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(sauf aux poètes disparus et certains auteurs-compositeurs-interprètes), ou bien ils sont envoyés spontanément par les auteurs publiés.
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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797
Le poids du monde
est amour.
Sous le fardeau
de solitude,
sous le fardeau
d’insatisfaction
le poids,
le poids que nous portons
est amour.
Qui peut nier ?
Rêvé
il touche
le corps,
pensé
construit
un miracle,
imaginé
angoisse
jusqu’à naissance
dans l’humain –
regarde par le cœur –
brûlant de pureté –
car le fardeau de vie
est amour,
mais nous portons le poids
avec lassitude
et devons ainsi reposer
dans les bras de l’amour
à la fin,
reposer dans les bras
de l’amour.
Nul repos
sans amour,
nul sommeil
sans rêves
d’amour –
soyez fou ou glacé
obsédé d’anges
ou de machines,
le vœu dernier
est amour
- ne peut-être aigri
ne peut dénier
ne peut s’abstenir
si dénié :
le poids est trop lourd
- doit donner
sans retour
comme la pensée
est donnée
en solitude
dans toute l’excellence
de son excès.
Les corps chauds
brillent ensemble
dans l’obscurité,
la main s’avance
vers le centre
de la chair,
la peau tremble
de bonheur
et l’âme vient
joyeuse à l’œil –
oui, oui,
c’est ça
qu’je voulais
j’ai toujours voulu,
j’ai toujours voulu,
retourner
au corps
où je suis né.
© Allen GINSBERG
Traduction de Robert Cordier et Jean-Jacques Lebel
Allen Ginsberg
(1926-1997)
Poète américain, Allen Ginsberg est fondateur de la Beat Generation, du mouvement hippie et de la contre-culture américaine. Ses prises de position homosexuelles, pacifistes et bouddhistes lui valurent de fréquents démêlés avec la justice. Son œuvre, scandaleuse dans les années 1960, fut récompensée à partir des années 1970. Fermement opposé au militarisme, au matérialisme économique et à la répression sexuelle, il est surtout connu pour son poème épique Howl, dans lequel il dénonce ce qu'il considère comme les forces destructrices du capitalisme et du conformisme aux États-Unis.
Bouddhiste pratiquant, il a étudié de différentes disciplines religieuses orientales.
Il a participé aux manifestations politiques non violentes de son époque, de la guerre du Vietnam à la guerre contre la drogue. Sa poésie
se caractérise par sa liberté de ton et son aspect volontiers décousu.
Aucun jour de repos pour surveiller la vigne
Devenir vigneron il faut en être digne
Du printemps à l’été, ce ne sont que périls
Car la création peut se montrer ingrate
Si la grêle et le gel annoncent les avrils
Il se peut en effet que la saison se gâte.
Là-haut sur le versant, le dernier rai de lune
Revêt de diamants la rosée opportune.
Puis d’un coup apparait, tel Lion (1) florissant,
Le miroir flamboyant, qui d’un tour de magie,
Déverse sur l’adret des rivières de sang.
Alors, automne ardent sort de sa léthargie !
Que sonne la diane à l’heure des vendanges !
Surtout n’oubliez pas, la part offerte aux anges !
Gorgé de miel le grain rend hommage à ses fleurs ;
Mais l’adroit sécateur sèvre les appétits :
Jugement sans appel pour les écornifleurs.
Fi donc ! Pas assez mûrs, pourris ou trop petits.
© Catherine DESTREPAN
Ce texte a remporté le Premier Prix de Poésie Classique au concours AMAVICA 2023, dont le thème était : « La vigne et le vin, vigneron et vigneronne ».
(1) Lion : Constellation du zodiaque
(2) Pomone : Divinité des fruits (mythologie romaine)
(3) Bacchus : Dieu du vin (mythologie romaine)
Catherine Destrepan
(1956-aujourd'hui)
Comptable, Catherine Destrepan a jonglé toute sa vie active avec les chiffres avant de s'intéresser de plus près à la poésie, qui occupe aujourd'hui une grande place dans ses activités culturelles. Elle prête également sa voix de contre-alto au sein de plusieurs ensembles vocaux.
Vigneron las des treilles célestes,
Le suc rosé de mes sphères blondes
Innerve ta gorge d'un manifeste :
Ce labour tendre de chairs fécondes.
Grappes d'étoiles, citernes de vie,
Vos lustres crèvent en pâles copies.
Globes éphémères, le vert coulis
À la joie nue enfin succombe.
Rotondes cuivrées de plaies secrètes
Aux sémaphores de mon ennui,
Lucioles filtrées de lianes discrètes
S'abreuvent aux cépages d'infini.
Sarments transis de plumes de glace
Au nectar pourpre enfin faites place !
Aux équinoxes, détrempe ta ville !
Aux équivoques, décante ta vie !
Aux paradoxes, deviens ta vigne !
Aux lentes écorces, distille l'envie
Du blanc muscat, souvenir tari
Du sang grenat, philtre de nuit.
© Linda CARA-JACOBI
Ce texte a remporté le Premier Prix de la Francophonie au concours AMAVICA 2023, dont le thème était : « La vigne et le vin, vigneron et vigneronne ».
Linda Cara-Jacobi (1973-aujourd'hui)
Linda Cara-Jacobi vit en Suisse. Après des études de Lettres puis de stylisme à Milan, elle revient à Genève et à ses premières amours de plume et d'encrier avec la préparation d'un premier recueil de poésie.
Dans tes yeux si clairs
je lis les rêves de l’homme
dans tes yeux si tendres
je contemple la nature en fleurs
épanouie
Dans tes yeux si limpides
je revoie tous les yeux
bleu des fleuves
blanc des montagnes
tous les yeux verts des prés
rouge des flammes et des étoiles
les yeux des autres mondes
tous les yeux…
Dans ton babil
j’entends les rumeurs de l’eau
La symphonie du rire des hommes
Toutes les rumeurs de l’univers en éveil
Dans les battements de tes mains d’ange
j’entends tous les Tam-Tam accordés
Toutes les chansons de l’univers
Et lorsque je les tiens tes mains
je tiens toutes les mains roses des aurores
Toutes les mains vierges des espoirs
La main des siècles en guipûre autant la main des êtres
Dans tes yeux si clairs
Je relis tous les rêves de l’homme
Et l’éternité accrochée à tes cils
me redit la mélodie de l’univers
dans tes yeux, si bleus si bleus
fleurit l’amour
Dans tes yeux si loin, si loin…
rayonne mon amour
Dans tes yeux si près, si près…
chantonne mon cœur
Dans tes yeux d’enfant
je contemple la nature en fleurs
épanouie.
© Bernard DADIÉ
Bernard Dadié
(1916-2019)
[Nom d'origine : Koffi Binlin Dadié]
Homme de lettres et homme politique ivoirien, Bernard Dadié est un auteur prolifique et a l’avantage d’avoir livré à la postérité des œuvres du champ de la nouvelle, du roman, de la poésie, du théâtre et de l’essai. Parallèlement à une production littéraire féconde, il est doublement prix littéraire d’Afrique noir. Sa poésie, militante, se caractérise par une démarche elliptique et une appropriation décomplexée de son statut d’homme noir
comme en témoignent ces vers :
« Je vous remercie mon Dieu de m’avoir créé Noir
Le blanc est une couleur de circonstance
Le noir, la couleur de tous les jours
Et je porte le Monde depuis l’aube des temps
Et mon rire sur le Monde, dans la nuit, crée
le
Jour. »
A l'ombre de mon « septuagénia folia »,
Cette plante vivace, qui repique à la vie
Et conquiert oh ! sans peine, le monde qu'elle vit.
Mille étoiles l'inondent et l’arrosent d'autrui.
Les graines de ses fruits, s'éparpillent en pluie.
Germez, pouces coquines, que la sève titille !
Bourrasques de lumières lui volent tout autour,
D'un froufrou vrombissant vient s'emballer le temps.
A l'ombre de mon « septuagénia folia »,
Rien n'est fané, seulement bien taillé !
Des années découpées, rallonges du passé,
L'attente est merveilleuse, les rencontres nombreuses.
Folia s'est transformé, mais toujours aux aguets !
Un souffle d'air ventile sa verdure gracile !!
© Annie VITI
© Photographies de l'auteure
Annie Viti
(1944-aujourd'hui)
Gribouilleuse à temps perdu et au gré de sa fantaisie, Annie Viti écrit juste pour le plaisir et le partage.
© Joshin Luce BACHOUX
Joshin Luce
Bachoux
(1950-aujourd'hui)
Nonne bouddhiste, Joshin Luce Bachoux vit en Ardèche. Elle anime la Demeure sans limites, temple zen et lieu de retraite à Saint-Agrève, en Ardèche.
Elle a publié plusieurs ouvrages liés à la spiritualité.
Faites taire les silences qui s’imposent à mes rêves
Faites taire je vous prie les cris des condamnés.
Rayez de vos mémoires le rire des assassins
Rayez à l’encre rouge les écrits fratricides.
Faites taire les harangues des nouveaux sans culotte
Faites taire leurs discours dits révolutionnaires.
Celez à tout jamais leurs bouches mensongères
Celez à tout jamais le sort de cette engeance.
Faites taire les pantins diaboliques ou austères
Faites taire les bouffons margotins et fantoches.
Qui encensent des maîtres aux pouvoirs tyranniques
De vos carnets d’adresse rayez ces paltoquets.
Faites taire les chiens qui hurlent à la lune
Faites taire les roquets et les pétitionnaires.
Rayez de vos mémoires les pensers douloureux
Rayez de vos carnets leur adresse en enfer.
Donnez-nous des envies à défaire ce monde
Donnez-nous de la joie et des rires sans fin.
Donnez-nous la sagesse dès notre plus jeune âge
Faites que devenus vieux nous ayons la décence
Et la maturité et le discernement
Pour préserver la Terre qui nous a acceptés
Pour rendre à Gaïa tous les empires du monde.
© Claude DUSSERT
Claude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations.
Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.
Je voudrais te dévaster d’amour
comme les cigales mangent les champs
et que tu sois nu de toi-même
et qu’il n’y ait que moi pour te recouvrir.
Tu ne saurais plus
où tu commences, où je finis.
Emmêlés dans la chair et l’esprit,
brûlés vifs l’un sur l’autre,
se riant du plaisir
comme les enfants, l’hiver,
qui ont enfin chaud
dans la chambre chaude.
Je veux être aussi
le chemin après l’amour
mouillé d’ombres légères
que tu puisses avancer en moi
© Andrée SODENKAMP
Extrait du recueil C’est au feu que je pardonne,
André De Rache éditeur, Bruxelles, 1984.
Andrée
Sodenkamp
(1906-2004)
Poétesse belge aux alexandrins sonores et sensuels, Andrée Sodenkamp a obtenu de nombreux prix de poésie. Elle a été institutrice puis enseignante de français-histoire et enfin inspectrice des bibliothèques publiques.
Elle publie ses premiers poèmes à quarante-quatre ans. Maurice Carême lit ses poèmes et la fait connaître à un cercle de poètes. Quelle que soit la forme (classique, libre ou en prose) de ses vers, ses contemporains soulignent leur grande musicalité.
Le berger plein de coccinelles
A fait deux pas dans sa chaumine ;
L’horloge qui le suit de près
Commence à ronfler doucement.
Le feu reprend mais tourne au bleu.
L’horloge hésite à regarder
Les mains calleuses de cet homme
Qui coupe un pain dans la marmite,
Qui fait la soupe de minuit,
Qui plante son vieux coutelas
Dans le bois de la table rêche.
L’horloge a peur de se tromper.
C’est pour cela que bat plus vite
Son balancier de vert de gris.
La flamme parvient à glisser
Sa langue au fond de la marmite.
Le berger prend son écuelle
Et parmi ses moustaches mauves
Il boit lentement son passé
Qui sent le mouton enragé.
© Géo NORGE
Géo Norge
(1890-1990)
[Nom de naissance : Georges Mogin]
Poète belge francophone, Norge publie son premier recueil à 25 ans puis fonde, avec Raymond Rouleau, le Théâtre du Groupe libre, un groupe avant-gardiste et éphémère qui mettra en scène Cocteau, Karel Capek, Max Deauville et Tam-Tam. Il fondra également le Journal des Poètes. Il s'installe en Provence en 1954 où il devient antiquaire. C'est alors pour lui une période de création intense. Sa poésie revêt une grande diversité de formes (poèmes-récits longs, virelangues, micro-fables, vers réguliers, versets…). Elle allie concret et métaphysique, sensualité et cruauté, vérité et incrédulité, fringales terrestres et soif d'infini. Passionné par la vie dans la diversité de ses formes, il traite aussi bien des étoiles que du lombric ou de la mouche. Son oeuvre est couronnée de plusieurs prix de poésie prestigieux.
Autres textes :
Chances
Poltron
→ Sa biographie sur Wikipédia
L'aube effleure les ifs, sur la terre s'épanche
Tandis que le soleil pointe au bout des sillons,
L'éclat de sa lumière étincelle et se penche
Sur ce sol qui s'éveille aux jeux des papillons.
Puis un vibrant appel s'arrête et recommence,
Une ode , un chant d'amour qui signale l'été,
Il s'entend jusqu'aux monts de l'étendue immense
Qui s'offre sous nos yeux, dans ce décor bleuté.
L'astre d'or au zénith attise la folie
Des insectes qui vont jusqu'à la fin du jour
Se gorger de ce miel et ce jusqu'à la lie
Car la saison avance, et ce temps est si court.
C'est ainsi que se joue et s'accomplit la vie,
Dans la puissante voix de cet air éternel,
Moi, je n'ai qu'un seul rêve et qu'une seule envie,
M'attarder pour toujours dans les plis de son ciel.
© Nelly PEYRE
Nelly Peyre
Habitant le Tarn, Nelly Peyre est une grande passionnée de la vie dans toutes ses grandes et petites lignes. Le partage, le don de soi, l'amitié, l'amour. Chaque instant, chaque regard, tout peut-être chargé d'émotions...
Son blog est le reflet de tous ses voyages et balades, illustré de magnifiques photographies. Elle a de multiples activités artistiques et culturelles dont l'écriture de contes et la poésie.
Gare de Bombay
les trains lumières affluent
dans le temple métallique
Les voyageurs descendent les marches
et parcourent des arabesques insensées
La parade de l’opulence et de la réussite
livre joutes merveilles et mondes caciques
Quand les jeux de chances croisent des vents contraires
Krishna est là, en face du quai,
il scrute les mensonges de la destinée
Bientôt le train le délivrera de cet inventaire
quitte la ville et ses gorges l’indiffèrent
un long trajet au crépuscule
Derrière la vitre les villages
pointent leurs petites lumières
suivent encore l’onde du temps et de la terre
Un sentier mal éclairé, une odeur de riz
cheminent les traverses
parcelles d’eau où se mirent
les plis lancinants de la voûte
Le regard de Krishna s’ouvrira
téméraire.
© Arnaud RIVIÈRE KÉRAVAL
Extrait du recueil Les Paysages ambulants, Editions Ballade à la lune, 2023
Arnaud Rivière Kéraval
Arnaud Rivière Kéraval est originaire de Bretagne. Il a vécu de nombreuses années en Inde et au Népal. Ses poèmes sont parus dans plusieurs revues poétiques et magazines littéraires (A l’Index, Bleu d’Encre, Arpa, La Page Blanche, Prop(r)ose Magazine, Lichen, Chroniques du çà et là…).
Un de ses poèmes s’est vu récemment sélectionné pour figurer dans une anthologie éditée par la Maison de la Poésie de la Corse autour des frontières (thème du Printemps des Poètes 2023).
Il est membre du collectif OuPoLi (Ouvroir de Poésie Libre).
© Gabriela MARIN
Gabriela Marin
(1966-aujourd'hui)
Née en Roumanie, Gabriela Marin aime "les beaux mots et les beaux syntagmes" ainsi que la lecture depuis son enfance. Professeure diplômée d'anglais, elle a un Master avec mention en Didactique du Français Langue Etrangère (FLE) à l'Université des Antilles, Martinique. Elle a enseigné l'anglais et le FLE dans des écoles, collèges et lycées en Roumanie, Martinique et Guyane, et "L'Expression orale et écrite en français professionnel" à l'Université des Antilles. Elle est passionnée par les langues étrangères, la littérature, le théâtre, la musique, la psychologie, la graphologie, le langage corporel, le langage du langage, les voyages.
Elle a écrit des "poèmes en minuscules" parce que elle veut prouver que l'on peut écrire des choses intéressantes, intelligentes, élégantes et "valables" même sans majuscules ni ponctuation, et même en phrases elliptiques et courtes.
Elle publie ses poèmes dans des revues et sur des plateformes littéraires, telles que Destine Literare (où publient des académiciens, scientifiques, professeurs des universités et écrivains et poètes célèbres ; elle est collaboratrice de cette revue). Elle publie également dans des revues internationales (Canada, Roumanie, Etats-Unis, Israël, Belgique, Allemagne, Hollande, Moldavie et Australie).
Irrémédiablement ! Je t'ai laissé partir,
Bientôt quatre cents jours...
Depuis, j'ai le cœur lourd
Et le temps s'étire...
Imperturbablement...
Les journées ont passé,
Ma peine est moins violente.
Mais le souvenir vivace
Qui chaque jour me hante...
M'oblige à faire une pause,
Et à me rappeler !
Il y a certains jours
La houle monte en moi.
Elle est forte et elle cogne,
Et j'ai le cœur qui bat,
Qui bat, qui bat, qui bat...
La tristesse m'envahit
Comme une marée haute.
Elle déchire mon cœur ...
Qui saute et qui tressaute,
C'est comme un tsunami
Cette vague géante dont l'ampleur...
Me submerge et m'envahit...
Haute, toujours plus haute,
Je la sens monter, monter, monter...
Des embruns plein les yeux,
Je me mets à pleurer.
J'ai les larmes qui coulent
Et les joues envahies,
Comme les vitres d'une fenêtre
Un jour de grande pluie.
Toutes ces photos de toi !
Dans ma vision brouillée,
Je les vois qui m'entoure,
Comme au temps des beaux jours.
Tous ces sourires charmeurs,
Dont tu savais jouer...
Des souvenirs rêveurs,
Comme des vagues d'amour,
Remontent dans ma tête !
Et je pleure encore plus,
Rien qu'à les évoquer.
Et alors je m'assieds,
Laissant mes yeux pleurer.
Dans cette vie de rêves,
Avec toi partagée...
Les meilleurs moments seuls,
Je ne veux retenir,
Comme autant de caresses,
Comme autant de plaisirs,
Mon cœur doit s'apaiser...
Mon sourire revenir,
La marée doit descendre.
Tu étais ma beauté,
Ma douce incomparable,
Ton sourire restera...
Toujours, inoubliable,
Je ne t'oublierai jamais !
Toi, qui m'as tout donné,
Et ton cœur,
Et ton corps,
Et ton âme...
Trois merveilleux enfants,
Qui veillent sur mon âme !
Et trois petits-enfants...
Qui entretiennent ta flamme.
Mon étoile, mon ange
Je me rappelle tout.
Le pire, je l'oublierai...
Je garde le meilleur,
Et ne veux plus pleurer !
© José DELATTRE
José Delattre (1944-2021)
Passionné de jardinage, de musiques & d'art culturel...
Dessinateur industriel durant sa vie professionnelle, acteur de théâtre dès l'âge de 8 ans, metteur en scène jusqu'à l'âge de 76 ans et écrivain poète, José a toujours été de la fête ! Il s'est toujours investi à fond dans tous les projets qu'il a lancés et a toujours fait preuve d'un sens inné de l'accueil peu importe l'âge et sans faire de différence !
"Ma plume court sur un parchemin y décrivant mes sentiments - C'est la passion des mots - Entre réel et virtuel - C'est aussi l'amour..."
Autres textes :
→ Poète dans l'âme
→ Allons rêver le vent
→ Printemps
Recueils publiés :
→ Mon image d'Epinal
→ D'aventures en aventures
Son blog (posthume) :
→ https://jose-delattre-poesies.blogspot.com/
Je suis à la recherche
d'un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d'être la mer
devenue l'eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin ?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.
Arrachez la soif au grain de sel
qu'aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d'être, comme moi, de nulle part.
Edmond Jabès
(1912-1991)
Écrivain et poète français, Edmond Jabès est né en Égypte dans une famille juive francophone. Marqué dans sa jeunesse par la disparition prématurée de sa sœur, il publie dès 1929 diverses plaquettes de poésie. Il sera ami avec Paul Eluard, André Gide, Henri Michaux,
Philippe Soupault, Paul Cela, Andrée Chédid... Marqué au plus vif par l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, il sera amené à quitter l'Égypte et s'installe à Paris dès 1956. Cette expérience douloureuse du déracinement devient fondamentale pour son œuvre, marquée par une méditation personnelle sur l'exil, le silence de Dieu et l’identité juive, qu’il dit n’avoir découvert qu’à l’occasion de son départ forcé. Naturalisé français en 1967, il a été lauréat de nombreux prix.
J'encanaille les images
Je débroussaille les mots
J'inventilise les idées
Je vampirise les sons
Je fantômise les regards
Je picolise les paroles
Je libéralise les étoiles
J'erre.
Je visualise ton visage
Je désertilise ton corps
Je disséquaille ta force
J'entenaille ton coeur
Je dessanilise tes sentiments
Je verbalise ton âme
Je vandalise tes gestes
Je me promène
Je déculpabilise mes rêves
Je plagilise mes gestes
Je rabotilise mes blessures
Je robotilise mes envies
Je vaticinaille mes jours
J'émaille mes nuits
J'inaugurise mes lendemains
Je suis vivante
Et je suis là
Ombre de mon ombre
Parmi vous.
© Renée VIRLOGEUX BORON
Renée Virlogeux Boron
(1939-aujourd'hui)
Renée Virlogeux Boron s'adonne à la poésie pour son plaisir et écrit aussi des nouvelles. Elle travaille la terre aux Ateliers d'Art de Château-Thierry. Elle aime également peindre et a pris quelques cours de calligraphie. Elle a ouvert une petite bibliothèque dans sa commune qui compte 83 habitants. C'est avant tout le plaisir de se rencontrer, d'échanger et... de jouer aux cartes.
Oui. Je me souviens d'Adlestrop -
Du nom, puisque qu'un après-midi
Brûlant, l'express s'y arrêta
Par hasard. C'était la fin juin.
La vapeur a sifflé. Quelqu'un a toussé.
Nul n'est sorti et nul n'est venu
Sur le quai désert. Et je vis
Ce nom, seul - Adlestrop
Et les saules, l'osier fleuri, et l'herbe,
La reine-des-prés et les meules séchées,
Pas moins immobiles ni beaux esseulés
Que les petits nuages juchés dans le ciel.
Et pendant cette minute, un merle a chanté
Tout près et à la ronde, puis dans la brume
De plus en plus loin, tous les oiseaux
De l'Oxfordshire et du Gloucestershire.
© Edward THOMAS
Traduction de Sarah MONTIN
Adlestrop est un village anglais situé dans le comté du Gloucestershire. Bien que la gare n'existe plus, le panneau est affiché dans un abri au centre du village, en hommage au poète.
Edward Thomas
(1878-1917)
Poète et essayiste britannique, d'origine galloise, Edward Thomas est généralement considéré comme un des « poètes de guerre », quoique très peu de ses poèmes portent directement sur son expérience au front. Edward Thomas ne commença à écrire des poèmes qu’en 1914, alors que sa carrière en tant qu’auteur était déjà ancienne. Il s’engagea dans les forces armées britanniques durant la Première Guerre mondiale. Il meurt lors de la bataille d'Arras en 1917, peu de temps après son arrivée en France.
Vienne à présent l’hiver
ciel chargé comme un bœuf
froide écume aux rivières
nudité de la lande
brume dans la forêt
vienne à présent l’hiver
la bleue foulée des bêtes
dans la neige qui fond
le soleil fourbi dur
des oiseaux et des baies
l’ombre couleur de bronze
l’eau mince et glaciale
la croûte noire de la terre
l’éclat blême de la roche
vienne à présent l’hiver
des algues sur la lune
le vent herse le golfe
les îles luisent dans la brume
je pêche dans les eaux froides
ma barque est noir goudron
et les tolets fourchus
grincent sous l’aviron
vienne à présent l’hiver
© Kenneth WHITE
Kenneth White
(1936-2023)
Né en Ecosse à Glasgow, Kenneth White est à la fois poète, philosophe et voyageur, et touche à de nombreuses disciplines. Étudiant à l’université de Glasgow, il est inscrit en langues anciennes, langues modernes et philosophie. Dès ses diplômes obtenus, il part pour Paris où il obtient son doctorat à l'Université de Paris.
Il démissionne de son poste à l’université de Glasgow et vient s’installer en France, dans les Pyrénées-Atlantiques en 1967. Inventeur du concept de "géopoétique", il développe une œuvre fondée sur le rapport à la nature, à la terre et aux animaux, une cosmogonie dans laquelle l’homme n’est qu’un élément parmi d’autres. Naturalisé français en 1979, il réside à Trébeurden en Bretagne depuis 1983. Il est l’auteur de plus d’une centaine de livres d’artistes et crée en 1989 l’Institut International de géopoétique.
Seigneur ! je suis sans pain, sans rêve et sans demeure.
Les hommes m’ont chassé parce que je suis nu,
Et ces frères en vous ne m’ont pas reconnu
Parce que je suis pâle et parce que je pleure.
Je les aime pourtant comme c’était écrit
Et j’ai connu par eux que la vie est amère,
Puisqu’il n’est pas de femme qui veuille être ma mère
Et qu’il n’est pas de cœur qui entende mes cris.
Je sens, autour de moi, que les bruits sont calmés,
Que les hommes sont las de leur fête éternelle.
Il est bien vrai qu’ils sont sourds à ceux qui appellent.
Seigneur ! pardonnez-moi s’ils ne m’ont pas aimé !
Seigneur ! j’étais sans rêve et voici que la lune
Ascende le ciel clair comme une route haute.
Je sens que son baiser m’est une pentecôte,
Et j’ai mené ma peine aux confins de sa dune.
Mais j’ai bien faim de pain, Seigneur ! et de baisers !
Un grand besoin d’amour me tourmente et m’obsède,
Et sur mon banc de pierre rude se succèdent
Les fantômes de Celles qui l’auraient apaisé.
Le vol de l’heure émigre en des infinis sombres,
Le ciel plane, un pas se lève dans le silence,
L’aube indique les fûts dans la forêt de l’ombre,
Et c’est la Vie, énorme encor qui recommence !
© Léon DEUBEL
Léon Deubel
(1879-1913)
Poète français, Léon Deubel est considéré comme l'un des derniers « Poètes maudits » comme Rimbaud, Baudelaire, Corbière... Il perd sa mère à l'âge de six ans et le vit très mal. Il reste malheureux toute sa vie et cherche désespérément de l'attention. Après avoir obtenu son baccalauréat, il choisit d'être maître d'internat dans plusieurs collèges où son comportement laxiste le fait révoquer. Malgré avoir publié plusieurs recueils, commence alors une vie de misère.
Pauvre, isolé et inadapté à la vie sociale, il se suicide en se jetant dans la Marne après avoir brûlé tous ses manuscrits.
Deubel aura contribué au prolongement de l'esprit symboliste, cherchant surtout à perpétuer les principes esthétiques de Mallarmé.
Un invisible oiseau dans l’air pur a chanté.
Le ciel d’aube est d’un bleu suave et velouté.
C’est le premier oiseau qui s’éveille et qui chante.
Écoute ! les jardins sont frémissants d’attente.
Écoute ! un autre nid s’éveille, un autre nid,
Et c’est un pépiement éperdu qui jaillit.
Qui chanta le premier ? Nul ne sait. C’est l’aurore.
Comme un abricot mûr le ciel pâli se dore.
Qui chanta le premier ? Qu’importe ! On a chanté.
Et c’est un beau matin de l’immortel été.
© Cécile PERIN
Cécile Périn (1877-1959)
Poétesse française, elle épouse Georges Périn qui est aussi poète. Ils fréquentent ensemble une communauté d'artistes. En 1922, elle perd son mari et sa poésie est l'écho de ce deuil.
Autre texte :
Je ne veux rien de plus
→ Sa biographie sur Wikipédia
Des toiles, des choses sèches pendent aux poutres...
Le vieux fusil dort fixement
Au mur clair...
Rêve à ton gré. Tout est comme autrefois. Écoute...
La haute cheminée
Fait sa plainte ancienne et son odeur éteinte
Et tasse son échine de vieil oiseau noir...
Elle porte encore au front ses images d’âme crue
Et ses vases de loterie aux prénoms d’or...
Et l’horloge recluse dans l’ombre et la bure
Berce son cœur avec une douceur obscure...
Et ce sont des couleurs vivantes, refroidies...
Et ce sont des odeurs d’intimités suries...
Pareils à des visages ronds de spectateurs
Les plats se penchent aux balcons du vieux dressoir
Où des files de fruits qui font la chaîne, fleurent
Dans leur ruelle d’ombre couleur d’aubergine...
J’ouvre un tiroir où je vois passer des noix vides,
Un gros couteau à vingt lames, qui contient tout,
Et l’ombre de mes mains qui glisse sur les choses...
Ça sent la malle, et le poivre des vieux départs.
Et le livre de classe, et la chapelle éteinte...
Un vent tiède pousse des guêpes
Frapper à la lucarne bleue...
Un grand chat doucement passe comme on chuchote,
Et vous lève un regard où veille l’ennui sage
Du soleil dans la douve aux lentilles d’or vert...
Sois calme. Tout est là comme autrefois.
Écoute.
© Léon-Paul FARGUE
Léon-Paul Fargue
(1876-1947)
Reconnu tardivement par son père, Léon-Paul Fargue fut toute sa vie un mélancoque chronique et d'une sensibilité exacerbée. Après des études brillantes, il choisit pourtant l'oisiveté et se passionne pour la musique et la poésie. Il fréquente les salons littéraires où il rencontre l'élite intellectuelle et artistique du début du siècle, Valéry, Schwob, Claudel mais aussi Debussy ou Gide. Il se lie d'amitié avec Maurice Ravel.
Fargue s'exprime le plus souvent en vers libre, voire en prose, dans un langage plein de tendresse et de tristesse, sur des sujets simples, parfois cocasses (on l'a parfois comparé au photographe Robert Doisneau), plus rarement absolument onirique. Parisien amoureux de sa ville, il écrit aussi la solitude oppressante et noyée de nuit et d'alcool. Fargue était également un chroniqueur étincelant de la société parisienne. Il est frappé d'hémiplégie, au cours d'un repas avec Picasso, en 1943 et meurt en 1947 à Montparnasse, au domicile de sa femme, le peintre Chériane, sans avoir cessé d'écrire. Il fut membre de l'Académie Mallarmé dès 1937.
Mes yeux sont des télescopes
à scruter la rue,
à scruter mon âme
loin de moi mille mètres.
Des femmes vont et viennent en nageant
dans des fleuves invisibles.
Des automobiles comme des poissons aveugles
composent mes visions mécaniques.
Cela fait vingt ans que je ne dis le mot
que j’attends toujours de moi.
Je resterai indéfiniment à contempler
mon portrait moi, mort.
© João CABRAL DE MELO NETO
João Cabral de Melo Neto
(1920-1999)
Poète et diplomate brésilien, João Cabral de Melo Neto est lauréat du prix Camões, le plus important prix littéraire du monde lusophone. Ses œuvres poétiques s'inscrivent dans la tendance surréaliste de la poésie populaire et régionaliste, mais sont caractérisées par leur rigueur esthétique et un lyrisme raffiné. Il décrit notamment la vie misérable des paysans de sa région natale et aride du Pernambouc.
De nombreux Brésiliens connaissent par cœur des passages entiers de Mort et vie sévérine, son livre le plus célèbre, mi-pièce de théâtre, mi-poème.
La prison, c’est laid
Tu la dessines, mon enfant
Avec des traits noirs
Des barreaux et des grilles.
Tu imagines que c’est un lieu sans lumière,
Qui fait peur aux petits.
Aussi, pour l’indiquer
Tu dis que c’est là-bas.
Et tu montres avec ton petit doigt
Un point, un coin perdu
Que tu ne vois pas.
Peut être la maîtresse t’a parlé
De prison hideuse,
De maison de correction,
Où l’on met les méchants
Qui volent les enfants.
Dans ta petite tête
S’est alors posé une question :
Comment et pourquoi,
Moi, qui suis pleine d’amour pour toi
Et tous les autres enfants,
Suis-je là-bas ?
Parce-que je veux que demain,
La prison ne soit plus là…
© Saïda MENEBHI
Saïda Menebhi
(1952-1977)
Saïda Menebhi est une poétesse marocaine, professeur d'anglais, féministe et militante au sein de l'organisation clandestine marxiste-léniniste Ila Al Amame dans les années 1970. Arrêtée et torturée en 1976, elle a été condamnée à plus de cinq ans de prison. Elle est décédée le 11 décembre 1977, à l’âge de 25 ans, suite à la grève de la faim entreprise pour protester contre les conditions de détention des prisonnier-es politiques. Elle est connu pour avoir écrit de nombreux poèmes avant et pendant son emprisonnement, dans lesquels elle dénonçait le régime répressif du roi Hassan II et parsemait ses convictions et son espoir d'une société meilleure.
© Jacques PRÉVERT
Grand bal du printemps, La Guilde du Livre , 1951, Éditions Gallimard,1976l
Jacques Prévert
(1900-1977)
Poète libertaire, subversif, antimilitariste et anticlérical, anarchiste et résistant, Jacques Prévert était aussi scénariste et dialoguiste, devenu célèbre grâce au succès de son premier recueil de poèmes, « Paroles », où son langage familier et ses jeux de mots sont appréciés. Ses poèmes sont depuis lors connus dans le monde entier et appris dans les écoles françaises.
Bien que le Météorologue insiste
Pour édicter la loi du temps,
Damier du Cap et fou de Bassan savent fort bien
Que les vents soufflent où bon leur chante
Dans la tempête ou la bourrasque.
Anciennes sont les croyances, mais éculées les écoles,
Retapées au gré des modes fluctuantes.
Mais Orm* délaisse les écoles pour les plages
Et trouvant une Conque blanchie par le temps, il s’arrête
Et la porte, déférent, à son oreille.
Cette Voix monotone, venue de loin,
Fera-t-elle un écart ? déviera-t-elle un jour ?
Les Mers l’ont inspirée, et la Vérité —
La Vérité, qui jamais ne dévie de ce qu’elle est.
Dans les creux des collines liquides
Où courent les longues Crêtes Bleues**
Nul écho flatteur ne frémit,
Car les mers ne connaissent pas d’écho ;
Ni rien qui renvoie à l’homme sa mélodie —
L’espoir de son cœur, le rêve de son esprit.
© Herman MELVILLE
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Thierry Gillybœuf, Unes
* Orm : moine mystique du XIIe siècle ayant proposé une exégèse des Écritures en vieil anglais : l’Ormulum
** Crêtes Bleues : Possible évocation des Blue Ridge Mountains, dans les Appalaches
Herman Melville
(1819-1891)
Romancier, essayiste et poète américain, Herman Melville est surtout connu à travers son oeuvre maîtres Moby Dick. D'abord employé de banque, il travaille ensuite comme comptable pour son oncle qui fait faillite. Il devient instituteur et prend des cours d'arpentage pour devenir géomètre. Ne trouvant pas de travail, il s'embarque comme mousse à bord d'un navire marchand, puis en 1840 sur un baleinier. En 1843, il s'engage sur une frégate de guerre. Un an plus tard, il rejoint la vie civile.
Il commence à écrire en 1845 des récits d'aventures exotiques à caractère autobiographique qui assurent sa notoriété. En 1851, il publie Moby Dick. La suite de sa carrière littéraire est une longue suite de désillusions. Son œuvre est reconnue bien après sa mort. Il deviendra inspecteur des douanes au port de New-York. En 1890, il ressort très affaibli d'une crise d'épilepsie et meurt, un an après, d'une attaque cardiaque.
Tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale
Au cimetière étrange de Lofoten.
L’horloge du dégel tictaque lointaine
Au cœur des cercueils pauvres de Lofoten.
Et grâce aux trous creusés par le noir printemps
Les corbeaux sont gras de froide chair humaine ;
Et grâce au maigre vent à la voix d’enfant
Le sommeil est doux aux morts de Lofoten,
Je ne verrai très probablement jamais
Ni la mer ni les tombes de Lofoten
Et pourtant c’est en moi comme si j’aimais
Ce lointain coin de terre et toute sa peine.
Vous disparus, vous suicidés, vous lointaines
Au cimetière étranger de Lofoten
— Le nom sonne à mon oreille étrange et doux,
Vraiment, dites-moi, dormez-vous, dormez-vous ?
— Tu pourrais me conter des choses plus drôles
Beau claret dont ma coupe d’argent est pleine,
Des histoires plus charmantes ou moins folles ;
Laisse-moi tranquille avec ton Lofoten.
Il fait bon. Dans le foyer doucement traîne
La voix du plus mélancolique des mois.
— Ah ! les morts, y compris ceux de Lofoten —
Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi.
© Oscar Vladislas de LUBICZ-MILOSZ
Lofoten : archipel de Norvège
Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz
(1877-1939)
[Nom de plume : O. V. de L. Milosz]
Poète lituanien de langue française, Milosz est aussi romancier, dramaturge, métaphysicien, diplomate et traducteur. Sa poésie évoque le passage du temps, la souffrance, l'amour. La nostalgie de l'enfance et le souvenir retiennent le poète qui vers la fin de sa vie évolue vers la méditation religieuse.
L’ami est celui qui comprend
sans avoir besoin de paroles.
D’un seul regard il nous console
de nos chagrins petits ou grands.
L’ami est chaleur et lumière
il est la flamme et le flambeau
la source qui devient rivière
l’âme-sœur le frère jumeau.
Il est autre et pourtant nous-mêmes
notre reflet et notre écho
dans le miroir d’un seul poème
dans le secret du jardin clos.
© Pierrette SARTIN
Pierrette Sartin
(1911-2007)
Romancière, poétesse et psychosociologue du travail, Pierrette Sartin s'est intéressée à la vie professionnelle et à la condition des femmes. Elle a été récompensée par de nombreux prix (dont le prix Archon-Despérouses en 1973 et le Prix Desbordes-Valmore de poésie).
Sous le ciel gris, la Seine est grise,
Mon Paris, l’été te trahit
Et, comme toi, mon âme est prise
Aux lacs d’un perfide souci !
Je suis au faîte de mon âge,
mon esprit sait l’art des discours
et mon cœur celui d’être sage
au plus violent des vents d’amour.
Cependant je suis solitaire
Dans ma chambre où je ne fais rien,
Comme si c’était mon destin
De n’avoir de place sur terre !
O mes amis où sont les soirs
Où nous faisions jusqu’aux étoiles
Monter sur l’axe de nos moëlles
Notre vie en gerbes d’espoir,
En gerbes d’amour notre sève,
Notre rêve en gerbes de feu…
Mais il n’est plus, l’heure est si brève,
Que des cendres sur nos cheveux !
Avant que la mort ne m’enfourne
Au trou noir dont nul ne revient
Faites, Seigneur, faites du moins
Qu’un seul de mes poèmes tourne
Dans la tête de mes amis
Et de celles… que j’eusse aimées !
Pour qu’une fois parti d’ici,
A mon nom la gloire allumée
Je puisse dormir doucement
Dessous cette terre où je marche
Dans ma barbe de patriarche
Triste et nu comme un mendiant.
© Jean-Louis VALLAS
Extrait du recueil Visages de Paris
Jean-Louis Vallas
(1901-1995)
Poète et homme de lettres, Jean-Louis Vallas a été couronné par l'Académie française. Son œuvre est notamment consacrée à la description passionnée de Paris et de Montmartre. Au début de sa carrière littéraire, il fonde la revue Septentrion en 1927, dans laquelle il publie ses premiers poèmes. A Paris, les ruelles de Montmartre, la Seine, Montparnasse et St-Germain-des-Près l'inspirent pour écrire Paris vivant, et Pont de Paris.Latiniste et helléniste, sociétaire du conservatoire de la poésie classique française, admirateur et défenseur du classicisme, il s’inscrit dans le courant de la poésie classique.
J’ai rêvé tellement fort de toi,
J’ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu’il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres,
D’être cent fois plus ombre que l’ombre,
D’être l’ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie ensoleillée.
© Robert DESNOS
Extrait de Corps et biens, 1930
Robert Desnos
(1900-1945)
Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos fréquente les milieux littéraires très tôt et adhère au mouvement surréaliste en 1922. Engagé dans la Résistance, au sein du réseau AGIR, il sera arrêté puis déporté dans plusieurs camps avant de mourir du typhus au camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie.
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s'est vestu de brouderie,
De soleil luyant, cler et beau.
Il n'y a beste, ne oyseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye.
Riviere, fontaine et ruisseau
Portent, en livree jolie,
Gouttes d'argent, d'orfaverie ;
Chascun s'abille de nouveau
Le temps a laissié son manteau.
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Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n’y a bête ni oiseau
Qu’en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie,
Gouttes d’argent d’orfèvrerie ;
Chacun s’habille de nouveau :
Le temps a laissé son manteau.
© Charles d'ORLÉANS
Charles
d'Orléans
(1394-1465)
Charles d'Orléans est un prince français et un poète remarquable du XVe siècle. Il est connu surtout pour ses oeuvres poétiques écrites pendans sa longue captivité anglaise. Il est placé à l'âge de treize ans à la tête d'un parti et devient chef de la féodalité française. Fort d'une alliance politique entre les maisons d'Orléans et d'Armagnac, il devient un véritable chef de guerre. Lors de l'échec de son armée à la bataille d'Azincourt en 1415, il est emmené en Angleterre où il restera captif vingt-cinq années pendant lesquelles il rédigera des ballades, des rondeaux, des rondels… À son retour en France, il se retire dans ses châteaux de Blois et de Tours où il se consacre à la littérature, il ouvre un cercle académique qui devient le rendez-vous de tous les beaux esprits. Il est l'auteur d'une œuvre considérable : 131 chansons, 102 ballades, sept complaintes et pas moins de 400 rondeaux. Il est aussi l'auteur de pièces poétiques en langue anglaise.
On va chiper des pommes
on va gauler des noix,
par-dessus les rigoles
les chats font de grands sauts ;
raidissant leurs pattes mouillées
les chiens transis marchent sur des échasses,
dans les fossés pleins d’eau hoquettent
de bonheur les derniers crapauds :
l’averse tombe des nuits entières
sur le sol gras du cimetière -
silencieusement il pleut, l’automne,
dans la bouche des jeunes morts…
© Claude VIGÉE
Extrait du recueil Aux Portes du labyrinthe, Editions Flammarion, 1996
Claude Vigée
(1921-2020)
[Vrai nom : Claude Strauss]
Poète français, juif et alsacien, Claude Vigée est issu d'une famille juive alsacienne et passe son enfance en Alscace. Chassé par la guerre, il séjourne quelque temps à Toulouse puis se réfugie aux États-Unis au début de 1943. Il y poursuit des études de littérature et devient professeur de littérature française.
En 1960, il s'installe en Israël où il occupe le poste de professeur de littérature française et comparée à l'université de Jérusalem jusqu'à sa retraite en 1984.
Poète, traducteur, essayiste, Claude Vigée a composé des œuvres empreintes d'une grande spiritualité et d'une grande générosité. Ses travaux ont été récompensés par de nombreux prix littéraires français et étrangers.
Les pulsations d’un paysage
Vibrant dans les veines de l’arbre,
Le rocher frère et ses présages
Furent appris en ce matin
Porté vers moi du fond des âges.
Le même oiseau de rive en rive,
Rythme la saison des éclairs.
La même barque à la dérive
Rêve aux vertiges des déserts
Aux silences d’eau et de pierre.
L’orage éclate et l’arbre enfant,
Lové dans la paume du vent,
Comprend notre fraternité
Scellée dans le sang des étés.
Fus-je mélèze ? après ? avant ?
Dans les forêts de mémoire,
L’homme plante ses territoires
Et l’arbre enfant, né des orages,
Découvre l’âme du feuillage
Blottie au cœur serré des soirs.
L’arbre se souvient de l’amande,
De la nuit lente des racines,
Des forêts d’ombre et de résine,
Jusqu’au cri du premier oiseau
Par-delà des siècles d’attente.
Et moi l’enfant d’une seconde,
Parmi l’or mouvant de genêts,
Je veille cet instant que fonde
L’angoisse de millions d’années
Dans le désordre clair du monde.
Tous ces oiseaux dans ma mémoire
Et tous ces mauves dans mes yeux.
Pour transmuer en feux et moire
Les paysages jamais mieux
Définis qu’en dehors du lieu.
L’arbre que j’appelle mélèze,
Se transforme en jacarandas,
Flamboyants, pourpres floraisons
Eclatant dans mon sang qui pèse
Le poids de toutes ces saisons
Le loriot dans le cerisier,
Un colibri dans le manguier,
Moi écartelé par vos cris,
Moi soudain découvrant le prix
De vivre et d’accomplir deux vies.
Montagnes de quelle mémoire ?
Je vendange votre prescience.
J’atteins enfin aux transparences
Du minéral. Brève lumière
Où je découvre cette main,
Tendue entre l’arbre et la pierre.
Et le sable redevient algue
L’âme innombrable du corail
Palpite, prise dans les mailles
De l’eau. Le charbon se souvient
Des forêts, de l’enfance du feu…
Tout dans l’éclair d’une seconde !
© Jean FANCHETTE
Extrait de l'anthologie L'Ile équinoxe, publiée à titre posthume, 1993
Jean Fanchette
(1932-1992)
Poète, éditeur, neuro-psychiatre et psychanalyste d'origine mauricienne, Jean Fanchette est doté à dix-neuf ans, de la bourse d’Angleterre. Il obtient une dérogation pour suivre des études de médecine à Paris, où il vécut jusqu’à la fin de sa vie. Parallèlement, il publie des poèmes qui lui vaudront les prix Paul Valéry en 1956 et Fénéon en 1958. Il fonde avec Anaïs Nin au cours de cette période, une revue bilingue, Two Cities, qui publie les textes d’écrivains majeurs de langues française et anglaise, dont Henry Miller, Yves Bonnefoy, William Burroughs, André Pieyre de Mandiargues, Loys Masson, William Golding, Lawrence Durrell.