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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797
Toi ma dormeuse mon ombreuse ma rêveuse
ma gisante aux pieds nus sur le sable mouillé
toi ma songeuse mon heureuse ma nageuse
ma lointaine aux yeux clos mon sommeillant œillet
distraite comme nuage et fraîche comme pluie
trompeuse comme l’eau légère comme vent
toi ma berceuse mon souci mon jour ma nuit
toi que j’attends toi qui te perds et me surprends
la vague en chuchotant glisse dans ton sommeil
te flaire et vient lécher tes jambes étonnées
ton corps abandonné respire le soleil
couleur de tes cheveux ruisselants et dénoués
Mon oublieuse ma paresseuse ma dormeuse
toi qui me trompes avec le vent avec la mer
avec le sable et le matin ma capricieuse
ma brûlante aux bras frais mon étoile légère
je t’attends je t’attends je guette ton retour
et le premier regard où je vois émerger
Eurydice aux pieds nus à la clarté du jour
dans cette enfant qui dort sur la plage allongée.
© Claude ROY
Claude Roy
(1915-1997)
Poète, journaliste et écrivain français, il écrit ses premiers poèmes lorsqu'il est fait prisonnier en juin 1940. Il s'engage alors dans la Résistance puis commence à publier des récits de voyages. Il ne cesse de publier des romans, des témoignages sur ses nombreux voyages, des descriptions critiques, des essais sur l'art et sur les artistes, dont beaucoup sont ses amis, des livres pour enfants et des poèmes, car la poésie est au cœur de toute son écriture. Elle en est le fil conducteur, et c'est à travers elle que la littérature prend toute sa place pour donner un sens à son existence inquiète et à des engagements souvent déçus.
© Miguel DEY
Miguel Dey
Poète à ses heures, Miguel Dey publie sur plusieurs sites à vocation poétique et a remporté plusieurs prix de poésie. Il vit actuellement à Saint-Denis-de-La-Réunion.
Je connais, les brumes claires,
La neige rose des matins d'hiver.
Je pourrais te retrouver
Le lièvre blanc qu'on ne voit jamais
Mais l'oiseau, l'oiseau s'est envolé
Et moi jamais, je ne le trouverai
Car j'ai vu, l'oiseau voler,
J'ai vu l'oiseau, je sais qu'il partait
Je l'ai entendu pleurer,
Le bel oiseau que le vent chassait.
Je voudrais, tout te donner.
Mais toi pourquoi, ne me dis-tu rien ?
Quel est-il ton grand secret,
Un secret d'homme, je le comprend bien.
Moi tu sais, je peux te raconter
Combien l'oiseau est parti à regret.
Si un jour, tu m'écoutais,
Tu apprendrais tout ce que je sais.
L'oiseau part et puis reviens,
Tu le verras peut-être demain.
Si jamais, je rencontrais
Le bel oiseau, qui s'est envolé,
S'il revient de son voyage,
Tout près de toi, le long du rivage.
Moi vois-tu, je lui raconterais
Combien pour toi, je sais qu'il a compté.
C'est l'oiseau, que tu aimais,
L'oiseau jaloux, je l'ai deviné.
Si jaimais il revenait,
Je lui dirais, que tu l'attendais.
© Cécile AUBRY
Musique composée par Eric Demarsan et Daniel White, générique du feuilleton télévisé Sébastien parmi les hommes.
Cécile Aubry
(1928-2010)
Ecrivaine, scénariste, réalisatrice et actrice française, Cécile Aubry est notamment connue pour avoir écrit les feuilletons télévisés à succès des années 1960 comme la série Poly, Belle et Sébastien, Sébastien parmi les hommes, où l'on retrouve son fils Mehdi El Glaoui comme acteur principal ainsi que la série Le Jeune Fabre, qui fait connaître l'actrice Véronique Jannot. Elle est également l'autrice d'une cinquantaine de livres pour enfants.
Il adorait rester là à côté de lui,
fasciné par ces doigts virevoltants sur les cordes,
scotché sur l’instrument au si bizarre bruit.
C’est comme si cette guitare lui ouvrait des portes.
Très jeune, chaque jour, il attendait ce moment
d’être avec son père qui répétait ses chansons.
C’était magique. Il oubliait l’espace, le temps,
les yeux rivés sur cette main créant des sons.
Toute son enfance a vibré de cette musique :
partage quasi mystique d’un père et d’un fils,
parfaite osmose d’émotions prolifiques,
qui a marqué sa vie où ils étaient complices.
Mais le destin a frappé. L’icône s’est cassée.
Brutalement. Sans prévenir. Sentiment d’urgence.
Un jour après l’école, l’angoisse était montée :
les notes absentes ; la guitare muette ; le silence.
Où est son père ? Que fait-il ? C’est pas normal !
D’un pas hésitant, il entrouvre une porte, une autre.
Toujours personne. Puis la chambre. Il a déjà mal.
Son corps gît là inconscient, son visage très pâle.
Suite à ce drame, Kōji est mal, surtout le soir.
Son cœur meurtri par la culpabilité
d’avoir traîné dehors, d’être rentré trop tard,
pèse lourd, même s’il n’a jamais pleuré.
Muet dans un silence fermé à double tour,
il vit sa vie sans en parler jamais.
C’est sa façon d’être pour survivre tous les jours
avec la plaie qu’il cache, la douleur qu’il tait.
Il a de chouettes copains avec qui il pratique un sport.
Ses cours le passionnent, il s’y donne à fond.
Il aime sa mère, lui apporte du réconfort.
Et le temps passe, sans en remuer le fond.
Puis un jour, ça lui prend, il ressort la guitare
de son bel écrin. Il en caresse les cordes,
les effleure une à une. Ses pensées s’égarent.
Il bride ses doigts pour qu’aucun son ne sorte.
La nuit d’après, quand la lune est à son plus beau,
il fait un rêve, un de ces rêves venu du ciel :
son père occupé à écrire sur son bureau
s’est retourné, lui a souri de ses yeux pastels.
Cet échange de regards nimbé de lune,
furtif, mais clair, transfiguré par l’Amour
avait le goût sucré de la tarte aux prunes
que sa mère venait juste de sortir du four.
Le lendemain matin, au réveil, Kōji a pleuré.
Un long chapelet de larmes a coulé de ses yeux.
Puis le calme est revenu. La paix s’est installée.
L’enfant a compris le message venu des cieux.
Il sait désormais que son père est toujours là,
ce qu’il voulait dire à son fils adoré.
« J’ai attendu le moment depuis mon trépas
où tu m’accueillerais dans ton cœur blessé. »
Ce signe témoin de l’immanence/transcendance
a apaisé l’enfant qui à la Vie dit « Merci ».
Cette rencontre magique accentue l’Espérance,
répond à nos croyances, laisse nos cœurs ébahis.
© Michel KEUKENS
Kõji :
Il s’agit d’un prénom japonais masculin assez unique. Il se prononce «ko-o-dji». Kō peut signifier « prospère », « paix » ou « bonheur, bonne fortune », tandis que ji peut signifier « chef ».
Michel Keukens (1948-aujourd'hui)
Né en Belgique, Michel Keukens a 75 ans et travaille toujours à titre de traducteur de brevets européens depuis plus de 30 ans, après avoir effectué une carrière partielle d'enseignant en langues germaniques dans le secondaire.
Les mots croisés et l'écriture sont ses dérivatifs favoris qui le changent radicalement de son activité professionnelle éminemment technique !
© Fabrice DOREY
Fabrice Dorey
(1962-aujourd'hui) Originaire de la Manche, Fabrice Dorey vit aujourd'hui à Bayeux dans le Calvados.
C'est un amoureux des mots et féru de jeux de mots. Son adolescence est bercée par la découverte d'un monde musical qu'il parcourt avec son frère et de nombreux amis. Caché derrière la batterie d'un petit groupe de musique local, il est plus à l'aise que devant les filles... Ses études l'amènent à avoir une profession paramédicale qui le passionne et le conduit à réfléchir sur la nature humaine et la complexité de la pensée. C'est ainsi qu'à trois ans de la retraite, il prend plaisir à poser sur papier les idées qui le tourmentent, l'encombrent ou l'amusent. Encouragé par sa famille et ses amis, il se lance dans l'écriture. Il a publié deux ouvrages
de pensées : Des pensées sans conter en 2021 aux Editions Sydney Laurent et Pensez donc ! en 2024 chez MVO Editions. Il aborde dans ces deux livres le monde de la philosophie, la politique, la poésie, l’humour, l’imaginaire, mais aussi celui des fables, du bisounours, des coups de gueule et parfois même de l’absurdité.
© Jacky COURALET
Jacky Couralet
(1953-aujourd'hui)
Retraité de la Fonction Publique Territoriale, Jacky Couralet est un passionné de poésie. Eclectique, il écrit dans tous les registres : de la veine austère à la veine satirique, voire loufoque ! Il adore aussi le scrabble et a une approche ludique des activités cérébrales.
À Bernard DIMEY (centon*)
« J’ai vécu comme un fou, un bon quart de ma vie
La clef dans le pot de fleur et la porte tirée
Les gosses qui m’ont connu, bien sûr, ils ont grandi
Je tire mon chapeau à ceux qui sont passés ».
« Dans les soirs cloutés d’or de l’enfant que j’étais
Se rallument soudain le rire et les chansons
Des programmes comm’ ceux-là, vous n’en verrez jamais
Quoiqu’ayant du principe et de la religion ».
« On regrette toujours les vertus de l’enfance
Tous les grands chevaux blancs qui couraient dans les rues
Qu’il me semble parfois, aujourd’hui quand j’y pense
Je peux dire, et c’est vrai, j’ai fait ce que j’ai pu ».
« J’ai toujours adoré Paris quand la nuit tombe
Les femmes de hasard qui passaient dans mon lit
Le jour où je n’aurai plus rien à dire au monde
On peut aller tout seul dévisager sa vie ».
© Stephen BLANCHARD
* Centon : le centon est un texte constitué de vers ou de fragments à un ou plusieurs auteurs. Voici un centon que l'auteur a formé à partir de l’œuvre de Bernard Dimey. Le centon vient du mot latin Centro lui-même tiré du grec Kentrôn qui désigne un habit fait de divers morceaux ou de guenilles rapiécées. Dans le jeu du centon, la copie et le plagiat sont légalisés ! Il en est de même pour les montages artistiques de Braque ou Picasso. Le plus périlleux dans ce jeu, c’est de donner un sens à l’œuvre.
Bernard DIMEY (1931-1981) : poète, auteur de chansons et dialoguiste français, il s'installe à Paris à 25 ans sur la Butte Montmartre qu'il ne quittera plus. Cet amoureux de Montmartre où bien des endroits portent encore son nom était connu comme auteur de chansons à succès : « Syracuse », « Mémère », « Mon truc en plume », etc. qui ont été interprétées par des géants de la chanson française.
Stephen Blanchard (1952-aujourd'hui)
Créateur de l'Association "Les poètes de l'amitié - poètes sans frontières", Stephen Blanchard est aussi directeur de la revue internationale de poésie Florilège. Son association décerne chaque année trois prix d'édition à compte d'éditeur, dont le Prix d'Edition Poétique de la Ville de Dijon. Située en Côte d'Or, elle y organise depuis dix-neuf ans Les Rencontres Poétiques de Bourgogne. Il a publié près d'une trentaine recueils.
→ Voir tous ses textes sur le site
Le site de l'association :
→ http://poetesdelamitie.blog4ever.com/
Au verger, les feuilles tombent.
Une troupe d'écoliers
Traverse la rue en trombe.
Octobre, dans les selliers,
Manipule ses barriques.
Novembre mélancolique
Effeuille les peupliers.
Notre destin nous est rivé
© Raoul BÉCOUSSE
Raoul Bécousse (1920-2000)
Bourguignon d'origine, Raoul Bécousse est un professeur de lettres et poète français. Poète reconnu et récompensé, il est présent dans de nombreuses anthologies, telle que celle de Robert Sabatier qui écrit "son œuvre offre toute la variété de ses registres, du plus grave au plus flûté. Chez lui l'économie des mots, le soin de l'écriture vont de pair avec la générosité de la pensée. L'aspiration à plus d'amour humain, à plus de foi, une inquiétude spirituelle, s'accompagne d'une bonne santé du poème, d'un goût terrien, d'un humour au quotidien".
Il est des enfants nés au parfum d’abandon
Des internats feutrés d’oisives malveillances
Et des orphelinats à pleurer sa naissance.
Quand l’aube qui se lève a des senteurs amères
Et n’a plus de raison que dérisoires motifs
Que la cloche en appelle à faire mea culpa
La chapelle résonnant de prières de pardon
Le mal s’est ancré dans ces âmes jeunettes.
Otages d’un amour aux yeux crevés d’absence
Maudits de l’adoption ou jeunes néophytes
Ils ont déjà leur nom dans de sombres feuillets
Anonymes ou livrets aux écrits dérisoires.
16 avril 2025
© Claude DUSSERT
Lestelle-Bétharram : commune des Pyrénées-Atlantiques dont les collège et lycée sont actuellement au centre d'un des plus grands scandales de pédophilie de l’histoire de l’éducation française.
Claude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations.
Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.
Quand tu vois comme notre monde est en feu, tu dois te demander
comment nous nous sommes égarés si loin de ton chemin.
Déesse née de la lumière, revêtue d’une robe de soleil
toi, dont les traces de pas ont fleuri pour semer sur notre sentier
le succulent chèvrefeuille, qui a couvert chaque colline de l’or du souple genêt,
érigé Duir le chêne puissant pour prospérer dans les bois frémissants,
l’animer du chant des grives, permis au saumon de sauter tel du vif-argent
au-dessus de ruisseaux tourbillonnants
– rappelle-nous à présent
pour boire à ta source précieuse, pour retrouver la santé
dans ton temple de lumière, pour vénérer à nouveau ta nature sauvage sacrée.
© Anne CASEY
Traduction de Germain Droogenbroodt
Anne Casey
Originaire de l'ouest du comté de Clare, en Irlande, et vivant à Sydney, en Australie, Anne Casey est une poétesse et écrivaine primée, auteure de deux recueils de poésie salués par la critique : « Where the lost things go » (Salmon Poetry, 2017) et « Out of emptied cups » (Salmon Poetry, 2019). Elle a travaillé pendant 30 ans comme journaliste, rédactrice en chef de magazine, directrice de la communication média et auteure juridique. Rédactrice en chef principale de la poésie des revues littéraires Other Terrain et Backstory (Université Swinburne, Melbourne) de 2017 à 2020, elle siège à de nombreux conseils consultatifs littéraires. Ses écrits et sa poésie sont largement publiés à l'international et figurent parmi les plus lus du journal The Irish Times.
Anne est convaincue que chaque poème, comme toute œuvre d'art, doit nous laisser un souvenir impérissable. Ses poèmes sont publiés dans le monde entier dans des journaux, magazines, revues, anthologies, émissions, podcasts, albums, spectacles et expositions d'art.
Si vous n’êtes pas climatosceptique,
C’est mathématique :
Selon ce qu’en disent les experts et les voisins
Qu’il soit midi, soir et matin,
A en croire les infos dès potron-minet
Les reportages de loin et de près,
Si tout ce qu’on entend, lit ou regarde
Nous incite à nous mettre sur nos gardes,
Alors, on a peur.
Rien n’y faisait les antibiotiques,
Ce fut automatique :
On n’avait pas le choix
De ne pas rester cloîtrer chez soi,
Il fallait se protéger, surtout des autres
Toujours se cacher le visage
Pour éviter du virus les ravages.
Et pour fêter cet anniversaire
De cette période où tout était par terre,
On en remet une couche
En balançant des chiffres à la louche.
Alors, on a peur.
Le bruit des armes automatiques
C’est pas bon pour notre fric.
On nous avait dit : « plus jamais ça ! »
Et maintenant c’est : « la guerre est là ! »
Ils disent que l’ennemi est à nos portes,
Que la menace est extra-forte.
Mais, déjà, on la devance, on nous réconforte
En nous assurant d’une mainforte.
A condition de préparer notre assurance-vie
de soixante-douze heures avec un kit de survie.
Alors, on a peur.
Quelle sera notre réplique ?
C’est simple : ne pas céder à la panique.
Vous avez dit « survie » ?
Dites m’en plus, je vous supplie.
Déjà plus d’un dans notre monde
Se trouve dans une situation immonde.
Et si la catastrophe, le deuxième big bang explose,
Nous ne serons quoi qu’il en soit plus grand-chose.
On aura l’air fin avec notre kit,
Car ce sera venu beaucoup trop vite.
Et si l’on refusait de croire à la Peur ?
Qui se chache derrière ces oiseaux de malheur ?
Tâchons de rester plus ou moins sages,
De ne pas frémir sous les mauvais présages.
Personnellement, je refuse et cette Peur, je la récuse.
© Michel KEUKENS
Michel Keukens (1948-aujourd'hui)
Né en Belgique, Michel Keukens a 75 ans et travaille toujours à titre de traducteur de brevets européens depuis plus de 30 ans, après avoir effectué une carrière partielle d'enseignant en langues germaniques dans le secondaire.
Les mots croisés et l'écriture sont ses dérivatifs favoris qui le changent radicalement de son activité professionnelle éminemment technique !
Mes sombres pupilles, ah
Simples, étourdies, solitaires
Comme l’ivresse d’un derviche
Dans la danse de ses yeux
J’ai senti ce mouvement comme une vague
Comme la pyramide rouge d’un feu
Comme le reflet de l’eau
Comme un nuage tremblant sous la pluie
Comme le ciel dans le vent des saisons chaudes
Il s’est déployé
Sans fin
Au-delà de la vie
J’ai senti mon existence, mon corps
Se dissiper
Dans le souffle de ses mains
J’ai senti l’écho vagabond
De son cœur
Son cercle envoûtant dans le mien
L’heure s’est envolée
Le rideau happé par le vent
Je l’avais serré
Dans la lueur de l’incendie
Je voulais dire
Des merveilles
L’ombre de ses longs cils
– Un voile de soie effilé –
Remontait de l’obscurité
Sur la cuisse tendue par le désir
Et ce frisson, ce frisson proche de la mort
Se perdait en moi
Je me sentais libre
Je me sentais libre
Sous ma peau, l’amour s’étendait, mon corps se fêlait
J’ai senti toute mon ardeur
Fondre doucement
Et couler, couler, couler
Dans la lune, la lune assise sur un talus, la lune révoltée, opaque
Nous avons pleuré l’un et l’autre
Nous avons vécu follement l’un et l’autre
Une union éphémère, illusoire
© Forough FARROKHZAD
Extrait du recueil Une autre naissance, Editions Héros-Limite
Traduction du persan par Laura Tirandaz et Ardeschir Tirandaz
Forough Farrokhzad
(1935-1967)
Née à Téhéran, Forough Farrokhzad fut la première poétesse iranienne à promouvoir la culture féminine en poésie. Elle publie plusieurs recueils et poursuit des études cinématographiques en Grande-Bretagne. En 1962, elle réalise son film La maison est noire qui est un film sur la vie des lépreux. Le film remporte le grand prix du documentaire au festival d'Oberhausen en 1963. Exprimant ses réflexions sur la discrimination et les inégalités, elle décrit les souffrances indicibles des femmes de son pays.
Elle est décédée dans un accident de voiture le 14 février 1967, à l'âge de 32 ans.
Je t'aimerai sans toi. ne me fais jamais signe.
Un ajonc peut flamber sur la lande à midi,
solitaire en son mal et seulement nourri
d'argile avaricieuse au bout de sa racine.
Enterre au fond de toi mon nom ensommeillé.
Reste plus ténébreux qu'un buis de cimetière.
Je t'ai volé jadis les neiges de janvier
et j'ai coupé sur toi mes plus hautes javelles.
Va, ressemble à un mort. Debout dans mon désert
je sens bouger en moi des foisons de semences.
L'amour qui te cherchait dans sa famine immense
t'a dépassé enfin et brûle l'univers.
© Anne-Marie KEGELS
Anne-Marie Kegels
(1912-1994)
Née près d'Agen, dans une famille de vignerons, Anne-Marie Kegels découvre la poésie grâce à sa grand-mère. A 19 ans, elle s'installe en Belgique après avoir épousé Joseph Kegels et publie ses premiers poèmes en 1945. Elle collabore à des hebdomadaires et à des activités littéraires. Elle enchaîne la publication de poèmes. Sous l'apparence -et la réalité- d'une vie plane et ordonnée, Anne-Marie Kegels brûle d'un feu inextinguible, qui s'exprime à travers d'ardentes métaphores, et les thèmes principaux de ses poèmes, solitude, évocation de la mort, confinent à une inquiétude métaphysique.
Autre texte :
La fenêtre
L’enfance est dans le lait des limbes
et moi sur le sillon croisé
à lécher la sueur des murailles
vers l’être et l’éclos, la grâce
précaire : je suis
muselé mais grandissant
vers ma déroute
ô sirène, ô sillage
en robe vaine et cordes rouges
abîmé dans l’éveil
aimant la ronce d’espérance
et la fenêtre essoufflée.
© Cédric DEMANGEOT
Cédric Demangeot
(1974-2021)
Poète, traducteur et éditeur, Cédric Demangeot est considéré comme « l’une des voix poétiques les plus saisissantes de sa génération », il est l'auteur de nombreux recueils de poésie, mais aussi de deux pièces de théâtre. Son « œuvre [...] est le théâtre d’un affrontement très dur, très âpre avec le négatif », car pour lui, « la poésie devient protestation de la vie contre tout ce qui l’entrave, la défigure et la nie » : « la poésie doit saboter le réel et le rendre au vivant ». « Le poème est enfantin, politique est mortel », écrivait Demangeot, qui formulait ainsi le sens de son travail : « Comment écrire de la poésie à l'heure de la mondialisation du non-monde ? ».
Les lézards dorment en bougeant la queue dans les pierres ;
l’avant-toit ne fait plus par terre
la barre droite qu’il faisait ;
sur le talus, pour avoir frais,
les doigts cherchent une touffe d’herbe.
Tout est silence dans la maison, la cour est déserte ;
les canards bleus, les canards verts, les canards blancs
sont rangés, comme si on leur avait coupé la tête,
l’un à côté de l’autre au bord de l’étang.
Le chien, dans sa niche de paille et d’ombre,
le museau sur ses pattes, ronfle,
et seul le bout de son museau se montre.
De temps en temps seulement, on voit
un paquet de moineaux qui se laisse tomber du toit ;
ils font dans l’air une tache légère,
puis ils se roulent dans la poussière,
ils font alors une petite fumée, ? oh ! apportez-moi
une de ces pommes pas encore mûres, pleines d’acidité,
qu’on cueille aux arbres du verger,
avant le temps, avec la queue,
et dont le jus entre les dents
a une fraîcheur délicieuse.
© Charles-Ferdinand RAMUZ
Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947)
Ecrivain suisse romand, Charles-Ferdinand Ramuz a utilisé le parler vaudois, ce qui donne à son oeuvre un style singulier. Il est auteur de romans, d'essais et de poèmes où figurent au premier plan les espoirs et les désirs de l'être humain. Ramuz puisa dans d'autres formes d'art (peinture, cinéma) pour contribuer à la redéfinition du roman.
Du même auteur :
Dimanche soir
Les maisons
→ Sa biographie sur Wikipédia
Les yeux dans le vide, elle tourne inlassablement
dans son café déjà refroidi depuis longtemps.
Son esprit s’évade, se fixe à d’autres moments.
Une larme tombe, témoin de son tourment.
Voilà déjà quatre mois qu’il est parti
qu’elle se retrouve seule le soir et à midi
car c’est au repas que le refus de l’oubli
se fait maître de tous ses autres soucis.
La vie à deux, et cela qu’on le veuille ou non,
fait qu’on passe beaucoup de temps au diapason.
Parfois un vain désaccord change le oui en non
mais l’ancrage des vœux refait la liaison.
Avec du recul, serait-elle responsable ?
Peut-être eut-elle dû se montrer plus aimable ?
Éviter ces amères remarques qui accablent ?
Comment dans cette situation ne pas se sentir coupable ?
Le poste de télévision débite ses sornettes.
C’est un peu une présence qui lui remplit la tête.
Va falloir se bouger, aller faire ses emplettes.
Ça change les idées, et pour ça elle doit être nette.
Au verso d’une feuille d’un vieux calendrier,
au crayon, ligne par ligne, dans des colonnes bien tracées,
elle note scrupuleusement ce qu’elle ne doit pas oublier.
À sa mémoire défaillante, elle ne peut plus se fier.
C’est une amie qui lui avait parlé de cette maison
où l’on accueille ceux qui ont mal à leur raison
et qui ont été frappés par une lente érosion
dont personne aujourd’hui ne connaît la raison.
Il ne sait plus qui il est, enfermé dans son monde.
Il est là sans y être, infernale est sa ronde.
Aujourd’hui encore elle ira fleurir cette tombe,
encore lui parlera, en espérant qu’il réponde.
© Michel KEUKENS
Michel Keukens (1948-aujourd'hui)
Né en Belgique, Michel Keukens a 75 ans et travaille toujours à titre de traducteur de brevets européens depuis plus de 30 ans, après avoir effectué une carrière partielle d'enseignant en langues germaniques dans le secondaire.
Les mots croisés et l'écriture sont ses dérivatifs favoris qui le changent radicalement de son activité professionnelle éminemment technique !
Il y eut des pas sur le sable
Qui conduisaient à des pieds nus,
Ses yeux et l’eau étaient si clairs
Que le fond de tout paraissait,
Les vêtements et les mensonges
Avaient été démis du songe,
N’eût-elle relâché les doigts
Lui eût-il mieux tenu la main,
Tous deux auraient dormi mille ans
Dans un tombeau des Alyscamps.
© André PIEYRE DE MANDIARGUES
Alyscamps : Les Alyscamps sont une nécropole remontant à l'époque romaine située à Arles, dans le département des Bouches-du-Rhône en France.
André
Pieyre de Mandiargues (1909-1991)
Ecrivain français, Pieyre de Mandiargues est souvent considéré comme surréaliste, et, même s'il le rejoint sur certains aspects, il ne pourrait y être totalement rattaché. De fait, il est aussi membre inavoué du romantisme noir et constitue l'un des derniers représentants du symbolisme. Son œuvre comprend des poèmes, des contes et des romans (notamment Le Musée noir, en 1946, Soleil des loups, en 1951 et Feu de braise, en 1959), des essais sur l'art et la littérature, des pièces de théâtre (Isabella Morra, 1973), des recueils de poèmes (L'Âge de craie, 1961) ainsi que des traductions. Il a également reçu le Prix Goncourt en 1967 pour son roman La Marge, et le Grand prix de poésie de l'Académie française en 1979.
Ce que je cherche, c’est
Le secret qu’on appelle beauté,
Qui existe, qui se garde,
Qu’on peut définir.
Cette chose qui exalte
Quand on contemple
Ce courant qui réveille
Ce que chacun voudrait être,
Ce qui en lui
Grouille et cogne,
Aspire à la hauteur
Où s’accomplir.
Mais la beauté n’est pas
Un lieu où l’on arrive.
La beauté
Est un point de départ.
Mes sculptures
Sont des tremplins.
© Eugène GUILLEVIC
Eugène Guillevic
(1907-1997)
Eugène Guillevic est l'un des plus importants poètes français de la seconde moitié du XXe siècle. Il ne signa jamais ses nombreux recueils que de son seul nom, Guillevic. Catholique pratiquant jusque vers trente ans, il devient sympathisant communiste au moment de la Guerre d'Espagne, adhère en 1942 au Parti communiste alors qu'il se lie à Paul Éluard et participe aux publications de la presse clandestine. Sa poésie est concise, franche comme le roc, rugueuse et généreuse, tout en demeurant suggestive. Sa poétique se caractérise aussi par son refus des métaphores, auxquelles il préfère les comparaisons, jugées moins mensongères.
Autres textes :
Ça frappe
Berceuse pour adultes