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Création de la page le 24/09/2024

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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797


Posté le 04/10/2024 - Thème : Femme

« Woman hold me tight close to your heart »… (1)

Tel un cadeau vivant la Femme est toujours Belle
Dans l’incarnation d’une onde sensuelle
L’homme en est retourné mais cela le sait-elle ?


Immuable pouvoir passion de toujours
Baume sur les soucis beau rêve de velours
Magnifique joyau sur l’écrin de la vie
Bonheur sincère et vrai qui sans façon convie


Splendide émotion qui vibre aimablement
Qui brille à tout jamais tout naturellement
Ses bras sont comme un port lieu sûr dans la tempête
Son cœur est un abri qui jamais n’inquiète


Tout un trouble candide ainsi sous le soleil
Ou bien dans le secret mais sans cesse en éveil
Réclame au temps qui passe un peu de complaisance
Réclame au temps qui presse un peu de bienveillance…


Sa grâce sait offrir un hymne à la Beauté
Dans moult et moult reflets de sensualité
Donnant au bleu du ciel un air de bel été…


© Didier COLPIN
(1) Femme serre-moi fort tout contre ton cœur

Woman - John Lennon.


pDidier Colpin
(1954-aujourd'hui)

Didier Colpin est né en 1954 à Laval, petite ville de l’Ouest de la France. Il a découvert l’écriture et la poésie « sur le tard », en 2010. Depuis elle est devenue sa compagne de tous les jours…
La poésie est pour lui le contraire de Twitter et de sa rapidité. Elle est un arrêt sur image… Sur un émoi sur un trouble sur la Beauté sur la laideur. Le tout vu, ressenti à travers le prisme qu’est son regard où deux plus deux ne font pas toujours quatre...


Posté le 24/09/2024 - Thème : Nuit

Douceur du soir
Georges Rodenbach


Douceur du soir !
Douceur de la chambre sans lampe !
Le crépuscule est doux comme une bonne mort
Et l'ombre lentement qui s'insinue et rampe
Se déroule en fumée au plafond.
Tout s'endort.


Comme une bonne mort sourit le crépuscule
Et dans le miroir terne, en un geste d'adieu,
Il semble doucement que soi-même on recule,
Qu'on s'en aille plus pâle et qu'on y meure un peu.


Des tableaux appendus aux murs, dans la mémoire
Où sont les souvenirs en leurs cadres déteints,
Paysage de l'âme et paysages peints,
On croit sentir tomber comme une neige noire.


Douceur du soir !
Douceur qui fait qu'on s'habitue
A la sourdine, aux sons de viole assoupis ;
L'amant entend songer l'amante qui s'est tue
Et leurs yeux sont ensemble aux dessins du tapis.


Et langoureusement la clarté se retire ;
Douceur !
Ne plus se voir distincts !
N'être plus qu'un !
Silence ! deux senteurs en un même parfum :
Penser la même chose et ne pas se le dire.


© Georges RODENBACH


pGeorges
Rodenbach
(1855-1898)

Poète symboliste et romancier belge de la fin du XIXe siècle, il publie son premier recueil de vers en 1877, Le Foyer et les Champs. En 1878, il effectue un premier séjour à Paris où il fréquente assidument le cercle des Hydropathes. Il y nouera ses premières relations parisiennes : Catulle Mendès, François Coppée, Maurice Barrès ... En 1894, il est le premier auteur belge à voir une de ses œuvres, Le Voile, mise au répertoire de la Comédie-Française. Il impose dans le rôle principal la jeune Marguerite Moreno qui l'évoque dans ses souvenirs littéraires. En 1896, il publie Les Vies encloses, recueil de poèmes inspiré par l'occultisme (Novalis) et le romantisme allemands. Bien que malade depuis de longues années, il publie un autre chef-d'œuvre, également situé à Bruges, Le Carillonneur (1897).


Posté le 23/09/2024 - Thème : Poésie

Broderie en vers
Annick Pipaud


Semblable à une romance,
Broder en vert c’est créer un univers.
Vert absinthe pour les jeunes pousses.
Vert impérial pour la canopée.
Vert opaline pour le point d’épine.
Point de bouclette aigue-marine.
Les fils d’émeraude tissent leur paysage.
Les points minutieux, les nuances choisies serpentent au gré de la toile.
Des feuilles délicates, dentelles de fougère, brins de menthe,
des ramures et des spirales s’entrelacent, les fleurs éclosent.
Sous les fines aiguilles, les lignes dansent vers l’espoir et l’harmonie.
Comme un poème, les arabesques content un jardin secret qui guérit l’âme.


© Annick PIPAUD


Annick Pipaud
Professeur de mathématiques à la retraite mais artiste dans l'âme (peinture, photo, poésie...), Annick Pipaud écrit depuis son plus jeune âge. Elle a participé à plusieurs festivals de poésie.


Posté le 24/09/2024 - Thème : Homme

Il semble que l'homme souffre...
Carlos Edmundo de Ory


Il semble que l’homme souffre et comme
il n’existe pas de balance pèse-souffrance
on sait seulement que la douleur est plomb
et que malgré tout elle sent le souffre

 

Il n’existe pas de thermomètre pour dire
les degrés de la peine qui toujours vous pèse
On sait seulement que la douleur est la mie
d’un pain qui n’a jamais garni une table

 

Quand tu te sentiras mal cherche un recoin
Et installe-toi pour y manger la chair crue
qui, se trouve dans tes mains et dans tes pieds

 

Offre un banquet à ton cœur affamé
Et tu ne verras que les pleurs ne t’aident pas
Ils ne t’aident plus jadis pleurs et là rien


© Carlos Edmundo de ORY


pCarlos Edmundo
de Ory
(1923-2010)

Poète, essayiste et traducteur espagnol, Carlos de Ory est le fils du poète moderniste Eduardo de Ory. Auteur du manifeste introréaliste en 1951, il préconise la création d'un art manifestant la réalité intérieure de l'homme, exprimée dans un langage qui émerge de l'invention mystérieuse d'états de la conscience. Installé en France près d'Amiens, il crée l'APO (Atelier de Poésie Ouverte) à la Maison de la culture. Son travail a deux thèmes principaux : l'amour et la douleur.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Amour

Retrouvailles
Claude Dussert


Le paysage s’obscurcissait de colère en nuages fiévreux
Le village, que dis-je ! Le trou, le bled
Alignait ses maisons enguirlandées de lierres
Autour d’une chapelle à la cloche fêlée
Dont le toit à claire-voie semblait compter ses tuiles.


L’été se passait de travers
La canicule s’installait
La pluie languissait.


Un ciel fuligineux couvait sur la plaine brulée
Tout était sombre.
Seuls des éclats de lune filtraient
À travers des trouées moins ombreuses.


Le vent harcelait les tuiles vernissées
Une tornade imprévue avançait dans le ciel
Aussi vite qu’une marée, au triple galop.


Seul, il marchait, tête basse
Perdu dans des rêves insondables
Au rythme des saisons.


La morsure de la bruine lui dévorait la peau
Comme un essaim de guêpes aux dards effilés.
Il lui avait promis de faire pèlerinage
En ces lieux historiques, tourmentés
Où ils s’étaient connus, où ils s’étaient aimés.


Ce n’est qu’en arrivant à hauteur du palier
Qu’il aperçut une ombre, floue, figée
Elle était là, elle l’attendait.


© Claude DUSSERT


pClaude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Jardin

Au jardin
Léon Dierx


Le soir fait palpiter plus mollement les plantes
Autour d'un groupe assis de femmes indolentes
Dont les robes, qu'on prend pour d'amples floraisons,
A leur blanche harmonie éclairent les gazons.
Une ombre par degrés baigne ces formes vagues ;
Et sur les bracelets, les colliers et les bagues,
Qui chargent les poignets, les poitrines, les doigts,
Avec le luxe lourd des femmes d'autrefois.
Du haut d'un ciel profond d'azur pâle et sans voiles
L'étoile qui s'allume allume mille étoiles.
Le jet d'eau dans la vasque au murmure discret
Retombe en brouillard fin sur les bords ; on dirait
Qu'arrêtant les rumeurs de la ville au passage,
Les arbres agrandis rapprochent leur feuillage
Pour recueil l'écho d'une mer qui s'endort
Très loin au fond d'un golfe où fut jadis un port.


© Léon DIERX


pLéon Dierx
(1838-1912)

Né à Saint-Denis-de-la-Réunion, Léon Dierx est un poète parnassien et peintre. Regagnant Paris pour poursuivre ses études, il fait partie des poètes parnassiens comme Sully Prudhomme, José Maria de Heredia... Il rencontre Guy de Maupassant lors de sa collaboration à La Revue fantaisiste, ce dernier lui dédie en 1883 sa nouvelle Regret. Il est élu prince des poètes à la mort de Stéphane Mallarmé en 1898 et devient Président du Congrès des Poètes en mai 1901.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Saison / automne

Septembre
Yann Erwan Paveg


Voilà déjà
L’août qui
Tire le rideau des pluies

Voilà déjà
Le mois des moissons
Qui déchante
La bonne chanson

Le ciel breton pleure
Sur un été trop chaud
Pour apaiser la terre
En ses profondes brûlures
Et les humains repus
De sable chaud
S’enivrent d’ondées salvatrices

Même mon saule pleureur
Ne pleure plus
Et ses feuilles abruties de chaleur
Vont déjà au vent

Les humains semblent revivre ou mourir
L’automne affiche déjà
Sa couleur
Les ramiers gris
Se mélangent aux nuages du ciel
Et d’ici peu
Les hirondelles prendront leur envol

La page de l’été
Se tourne lentement
L’homme restera seul
En son hiver
Devant ses récoltes de pommes
Ses bûches bien rangées
La vie ne fut que cela

© Yann Erwan PAVEG


pYann Erwan Paveg
(1959-aujourd'hui)
Editeur, poète et formateur en langue bretonne, Yann Erwan Paveg écrit aussi bien en français qu'en breton, inspiré de son héritage, de sa Bretagne dont il est un ardent défenseur. Avec plus de 500 abonnés sur Twitter, il a posté plus de 700 tweets qu'il a mis bout à bout dans un recueil intitulé Caractères. Il a publié plusieurs ouvrages dont : Les ultimes rosées et le dernier : Empreintes.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Inclassables

Sonnet du pays nocturne
Rouben Mélik


Dans ce grand mouvement d'automne où j'entre avec
Ma force neuve, à peine est-ce d'un corps durable
Et trop la nuit me hante encore mesurable
Si morte la mémoire et le cœur mis à sec.

Offrande du soleil que vient trouer le bec
De l'oiseau déchiré, sois la part séparable
Et le partage fait d'un coin de terre arable
Où moisit la moisson dans l'oubli d'un échec.

Chaque mot d'être dit limite la lumière
À l'espace brutal de la mort coutumière
Où la saison finit. Dans ce Grand mouvement

D'automne où j'entre avec mon ancien héritage
Je décompose l'ombre et je suis mon otage,
Contre toi, soleil, face à Toi qui me démens.


© Rouben MELIK


pRouben Mélik
(1921-2007)

Poète et homme de lettre d'origine arménienne, la famille aisée de Rouben Mélik s'installe en 1920 à Montmartre (XVIIIe arrondissement de Paris). L'apprentissage de deux langues a exercé une influence déterminante sur le langage poétique de Rouben, rigoureusement attaché au plus pur français, mais partagé aussi, comme le titre de son recueil paru en 2000, En pays partagé. Il a été rédacteur en chef adjoint de la revue « Regards », producteur d’émissions et chroniqueur à la radio (France-Culture), chargé de mission au Ministère de l’Éducation Nationale puis au Ministère des Affaires Culturelles, Directeur littéraire aux Éditeurs Français Réunis, Sociétaire de la Société des Gens de Lettres de France – Membre de l’Union Internationale des critiques littéraires – Membre du Jury du Prix Apollinaire.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Jardin / Artiste

Jardin d'en Face
Claude Dussert


La Nature, le sait-elle est une vraie œuvre d’art
Arcimboldo l’humanise, la croque sur la toile
Lui fabrique un visage et nous le jette au nez.

Sous un petit melon
Il brosse des cheveux en fleurs de coton
Les sourcils sont arqués
Haricots bien sûr, tout juste écossés
Pour ce qui est des yeux
Des olives peintes en bleu ! Tudieu !
Le nez est aquilin légèrement troussé
Afin de mieux sentir les odeurs, les fumets.

Les joues sont rebondies
Deux tomates pardi
Les lèvres sont ourlées
Se veulent incarnat
Des poivrons d’Espelette
Pour corser notre émoi.

Le sourire s’étire et se fait aguichant
Une jeune banane de Nouvelle-Orléans
Pour les dents ?
Il se sert de cocos ivoire pas trop blancs.
Le menton ! Un tantinet prognathe
Tout de go ! Il a pris une grosse patate.

Aux oreilles pendeloque une paire de cerises
Afin de ce portrait agrémenter la mise.

L’artiste n’est pas courge mais fana des jardins
Son vœu le plus cher mais encore lointain
Être enterré misère
Dans une clairière
En guise de cimetière
Mais au son du clairon
Car tous ses potes y sont.


© Claude DUSSERT


pClaude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Société

Stances de l'impossible
Amadis Jamyn


L'été sera l'hiver et le printemps l'automne,
L'air deviendra pesant, le plomb sera léger :
On verra les poissons dedans l'air voyager
Et de muets qu'ils sont avoir la voix fort bonne.
L'eau deviendra le feu, le feu deviendra l'eau
Plutôt que je sois pris d'un autre amour nouveau.


Le mal donnera joie, et l'aise des tristesses !
La neige sera noire, et le lièvre hardi,
Le lion deviendra du sang acouardi,
La terre n'aura point d'herbes ni de richesses ;
Les rochers de soi-même auront un mouvement
Plutôt qu'en mon amour il y ait changement.


Le loup et la brebis seront en même étable
Enfermés sans soupçon d'aucune inimitié ;
L'aigle avec la colombe aura de l'amitié
Et le caméléon ne sera point muable :
Nul oiseau ne fera son nid au renouveau
Plutôt que je sois pris d'un autre amour nouveau.


La lune qui parfait en un mois sa carrière
La fera en trente ans au lieu de trente jours ;
Saturne qui achève avec trente ans son cours
Se verra plus léger que la lune légère :
Le jour sera la nuit, la nuit sera le jour
Plutôt que je m'enflamme au feu d'un autre amour.


Les ans ne changeront le poil ni la coutume,
Les sens et la raison demeureront en paix,
Et plus plaisants seront les malheureux succès
Que les plaisirs du monde au coeur qui s'en allume.
On haïra la vie, aimant mieux le mourir
Plutôt que l'on me voie à autre amour courir.


On ne verra loger au monde l'espérance ;
Le faux d'avec le vrai ne se discernera,
La fortune en ses dons changeante ne sera,
Tous les effets de mars seront sans violence,
Le soleil sera noir, visible sera Dieu
Plutôt que je sois vu captif en autre lieu.

© Amadis JAMYN


Amadis Jamyn (1540-1593)
Poète français de la Renaissance, Amadis Jamyn est proche du cercle littéraire de la Pléiade et ami de Ronsard. Grâce à ce dernier, le roi Charles IX le retient comme lecteur ordinaire de la chambre du roi en 1571 et comme secrétaire du roi vers 1573.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Guerre

Bodérès
Paul Quéré


Poussières de pluie
que l’ouest par rafales
expectore sur la pilosité pubienne
de la campagne
L’ombre des vallons amollis
par l’excitation de l’attente
tangue arrimée au doigt
de quelque Dieu du Large
 

Ce jour est une nuit que
les arbres éclaboussent
de l’encre séminale
d’une mémoire endormie

 

Rêve de neige étale au bord
du souvenir comme d’un
oiseau de proie à l’aplomb
de l’enfance le regard d’un hiver
qui ne mena nulle part l’année
de la déclaration de guerre
à l’école communale
de Plonéour-Lanvern

 

« les fleurs sont immortelles.
Le ciel est intact.
Et ce qui sera n’est qu’une promesse »
Un an déjà qu’Ossip
Mandelstam était mort
Pierre de rêve
dans un jardin
d’une tout autre neige
à Vladivostok


© Paul QUÉRÉ


pPaul Quéré
(1931-1993)
Peintre, potier et poète français d'origine bretonne, Paul Quéré fut aussi écrivain, revuiste, céramiste, éditeur, musicien passionné de jazz et animateur radio. Il est fondateur de la revue Ecriterres. Résidant en Provence jusqu'en 1979, il s'installe en Bretagne et créé son atelier de poterie « la poèterie » car pour lui cette activité est indissociable de la poésie. Il fut un proche de Kenneth White.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Mer

La ville engloutie
Michel Butor


Les pêcheurs qui rentrent tard
aperçoivent dans les vagues
les clochers et les tourelles
qui émergent lentement
des lames d’ardoise fine
puis fenêtres et balcons
tandis que sonne le glas
pour avertir du danger

 

Se hissant sur les terrasses
des jeunes filles marines
lancent comme des appels
cavatines cantilènes
avant de plonger soyeuses
dans la remontée des eaux
tandis que sombrent les toits
sous le couvercle d’écume


© Michel BUTOR


pMichel Butor
(1926-2016)
Poète, romancier, enseignant, essayiste, critique d'art et traducteur français, Michel Butor,
figure du nouveau roman, a collaboré avec de nombreux artistes (peintres, musiciens, photographes) et a eu un apport considérable à la vie intellectuelle et artistique de notre siècle. Il est l'un des auteurs les plus prolifiques du monde littéraire et a reçu plusieurs distinctions parmi lesquelles : le Prix Mallarmé pour Seize Lustres, le Grand Prix des poètes de la SACEM, le Grand prix de littérature de l'Académie française, le Grand prix de poésie de la Société des Gens de Lettres.


Posté le 23/09/2024 - Thème : Mort

Dormir
Raymond Carver


Il a dormi sur ses mains.
Sur un rocher.
Sur ses pieds.
Sur les pieds de quelqu’un d’autre.
Il a dormi dans des cars, des trains, des avions.
Dormi pendant le service.
Dormi au bord de la route.
Dormi sur un sac de pommes.
Il a dormi dans des toilettes publiques.
Dans un grenier à foin.
Au Super Dôme.
Dormi dans une Jaguar, et à l’arrière d’un pick-up.
Dormi dans des théâtres.
En prison.
Sur des bateaux.
Il a dormi dans des refuges en rondins et, une fois,
dans un château.
Dormi sous la pluie.
Sous un soleil brûlant il a dormi.
À cheval.
Il a dormi dans des fauteuils, des églises, des hôtels de luxe.
Il a dormi sous le toit d’inconnus tout au long de sa vie.
À présent il dort sous la terre.
Dort encore et sans fin.
Comme un vieux roi.

 

© Raymond CARVER


pRaymond Carver
(1938-1988))
Ecrivain américain, Raymond Carver est également poète et il est considéré comme un nouvelliste de premier plan. Son père, ouvrier dans une scierie, était alcoolique et sa mère travaillait parfois comme serveuse ou vendeuse. En 1956, à l'âge de 18 ans, il se marie avec son amie de lycée, âgée de 16 ans, Maryann Burk, alors enceinte. Carver a 20 ans à la naissance de son deuxième enfant. Après avoir obtenu son diplôme au lycée de Davis, Carver travaille et s'occupe de sa famille comme portier, ouvrier dans une scierie, ou comme vendeur. Après avoir déménagé en Californie, il s'intéresse à l'écriture et suit des cours de création littéraire avec le romancier John Gardner, qui eut une influence importante dans la vie de l'écrivain. Poursuivant ses études, il publie son premier recueil Near Klamath en 1968. Dans les années 1970-80, il enseigne dans divers universités américaines. Luttant contre l'alcoolisme, il arrête en 1977 grâce aux Alcooliques Anonymes. Divorcé en 1982, il se remarie en 1988 à Reno, au Nevada avec la poétesse Tess Gallagher. Deux mois plus tard, il décède d'un cancer du poumon.