y
Création de la page le 07/02/2023

Votre poème ici

Envie de rejoindre l'anthologie virtuelle permanente ? N'hésitez pas à m'envoyer vos textes avec une mini biographie (facultatif mais conseillé !).
Voir les détails ici.
Courriel : poetika17(arobase)gmail.com
-------------
Nota : les textes publiés sur cette page ont fait l'objet d'une demande par courriel à leurs auteurs respectifs (sauf aux poètes disparus et certains auteurs-compositeurs-interprètes), ou bien ils sont envoyés spontanément par les auteurs publiés.
Et sauf mention spéciale, toutes les images proviennent de pixabay.com.

------------
Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797


y
Posté le 20/04/2023 - Thème : Saison / Hiver

Il neige sur le terrain vague...

Il neige sur le terrain vague
Le jour s’éclaire à la chandelle
Il neige des nids d’hirondelles
Sur le passage des rois-mages

 

Neige exterminatrice au tournant de l’hiver
Comme un couteau levé à la gorge du ciel
Sourire de méduse et venin d’araignée
Neige pareille à la piqûre de morphine
Pour endormir la mort dans le sang du poète

 

Neige néon glacial des bars du petit jour
Pavane et flamenco pour un ange défunt
Roulement de tambours et roulis de vertèbres
Aujourd’hui les corbeaux s’unissent aux colombes
Dans une étreinte noire au pied de l’échafaud

 

Le suif de la bougie s’écoule avec les songes
Le chant du coq éclaire un Christ à la dérive
Neige gravitation de l’âme autour du corps
Ô neige migratrice à jamais frémissante
Du frisson fugitif des premières violettes

 

Ô neige flamboiement anonyme des gares
Comme une plaie ouverte au flanc du voyageur
Coquelicots d’un soir Lueurs des hôtels borgnes
Ne vous retournez pas transfuges de la nuit
ne vous retournez pas on y perd son visage

 

Il neige sur le mâchefer
Un vieux chagrin de chien errant
La neige est bleue comme la mer
Dans la gamelle du mendiant

 

Ô neige carillon des cathédrales mortes
Pavane et rhapsodie pour un ange déchu
Orgues de Barbarie sirènes de détresse
Le vent souffle à travers les planches du sommeil
Un cheval de nuées piétine le dormeur.

 

Neige fatalité aveugle du désir
Neige des sept douleurs croqueuse de diamants
Chair de miséricorde offerte au vagabond
Ô neige profondeur de la forêt nocturne
Frôlement de gazelle et morsure de loup

 

Neige pareille aux yeux cerné des jeunes filles
Pareille à la fumée de Sodome et Gomorrhe
Virginité amère douleur de chèvrefeuille
Les assassins sont purs en ton lit de cristal
Sous le double baiser de l’aube et des ténèbres

 

Ô neige tutélaire épouse de la nuit
Garde-nous le secret de ton haleine close
le plein jour nous fatigue et nous brise les rêves
Garde-nous la blancheur éperdue de ton marbre
Pour couvrir nos amours en mal de sépulture.

Extrait de Neige exterminatrice, Guy Chambelland Editeur, 1967


© Christian BACHELIN


pChristian Bachelin
(1933-2014)
Poète et écrivain français, Christian Bachelin s'engage à l'école militaire et ses professeurs remarquent ses dons littéraires. Adolescent, il découvre le surréalisme et rédige ses premiers poèmes. De retour à la vie civile, il reçoit en 1953 le prix Marie-Bonheur pour son recueil de poèmes Stances à la neige. Pendant dix ans, il exerce une multitude de petits métiers et se remet à l'écriture en publiant plusieurs recueils. En 1973, il obtient un poste d'employé aux écritures à la Société des gens de lettres. En 1975, il décroche le prix Charles-Vildrac pour Ballade transmentale.



y
Posté le 20/04/2023 - Thème : Enfance

Adieu à l'enfance

Je le sais maintenant qu’il n’est pas revenu
Le bon père Noël des jours de mon enfance,
Chargé de ce bonheur auquel souvent je pense
Que j’avais commandé puis souvent obtenu.


Il est allé courir un pays méconnu,
Apporter du bonheur, des moments d’espérance,
Loin de mon joli rêve et de ma douce France,
À des petits enfants au regard inconnu.


Un tendre émoi soudain vient me rendre visite,
Avec ce souvenir qui tendrement hésite,
Dans le fond de mon cœur comme un objet cassé.


Bientôt je m’en irai vers ma première classe
Alors je laisse là tout mon jeune passé,
Avec émotion mais avec bonne grâce.


© Michel MIAILLE


Michel Miaille (1951-aujourd'hui)
Poète, auteur de sketches et de pièces de théâtre, Michel Miaille est retraité du Ministère de l'environnement et membre de la SACEM. Il a obtenu plusieurs prix de poésie, notamment avec des poèmes en langue provençale, et participe à des anthologies. Il a publié plusieurs recueils.



y
Posté le 19/04/2023 - Thème : Poésie

Loi du poème

Amer est le prix du poème, 
les neuf syllabes de chaque vers ;  
l’une superflue, l’autre manquante 
le font voler ou le condamnent. 
 
Nous sommes l’échiquier d’un cours d’eau 
la carte à jouer entre deux feux ; 
tombent les faces tombent les piles 
chaque fois que tourne le chemin 
 
Tombe le rythme dans les vers, 
pleuvent les larmes dans le souvenir, 
tombe la nuit, tombe l’oiseau 
tout est chute lente sans bruit. 
 
Ô liberté de la prison, 
coup de dés qui lance et détache 
l’énigmatique toile d’araignée 
des murs et des démarcations ! 
 
Comme ta bouche découvre la pomme 
comme mes mains découvrent tes seins, 
le papillon suivra le feu 
pour sa dernière danse danser

© Julio CORTÁZAR


pJulio Cortázar
(1914-1984)
{Nom de naissance : Julio Florencio Cortázar Descotte}
Ecrivain argentin, Julio Cortázar est
auteur de romans et de nouvelles (tous en langue espagnole). Malgré des études inachevées de Lettres et Philosophie à l'Université de Buenos Aires, il enseigne dans différents établissements secondaires de province. Opposé au gouvernement de Perón, il émigre en France et travaille pour l'Unesco en tant que traducteur. Naturalisé français en 1981, il meurt de leucémie. Il aurait été contaminé par le virus du sida lors d'une transfusion sanguine.



Posté le 16/04/2023 - Thème : Amour

La beauté du coeur

À tous les utopistes et à tous les rêveurs, tous les fraternels de ce monde,
À mes frères anarchistes, à la beauté des fleurs, cette petite fille sous les bombes,
Dessinons une étoile comme une destination, créons de sa plume orpheline,
Ces gens aux bras ouverts qui offrent l’horizon aux yeux de ces enfants de l’exil,

À celui qui héberge celui qui bosse sans toit au migrant accueilli en chemin,
Au soignant tenant main à celui qui s’en va au mendiant à l’offrande du vin,
À l’alcool partagé à celui qui a froid à celui qui offrira son pain,
À ces gens dont la vie reste le seul combat, celui dont survivrait le destin,

A celle qui donnera le sein à l’orphelin, à ceux dont le seul dieu est partage,
A la mère pardonnant un jour à l’assassin, de son enfant sachant le naufrage,
Que la haine faite ici consomme la vengeance, celui dont le cœur reste amour,
A ces âmes éclairées qui n’ont pour seule violence que les larmes à leurs yeux en tambour,

À l’animal courant droit vers le sacrifice de sa vie pour sauver son maître,
À celui se jetant corps dans le précipice pour remonter le corps d’un autre être,
À celui dans les flammes qui sacrifie sa vie pour tenter de sauver un berceau,
À l’oiseau dont les ailes blessées par le fusil recouvrent leur envol pour là-haut,

À ces chants de marins, la nuit venant du large, ami trinquons nos vins nos sanglots,
C’est à l’encre des yeux que s’écrivent nos pages aux mémoires de ceux partis là-haut,
Aux étoiles éclairant l’univers de la nuit des prénoms de nos amis morts,
A ces soleils toujours faisant naître la vie des ténèbres en accouchant l’aurore,

Au partage de l’avoir pour la beauté de l’être puisque c’est notre histoire, malheureux,
Toujours la lutte entre l’être ou bien le paraître, entre le milliardaire et le gueux,
À celui dont la gloire, oui se compte en offrant bien plus qu’en nombre de diamants,
À ces gens qui n’ont rien que leur propre vie Si tu savais comme leur cœur est grand,

À ces adolescents pavés contre matraques pour lever vers le ciel tête haute à la mort,
Ces fous magnifiques leur rose face aux chars corps des disparus de ces navires sans port,
Qui seuls face au naufrage bravant tous les typhons
Dans la brume soudain aperçoivent une plage
À celui dont l'amour le laisse sur un carrefour
Comme on laisse une balise, comme on laisse un bagage

À la femme violée redécouvrant tendresse
À ces enfants battus découvrant la caresse
Quand l'amour vous offre la délicatesse
Au croyant sans église redécouvrant la messe
À toute l'humanité dans ce mouchoir tendu
À celui dont les yeux s'inondent sous les crues
Contre tous les outrages, contre toutes les moqueries
Il n'est pas de plus grand courage qu'être gentil

Il n'est pas de plus grand courage qu'être gentil
Il n'est pas de plus grand courage qu'être gentil
Contre tous les outrages, contre toutes les moqueries
Il n'est pas de plus grand courage qu'être gentil


© Damien SAEZ


pDamien Saez
(1977-aujourd'hui)
Auteur-compositeur-interprète, instrumentiste et poète français, Damien Saez, dès ses premiers albums, fait part dans ses textes de ses engagements militants ; il exprime un très fort rejet de la société marchande et de la politique occidentale en général et du capitalisme. Il se réclame surtout de Jacques Brel, de Barbara, de Léo Ferré et de Georges Brassens. Il admire Charles Baudelaire, il a fait référence à plusieurs films tels que Les Enfants du paradis de Marcel Carné mais également Victor Hugo qu'il cite régulièrement dans ses textes et sur scène. Il exprime notamment sa révolte dans une lettre postée sur son site à la suite de la censure de l'affiche de son album J'accuse (2010).



y
Posté le 16/04/2023 - Thème : Homme / Objets

Quincaillerie

Dans une quincaillerie de détail en province
des hommes vont choisir
des vis et des écrous
et leurs cheveux sont gris et leurs cheveux sont roux
ou roidis ou rebelles.
La large boutique s'emplit d'un air bleuté,
dans son odeur de fer
de jeunes femmes laissent fuir
leur parfum corporel.
Il suffit de toucher verrous et croix de grilles
qu'on vend là virginales
pour sentir le poids du monde inéluctable.
Ainsi la quincaillerie vogue vers l'éternel
et vend à satiété
les grands clous qui fulgurent.

Extrait du recueil Usage du temps, Gallimard, 1941

© Jean FOLLAIN


pJean Follain
(1903-1971)
Ecrivain et poète français, Jean Follain a fait de son œuvre l'une de celles qui ont le plus contribué à l'avènement d'une poésie nouvelle, dégagée de l'empreinte du surréalisme. Dès ses premiers écrits, il est habité par la volonté de « réconcilier la parole poétique et le monde des choses les plus simples, les plus quotidiennes ».



y
Posté le 15/04/2023 - Thème : Mort

Non omnis moriar

Non omnis moriar – il restera de moi
Mon fier domaine, les prairies de mes nappes,
Mes armoires forteresses imprenables, mes draps fins,
Mes larges draps, et mes robes, mes robes claires.
Je n’ai laissé nul héritier ici,
Que ta main donc fouille dans toutes les choses juives,
Epouse Chomin, de Lvov, vaillante femme de mouchard,
Dénonciatrice zélée, mère d’un Volksdeutsch.
Qu’elles te servent à toi, et aux tiens, non à des étrangers.
Mes très chers – ce n’est pas du vent, ce n’est pas un nom vide.
Je me souviens de vous, et vous, quand vinrent les schutzpos,
Vous aussi vous êtes souvenus de moi. Vous le leur avez rappelé.
Que mes amis se réunissent autour d’une coupe
Qu’ils noient dans l’ivresse mes funérailles et leur opulence :
Kilims et tapisseries, vaisselle, chandeliers –
Qu’ils boivent toute la nuit et aux lueurs de l’aube
Qu’ils se mettent à chercher l’or et les pierres précieuses
Dans les canapés, les matelas, les édredons, les tapis.
Oh, quelle ardeur au travail ils auront,
Des touffes de crins de cheval et d’algues marines,
Des nuages de coussins déchirés et des nuées de plumes
S’accrocheront à leurs bras, les changeront en ailes ;
Et c’est mon sang qui liera l’étoupe au duvet tendre
Pour transmuer en anges ces créatures ailées.

 

Non omnis moriar = en latin, « Tout en moi ne mourra pas ». Poème le plus connu de Zuzanna Ginczanka écrit en 1942.

© Zuzanna GINCZANKA


pZuzanna Ginczanka
(1917-1945)
[Nom de naissance : Sara Ginsburg)
P
oéte
sse polonaise, juive et martyre, Zuzanna Ginczanka est née à Kiev devenue cette année-là capitale de l'Ukraine soviétique. À 18 ans, elle part étudier à Varsovie et découvre pour la première fois l’existence de l’antisémitisme. Elle publie l’année suivante un recueil de poésies, « À propos des Centaures », qui assoit son statut de poétesse reconnue. Elle publie alors dans plusieurs revues. Progressiste sans être militante, son oeuvre est à la fois sensuelle, féministe et révoltée. La Seonde Guerre mondiale la pousse à se cacher à Lviv, ville prise par les nazis en 1941. A l'automne 1944, elle est dénoncée par la concierge de son immeuble, arrêtée et exécutée avec son amie d'enfance, en 1945 à l'âge de 27 ans, à la prison de Cracovie.



y
Posté le 14/04/2023 - Thème : Désir

Tu possèdes ce que je cherche

Tu possèdes ce que je cherche, ce que je désire, ce que j’aime,
tu l’as.
Le poing de mon coeur frappe et appelle :
Je te suis reconnaissant pour les histoires,
je remercie ta mère et ton père,
et la mort qui ne t’a pas vue.
Je te suis reconnaissant pour l’air.
Tu es mince comme le blé,
fragile comme la ligne de ton corps.
Je n’ai jamais aimé une femme mince
mais tu as rendu mes mains amoureuses,
tu as lié mon désir,
tu as attrapé mes yeux comme deux poissons.
C’est pour ça que je suis à ta porte, à attendre.

Traduit de l’espagnol (Mexique) par Émile Martel

© Jaime SABINES


pJaime Sabines
(1926-1999)
[Nom de naissance : Sabines Gutierréz)
P
oète mexicain, Jaime Sabines était aussi connu sous le surnom « le tireur d'élite de la littérature » parce qu'il faisait partie d'un groupe qui a transformé la littérature en réalité.
Il a écrit dix volumes de poésie et son travail a été traduit dans plus de douze langues. Ses écrits relatent l'expérience des gens ordinaires dans des endroits comme la rue, l'hôpital et les aires de jeux. Jaime Sabines était aussi un homme politique.



y
Posté le 14/04/2023 - Thème : Nostalgie / Objets

Sur mon très vieux buffet

Quelques photos d’antan aux couleurs très jaunies
Semblent lorgner là-bas vers mon passé lointain
Lui qui vient me parler, un peu chaque matin,
Des choses d’autrefois que le temps a ternies.


Des visages venus des époques bénies,
Ceux de tous mes enfants à l’air si cabotin
Et celui d’une femme aux grands yeux de satin
Me parlent aujourd’hui de douceurs infinies.


Maintenant je le sais, ils ont tous là, présents,
Avec nos mots enfuis et leurs airs bienfaisants,
Témoins de ma jeunesse et d’une belle histoire.


Alors ils font un signe à mon cœur satisfait
Et je me dis soudain, face à cet auditoire,
J’ai tant de souvenirs sur mon très vieux buffet.


© Michel MIAILLE


Michel Miaille (1951-aujourd'hui)
Poète, auteur de sketches et de pièces de théâtre, Michel Miaille est retraité du Ministère de l'environnement et membre de la SACEM. Il a obtenu plusieurs prix de poésie, notamment avec des poèmes en langue provençale, et participe à des anthologies. Il a publié plusieurs recueils.



y
Posté le 13/04/2023 - Thème : Femme

La baigneuse

La baigneuse est innocente
Elle est blanche elle est dorée
Elle est transparente
Invisible à beaucoup

Et surprise entre l’eau et les feuilles
Fléchit légèrement les seins cachés
Par de longs doigts qui tremblent

Je ne sais d’où cette clarté surgit
Ou de l’irrespirable gouffre
Ou bien d’un espace inconnu
Aux corps impurs

Et seule
Mais ruisselle mais scintille
Seule et mouillée

Embarrassés des basses branches
Qui bougent pour toucher un corps
Nu absolument nu
Engagée sans pudeur à travers les désirs


© Jean TORTEL


pJean Tortel
(1904-1993)
Originaire du Vaucluse, poète et essayiste français, Jean Tortel obtient le baccalauréat et passe un concours de l'administration de l'Enregistrement. Il est affecté à Gordes et commence à écrire ses premiers poèmes. Le poste de Gordes étant supprimé, il s'installe à Marseille et intègre les Cahiers du Sud, il en est un des principaux animateurs jusqu'en 1966. Le Grand Prix national de la poésie lui est décerné en 1986.



y
Posté le 13/04/2023 - Thème : Femme

La fenêtre

Pour les autres, pour les passants,
tu es simplement la fenêtre.
Pour moi qui t’aime du dedans
tu es ma plus profonde fête.


Celle qui accroît le regard
et limite chaque nuage,
la gardienne du paysage
où je viens me perdre le soir.


J’ai le monde sous mes paupières
mon front à ta vitre appuyé
et tu es glissante lisière
sur le bord de l’illimité.


Reste ma soeur très patiente,
fais-moi l’aumône d’un oiseau,
redis-moi les paroles lentes
de cet horizon sans défaut.


Et posée entre ciel et terre
sois ce chemin aérien
près duquel doucement je viens
apaiser ma faim de lumière.


© Anne-Marie KEGELS


pAnne-Marie Kegels
(1912-1994)
Née près d'Agen, dans une famille de vignerons, Anne-Marie Kegels découvre la poésie grâce à sa grand-mère. A 19 ans, elle s'installe en Belgique après avoir épousé Joseph Kegels et publie ses premiers poèmes en 1945. Elle collabore à des hebdomadaires et à des activités littéraires. Elle enchaîne la publication de poèmes. Sous l'apparence -et la réalité- d'une vie plane et ordonnée, Anne-Marie Kegels brûle d'un feu inextinguible, qui s'exprime à travers d'ardentes métaphores, et les thèmes principaux de ses poèmes, solitude, évocation de la mort, confinent à une inquiétude métaphysique.



y
Posté le 12/04/2023 - Saisons / Eté

Chants du silence

La forêt de Juin tressaille sous la nuit.
Des pas furtifs ont ployé l'herbe des allées
Et de confuses voix, sous les grottes voilées,
Disent tout bas des mots au vent jaseur qui fuit.

Le lac, parmi les branches basses, dort et luit,
Coupe de sombre azur aux vagues étoilées,
Et la chanson des eaux, par grandes envolées,
Domine la chanson du feuillage qui bruit.

L'haleine des foins mûrs enivre la nuit douce ;
Un long frémissement berce les nids de mousse
Que l'arbre paternel couve. D'un noir rameau

Part le cri velouté de la hulotte brune
Et, sanglot résumant ces soupirs, le jet d'eau
Tend son beau front qui penche aux baisers de la lune.

© Anne OSMONT


pAnne Osmont
(1872-1953)
Originaire de Toulouse, traductrice, poétesse et romancière, Anne Osmont s'est aussi intéressée à l'occultisme. L'Art Méridional et le Messager de Toulouse ont publié ses premiers textes. Elle s'installe à Paris en 1898, collabore à la Fronde, et en 1902, à « La revue d’art dramatique ». Elle publie un recueil de poèmes en 1907, Nocturnes, couronné par le jury féminin de la Vie Heureuse. C'est dans la Nature qu'elle trouve inspiration et consolation.



y
Posté le 09/04/2023 - Thème : Bonheur

Et la paix viendra...

Et la paix viendra me chercher près de la mer,
Dans ma cabane de pêcheur, sous le soleil
Des îles du vent, ou sous les pluies éphémères
Nées de l’Egée d’Homère et sa clarté du ciel.


L’air là-bas est si bon qu’il apaise les joutes ;
Le temps est doux et aux senteurs iodées s’ajoutent
Celles des agrumes, oranges et citrons,
De quelque marinade à la halle aux poissons…


Et la paix viendra me trouver hors des parades,
Allongé sur le sable, écoutant près des vagues,
Venu d’une Italie si proche et désirable,
Le joyeux bel canto des serveuses aimables.

© Etienne BUSQUETS


pEtienne Busquets
Poète fénassol d'origine catalane (village de Lafenasse dans le Tarn), il est sociétaire des Amis de Jean Cocteau et membre des Poètes sans Frontières de Vital Heurtebize à Orange. Il a remporté plusieurs prix de poésie et collabore dans plusieurs revues et anthologies.



y
Posté le 09/04/2023 - Thème : Mer

Naufrage

L’horizon s’est drapé de couleurs oniriques.
Dressé dans le lointain véritable obélisque
Sentinelle immobile, Monstrueux factionnaire
Le phare éclaire la passe au bateau solitaire.


Un instant ondulante, la marée se déchaine
Drosse le bâtiment qui a brisé ses chaînes
Vomit sur la plage caillebotis, cordages
C’est un vrai coup de chien, un nerveux sabordage.


L’Ouragan est passé, l’épave a rouillé
La coque du navire est en déconfiture
Un cormoran mort-né par les vagues balloté


Ondule doucement et s’échoue sur le sable.
Couché sur un transat, quelle désinvolture !
Un cadavre desséché, témoin imperturbable.

 

Ce texte a remporté le 1er Prix Jacques-Marie ROUGÉ - 2023
Académie de l’École de la Loire
Poésie en rimes imposée

© Claude DUSSERT


pClaude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.



y
Posté le 06/04/2023 - Thème : Guerre

Chant sous lames et flammes

L’oiseau picore ses morceaux
Il se rappelle les bombes le napalm
Et tous les autres gaz perfides
Qui ont tué les couleurs de son chant
.
Son vol suspendu n’a pas oublié
Les fantômes des enfants surpris
Dans leurs rêves tenant mères et pères
Accrochés aux gémissants arbres explosés
Les fleuves brûlant dans le soufre traître
.
Dans ses criantes douleurs il se souvient
De l’errance aveuglée par les lames et flammes
Des absurdes lâches vindictes et haines
En rouges jaunes noires et blanches frayeurs
Des épis et bouquets des amours effacés
A jamais par les tourbillons de la mort
.
Il porte dans sa si frêle ombre sans corps
Les yeux hébétés recherchant vainement
Leurs visages balayés en une tierce
Les pétales explosant
Dans les plumes pleureuses
Des cœurs déchiquetés
L’oiseau agonise disparaissant
Dans ses silencieux lambeaux de chant

 

© Mokhtar EL AMRAOUI


Mokhtar El Amraoui (1955-aujourd'hui)
Poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, Mokhtar El Amraoui a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Il est passionné de poésie depuis son enfance. Il a publié quatre recueils de poésie et plusieurs de ses poèmes ont été publiés sur Internet et en revues-papier.



y
Posté le 05/04/2023 - Thème : Silence

Les silences de la mémoire

Je constuirai des silences
J'irai construire des silences dans ton souvenir :
Longs et chancelants, dans la vie conquérante,
Je me souviendrai de ta voix hésitante,
Cherchant la traductions qui pourrait suffir
À cette rencontre, pour moi encore, irréelle.
J'irai construire des silences dans ce souvenir
Qui, si souvent me porte sur ces ailes.
Je rêverai ton visage aux contours devenus incertains,
J'envisagerai tes mots qui se sont éteints
Sous les flocons de ce pays si lointain.
J'entendrai toujours les confettis de ton rire
Raisonner dans mes pensées muettes.
Et, ce rêve, qui pourtant, me fait tant souffrir
Continuera, sans fin, de chanter son refrain
Dans le silence de ma mémoire.

Un texte écrit en mémoire de sa tante décédée en 2017.

© Caroline BAUCHER


Caroline Baucher (1983-aujourd'hui)
Née en Roumanie, Caroline Baucher vit actuellement à Paris. Elle publie dans différents forums et revues de poésie en ligne.



y
Posté le 28/03/2023
Thème : Jeunesse / Humour / Société

Club Dorlothée

Je suis justice
Eric Tinky Winky...
Je suis Europe
Catherine Lala...
Je suis travail
Olivier Po...
Je suis fonction publique
Stanislas Dipsy...

Bon c'est sûr
pas mâture,
les Teletubbies
pour les uns à quatre ans...
on dit plus ou moins oui,
mais au gouvernement... !
J'aurais bien pu l'écrire
avec d'autres couleurs 
aurait-ce été moins pire
Version Power Ranger
ou autre force Bioman !
Mais ça va rire jaune
à moi le bonnet d'âne,
pour sûr un peu béjaune.

Merci à tous les cabinets
producteurs de minets,
Elisabeth, Bruno, Gérald, Gabriel, Amélie, 
Pap,  Sébastien, Brigitte, Sylvie,
Marc, Yaël... Olivier...
D'avoir réformé 
la bande des pieds nickelés
oups, je suis désolé ?
en fait c'est pas vrai !
fallait dire les musclés...
et les filles d'à côté... !
leurs tubes préférés,
qu'ils aiment tant chanter
salut bandes de tarés !

Merci l'île aux enfants...
Casimirs, Hippolytes
sénateurs, députés,
soyons pas hypocrites.
Assemblée, parlement
d'avoir au goût du jour 
recettes gloubiboulga
blablas... 49:3
et même 45 tours
refrains 'premiers baisers'...
On aurait bien aimé
avant les annoncés
mettre un chapi-chapeaux,
c'est bien plus rigolo
et beaucoup moins risqué 
les rapports protégés.
Eh... Arrêtez de râler !
on vous a bien donné
la CAF, le RSA
et aussi tant de doigts...
je voulais dire droits.
Le miel et les abeilles
puis repique ton oseille !
Hélène et ses garçons
reprends là, ton pognon
tes séries préférées
des productions A.B !

Là bas jolie Strasbourg 
l'Europe est mise au four
ou bien choux de Bruxelles,
avec un peu de sel.
Parlement de Tintin
voire même de zinzins
tournesols
CEE,
pendule devenir folle,
Où l'on joue drôle de jeu.
Pardon très cher Hergé
Ils nous ont tous gelés
l'Europe voici, voilà
pays en rester là 
coups décrets
biens forcés.
Merci les crânes d'oeufs
de la cour des Titeuf
y'a même aussi des meufs,
et bien sûr des Nadia !
Et c'est parti...
voici !
Chantons
la Schtroumpf... lala
oui, tous à l'unisson.
La belle tour de Babel 
servi, à ta gamelle 
en mode Pantagruel
sa sauce Gargamel,
pour nous les Azrael.
Pour un Euro perdu
dans leur frigo rendu,
et tien
pas toujours plein !
Bon, j'ai fini 
promis,
idiot
Calimero.
Les mots 
las justes s'envolent
de l'ours Colargol,
celui qui chantait
en fa, en sol...
jolie comptine.
Pas la chanson 
à la v......ne,
l'Eurovision 
Eurofantine !

1, rue sésame
les voleurs d'âmes,
les Toccatas...
boîte à caca,
les Mordicus...
et oui ça rime
bonjour déprime,
avec anus !
Permettre Ken le survivant
Son monde guerre, l'hiver devant.
Autant pour nous,
Merci à vous.

À l'ONU...
on l'a dans l'... !
Son muppet show
sa météo,
la miss Piggy 
un peu, oh oui... !
Merci à toi, mon Kermitou !
Terre à genoux,
à la manière du chef suédois
ce qu'il nous serf
Barbapapa,
dans un ragoût
qu'on comprend pas.
L'oncle Picsou
et toute sa bande,
Les Scoubidou
à la manière
séries mystères,
dirigent monde
la belle ronde.
À nous neveux
la sarabande
à eux bien là
part du gâteau.
Eh oui Dora !
c'est pas Chipper !
qui a piqué
ton p'tit quatre heures.
regarde là,
la vérité 
des animés,
D'Hannah 
et Barbera.

Et...
j'allais oublié
animateurs croque vacances,
qui rime bien avec la France.
Nos Isidore et Clémentine 
petit lapin et sa lapine,
lui ses cheveux biens implantés
le front corné, le dessiné.
Elle après tout, là je vois pas,
même si parfois s'habille Prada.
   
                nos visiteurs du mercredi !
                      Version simplifiée 
                        Vision d'enfants 
                          vue Dorlothée
                                   vie 
                                    V.

 

© Laurent ORSUCCI


pLaurent Orsucci   (1969-aujourd'hui)
Résidant à Brest depuis peu, Laurent Orsucci est aide-soignant, auteur et poète, engagé depuis une prise de conscience suite à la crise du Covid. Partenaire de plume de Gaëlle-Bernadette Lavisse depuis sa participation au Festival épistolaire en hommage à la nature. Deux écritures complices pour un même but.



y
Posté le 28/03/2023 - Thème : Enfance / Guerre

La lettre

Bonjour à toi qui me liras,
j’aimerais tant te donner mon nom… j’étais si petite…!
Au point de pas pouvoir monter dans le train. Le gentil monsieur en gris m’a aidée à grimper.
Je lui ai tendu les bras… et dans ses yeux… ses yeux… ! … tant de tourments… de souffrances… !
Pourquoi... ? On va en voyage, comme Fanny... !
C’est dommage, j’aurais bien aimé aller au zoo de la ville avant de partir.
Le voyage était pas très rigolo !
On était trop serrés, y faisait très chaud, et y avait pas de toilettes.
À l’arrivée, comme on avait beaucoup transpiré, on a été se laver et après je sais plus…
Maintenant, j’habite dans la maison bleue… mais je vais pas vous embêter avec mes histoires…
Je me suis fait une super copine, Anne, elle habitait au pays des tulipes.
Ça doit être beau… !
En plus, elle écrit bleu !
En vrai, c’est elle qui fait, mais chchchtth…
hihihihihi… !
Avec Anne, on pensait que c'était important de vous le raconter, au cas où, on sait jamais.
Parce que ce qu'il se passe aujourd’hui, ça nous rappelle trop de souvenirs.
Alors on peut pas rester sans rien dire. Tu comprends !
Même du Bleu-violet où l'on est.
Même si on vous dit qu'il faut oublier.
De notre maison, on vous voit, faut pas croire. Et, on pense que votre voyage, tous en ligne, avec vos petites jambes, dans le froid, perdus dans la ville. La peur au ventre, et la nuit qui tombe.
Anne tu crois qu'ils vont voir de beaux paysages, des animaux ? Se faire de nouveaux copains, une nouvelle école ? Aller à la plage, manger des glaces ?

Et tous ces soldats, encore le bruit des bombes et des sirènes qui résonnent. Et le clac-clac des bottes dans les rues.
Tous les doudous laissés par terre dans la boue, et les photos là... en bas... les mamans, les papas qui pleurent. Les enfants qui crient ...
Oh regarde Anne comme ça s'accélère, et t'as vu y a des nouveaux qui arrivent ici à n'importe quelle heure de la journée et de la nuit. Tu entends, ils hurlent.
Des petits, des grands, sont morts comme nous !
Dis Anne, on est morts nous aussi ?
Alors qu'avant tout ça on jouait tranquillement dans l'herbe bien verte.
Et les autres, ils vont où ? sur les routes, dans les bateaux ? ils vont faire quoi eux ?
Dis Anne c'est vrai que l'amour c'est la vie et la haine c'est la mort.
Ça ne s'arrêtera donc jamais ! ?

Voilà, on vous envoie notre prose,
Vous en avez plus besoin que nous... !

XOXO

Enfants de l’éphémère.


© Laurent ORSUCCI & Gaëlle-Bernadette LAVISSE


La lettre : texte écrit à quatre mains par Laurent Orsucci & Gaëlle-Bernadette Lavisse
Lors d'une intervention en milieu scolaire, au collège François Mitterrand de Thérouanne, les 21, 22 et 24 mars 2023, cette lettre a été lue par les élèves de 4ème. Après réflexion, les élèves ont exprimé leurs pensées et posé leurs questions en présence de trois aînés migrants aujourd'hui : Marie-Ange Rutayisire, Rwandaise, Hanna Blondel, Ukrainienne et Arezki Amazouz, Kabyle. Les thèmes abordés portaient sur la guerre, la migration, la fuite, l'action, et si c'était nous demain. La séance a été préparée en amont par Laurent Orsucci et animée par Gaëlle-Bernadette Lavisse.


pLaurent Orsucci
(1969-aujourd'hui)

Résidant à Brest depuis peu, Laurent Orsucci est aide-soignant, auteur et poète, engagé depuis une prise de conscience suite à la crise du Covid. Partenaire de plume de Gaëlle-Bernadette Lavisse depuis sa participation au Festival épistolaire en hommage à la nature. Deux écritures complices pour un même but.

pGaëlle-Bernadette Lavisse
(1974-aujourd'hui)
Résidant dans le Pas-de-Calais, Gaëlle-Bernadette Lavisse est écrivaine-biographe, auteure et poète, militante et engagée. Elle anime des ateliers d'écriture depuis plusieurs années. Elle a organisé le Festival des lettres d'amour et d'amitié d'ici et d'ailleurs  depuis 2018, avec anthologie publiée à chaque fin de festival. Cette année, elle a lancé le Festival épistolaire en hommage à la nature qui fera également l'objet d'une anthologie, où il y a eu plus de 500 lettres, poèmes, et témoignages, deux collèges ont participé, ainsi que trois écoles primaires et maternelles, deux associations, et de nombreux particuliers de partout en France et dans le Monde. La catégorie Art Postal sur le thème de la nature, a remporté lui aussi un vif succès, avec prochainement des expositions dans les réseaux médiathèques du Pas de Calais.



y
Posté le 27/03/2023 - Thème : Amour

Passionnément

Pas pas paspaspas pas
pasppas ppas pas paspas
le pas pas le faux pas le pas
paspaspas le pas le mau
le mauve le mauvais pas
paspas pas le pas le papa
le mauvais papa le mauve le pas
paspas passe paspaspasse
passe passe il passe il pas pas
il passe le pas du pas du pape
du pape sur le pape du pas du passe
passepasse passi le sur le
le pas le passi passi passi pissez sur
le pape sur papa sur le sur la sur
la pipe du papa du pape pissez en masse
passe passe passi passepassi la passe
la basse passi passepassi la
passio passiobasson le bas
le pas passion le basson et
et pas le basso do pas
paspas do passe passiopassion do
ne do ne domi ne passi ne dominez pas
ne dominez pas vos passions passives ne
ne domino vos passio vos vos
ssis vos passio ne dodo vos
vos dominos d’or
c’est domdommage do dodor
do pas pas ne domi
pas paspasse passio
vos pas ne do ne do ne dominez pas
vos passes passions vos pas vos
vos pas dévo dévorants ne do
ne dominez pas vos rats
pas vos rats
ne do dévorants ne do ne dominez pas
vos rats vos rations vos rats rations ne ne
ne dominez pas vos passions rations vos
ne dominez pas vos ne vos ne do do
minez minez vos nations ni mais do
minez ne do ne mi pas pas vos rats
vos passionnantes rations de rats de pas
pas passe passio minez pas
minez pas vos passions vos
vos rationnants ragoûts de rats dévo
dévorez-les dévo dédo do domi
dominez pas cet a cet avant-goût
de ragoût de pas de passe de
passi de pasigraphie gra phiphie
graphie phie de phie
phiphie phéna phénakiki
phénakisti coco
phénakisticope phiphie
phopho phiphie photo do do
dominez do photo mimez phiphie
photomicrographiez vos goûts
ces poux chorégraphiques phiphie
de vos dégoûts de vos dégâts pas
pas ça passio passion de ga
coco kistico ga les dégâts pas
le pas pas passiopas passion
passion passioné né né
il est né de la né
de la néga ga de la néga
de la négation passion gra cra
crachez cra crachez sur vos nations cra
de la neige il est il est né
passioné né il est né
à la nage à la rage il
est né à la né à la nécronage cra rage il
il est né de la né de la néga
néga ga cra crachez de la né
de la ga pas néga négation passion
passionné nez pasionném je
je t’ai je t’aime je
je je jet je t’ai jetez
je t’aime passionném t’aime
je t’aime je je jeu passion j’aime
passionné éé ém émer
émerger aimer je je j’aime
émer émerger é é pas
passi passi éééé ém
éme émersion passion
passionné é je
je t’ai je t’aime je t’aime
passe passio ô passio
passio ô ma gr
ma gra cra crachez sur les rations
ma grande ma gra ma té
ma té ma gra
ma grande ma té
ma terrible passion passionnée
je t’ai je terri terrible passio je
je je t’aime
je t’aime je t’ai je
t’aime aime aime je t’aime
passionné é aime je
t’aime passioném
je t’aime
passionnément aimante je
t’aime je t’aime passionnément
je t’ai je t’aime passionné né
je t’aime passionné
je t’aime passionnément je t’aime
je t’aime passio passionnément

© Ghérasim LUCA


pGhérasim Luca
(1913-1994)
Issu d'un milieu juif libéral, Ghérasim Luca est un poète d'origine roumaine dont la majeure partie de l’œuvre a été publiée en français. Il a commencé à écrire ses premiers poèmes en roumain à l'âge de 17 ans. Lors de plusieurs voyages à Paris, il commence à fréquenter les surréalistes et se passionne pour la poésie. De retour en Roumanie et f
ace à l'antisémitisme hitlérien, il est obligé de s'exiler et s'installe à Paris en 1952. Il fréquente plusieurs artistes et devient ami avec Paul Celan. Il poursuit ses activités artistiques multiples et en particulier ses réalisations graphiques parmi lesquelles les « cubomanies ». Il s'agit d'une sorte de collage, obtenu en découpant de manière régulière une image donnée en fragments carrés et en recollant aléatoirement les morceaux. Ghérasim Luca lit lui-même ses poèmes dont l'écriture est d'une très grande complexité : la volubilité et la retenue en sont les deux modalités contradictoires mais toujours associées. A la fin des années 1980, l'appartement qu'il occupe à Montmartre est jugé insalubre et il est expulsé. Sans papiers depuis 40 ans et apatride, cette dernière brimade s'ajoute au poids du passé et à la hantise des idéologies raciste et antisémite. Comme Paul Celan, 24 ans plus tôt, il se suicide en se jetant dans la Seine.



y
Posté le 26/03/2023 - Thème : Lieux / Voyage

Bellissima

J’ai vu en de nombreuses fêtes
des rivières de diamants s’étaler languissantes
dans des gorges profondes aux seins gonflés d’orgueil.
J’ai parcouru Anvers où dans des rues obscures
J’ai vu des lapidaires mirer dans la lumière
l’eau de leurs pierres précieuses.

 

A Florence, j’ai vu couler le fleuve Arno
et sur le Rialto, mes souvenirs en main
j’ai revu dans tes yeux scintiller les éclats
de précieux solitaires offerts aux badauds
dans des écrins d’argent garnis de velours pourpres.

 

Poursuivant mon périple
dans les canaux secrets de la Sérénissime
j’ai entendu c’est sûr Casanova prier.
Sous le pont des soupirs, un gondolier chantait
les couplets de Juliette à son cher Roméo
et mêlait sa complainte aux clapotis de l’eau.

 

Les airs de Verdi
à la Scala vibraient.
J’ai rejoint la lagune.
Au loin l’Eldorado.


© Claude DUSSERT


pClaude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.



y
Posté le 23/03/2023 - Thème : Nature

Lumière du matin

Dans le ciel panaché de laiteuses marbrures,
Soleil s’élève au loin, là-haut derrière la haie.
L’éblouissant reflet d’argent et de dorure
Prend une forme arquée sur le brun des halliers.

 

Toute une gelée blanche endimanche les près.
Et la voûte bleutée, adornée de moirure,
Donne à notre campagne une ambiance de paix
Qui s’anime de joie sous cette enluminure.

 

Le soleil, maintenant, a surgi au côteau
Et le matin se pare, et la voûte s’azure.
De partout, l’on entend des rhapsodies d’oiseaux.

 

La fraîcheur qui surprend tout mon être endormi,
Alliée du jour naissant, avive la nature.
Et me voici alors dans la gaieté, ravie.

 

© Monique DEVEZ VALLIENNE


Monique Devez-Vallienne (1955-aujourd'hui)
D'origine cantalienne et retraitée de l'enseignement public, Monique Devez Vallienne a toujours aimé écrire. Elle est poétesse, romancière et nouvelliste. Elle aime les mots et la nature ; elle les réunit dans ses poèmes, qui lui viennent souvent alors qu’elle est installée au cœur d'un majestueux paysage. À travers ses rimes et ses rythmes, elle vous fait découvrir des sites indomptés dont le charme coupe le souffle, si on sait les savourer. Au fil de ses recueils, on peut réapprendre à voir, écouter, sentir et respirer dans un monde où cela s'oublie.
Elle a déjà publié plusieurs recueils ainsi que plusieurs romans dont le dernier Les silences de Rochecombe - Léonie au détour de l'amitié, est le premier tome d'une saga, publié fin août 2022.



y
Posté le 23/03/2023 - Thème : Amour / Lieux

La fontaine Mary-Rose

Connaissez-vous ce vert vallon
Qu’une source cachée arrose,
Une humble source dont le nom
Est la fontaine Mary-Rose ?
Ici, tout le jour je peux voir
Dans ce mystérieux miroir
Entouré de figuiers sauvages,
Le ciel changeant et ses nuages,
Et l’araignée au fil d’argent,
Et les papillons voltigeant
Près des joncs où les demoiselles
Sèchent leurs transparentes ailes.
Ici, je vois les moucherons
Essaimer sur les liserons ;
Ici, les troncs noueux des saules,
Les rochers baignés d’ombres molles
Prennent des formes de couleurs
Qui me ravissent jusqu’aux pleurs ;
Ici, ma lyre plus touchante
S’accorde d’elle-même et chante
La beauté, l’amitié, l’amour
Aux solitudes d’alentour ;
Ici, mon âme se repose ;
Ici, l’ombre de Mary-Rose,
Blanche, au milieu de l’herbe en fleur
Me regarde, comme une soeur.


A une âme,
Une fontaine simplement
Du nom de Mary-Rose ornée,
Et par des muses couronnée,
Où j’ai dès le commencement
Cueilli pour toi des fleurs de gloire,
Vierge, tel est le monument
Que je consacre à ta mémoire !

 

© Auguste SAUREL


Auguste Saurel (1892-1976)
Ami de Frédéric Mistral, Auguste Saurel rencontre la belle Mary-Rose Carias le 15 août 1910 sur le parvis de l'église de Grans (à deux pas de Salon-de-Provence). Les deux jeunes gens ont le coup de foudre. Leur amour fut intense et platonique. Mais la belle, de santé fragile, mourut d'une méningite foudroyante quelques mois plus tard. Elle n'avait pas 16 ans. Inconsolable, Auguste lui dédia de nombreux poèmes et ne se maria jamais.
Il est l'auteur de plusieurs recueils. De cet amour est née la fontaine Mary-Rose que l'on peut voir à Grans.


Parc et fontaine Mary-Rose à découvrir ici :
→ Dans la bulle de Manou


y
Posté le 21/03/2023 - Thème : Terre

Notre Terre

Elle est bien vivante notre Terre.
Elle montre parfois son mauvais caractère,
Propulsant des laves de ses cratères,
Faisant disparaître des îles sous la mer,
Soulevant tout, tornade, courant d’air
S’installant là où elle était hier,
Détruisant des immeubles dont nous étions fiers,
Faisant souffrir des familles toutes entières
Les abandonnant à leur triste misère.
Elle brûle avec fureur ces forêts de conifères…
Et nous osons entamer un bras de fer
Avec notre Terre, notre mère nourricière ?
Soyons plutôt complices, mettons-y la manière
Retroussons-nous les manches, n’entrons pas en guerre
Soyons actifs, acteurs, enclenchons la première
Ne creusons pas notre demeure dernière.
Protégeons la, qu’elle soit moins meurtrière.
Chacun fait une action, apporte sa petite pierre…
Laissons à nos enfants un esprit solidaire
Qu’il fasse encore bon vivre sur notre Terre.

 

© Antoine QUESSON


Antoine Quesson (1950-aujourd'hui)
Enseignant à la retraite, Antoine Quesson prend plaisir à s’exprimer avec des mots qui soignent nos maux, des mots qu'il triture, des mots qui lui parlent, des mots qu'il déforme… Que la langue française est riche de mots qui ont du sens, aussi, il est pour l’augmentation des sens, du bon sens... Il a publié plusieurs ouvrages chez TheBookEdition.


Autres textes :
Pourquoi ? 
Barbare 
→ Son blog


y
Posté le 21/03/2023 - Thème : Amour

Chantez l'amour,
soyez eaux vives

Au ciel de nuit d'un temps fraîcheur
Emportés par les vents soufflets,
A l'aube d'un matin douleur
Les parfums des instants secrets
Ravivent les chagrins regrets.
Fuyez vos blessures dérives,
Naïade des jours chapelets
Chantez l'amour, soyez eaux vives.


Le futur d'un passé menteur
Promesse des demains reflets
Sourit à l'avenir saveur.
Il est dans les instants valets,
Vassal des pétales bouquets.
Sirène des aubes natives,
Entonnez les refrains couplets,
Chantez l'amour, soyez eaux vives.


Sur la mer aux vagues couleur,
L'écume blanche des œillets
Oublie la tempête fureur.
Où mènent les chemins sommets ?
Où vont les promesses projets ?
Nymphe amante des douces rives,
A l'ombre des saules bosquets,
Chantez l'amour, soyez eaux vives.


Reine sur vos routes trajets,
Se perdent les larmes furtives.
Ondine des transes ballets,
Chantez l'amour, soyez eaux vives.

 

© Arnaud MATTEÏ


Arnaud Matteï (1962-aujourd'hui)
Les poèmes sont cent, ils sont mille, ils sont uniques. Ils sont de toutes les cultures, de toutes les civilisations. Ils sont odes, ils sont sonnets, ils sont ballades. Ils sont vers, ils sont rimes, ils sont proses. Ils sont le moi, ils sont l’émoi. Ils chantent l’amour, ils disent nos peines, ils décrivent nos joies. Ils ont la force de nos certitudes, ils accompagnent nos doutes. Ils sont ceux de l’enfance, ils traversent le temps, car ils sont le temps. Ils ont la pudeur de la plume, la force d’un battement d’ailes. Ils sont ceux qui restent, ils prennent la couleur de l’encre sur le papier, sombres clairs, multicolores. Alors ces quelques mots pour la souffrance de les écrire, pour le bonheur de les dire et aussi pour la joie de les partager. Des quelques poésies de son adolescence retrouvées dans un cahier aux pages jaunies à l'aube de ses soixante ans, il se sera passé un long moment de silence. Une absence que le vide du temps ne saurait combler. Arnaud Mattéï a fait de sa vie, une vie simple et belle avec ceux qu'il aime.



y
Posté le 20/03/2023 - Thème : Lieux

Totem (calligramme)

Insolites
désœuvrées
sous les ronces
elles se sont tues
quand les hommes
ont déposé le joug
Mais un totem
leur intime
de parler
sans tabou
Les failles à nu
des forges en ruines
font entendre une voix
sourde sous les cicatrices
rauque à la croisée des fers
Jeux de quilles squelettiques
Point de mire dans les mares
Les gravats broient l’histoire
labeur qu’un éboulis enterre
Je prête un sens aux revers
aux suppliques muettes
à la colère contenue
des sanctuaires
Éclats des briques
sous la peau du lierre
Dans le ciment paressent
les gris-masques de nos pères

 

© Emmanuelle RABU


pEmmanuelle Rabu
(1965-aujourd'hui)

Née à Tours en 1965, Emmanuelle Rabu vit aujourd’hui en Loire-Atlantique où les friches industrielles des forges de Trignac lui ont inspiré une série de calligrammes dont Totem est extrait. Depuis 2017, elle se consacre à la peinture, à la photo et à l’écriture, expose et contribue à plusieurs revues littéraires contemporaines. Ses deux premiers recueils publiés en 2020 aux éditions Jacques Flament, 1492 – Amphores poétiques, Prix de la poésie des salines 2021 (calligrammes), et Gris sauvages (photos), explorent le lien entre le graphisme et la poésie. Elle a récemment collaboré avec le poète et revuiste Alain Crozier dont elle a illustré le recueil Entretemps.



y
Posté le 19/03/2023 - Thème : Nuit

La nuit

La nuit, nous ne savons plus
si la mer est bleue ou verte,
si les algues ont froid ou chaud
dans leur maison de silence.


La nuit, nous savons seulement,
la respiration des vagues,
le sable devenu frais, comme au désert
et le ciel pareil à celui des savanes.


La nuit, nous ne saurons jamais,
le murmure des épaves
pour une étoile pressée,
quand, au-delà des dunes,
le grand forgeron déchaîne ses comètes,
quand, au-delà du temps et des eaux,
la terre s’arrondit
pour deviner le jour.

 

© Christian DA SILVA


Christian Da Silva (1937-1994)
D'origine portugaise, Christian Da Silva est né à Decazeville en Aveyron. Il a exercé comme professeur de français avec un goût prononcé pour la poésie. Il a milité pour que la poésie soit étudiée en milieu scolaire. Il a fondé et animé la revue Verticales 12. Il a reçu le Prix Jean Malrieu en 1990.


Autres textes :
Un poème 
L'algue 
Source :
→ Le Printemps des Poètes


y
Posté le 17/03/2023 - Thème : Temps / Homme

Trente secondes de la vie d'un homme

Le temps de saisir dans son œil
Le chat l’oiseau la rose l’abeille
Et le regard perdu d’une fille de rue

Le temps de saisir dans son nez
L’odeur puissante du goudron
Et le parfum porteur d’un nom de reine

Le temps d’orner l’oreille
D’un cri d’enfant
D’un crissement de roue

Le temps de respirer six fois
De rêver d’espérer
Et de rouler comme un galet
Dans le torrent sauvage de la vie

 

© Edmond DUNE


pEdmond Dune
(1914-1988)

Ecrivain, poète et auteur dramatique luxembourgeois, Edmond Dune a été un écrivain aux multiples facettes, pourtant complémentaires : poésie, théâtre aphorismes, prose et traduction (de l’allemand et de l’italien). Il s'est adonné à la peinture dans les dernières années de sa vie. Il a collaboré à de nombreuses revues littéraires au Luxembourg et à l’étranger.



y
Posté le 15/03/2023 - Thème : Amour

L'école buissonnière

Je t’ouvre des pays qui n’ont pas de frontières
Je te présente à Dieu
Tu prends fleur dans le vent
L’oiseau bâtit son nid au creux de ton épaule


Je te poursuis encor sur la mer
C’est pour toi
Que cette main devient étoile et primevère
Et c’est pour toi
L’envol inquiétant des fenêtres


En ce moment tu viens de m’apparaître
À la place que j’occupais
A celle que j’occuperai
Pendant bien des années encor
Tu es le lierre de mon corps


Je ne veux plus te voir effrayée
Mais dormante
Et la poitrine nue
Comme un pays neigeux
Je te destine au frais tumulte de ma bouche.

 

© René-Guy CADOU


pRené-Guy Cadou
(1920-1951)

Poète français qui grandit dans une ambiance de préaux d’écoles, de rentrées des classes, de beauté des automnes, de scènes de chasse et de vie paysanne qui deviendront plus tard une source majeure de son inspiration poétique. Fils d'instituteurs, il devient lui aussi instituteur et rencontre Hélène, le grand amour de sa vie qui fut aussi l'inspiratrice de nombreux recueils. Durant l'Occupation allemande, il témoigne de son soutien à la Résistance par ses écrits et son désir de dénoncer la barbarie nazie. Il composera un nombre considérable de poèmes avant que la maladie ne l'emporte prématurément à l'âge de 31 ans.



y
Posté le 13/03/2023 - Thème : Espoir

Je voudrais que mon crâne...

Je voudrais que mon crâne soit comme une chapelle
Abandonnée perdue au fond d'un val touffu
On entend bourdonner une mouche une abeille
Et l'on croît deviner des sourires aux statues
 
Je voudrais que mon cœur soit comme un feu dans l'âtre
Qui rougeoie dans la nuit avec sa bonne odeur
Dans les tisons l'on voit un mystérieux théâtre
De masques de chevaux de rires et de fleurs
 
Je voudrais que mon corps soit une goélette
Qui danse en s'amusant sur la crête des flots
A la proue le beaupré se moque des tempêtes
Tous les vents sont amis de ce fringant rafiot
 
Je voudrais que mes mains sachent guérir les peines
De tous ces fronts brûlants les enfants affolés
Ce pauvre homme qui pleure et cette bohémienne
Au milieu des bagnoles et comme hallucinée
 
Je voudrais que mes yeux comprennent la lumière
Qui dore toutes choses du long manteau de Dieu
Les paupières fermées plus loin que la prière
Embrasser d'un regard le profond puits des cieux
 
Je voudrais que mon âme demeure la fidèle
De ce chant lumineux en enfance jailli
Qu'au silence épanoui elle file comme une aile
Vers le grand rendez-vous du soleil de la Nuit

 

© Philippe FORCIOLI


pPhilippe Forcioli (1953-2023)
Auteur-compositeur-interprète d'origine corse, Philippe Forcioli a été élevé entre le midi de la France et Paris. Il reste attaché aux valeurs de son enfance dont les plus fortes sont justice et solidarité. Ses études scientifiques s'inscrivent dans l'évolution souhaitée par ses parents, et son sens de la famille ne s'est jamais démenti. Ce barbu à l'accent du sud n'est pas tout à fait ordinaire puisqu'en poète des temps modernes, il a déclamé Delteil, Brassens, Cadou. Amoureux de la nature, il a organisé des randos-lectures-chansons et sillonné la Corse, l'Angleterre ou l'Irlande. Son livre-testament, Les Impromptus de la Sauvegarde, rédigé sur son lit d'hôpital alors qu'il est soigné pour un cancer,
témoigne sur son expérience en milieu médical et des moments-clés de sa vie.



y
Posté le 11/03/2023 - Thème : Artiste

Apollinaire (acrostiche)

Guetteur mélancolique
Utopique voyageur sous le pont Mirabeau
Il regarde couler la Seine et ses amours éphémères
L’enchanteur pourrissant écrit, compose
La chanson du mal aimé… Lui voudrait être, le mâle aimé.
Annie, à son amour se déroba pour un autre quidam.
Un éclat d’obus est fiché dans cette peau trouée, il soupire ;
Madeleine ne viendra ni ce soir ni jamais
Elle attend un amant de cœur intransigeant.


Alcools, à la santé pour rien, infâme destinée
Poète assassiné, rêveur obstiné, d’amours désincarnés
Ombre de mon amour écrira-t-il un jour de grande peine
Louise ne me laisse pas seul, j’ai peur dans la tranchée
Lou, ne joue pas, j’ai peur du loup-garou
Installe-moi au berceau de tes bras
Non le chemin des dames n’est pas semé d’amour.
A Blaise qui ne peut plus faire de bras d’honneur il dit :
Il faut aimer l’étincelle de vie d’un coup de foudre’.
Rescapé de l’horreur. Il finira par prendre en grippe une
Espagnole tueuse de mille et cent poètes.

© Claude DUSSERT


pClaude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.



Voir aussi :
→ Anecdotes sur Guillaume Apollinaire
→ Site officiel Guillaume Apollinaire


y
Posté le 11/03/2023 - Thème : Avenir

Message à l'avenir

Je t’écris d’un pays où le pôle nord a changé de cap
les moteurs dévastent l’air
noircissent nos poumons
les enfants galopent dans des écrans
les animaux sont abattus à grande vitesse
pour fournir à nos panses viande terne
on achète on consomme on jette
notre temps file file et file
nous construisons l’arme qui nous tue tous
en poussant juste sur un bouton
nous divisons la planète par lignes invisibles
interdit de les franchir si tu demandes asile
nous rêvons de conquérir l’espace
pour affamer une autre terre
nos frères meurent de faim de froid
à même les trottoirs aux pays des nantis
les plus âgés croupissent dans les mouroirs
l’eau la belle eau la ruisselante
nous la filtrons pour apaiser nos soifs
Dans ton coeur qui demain battra
un peu du mien y chantera
chante oui chante le demain d’aujourd’hui
tu lis ces mots c’est que tu vis
célèbre la vie qui passe
marche marche arpente les chemins
et de tes mains à d’autres reliées
aime oui aime le monde qui est tien
et de tes lèvres et de ton souffle
invente les mots de ton poème
chair lumineuse aux enfants de demain.

 

© Laurence VIELLE


pLaurence Vielle
(1968-aujourd'hui)

Actrice, metteuse en scène et écrivaine belge, Laurence Vielle aime dire les mots, surtout les écritures d’aujourd’hui. Résidant dans sa ville natale, à Bruxelles, elle a joué dans plusieurs pièces, écrit également pour le théâtre, des scénarios pour le cinéma et de la poésie. Elle a reçu de nombreux prix dont celui de la meilleure comédienne au Festival de Clermont en 1999.



y
Posté le 08/03/2023 - Thème : Femme

De chaque jour,
faites fête !
FEMMES !

Une seule journée pour fêter la femme ?
Quelle ingratitude infâme !
Des siècles ne pourraient suffire
Pour évoquer les injustices qu'on lui fait encore subir !

Que fêter ? Les jougs qui la font souffrir et dépérir ?
Les longues nuits d'amère solitude, de larmes et soupirs ?
Elle n'a pas attendu la charité d'une reconnaissance !
Tel un volcan fier en colère,
Pour mettre fin à ses souffrances,
Elle se réveilla, révoltée, de sa torpeur,
Jugulant toutes ses frayeurs et peurs !

Elle n’a jamais cessé de lutter
Contre les bourreaux et barreaux de ses douleurs,
Pour arracher, dans ses pires heures,
Son droit à la liberté, la dignité et la parité,
Son droit mérité à un juste bonheur,
Pour briser ses chaînes et l'horrible image
De l'éternelle soumise aux diktats de l'esclavage !

Chaque jour sera sa fête contre défaites et soumissions !
Chaque jour sera nouvelle aube de sa libération
Contre les perfides impitoyables oppressions
Qui essayent à coups de leurres et absurdes argumentations
De la plonger dans l’obscurité des inhumaines régressions !

 

© Mokhtar EL AMRAOUI


Mokhtar El Amraoui (1955-aujourd'hui)
Poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, Mokhtar El Amraoui a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Il est passionné de poésie depuis son enfance. Il a publié quatre recueils de poésie et plusieurs de ses poèmes ont été publiés sur Internet et en revues-papier.



y
Posté le 05/03/2023 - Thème : Femme / Liberté

Femmes-oiseaux de liberté

Aux femmes-colibris avec la force d’un aigle.

Dans un monde où l’habit fait le moine
et où l’apparence fait loi,
la douceur et le charme
passent souvent pour fragilité.
On a l’impression
que la bise va les emporter,
ces silhouettes d’oiseaux-femmes
aussi fines que le plus fin des roseaux.
On guette leurs pas hésitants,
les moindres failles dans leur voix.
Mais là, dans leurs frêles thorax,
sous leurs côtes,
c’est un volcan qui se déploie.
Le vent pourra souffler,
la tempête pourra se déchaîner,
rien ne déracinera
leurs âmes de roseaux plantées dans les nuages,
rien ne pourra porter atteinte
à leur joie, à leur force, à leur liberté,
à la puissance née de leur fragilité
d’oiseaux-femmes Amazones
d’oiseaux-flammes libérées.

Carpe Diem ! À la vie ! À la liberté !

 

© Parme CERISET


pParme Ceriset
Passionnée de poésie et membre de la Société des Poètes Français, rédactrice à La Cause littéraire, surnommée « la plume Amazone » pour son tempérament très indépendant et son attachement suprême à la liberté. Parme Ceriset navigue entre Lyon et le Vercors où elle puise son inspiration. Son roman autobiographique Le serment de l'espoir - Que la vie souffle encore demain paru chez L'Harmattan, fait écho à son parcours totalement atypique. Elle a grandi avec une maladie rare, a exercé en tant que médecin puis a été sauvée par une greffe des poumons après avoir passé quatre ans sous oxygène. Dans ce roman qui est une ode à la Vie, à l'Espoir, à la Nature, à la Passion, à l'Amour et à la Liberté, elle défend une conception artistique de l'existence en déroulant le récit par petites touches, comme une fresque impressionniste. Parme Ceriset est également dessinatrice. Elle est fascinée par la vie sauvage et le monde animal, par la spiritualité et son expression artistique depuis l'aube immémoriale du monde et de l'humanité. Sur le plan philosophique, elle considère la poésie, selon ses propres mots, comme "un acte de résistance contre le non-sens et la mort". Son Graal absolu est la "liberté libre" de Rimbaud, qu'elle poursuit elle aussi, parfois jusque dans les ténèbres, éclairée par le flambeau inextinguible de sa foi en la vie et en l'Amour universel. Elle se définit comme humaniste, écologiste, féministe et pacifiste. Sa devise : "N'appartiens qu'à toi-même et au souffle du vent." (Extrait de son recueil "N'oublie jamais la saveur de l'aube", 2019). Son dernier recueil Femme d'eau et d'étoiles a été publié en 2021 et vient d'être couronné du Prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 par la Société des Poètes Français.



y
Posté le 01/03/2023 - Thème : Artiste

Rodin

Entre force et lumière son geste est auguste
De ses mains de graveur il caresse le buste
Dans un piètre meublé ou dans une simple piaule
Qu’il dessine ou pétrisse la courbe d’une épaule
La cambrure d’un dos, la fermeté d’un sein
La perception d’un œil au regard sibyllin
L’amant tumultueux exorcise sa passion.
Sensuel, jouisseur, amoureux, polisson
Camille sera pour lui qu’une simple passion
La pierre devient sa muse, le marbre son pygmalion.


L’Académie des arts, trois fois le refoula
La sculpture, mon ami, n’est pas faite pour toi
Et bien que couronné comme "le bouc sacré"
C’est vers les bons pères qu’il croit trouver la paix.


Mais la nature bientôt reprend vite ses droits
Volage et infidèle il cumule à la fois
Aventures amoureuses et études de l’art
Dans l’Italie de Dante il se plait et s’égare.
Il est reconnu maître de l’art "in finito"
Il peaufine ses œuvres tel un peintre ses tableaux.


Les commandes affluent, les expos le réclament
Ses œuvres respirent la vie, on les dirait moulées
A même l’académie des corps fins, sculptés
La cabale n’est pas loin qui honnit ceux qui gagnent
Ses détracteurs seront les dindons de la farce.


Son art est au zénith il modèle les corps
Et leur confère une âme, une vie en accord
Il n’aime qu’en pointillé, ah ! Le bouc sacré.
C’en est dit, il épouse sa première conquête
Qui à chaque retour ne lui fait pas la tête
Elle meurt dans ces bras, il en est tout pantois
Il ne lui survivra à peine plus de six mois.

 

© Claude DUSSERT


pClaude Dussert
(1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie.



y
Posté le 22/02/2023 - Thème : Saison / Hiver

Un jour d'hiver

Arqué haut sur les monts et d'un bleu sans nuages
Qu'un triomphant soleil embrase éblouissant,
Le ciel, par la vallée où la chaleur descend,
Anime, en plein hiver, la mort des paysages.

Il semble qu'ici, là, la mouche revoltige,
Tourne dans la poussière ardente du rayon ;
On va voir le martin-pêcheur, le papillon,
L'un raser le ruisseau, l'autre effleurer la tige !

Le ravin clair bénit l'horizon rallumé ;
Du branchage et du tronc l'arbre désembrumé
Contemple, radieux, le luisant de la pierre.

Et, dans l'espace, au loin, partout, les yeux surpris
Ont la sensation d'un été chauve et gris
Dont la stérilité rirait à la lumière.


© Maurice ROLLINAT


pMaurice Rollinat
(1946-1903)
Poète, musicien et interprète français, Maurice Rollinat a écrit ses premiers poèmes en 1870, encouragé par George Sand. Ses textes, allant du pastoral au macabre en passant par le fantastique, lui valent une brève consécration en 1883. Tourmenté, souffrant de névralgies, il se retire dans la Creuse où il continuera son oeuvre littéraire. Au décès de sa compagne, il tente plusieurs fois de se suicider. Malade (probablement d'un cancer), il est hospitalisé à Ivry où il meurt à l'âge de 56 ans.



y
Posté le 20/02/2023 - Thème : Amour / Bonheur

Sur mes paupières

Jamais je n'oublierai
Tes mots
Semés sur mes paupières heureuses
Dans ce nid à l'orée de ton bois
Dans ce lit qui n'en était pas un
Ce lit où le sommeil était une évidence
Après l'amour souvent
Jamais je n'oublierai
Ton regard d'océan au milieu des feuilles d'arbres
Ton sourire contagieux
Ta simplicité qui
Bien souvent s'énervait
Sur de simples broutilles
Et pourtant toujours là dans le creux de nos bras


© Flora DELALANDE


pFlora Delalande
Auteure et animatrice spécialisée en
écriture et plantes sauvages comestibles et médicinales, Flora Delalande est tombée en amour avec la poésie. Après avoir publié son premier recueil de poèmes en 2011, elle crée avec de jeunes poètes l’association Le Temps des Rêves.
Dès ses débuts, elle cherche à mêler les arts entre eux. En 2013, attirée par l’oralité et désireuse de partager le plus intimement possible son art avec le public, elle se lance dans la création de spectacles. Naissent alors des duos poétiques et musicaux, des pièces collectives et des performances totales faisant intervenir la peinture, la danse, la musique et le chant autour de ses poèmes. En parallèle, elle continue à publier des livres et arpente les contrées nouvelles du livre pauvre et du livre d'artiste.



y
Posté le 18/02/2023 - Thème : Nature / Musique

Le chant des Rameurs

          J’ai demandé souvent
          Ecoutant la Clameur
          D’où venait l’âpre chant
          Le doux chant des Rameurs.

 

Un soir, j’ai demandé aux jacassants corbeaux
Où allait l’âpre chant, le doux chant des Bozos,
Ils m’ont dit que le Vent, messager infidèle
Le déposait tout près dans les rides de l’Eau ;
Mais que l’eau désirant demeurer toujours belle
Efface à chaque instant les replis de sa peau.

 

          J’ai demandé souvent
          Ecoutant la Clameur
          D’où venait l’âpre chant
          Le doux chant des Rameurs.

 

Un soir, j’ai demandé aux verts Palétuviers
Où allait l’âpre chant des Rudes Piroguiers ;
Ils m’ont dit que le Vent, messager infidèle
Le déposait très loin, au sommet des palmiers ;
Mais que tous les palmiers ont les cheveux rebelles
Et doivent tout le temps peigner leurs beaux cimiers.

 

          J’ai demandé souvent
          Ecoutant la Clameur
          D’où venait l’âpre chant
          Le doux chant des Rameurs.


Un soir, j’ai demandé aux complaisant Roseaux
Où allait l’âpre chant, le doux chant des Bozos,
Ils m’ont dit que le Vent, messager infidèle
Le confiait là-haut, à un petit oiseau ;
Mais que l’Oiseau, fuyant dans un furtif coup d’ailes,
L’oubliait quelquefois dans le ciel indigo.

 

          Et depuis, je comprends
          Ecoutant la Clameur
          D’où venait l’âpre chant
          Le doux chant des Rameurs.


© Birago DIOP

Extrait du recueil Leurres et lueurs, Editions Présence Africaine, 1960


pBirago Diop
(1906-1989)
Poète et conteur sénégalais, Birago Diop avait restauré l'intérêt général pour les contes africains et avait été promu au rang des plus grands écrivains africains francophones. Vétérinaire de formation, diplomate et porte-parole du mouvement littéraire de l'Afrique Noire, Diop est un exemple de "l'homme de la Renaissance africaine".



y
Posté le 18/02/2023 - Thème : Rêve

Rêves

Mes nuits sont tressées de rêves
Doux comme le vin nouveau
J’ai rêvé que les fleurs des arbres tombaient
M’enveloppaient, me recouvraient.

 

Et toutes ces fleurs devenaient des baisers
Brûlants comme le vin rouge
Et tristes comme des papillons de nuit qui savent
Qu’ils devront s’éteindre dans le faux-semblant de la mort

 

Mes nuits sont tressées de rêves
Lourds comme le sable fatigué
J’ai rêvé que, des arbres mourants,
Les feuilles tombaient dans ma main.

 

Et toutes ces feuilles devenaient des mains
Qui caressaient comme un sable mouvant
Et étaient fatiguées comme des papillons qui savent
Qu’ils finiront avant le rayon du soleil

 

Mes nuits sont tressées de rêves
Bleus comme le mal d’amour
J’ai rêvé que de tous les arbres tombaient
Des flocons de neige qui tintinabulaient

 

Et tous ces flocons devenaient des larmes
Que j’ai pleurées chaudement –
Comprends mes rêves, mon amant,
Ils sont tous pleins de désir pour toi.

8 novembre 1941


© Selma MEERBAUM-EISINGER

Traduit de l'allemand par Marc Sagnol


pSelma Meerbaum-Eisinger
(1924-1942)
Poétesse germanophone, cousine germaine de Paul Celan, Selma Meerbaum-Eisinger est décédée le 16 décembre 1942 dans le camp de travaux forcés de Michailowka en Ukraine qui, en tant que juive victime de persécutions, mourut du typhus à dix-huit ans. Son œuvre est souvent classée parmi la Littérature-monde. L’œuvre de Selma Merbaum est composée de 58 poèmes, qu'elle a écrits soigneusement au stylo chacun sur une page puis reliés en un album intitulé Blütenlese [Anthologie]. Les poèmes de Selma Merbaum qui ont pu être sauvés traitent avant tout de romances impressionnistes, d'élégie à la nature d'une maîtrise stylistique remarquable, imprégnée de mélancolie.



y
Posté le 18/02/2023 - Thème : Nature

Cession

Le vent,
dans les terres sans eau de l’été, nous
quitte sur une lame,
ce qui subsiste du ciel.

En plusieurs fractures, la terre se précise. La terre demeure stable dans le souffle qui nous dénude.

Ici, dans le monde immobile et bleu, j’ai presque atteint ce mur.
Le fond du jour est encore devant nous.
Le fond embrasé de la terre.
Le fond et la surface du front,
aplani par le même souffle,
ce froid.

Je me recompose au pied de la façade comme l’air bleu au pied des labours.

Rien ne désaltère mon pas.


© André du BOUCHET
Extrait de " Dans la chaleur vacante ", Editions Mercure de France, 1959


pAndré du Bouchet
(1924-2001)

Poète français, André du Bouchet passe son enfance en France jusqu'à la débâcle qui le jette sur les routes avec sa famille puis s'exile aux Etats-Unis, et devient professeur. De retour en France en 1948, il publie des textes critiques et ses premiers écrits poétiques paraissent en 1950. Sa poésie exigeante, réfractaire à tout embrigadement, s’inscrit dans le sillage de Stéphane Mallarmé et voisine avec celle de Pierre Reverdy ou René Char ; elle ouvre sur un paysage dans lequel erre l’homme, hiératique et pourtant central. Il est le cofondateur en 1967, avec Yves Bonnefoy et Jacques Dupin de la revue L’Éphémère, qui accueille des poètes comme Philippe Jaccottet ou Paul Celan.



y
Posté le 16/02/2023 - Thème : Nature

Du même endroit

Au fur et à mesure que l'eau de la rivière se déplace
à contre-courant près du rivage,
elle se disperse dans des brins d'herbe
loin de son centre.
La mémoire fait un voyage à rebours
où une matière incertaine
revient avec de nombreux fragments.


© Giampiero NERI


pGiampiero Neri
(1927-2023)
[Vrai nom : Giampiero Pontiggia]
Poète italien, Giampiero Neri était connu pour son style roman ; son œuvre est connue pour son style concis, sec et sans fioritures, et veiné de mélancolie et d'humour. Son œuvre était souvent écrite en prose. En 2019, il a reçu le prix de poésie du Cilento pour sa brillante carrière.



y
Posté le 16/02/2023 - Thème : Métier

La fileuse

Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline ;
Le rouet ancien qui ronfle l'a grisée.


Lasse, ayant bu l'azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s'incline.


Un arbuste et l'air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l'oisive.


Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet sa rose.


Mais la dormeuse file une laine isolée ;
Mystérieusement l'ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.


Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, aux doux fuseaux crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse...


Derrière tant de fleurs, l'azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.


Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir... Tu es éteinte


Au bleu de la croisée où tu filais la laine.


© Paul VALÉRY


pPaul Valéry
(1871-1945)
Ecrivain, poète et philosophe français, Paul Valéry effectue un début de carrière dans l'ombre, secrétaire particulier d'Edouard Lebey, fonction qui lui laisse le loisir de l'étude, la recherche et des rencontres avec le milieu artistique et littéraire de l'époque. Ce n'est qu'au sortir de la Première guerre mondiale, à l'abord de la cinquantaine, que sa célébrité éclate en tant que poète avec la publication de La Jeune Parque. Il devient dès lors immensément célèbre en tant qu'intellectuel et homme de lettres.



y
Posté le 09/02/2023 - Thème : Silence

Dans le silence de la ville

Derrière les murs dans la rue
Que se passe-t-il quel vacarme
Quels travaux quels cris quelles larmes
Ou rien la vie un linge écru

Sèche au jardin sur une corde
C'est le soir cela sent le thym
Un bruit de charrette s'éteint
Une guitare au loin s'accorde

Il fait jour longtemps dans la nuit
Un zeste de lune un nuage
Que l'arbre salue au passage
Et le coeur n'entend plus que lui

Ne bouge pas c'est si fragile
Si précaire si hasardeux
Cet instant d'ombre pour nous deux
Dans le silence de la ville


© Louis ARAGON


pLouis Aragon
(1897-1982)
Poète et romancier français, il participe au mouvement dadaïste et surréaliste aux côtés d'André Breton. En 1928, sa rencontre avec Elsa Triolet, l'amour de sa vie, lui inspirera de nombreux poèmes. Bon nombre de ses textes ont été mis en musique par Léo Ferré ou Jean Ferrat.



y
Posté le 09/02/2023 - Thème : Mort / Religion

Quand nous aurons joué nos derniers personnages

Quand nous aurons joué nos derniers personnages,
Quand nous aurons posé la cape et le manteau,
Quand nous aurons jeté le masque et le couteau,
Veuillez vous rappeler nos longs pèlerinages.

Quand nous retournerons en cette froide terre,
Ainsi qu’il fut prescrit pour le premier Adam,
Reine de Saint-Chéron, Saint-Arnould et Dourdan,
Veuillez vous rappeler ce chemin solitaire.

Quand on nous aura mis dans une étroite fosse,
Quand on aura sur nous dit l’absoute et la messe,
Veuillez vous rappeler, Reine de la promesse,
Le long cheminement que nous faisons en Beauce.

Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde,
Quand nous aurons tremblé nos derniers tremblements,
Quand nous aurons râlé nos derniers râlements,
Veuillez vous rappeler votre miséricorde.

Nous avons gouverné de si vastes royaumes,
Ô Régente des rois et des gouvernements,
Nous avons tant couché dans la paille et les chaumes,
Régente des grands gueux et des soulèvements.

Nous n’avons plus de goût pour les grands majordomes,
Régente des pouvoirs et des renversements,
Nous n’avons plus le goût pour les chambardements,
Régente des frontons, des palais et des dômes.

Nous n’avons plus de goût pour le métier des armes,
Reine des grandes paix et des désarmements,
Nous n’avons plus le goût pour le métier des larmes,
Reine des sept douleurs et des sept sacrements.

Nous avons tant appris dans les maisons d’école,
Nous ne savons plus rien que vos commandements,
Nous avons tant failli par l’acte et la parole,
Nous ne savons plus rien que vos amendements.

Quand nous aurons joué nos derniers personnages,
Quand nous aurons posé la cape et le manteau,
Quand nous aurons jeté le masque et le couteau,
Veuillez vous rappeler nos longs pèlerinages.


© Charles PÉGUY


pCharles Péguy
(1873-1914)
Ecrivain, poète et essayiste, Charles Péguy est mort pour la France le 5 septembre 1914, le premier jour de la première bataille de l'Ourcq. Son œuvre, multiple, comprend des mystères d'inspiration médiévale en vers libres et des recueils de poèmes en vers réguliers. Intellectuel engagé, après avoir été militant socialiste libertaire, anticlérical, puis dreyfusard au cours de ses études, il se rapproche à partir de 1908 du catholicisme et du nationalisme. Le noyau central et incandescent de toute son œuvre réside dans une profonde foi chrétienne qui ne se satisfaisait pas des conventions sociales de son époque.



y
Posté le 09/02/2023 - Thème : Ecriture

Je suis une feuille

Aurais-je imaginé que je me trouverais là Une mine de stylo plantée sur ma peau ? Les yeux de mon bourreau qui ne me quittent pas Ma blancheur lui fait peur, je sais qu'il cherche ses mots

Je suis une feuille blanche, je ne demandais rien Qu'à rester sur mon arbre et attendre la fin Moi j'aimais le vent se perdant dans les feuilles Le murmure de la sève qui me donnait la vie Moi j'aimais la hauteur que j'avais sur les choses Je n'ai pas vu venir la lame qui m'a trahie

Si au moins je servais de papier officiel Pour signer des traités et protéger les faibles Ou être dans les mains d'un poète oublié Qui me jetterait ses vers comme on cherche un ami

J'aurais pu être pressée sur le cœur d'une enfant Écoutant dans mes lignes la voix de son amant Ou être le pliage d'un gamin de huit ans Et voler dans les airs sous les rires des enfants Ou être dans les pages d'un livre d'histoire Qui dit que le chemin est encore tellement long

Mais voilà que je sens que la plume me frôle Et les lettres se forment comme l'encre tourbillonne J'n'ai jamais vu plus lourd que le poids de ces mots C'est la misère d'un homme que je sens sur mon dos

Il dit "je veux finir d'avec ma vie Pardonne-moi mon amour mais je m'arrête ici Ce n'est pas de ta faute si je baisse les bras Mais j'ai perdu ma chance de gagner ici-bas" Et moi c'était mon rôle de porter tous ces mots Et les larmes d'une femme tomberont sur moi bientôt

J'aurais pu être pressée sur le cœur d'une enfant Écoutant dans mes lignes la voix de son amant Ou être le pliage d'un gamin de huit ans Et voler dans les airs sous les rires des enfants Mais je tourne la page d'une triste histoire Qui dit que le chemin n'était pas tellement long Pas tellement long, pas tellement long


© Renan LUCE
Extrait de l'album "Repenti"


pRenan Luce
(1980-aujourd'hui)
Auteur-compositeur-interprète, il rencontre le succès en France avec son Album Repenti en 2006 et sa chanson La Lettre.



y
Posté le 08/02/2023 - Thème : Société

Moi aussi, je chante l'Amérique

Moi aussi, je chante l’Amérique.

Je suis le frère à la peau sombre.
Ils m’envoient manger à la cuisine
Quand vient du monde.
Mais je ris,
Et je mange bien,
Et je prends des forces.

Demain,
Je serai à la table
Quand viendra du monde.
Personne,
Alors,
N’osera me dire
« Va manger à la cuisine ».

De plus,
Ils verront comme je suis beau
Et ils auront honte —

Moi, aussi, je suis l’Amérique.


© Langston HUGHES


pLangston Hughes
(1902-1967)
Poète, nouvelliste et écrivain américain, Langston Hughes participera au journal étudiant de son école de Cleveland (Ohio) et écrira ses premières nouvelles, poésies et pièces de théâtre. Sorti de son université à Columbia, en 1922, il privilégiera les joies de la rue d'Harlem à sa scolarité. Pour vivre, il cumule les petits boulots. Ses études à l'université de Lincoln lui permettent d'obtenir un doctorat en littérature en 1943. Il effectue ses premiers travaux d'écriture en tant que journaliste et publie ses premiers recueils. Sa renommée est due en grande partie à son implication dans le mouvement culturel communément appelé Renaissance de Harlem qui a secoué Harlem dans les années 1920.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Amour / Mer

Le soleil et la mer partir

Sans même se retourner partir pour oublier
Les instants d’une vie et les tracas aussi.


Partir pour éviter que le train qui nous mène
D’un seul coup nous amène les valises à la main
Vers un autre destin.


D’un coucher de soleil
Où rien n’est plus pareil
Sur une plage d’écume bercée par un éclat de lune
Partir et oublier.


Partir
Les yeux vers l’horizon rivés sur le néant
Une pluie d’étincelles illuminant le ciel.


Partir mais sans partir
Comme la vague au rocher caressante à souhait
Dans les plus beaux soupirs des moments de faiblesse
À l’ivresse des caresses un élan qui s’arrête puis soudain recommence
Comme les pas d’une danse.


Partir et revenir sans jamais le trahir.
Partir sans toi ne serait pas partir
C’est comme un peu partir sans moi
Mon cœur entre tes doigts.


D’un coucher de soleil où rien n’est pareil
D’un rayon de lune sur le lit d’une dune
Que ces éclats dérivent et soudain nous enivrent
T’amenant jusqu’à moi dans un divin désir
Partager avec toi des moments de plaisir.


© Tony RICHARD


Tony Richard (1950-aujourd'hui)
Né à Coblence d'un père militaire et d'une mère bretonne, Tony Richard a d'abord exercé le métier de pâtissier pendant une vingtaine d'années puis a été enseignant pendant 30 ans. Une carrière bien remplie pour ce voyageur qui a sillonné la France, de Paris à Cagnes-sur-Mer en passant par Boulogne, Limoges et bien d'autres contrées. Il a également voyagé en Chine et au Japon. Ecrivain sur le tard et passionné de poésie, il a publié plusieurs recueils, à découvrir sur son blog.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Saison / Hiver

Apathique saison...

Apathique saison. Hiver saison boudeuse.
Dans l’air, le vent fredonne une chanson hideuse
Que l’oiseau parodie en un doux contrepoint.
Au bois chaque arbre arbore, à son torse, un pourpoint
D’écorce. Il fait si froid ! Tout grommelle et tout grogne
Mais, petit à petit, c’est l’hiver que l’an rogne,
Croque, jour après jour. Tant mieux ! Il était temps
Que reviennent les mois adorés du printemps.
Par les bois tout l’attend. C’est tout un plébiscite.
Que revienne la joie et que l’on ressuscite.

© Marcel MICHEL


Marcel Michel
Marcel Michel a toujours voyagé en écriture. Depuis 2013, il couche sur le papier son monde intérieur foisonnant. Son dernier recueil est rempli des sons d’une nature vivante, de réflexions sur l’homme et sur les choses qui nous entourent et que l’on ne perçoit plus. Ouvrage où la beauté, de poème en poème, pose sa touche délicate.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Amour

Le chant de mon oud

Sauras-tu écouter,
Sur le fil tendu éperdu des heures,
Mon oud fêlé, qui pour toi,
S’habille de mille feux d’oiseaux d’oueds ?
Je te viens, de bien loin, te dire, de mon levant
En courbes, le sang fatigué,
Pourtant, tant enchanté de mon attente,
De mon inextinguible soif
Qui boit à la Seine de tes courbes assoiffées
Et aux galbes dressés de tes seins parfumés
Par tant de désir retenu, détenu
Qui veut exploser et tuer ces inutiles morts lentes !
Pourquoi ne suis-tu pas les pas de nos pas qui nous dansent ?
Ecoute, donc, tout ce bois, toutes ces cordes,
Qui en nous, qui par nous, qui pour nous
Se font chair,
Se font voix,
De nos chairs,
De nos voix,
Voix de nos chairs,
Chairs de nos voix
Et renaissent à leur quintessence,
Sans peines ni souffrances,
De fontaine t’attendant, en stances
Se tendant, s’étendant
En oud, en ses pleurs fous d’incompris, en ses fleurs
S’offrant aux feux de tes lèvres,
A la chaude rosée printanière de tes seins qui ont soif,
Roucoulant à quatre mains tous ces jasmins en éclairs
Si lactés convolant en justes notes égarées
Puis retrouvées en fugues mineures, en fugues majeures égayées
Loin de toute frayeur, reniant les blêmes torpeurs,
En volutes fulminant de cris d’aimer tapageurs
De gémir, de soupirs, de complaintes et de bonheur
Dits dans nos couleurs d’après silences et douleurs,
En fusions enivrées de danseurs !
Ecoute-le, mon oud, prendre en ailes
Tes furtifs sourires d’apeurée
Pour les faire planer
Sur les plus hautes cimes des extases éclatées !
Ris-toi, mais ris-toi, donc, de ces cendres
Qui veulent étouffer les chaudes braises
De ton corps qui brûle dans cette geôle
Qui assassine ta liberté et ses radieux envols !
Ecoute-le, mon oud, mon cœur,
Te chanter en odes, toi qui l’as charmé :
« Ceins tes seins des lauriers de tes trophées
Qui méritent leur chemin de volupté,
Pour laisser fleurir, à jamais, l’or
De ce splendide bonheur,
Le sublime droit d’aimer ! »

Oud : luth à cordes pincées très répandu dans les pays du Maghreb, en Turquie, en Grèce et en Arménie

© Mokhtar EL AMRAOUI
Extrait de "Le souffle des ressacs"


Mokhtar El Amraoui (1955-aujourd'hui)
Poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, Mokhtar El Amraoui a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Il est passionné de poésie depuis son enfance. Il a publié quatre recueils de poésie et plusieurs de ses poèmes ont été publiés sur Internet et en revues-papier.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Vie

Chienne de vie

Dans cette chienne de vie
j'ai préféré tirer la chasse,
tirer la langue
et le diable par la queue
que de tirer du gun
ou de tirer des chèques
sur le malheur des autres.
J'ai préféré passer l'éponge,
passer mon tour,
passer les bornes,
passer pour fou
que de passer tout droit.

Mais cette chienne de vie
est parfois si jolie
(merci Prévert)
sans collier sans licou,
les deux pieds dans la vase
et le poil au soleil.

Quand on m'aura dompté,
dressé, salarié,
je ne serai plus
qu'un masque sans visage,
une ride sans voix,
un habit sans personne,
un corps en location,
un coeur à la consigne,
une âme en peine.

Je veux rester sans nom
au milieu de la foule
et faire l'accolade
à tous ceux qui s'égarent.
Je veux rester rebelle
et me refaire une vie
hors des sentiers battus,

Je veux planter ma tente
au milieu de l'orage
et faire d'un volcan
un oasis de paix,
de la peur une armure
et de l'angoisse un feu
pour réchauffer la vie.
 

Je veux rester debout
pour une femme qui passe
mettant le feu au cul
et la main à la pâte.
Je veux rester vivant
pour une femme qui chante
et rallume à ma queue
le désir des voyous.


© Jean-Marc LA FRENIÈRE


pJean-Marc
La Frenière
(1948-2023)
Né au Québec dans la vallée du Richelieu, Jean-Marc La Frenière, poète de rue, a distribué sa poésie par l’intermédiaire des itinérants. Puis sur Internet, il a participé à des groupes d'écriture collective puis a publié dans des revues.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Mer

Les cocotiers

Sous la brise du large, au déclin du soleil,
Les cocotiers géants bercent leurs chevelures ;
Leurs palmes doucement vibrent au soir vermeil
Ainsi qu’en haut des mâts de chantantes voilures.


Le refrain de la mer, à leur chanson, pareil
Glisse sur le rivage aux blanches dentelures
Un soupir doux et frais qui hante le sommeil
Des sables endormis à l’ombre des ramures…


Mais qu’elle est, tout à coup, cette voix dans la nuit
Qui livre ses accents au murmure des palmes
Et qui semble, à la mer, dire un profond ennui ?


Est-ce de l’au-delà un faible écho qui meurt
Avec la blanche lame au pied des rives calmes
Ou la tristesse en moi qui fait pleurer mon cœur ?

 

© Alcide BARET


pAlcide Baret
(1914-1959)
Poète et écrivain réunionnais, Alcide Baret était instituteur à la Rivière Saint-Louis. Il obtient plusieurs prix de poésie et fréquente les poètes de l'île. Il est fondateur de la revue Trait d'union, et édite son premier recueil Primes accords en 1949. Il devient membre de l'Académie de la Réunion et fait partie de la Société des poètes français à Paris. Ne survivant pas au décès brutal de son épouse, il décède à l'âge de 45 ans et laisse une oeuvre poétique inachevée.


Site qui lui est consacré :
→ http://baret.alcide.monsite-orange.fr/

y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Inclassables

Dulcie

La pluie

au creux de ta main

songe s’ouvre

l’oiseau

que flèche le vent

tient debout

le mot qui de loin t’inspire l’étoile caravelle

pleure pas tes esclavages

âge ancien

 

© Boris GAMALEYA


pBoris Gamaleya
(1930-2019)
Né à Saint-Louis de La Réunion, Boris Gamaleya est un poète, écrivain et dramaturge français. Enseignant dans différents collèges de l'île, il milite dans le Parti communiste réunionnais et se passionne pour la culture populaire. L'ordonnance Debré le contraint avec son épouse et d'autres fonctionnaires d'Etat, à quitter l'île et il devient enseignant en région parisienne. Durant cet exil de douze années, il commence l’écriture de ses poèmes d’exil et de combat qui seront publiés plus tard. Après une grève de la faim, il parvient à rejoindre l'île et y sera enseignant jusqu'à 1985. Il publie son premier livre Vali pour une reine morte en 1973, long poème épique à la fois lyrique et dramatique. De retour en France en 2012 avec son épouse, il s'installe à Barbizon.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Amour

Regard

Ton regard couleur de fleuve

Est l'eau docile et qui change

Avec le jour qu'elle abreuve.

Petit matin, Robe d'ange

Un pan du manteau céleste

Sous tes cils, entre les rives

S'est pris. Coule, coule eau vive.

La nuit part, mais l'amour reste

Et ma main sent battre un cœur.

L'aube a voulu parer nos corps de sa candeur.

Fête-Dieu.

Le désir matinal a repris nos corps nus

Pour sculpter une chair que nous avions cru lasse.

Sur les fleuves au loin déjà les bateaux passent.

Nos peaux après l'amour ont l'odeur du pain chaud.

Si l'eau des fleuves est pour nos membres,

Tes yeux laveront mon âme ;

Mais ton regard liquide au midi que je crains

Deviendra-t-il de plomb ?

J'ai peur du jour, du jour trop long

Du jour qu'abreuve ton regard couleur de fleuve

Or dans un soir pavé pour de jumeaux triomphes

Si la victoire crie la volupté des anges,

Que se révèle en lui la Majesté d'un Gange.


© René CREVEL


pRené Crevel
(1900-1935)
Ecrivain et poète surréaliste, René Crevel a fait des études de lettres et de droit à la Sorbonne mais délaisse les cours pour la lecture ou les discussions avec des artistes. Son père se suicide alors qu'il a 14 ans : cet évènement marquera profondément sa vie. Il fait la connaissance d'André Breton en 1921 et rejoint les surréalistes. Exclu du mouvement en 1925, il se tourne vers le dadaïsme. En 1926, il est atteint de tuberculose. Il s'investit beaucoup dans l'organisation du "Congrès international des écrivains pour la défense de la culture" de 1935, mais suite à une altercation, il est exclu du congrès. Apprenant qu'il souffre d'une tuberculose rénale alors qu'il se croyait guéri, il se suicide au gaz dans son appartement, après avoir griffonné sur un papier « Prière de m'incinérer. Dégoût ».



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Vieillir / Saisons

Passer l'hiver

J'aurai encore laissé passer l'hiver
Sans refaire la charpente mangée aux vers
Et ni enfin écrire cette lettre
Sur l'amour, sur le vide rongeant l'être


J'aurai aimé mal, très, toutes mes femmes
Mal entretenu tous mes feux et flammes
Je n'aurai pas vu le mot sous la porte
Mais j'aurai hurlé dans des sonos mortes


J'aurai mal parlé pour mes espérances
Dépensé tout le bien de mes parents
Dans toutes les danses perdu mon pas
Fait le coup de poing où il fallait pas


J'aurai convoqué les mots et les dieux
Sans retenir l'eau crevant le barrage
Ni les poissons d'or sautant dans tes yeux
Ni la silhouette avec son bagage


J'aurai attendu longtemps l'aube et l'homme
Puis je me serai endormi trop tôt
Quand j'étais peut-être l'aube et cet homme
J'ai froid dans mon manteau


La nuit se dévide et le soleil fond
Et j'aurai laissé courir sur son aire
Le beau bateau. Il est échoué sur les hauts-fonds
De tes yeux, ton silence, ton désert !


J'aurai laissé mon fils comme un voleur
Fuir par la porte étroite sous mon cœur
S'en alla chercher une balle au front
Mon petit combattant, ma ressemblance…


J'aurai toujours pris la vie de très haut
Et sans avoir pas trahi père et mère
J'aurai laissé par le carreau cassé entrer l'hiver
J'aurai laissé mourir de froid tous mes oiseaux


© Jacques BERTIN


pJacques Bertin (1946-aujourd'hui)
Chanteur, poète et journaliste français, Jacques Bertin est un artiste à contre-courant de la variété à partir de la seconde moitié des années 1960 et son œuvre n'aura jamais les faveurs des médias ni du grand public. Artiste sans compromissions, ses chansons sont partagées entre une inspiration politique et une autre éminemment poétique. Il a obtenu deux fois le Grand Prix du Disque de l'Académie Charles-Cros durant sa carrière.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Voyage

Bohémiens en voyage

La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s’est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson ;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L’empire familier des ténèbres futures.

 

© Charles BAUDELAIRE


pCharles Baudelaire
(1821-1867)
Connu pour sa vie de bohême et poète torturé, il ne publia de son vivant qu'une seule oeuvre "Les Fleurs du Mal", recueil qui fut condamné et censuré dès sa sortie en 1857 car trop choquant pour la morale bourgeoise avant de passer à la postérité. Criblé de dettes, il séjournera durant deux ans en Belgique (1864-1866) pour y donner des conférences mais sa santé se dégrade. Il revient à Paris où il meurt un an plus tard à l'âge de 46 ans des suites de la syphilis, d'abus d'alcool et autres drogues.



y
Posté le 07/02/2023 - Thème : Mort

Mort

Où a-t-on trouvé le corps mort ?
Qui a trouvé le corps mort ?
Le corps était-il mort quand on l’a trouvé ?
Comment a-t-on trouvé le corps mort ?


Qui était le corps mort ?


Qui était le père ou la fille ou le frère
Ou l’oncle ou la sœur ou la mère ou le fils
Du corps mort et abandonné ?


Le corps était-il mort quand on l’a abandonné ?
Le corps était-il abandonné ?
Par qui a-t-il été abandonné ?


Le corps mort était-il nu ou en costume de voyage ?


Quelle raison aviez-vous de déclarer le décès du corps mort ?
Avez-vous déclaré la mort du corps mort ?
Quels étaient les liens avec le corps mort ?
Comment avez-vous su la mort du corps mort ?


Avez-vous lavé le corps mort
Lui avez-vous fermé les deux yeux
Avez-vous enterré le corps
L’avez- vous laissé abandonné
Avez-vous embrassé le corps mort

Ce texte a été écrit après la description d’un cadavre dans une morgue par Gottfried Bennes.


© Harold PINTER


pHarold Pinter
(1930-2008)
Ecrivain, dramaturge, scénariste et metteur en scène britannique, Harold Pinter était aussi un grand voyageur. Il a écrit pour le théâtre, la radio, la télévision et pour le cinéma. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 2005.