras
et la machine à laver ton linge
sont des chevaux du même attelage
sont des esclaves de la même chaîne ?
Est-ce vrai que tu préfères
le phare blanc de ton auto
au feu noir de mon visage,
la patte blanche de ton chien
au joyeux bonjour de mes mains ?
Est-ce vrai que tu ne sais pas
de film plus doux et reposant
que le spectacle de mon cœur
montant sur le bûcher raciste ?
Est-ce vrai que tu gardes
à portée de la main
une corde qui porte mon nom
une balle qui sait par cœur
la carte obscure de mon corps
un tribunal toujours prêt
à me couvrir de ténèbres
un linceul coupé
sur la mesure de mon âme ?
Ô blanc serpent du racisme
crieur de mon sang versé
comme j’eusse aimé
que tout ce poison
naquît de la nuit
des mauvaises langues
comme j’eusse aimé
crieur de mes jours
voir quelque lueur
rétablir le cours humain
de la beauté dans ton cœur !
Mais le sang versé des nègres
du haut de ses saisons en fleurs
me crie de prendre garde à toi
tu es sur mon chemin
me crie le sang musicien
tu es une tête de mort
une mauvaise tête
de la pire des morts
une tête à claques
au service de la mort.
© René DEPESTRE
René Depestre (1926-)
Poète, romancier et essayiste né en Haïti. Il publie en 1945 son premier recueil de Poèmes, Étincelles. Activiste politique, il doit quitter Haïti après l'arrivée au pouvoir d'un régime militaire. Il s'installe à Paris et y suit des cours à la Sorbonne. Il rejoint Cuba en 1959 et soutient le nouveau régime de Fidel Castro, puis déçu par l'orientation de la révolution notamment après l’affaire du poète cubain Heberto Padilla en 1971, René Depestre décide de quitter l’île en 1978. Installé à Lézignan-Corbières dans les années 1980, il poursuit son oeuvre d'écrivain-poète et reçoit le prix Renaudot en 1988.
Sa biographie sur Wikipédia
Vague est le pont qui passe à demain de naguère
Et du milieu de l’âge on est des deux côtés
Le mur ne fait pas l’ombre et n’est pas la lumière
Qu’on appelait l’hiver qu’on nommera l’été
Il va neiger tantôt d’une neige si calme
Sur des rives de moi où j’hésite à courir
Que je m’attache à tout ce qui me semble halte
Sur la courbe attelée aux chevaux de mourir
© Gilles VIGNEAULT
Gilles Vigneault (1928-)
Né le 27 octobre 1928 à Natashquan au Québec, Gilles Vigneault est un poète, auteur de contes et de chansons, auteur-compositeur-interprète québécois. Ardent défenseur de la langue française, c'est un auteur prolifique (plus de 400 poèmes) dont les chansons représentent quelque quarante albums édités. Ses écrits parlent abondamment des gens et de Natashquan, qui a eu, en 1996, la particularité d''être inaccessible par la route, dépendant ainsi des transports maritimes.
Autres textes :
Il me reste un pays
Pendant que
Site officiel :
http://gillesvigneault.com/
Sa biographie sur Wikipédia
Arrêtez les pendules, coupez le téléphone,
Empêchez le chien d’aboyer pour l’os que je lui donne,
Faites taire les pianos et sans roulement de tambour,
Sortez le cercueil avant la fin du jour.
Que les avions qui hurlent au dehors
Dessinent dans le ciel ces trois mots : Il Est Mort,
Noyez voiles noirs aux colonnes des édifices,
Gantez de noir les mains des agents de police.
Il était mon Nord, mon Sud, Mon Est et mon Ouest,
Ma semaine de travail, mon dimanche de sieste,
Mon midi, mon minuit, ma parole, ma chanson ;
Je croyais que l’Amour jamais ne finirait : j’avais tort.
Que les étoiles se retirent ; qu’on les balaye ;
Démontez la lune et le soleil,
Videz l’océan, et arrachez la forêt ;
Car rien de bon ne peut advenir désormais.
© Wystan Hugh AUDEN
Wystan Hugh Auden (1907-1973)
Poète, essayiste, dramaturge, librettiste et critique d'origine britannique, plus connu sous la signature de W.H. Auden. Il est considéré comme l’un des plus importants et influents poètes du xxe siècle.
Biographie détaillée sur Wikipédia
Dans le désordre de tes draps
Ta chair tremble et moi
Je tremble avec toi
L’humide et le chaud
De tes fièvres profondes
La ronde
De nos émois
Les ombres
Sous tes draps
Je rampe sur ta peau
© Jean-Baptiste FOUCO
Jean-Baptiste Fouco
Auteur corse qui a publié plusieurs recueils et ebooks.
Son blog :
http://aimalun.over-blog.com/
Je n’ai pas oublié cette maison d’école
Où je naquis en février dix-neuf cent vingt
Les vieux murs à la chaux ni l’odeur du pétrole
Dans la classe étouffée par le poids du jardin
Mon père s’y plaisait en costume de chasse
Tous deux nous y avions de tendres rendez-vous
Lorsqu’il me revenait d’un monde de ténèbres
D’une Amérique à trois cents mètres de chez nous
Je l’attendais couché sur les pieds de ma mère
Comme un bon chien un peu fautif d’avoir couru
Du jardin au grenier des pistes de lumière
Et le poil tout fumant d’univers parcourus
La porte à peine ouverte il sortait de ses manches
Des jeux de cartes des sous belges ou des noix
Et je le regardais confiant dans son silence
Pour ma mère tirer de l’amour de ses doigts
Il me parlait souvent de son temps de souffrance
Quand il était sergent-major et qu’il montait
Du côté de Tracy-le-Mont ou de la France
La garde avec une mitrailleuse rouillée
Et je riais et je pensais aux pommes mûres
À la fraîcheur avoisinante du cellier
À ce parfum d’encre violette et de souillure
Qui demeure longtemps dans les sarraus mouillés
Mais ce soir où je suis assis près de ma femme
Dans une maison d’école comme autrefois
Je ne sais rien que toi Je t’aime comme on aime
Sa vie dans la chaleur d’un regard d’avant soi.
© René-Guy CADOU
René-Guy Cadou (1920-1951)
Poète français qui grandit dans une ambiance de préaux d’écoles, de rentrées des classes, de beauté des automnes, de scènes de chasse et de vie paysanne qui deviendront plus tard une source majeure de son inspiration poétique. Fils d'instituteurs, il devient lui aussi instituteur et rencontre Hélène, le grand amour de sa vie qui fut aussi l'inspiratrice de nombreux recueils. Durant l'Occupation allemande, il témoigne de son soutien à la Résistance par ses écrits et son désir de dénoncer la barbarie nazie. Il composera un nombre considérable de poèmes avant que la maladie ne l'emporte prématurément à l'âge de 31 ans.
Site officiel Hélène et René-Guy Cadou :
http://www.cadou-poesie.net/
Je n’aime pas l’été au pays de Provence
Quand la chaleur devient dès le mois de juillet
Si lourde qu’on étouffe ; et quand trop travailler
Devient si malaisé que la moindre imprudence
Sitôt qu’il est midi vous transforme en ruisseau ;
Quand votre corps brûlant n’aspire qu’à la sieste
Dans un havre bien frais, et quand le moindre geste
Vous oblige à fournir des efforts colossaux.
Je n’aime pas l’été qui passe la mesure
Et vous garde enfermé à l’abri du soleil ;
Quand votre nez se change en un bulbe vermeil
Aussi rouge qu’un jol* passé à la friture ;
Quand vous êtes impatient que s’en vienne le soir,
Lové dans le salon carrelé de tomettes
Bien froides sous vos pieds ; et quand dans votre tête
S’agite constamment le mirifique espoir
De voir la pluie tomber d’un ciel enfin aimable.
Oh, ces longs traits d’argent rayurant le ciel gris
Embué de fraîcheur ! Vous en êtes surpris ?
La chaleur du Midi peut être épouvantable…
© Vette de FONCLARE
Vette de Fonclare (1937-)
Installée en Provence, Vette de Fonclare est originaire de Lorraine et a été professeur de Lettres. Auteure de livres pour enfants, elle a également publié un recueil de poésie. A noter qu'elle a remporté de nombreux prix de poésie.
Sa biographie sur Wikipédia
Son blog :
Poèmes en Provence
Chez les poissons
Il existe plusieurs variétés de soles
Toutes ne vivent pas dans l’eau
Il y a les soles air qui vivent dans l’air
Il y a les sous soles qui vivent dans les caves
Il y a les soles ubles qui se fondent dans l’eau
Et les soles ides dures comme du roc
La sole ange qui est belle comme un ange
La sole itaire qui n’aime pas la compagnie
Il y a les soles stices d’hiver qui n’aiment pas l’été
Et les soles stices d’été qui n’aiment pas l’hiver
Il y a la sole iloque
Qui marmonne dans sa barbe
La sole iste qui joue avec la sole fège
La Sole ogne qui vit au centre de la France
Il y a les solex qui se déplacent en pétaradant
Avec les bou soles pour leur indiquer la bonne direction
Les soles ariums qui se dorent la pilule
Contrairement aux para soles
Qui n’aiment pas le soleil
Celles qui font des ronds dans l’eau
S’appellent les tourne soles
Il existe aussi une variété de soles pas très futées
Qu’il vaut mieux éviter
Les con soles
Et puis il y a la sole ution
Qu’il faut chercher en cas de problème
Pourriez-vous m’aider
A trouver la sole ution
Pour que mon histoire
Ne se termine pas
En queue de poisson
© Salvatore SANFILIPPO
Salvatore Sanfilippo
Salvatore Sanfilippo pratique avec bonheur une poésie sonnante, proche du chant, du théâtre : des poèmes à dire, à lire et à rire, à réfléchir aussi. Il a publié plusieurs recueils de poésie et participe également à plusieurs revues en ligne.
Autre texte :
J'écrirai des poèmes
Son blog :
http://salvatore-sanfilippo.over-blog.com/