Les couleurs de l'été
Solstice d'été

La nuit commençait
à sentir le matin
Des lambeaux de printemps se traînaient
puis mouraient à l’aplomb
des fenêtres entrouvertes.
Les rêves de la nuit lentement s’étiolaient…
L’horizon se teintait
d’une lumière opaque
le soleil flemmardait dans cette humidité
la lune au-dessus
semblait être patraque.
Le ciel n’arrivait pas à se débarbouiller…
Un merle aventureux
sifflait à perdre haleine,
dans le chêne, perché, un écureuil se grattait
l’occiput et paraissait en peine,
soucieux ! Où avait-il pu cacher
sa réserve de glands ?
Un éclair de génie traverse sa cervelle,
par petits bonds volages,
il part tout d’un trait au pied d’un pin géant.
C’était un jour de chance pour ce fin gourmet !
Il se délectait.
Les pignes étaient vraiment son mets privilégié.
Une brise légère dévêtit l’horizon
de tous ses oripeaux
fit place nette en dégageant le ciel
pour permettre à l’été
de se faire une place au soleil.
© Claude DUSSERT
Pigne : pomme de pin
Claude Dussert (1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité 9 recueils de poèmes sur plus de 22 écrits, une pièce de théâtre et deux recueils de pamphlets non édités.
Son dernier recueil Par des Chemins de Traverse est libre de lecture ou de téléchargement sur le site 'MonBestSeller.com'. Il a reçu de nombreux prix dont 2024 : Médaillé aux Jeux Floraux de Toulouse pour le 700ème anniversaire - Prix Jean Michel Renautour AIEL - 2ème Prix Jeux Floraux du Béarn et en 2025 : 2ème Prix aux Jeux Floraux de Sartrouville - 3ème Prix au Concours International de la SPAF Occitanie - Grand Prix International du Conseil Départemental du Loir et Cher décerné par AIEL (Académie de l'École de la Loire). Sans oublier en 2023 le Prix Spécial du Jury au concours Poetika.
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Douce nuit d'été

Cette nuit encore je ne dors pas.
Je m'échappe du lit et de tes bras.
oui, je sais - encore une fois.
Des souvenirs défilent dans ma mémoire
telle une pellicule de film ancien,
tourné dans une vieille salle de cinéma.
Certaines images sont à peine visibles.
La protagoniste ? Toujours moi.
Placée en observatrice, je dirige mon histoire.
L’odeur des images s’invite à mon nez
L’odeur poussiéreuse des rêves brisés.
L’humidité de larmes des batailles gagnées.
Le sommeil ne vient pas et pourtant je rêve.
La nostalgie me berce, la mélancolie se disperse.
A demain mon cher, demain je serai là,
à côté de toi jusqu'à minuit
après…
après
on verra.
© Katherine LOAYZA VILLARROEL
Katherine Loayza Villarroel
Sylvestre enchantement

© Gérard BOLLON-MASO
Gérard Bollon-Maso (1947-aujourd'hui)
Né en région parisienne, Gérard Bollon Maso habite à Villeurbanne. Fan de poésie depuis son enfance, il écrit depuis une vingtaine d'années. Il publie ses textes dans des revues de poésie et a fait paraître trois recueils.
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Matin d'été

Matin sur la terrasse,
Demie fraicheur,
Et ciel si bleu.
Je déguste l’été
Sur un bout d’pain beurré !
Baguette croustillante,
Café au lait,
L’oiseau dans le cyprès,
Attend les miettes,
Pour déjeuner.
Matin d’été sur la terrasse.
Matin qui se prélasse.
Rêve de plage
Et de bronzage,
D’eau chaude, d’enfants qui courent.
Je déguste l’été,
En ce matin sans âge.
Je déguste l’été,
Par un bout d’pain doré,
Et jette un bout d’baguette,
A l’oiseau affamé.
Un bonheur de passage
A lui faire partager.
© Marc DESCAMPS
Marc Descamps
Professeur émérite de l'université de Lille, Marc Descamps se dit :
“ Physicien universitaire de profession
Mais poète de toujours et de cœur ”.
Du même auteur :
Au-delà des reflets
Printemps de fleur en fleur
Été 2025 :
un bouquet aux couleurs contrastées

Là Jeff Bezos à Venise
Dans un trop-plein de dollars
Dans une extrême abondance
Le luxe aime s’afficher
Et tout autant aguicher
Comme dans une évidence
Tout un lot de ‘supers-stars’
Devant les flashs s’éternise…
Ici la mort à Gaza
Aussi bien sûr en Ukraine
Sans oublier le Congo
Et d’autres endroits du monde
Où les horreurs surabondent
Nullement sous embargo
La guerre sévit sans peine
Et voyage sans visa…
...
Détestable est ce contraste
Détestable est ce bouquet
Où les excès en banquet
Rient de l’Homme et le dévastent…
© Didier COLPIN
Didier Colpin (1954-aujourd'hui)
Didier Colpin est né en 1954 à Laval, petite ville de l’Ouest de la France. Il a découvert l’écriture et la poésie « sur le tard », en 2010. Depuis elle est devenue sa compagne de tous les jours…
La poésie est pour lui le contraire de Twitter et de sa rapidité. Elle est un arrêt sur image… Sur un émoi sur un trouble sur la Beauté sur la laideur. Le tout vu, ressenti à travers le prisme qu’est son regard où deux plus deux ne font pas toujours quatre…
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Une panoplie de couleurs

Si l’été annonçait
Avec lui la chaleur
Il promettait aussi
Un grand choix de couleurs.
Et le ciel bleu azur
Se mélangeait souvent
Aux tons d’un bleu plus dur
De la mer en mouvements.
La mer avait des teintes
Bleues et vertes à la fois
Elles avaient été peintes
Par des Maitres autrefois.
Et à perte de vue
Des champs jaunes s’étalaient
La moisson reconnue
Par ses meules dorées.
Et les marchés locaux
Eclataient de couleurs
L’orange des abricots
Côtoyait d’autres sœurs.
Si le rouge des fraises
Se mêlait aux cerises,
J’étais comme sur la braise
Sous ces couleurs exquises.
Et l’écume marine
Toute colorée de blanc
Chatouillait les narines
Et les joues des enfants.
© Myriam CLOWEZ
Myriam Clowez (1961-aujourd'hui)
Retraitée du secteur sanitaire et social, Myriam Clowez a toujours aimé la poésie et c'est surtout à l'adolescence qu'elle a écrit de nombreux poèmes. Aujourd'hui, elle profite de son temps libre pour participer aux concours de poésies.
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Ivresse

Le temps lâche son fardeau sur le banc
Patiné par l’humeur du ciel si blanc.
Oubliant les saignées d’ombres fragiles,
Il se baigne dans les rosées fertiles.
Seul le vent assoiffé dans son sillon
Cligne des paupières contre un rayon
De soleil libéré de la fourrière
Où la nuit avait coincé sa crinière.
Si le jour admet perdre son toupet
En se calfeutrant derrière un volet,
Au loin, le chemin festonné d’ombelles
Invente cette saison aquarelle.
La houle marine, sous l’horizon
Déroule ses vagues jusqu’au ponton.
Au clair du végétal, l’odeur saline
Répand son fumet jusqu’à ma glycine.
Au bord du fossé, tremble le soupir
Du coquelicot qui ne peut mourir.
Mon cœur de bleuet ouvre son corsage,
Je t’offre ses murmures en partage.
Si, au porte-manteau, j’ai accroché
Un alphabet tout neuf qui sent l’été,
C’est pour mieux faire éclore la lumière
Au creux du silence et de l’ornière.
Allons cueillir de jolies fleurs des prés
Pour en faire ce bouquet amarré
Aux lèvres de juillet plein de promesses
Nous serons les gardiens de son ivresse.
© SEDNA
Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont ses sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
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Son site : → http://www.cassiopee17.fr/
Les herbes folles des amants

Dans le vent, herbes folles,
Comme une farandole,
Ondulent en dansant,
Au-dessus des amants.
Elles caressent leur peau,
Sous les coquelicots,
Et tout près de leur tête,
Les bleuets font la fête,
Dans une douce brise
Qui les charme et les grise.
Le murmure d’une abeille
Tient leurs sens en éveil,
Dans ce matin d’été,
Baigné de volupté.
Seul le chant d’un oiseau,
Sans doute un passereau,
Vient troubler le silence
D’un monde en jouissance…
Mais pour combien de temps,
L’herbe folle des champs,
Veillera sans tourments
Au bonheur des amants ?…
© Pierre PAYSAC
Pierre Paysac (1948-aujourd'hui)
Fréquentant un atelier d'écriture depuis plus de dix ans, Pierre Paysac a publié son premier recueil, Errance, en 2021, aux éditions Persée. Son deuxième recueil est en cours d'édition. Il a par ailleurs participé au concours Poetika 2023 et l'un de ses textes a été remarqué par les membres du jury.
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Ballade du soleil de braise
Les mois d’été font une fête
Où les arbres sont malmenés
Et sous les cieux d’or chaque bête
Souffre de rayons effrénés ;
Les traits sont de vrais forcenés
Qui fabriquent une fournaise ;
Voyez ces gens tels des damnés,
Prenez garde au soleil de braise.
Le ciel fait comme une tempête
Où des hommes infortunés,
Dessous un feu que rien n’arrête
Prennent de grands airs consternés ;
Même les enfants nouveau-nés
Se sentent souvent mal à l’aise ;
Face aux grands cieux illuminés,
Prenez garde au soleil de braise.
Juillet, août sont en tête-à-tête
Avec leurs refrains bien tournés
Tandis que l’automne s’apprête
À chasser les corps burinés ;
L’air chaud sonne ses abonnés
Avant qu’un jour trop long se taise ;
Même vous, rochers calcinés,
Prenez garde au soleil de braise.
Princes, gentilshommes bien nés,
Le cul bien assis sur la chaise,
Pensez aux corps ratatinés,
Prenez garde au soleil de braise.
© Michel MIAILLE
Michel Miaille (1951-aujourd'hui)
Poète, auteur de sketches et de pièces de théâtre, Michel Miaille est retraité du Ministère de l'environnement et membre de la SACEM. Il a obtenu plusieurs prix de poésie, notamment avec avec des poèmes en langue provençale, et participe à des anthologies. Il a publié plusieurs recueils.
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Léthé de l'été

29 juin 2025
© Mokhtar EL AMRAOUI
Léthé : Le Léthé, aussi appelé le fleuve de l'oubli, est un fleuve qui se situe aux Enfers. Ses eaux ont le pouvoir d'effacer la mémoire de n'importe qui, qu'il soit mortel ou immortel (mythologie grecque).
Mokhtar El Amraoui (1955-aujourd'hui)
Poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, Mokhtar El Amraoui a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Il est passionné de poésie depuis son enfance. Il a publié quatre recueils de poésie et plusieurs de ses poèmes ont été publiés sur Internet et en revues-papier.
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→ Blog de l'auteur : https://mokhtarivesenpoemesetautresvoyages.blogspot.com/
Ballade

Longue marche
Sans que le ciel
Ne bouge.
Aller pieds nus
Sur les rochers
Un danger agréable.
Au bord de l’eau
Poussent des fleurs
Sur les maillots de bain.
© Stéphen MOYSAN
Stéphen Moysan (1979-aujourd'hui)
Auteur talentueux, Stéphen Moysan a publié plusieurs recueils et un livre-témoignage après son AVC en 2013. Son site offre un florilège de poèmes et de peintures. Il met à l'honneur beaucoup de poètes classiques mais pas que. Beaucoup de haïkus et de très jolis textes.
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Son site : → Eternels éclairs
Tout l'été

— « Je suis la petite Cigale
Qu'un rayon de soleil régale
Et qui meurt quand elle a chanté
Tout l'été.
« Tout l'été j'ai redit ma chanson coutumière :
Mais la bise est venue : adieu l'azur vermeil !
Je fus l'âme des blés vibrant dans la lumière :
Je reverrai comme eux la gloire du soleil. »
— « Je suis le poète qui t'aime ;
Je veux qu'on dise, ô mon emblème :
Il fut Cigale : il a chanté
Tout l'été.
« Tout l'été d'une vie ardente et sans ténèbres,
Je veux chanter les fleurs, les blés, l'azur, l'amour,
Et quand viendront l'hiver et les souffles funèbres
Mourir dans un espoir de gloire et de retour ! »
© Jean AICARD
Extrait du recueil Les poèmes de Provence (1874)
Jean Aicard (1848-1921)
Poète, romancier et dramaturge français, Jean Aicard est né à Toulon où une plaque signale sa maison natale. Il fait ses études à Mâcon, où il fréquente Lamartine, puis au lycée de Nîmes, puis en droit à Aix-en-Provence. Venu à Paris en 1867, il y publie un premier recueil, Les Jeunes Croyances, où il rend hommage à Lamartine. Le succès qu'il rencontre lui ouvre les portes des milieux parnassiens. Il participe à la création de la revue La Renaissance littéraire et artistique. En 1874, il publie Poèmes de Provence, qui font de lui le poète de cette région, et il est considéré avant tout comme le poète de la Provence. Il devient président de la Société des gens de lettres en 1894 et en 1909 il entre à l'Académie française.
Autres textes :
Le printemps donne tout à la vie
L'absence
→ Sa biographie sur Wikipédia
L'étrangère

Il existe près des écluses
Un bas quartier de bohémiens
Dont la belle jeunesse s’use
À démêler le tien du mien
En bande on s’y rend en voiture,
Ordinairement au mois d’août,
Ils disent la bonne aventure
Pour des piments et du vin doux.
On passe la nuit claire à boire
On danse en frappant dans ses mains,
On n’a pas le temps de le croire
Il fait grand jour et c’est demain.
On revient d’une seule traite
Gais, sans un sou, vaguement gris,
Avec des fleurs plein les charrettes
Son destin dans la paume écrit.
J’ai pris la main d’une éphémère
Qui m’a suivi dans ma maison
Elle avait des yeux d’outremer
Elle en montrait la déraison.
Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon,
J’aimais déjà les étrangères
Quand j’étais un petit enfant !
Celle-ci parla vite vite
De l’odeur des magnolias,
Sa robe tomba tout de suite
Quand ma hâte la délia.
En ce temps-là, j’étais crédule
Un mot m’était promission,
Et je prenais les campanules
Pour des fleurs de la passion.
À chaque fois tout recommence
Toute musique me saisit,
Et la plus banale romance
M’est éternelle poésie
Nous avions joué de notre âme
Un long jour, une courte nuit,
Puis au matin : « Bonsoir madame »
L’amour s’achève avec la pluie.
© Louis ARAGON
Louis Aragon (1897-1982)
Poète et romancier français, il participe au mouvement dadaïste et surréaliste aux côtés d'André Breton. En 1928, sa rencontre avec Elsa Triolet, l'amour de sa vie, lui inspirera de nombreux poèmes. Bon nombre de ses textes ont été mis en musique par Léo Ferré ou Jean Ferrat.
→ Voir la liste de tous ses textes sur le site
→ Sa biographie sur Wikipédia
→ Maison Elsa Triolet - Aragon
L'été

Silence
silence
l’été
se balance
où l’oiseau
se tait
l’herbe
séchée
tremble
dans l’air
brûlé
silence
silence
l’été
chante
dans
les blés
© Anne-Marie CHAPOUTON
Anne-Marie Chapouton (1939-2000)
Auteure pour la jeunesse, Anne-Marie Chapouton a passé son enfance en Tunisie, en Hollande puis aux Etats-Unis. A son retour en France, en 1964, elle s'installe dans le Lubéron et se découvre une véritable vocation pour la littérature de jeunesse. Elle se met à écrire pour les enfants en 1968 et publiera de nombreux livres chez différents éditeurs.
Source : → babelio.com
Quand à peine un nuage
(Ballade)

Quand à peine un nuage,
Flocon de laine, nage
Dans les champs du ciel bleu,
Et que la moisson mûre,
Sans vagues ni murmure,
Dort sous le ciel en feu ;
Quand les couleuvres souples
Se promènent par couples
Dans les fossés taris ;
Quand les grenouilles vertes,
Par les roseaux couvertes,
Troublent l’air de leurs cris ;
Aux fentes des murailles
Quand luisent les écailles
Et les yeux du lézard,
Et que les taupes fouillent
Les prés, où s’agenouillent
Les grands bœufs à l’écart,
Qu’il fait bon ne rien faire,
Libre de toute affaire,
Libre de tous soucis,
Et sur la mousse tendre
Nonchalamment s’étendre,
Ou demeurer assis ;
Et suivre l’araignée,
De lumière baignée,
Allant au bout d’un fil
À la branche d’un chêne
Nouer la double chaîne
De son réseau subtil,
Ou le duvet qui flotte,
Et qu’un souffle ballotte
Comme un grand ouragan,
Et la fourmi qui passe
Dans l’herbe, et se ramasse
Des vivres pour un an,
Le papillon frivole,
Qui de fleurs en fleurs vole
Tel qu’un page galant,
Le puceron qui grimpe
À l’odorant olympe
D’un brin d’herbe tremblant ;
Et puis s’écouter vivre,
Et feuilleter un livre,
Et rêver au passé
En évoquant les ombres,
Ou riantes ou sombres,
D’un long rêve effacé,
Et battre la campagne,
Et bâtir en Espagne
De magiques châteaux,
Créer un nouveau monde
Et jeter à la ronde
Pittoresques coteaux,
Vastes amphithéâtres
De montagnes bleuâtres,
Mers aux lames d’azur,
Villes monumentales,
Splendeurs orientales,
Ciel éclatant et pur,
Jaillissantes cascades,
Lumineuses arcades
Du palais d’Obéron,
Gigantesques portiques,
Colonnades antiques,
Manoir de vieux baron
Avec sa châtelaine,
Qui regarde la plaine
Du sommet des donjons,
Avec son nain difforme,
Son pont-levis énorme,
Ses fossés pleins de joncs,
Et sa chapelle grise,
Dont l’hirondelle frise
Au printemps les vitraux,
Ses mille cheminées
De corbeaux couronnées,
Et ses larges créneaux,
Et sur les hallebardes
Et les dagues des gardes
Un éclair de soleil,
Et dans la forêt sombre
Lévriers eu grand nombre
Et joyeux appareil,
Chevaliers, damoiselles,
Beaux habits, riches selles
Et fringants palefrois,
Varlets qui sur la hanche
Ont un poignard au manche
Taillé comme une croix !
Voici le cerf rapide,
Et la meute intrépide !
Hallali, hallali !
Les cors bruyants résonnent,
Les pieds des chevaux tonnent,
Et le cerf affaibli
Sort de l’étang qu’il trouble ;
L’ardeur des chiens redouble :
Il chancelle, il s’abat.
Pauvre cerf ! son corps saigne,
La sueur à flots baigne
Son flanc meurtri qui bat ;
Son œil plein de sang roule
Une larme, qui coule
Sans toucher ses vainqueurs ;
Ses membres froids s’allongent ;
Et dans son col se plongent
Les couteaux des piqueurs.
Et lorsque de ce rêve
Qui jamais ne s’achève
Mon esprit est lassé,
J’écoute de la source
Arrêtée en sa course
Gémir le flot glacé,
Gazouiller la fauvette
Et chanter l’alouette
Au milieu d’un ciel pur ;
Puis je m’endors tranquille
Sous l’ondoyant asile
De quelque ombrage obscur.
© Théophile GAUTIER
Théophile Gautier (1811-1872)
Poète, romancier et critique d'art, Théophile Gautier est issu d'une famille de petite bourgeoisie. Il fait ses études au lycée Louis-le-Grand et se lie d'amitié avec Gérard de Nerval. Destiné à une carrière de peintre, il rencontre Victor Hugo qui lui donne le goût de la littérature. Il publie son premier recueil en 1830. Partisan fanatique de Victor Hugo, esthète et résolument romantique, il s'est distingué des autres poètes par son souci du formalisme et de l'esthétique.
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Nuits de juin

L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.
Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.
© Victor HUGO
Victor Hugo (1802-1895)
Poète, dramaturge, prosateur et dessinateur romantique français, Victor Hugo est considéré comme l'un des plus grands écrivains de langue française. Il est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé. Homme de théâtre, il est l'un des chefs de fil du romantisme français. Il a fortement contribué au renouveau de la poésie et du théâtre.
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L'été

A Laure BERNARD
C’est l’été. Le soleil darde
Ses rayons intarissables
Sur l’étranger qui s’attarde
Au milieu des vastes sables.
Comme une liqueur subtile
Baignant l’horizon sans borne,
L’air qui du sol chaud distille
Fait trembloter le roc morne.
Le bois des arbres éclate.
Le tigre rayé, l’hyène,
Tirant leur langue écarlate,
Cherchent de l’eau dans la plaine.
Les éléphants vont en troupe,
Broyant sous leurs pieds les haies
Et soulevant de leur croupe
Les branchages des futaies.
Il n’est pas de grotte creuse
Où la chaleur ne pénètre.
Aucune vallée ombreuse
Où de l’herbe puisse naître.
Au jardin, sous un toit lisse
De bambou, Sitâ sommeille :
Une moue effleure et plisse
Parfois sa lèvre vermeille.
Sous la gaze, d’or rayée,
Où son beau corps s’enveloppe,
En s’étirant, l’ennuyée
Ouvre ses yeux d’antilope.
Mais elle attend, sous ce voile
Qui trahit sa beauté nue,
Qu’au ciel la première étoile
Annonce la nuit venue.
Déjà le soleil s’incline
Et dans la mer murmurante
Va, derrière la colline,
Mirer sa splendeur mourante.
Et la nature brûlée
Respire enfin. La nuit brune
Revêt sa robe étoilée,
Et, calme, apparaît la lune.
© Charles CROS
Charles Cros (1842-1888)
Poète et inventeur français, qui a notamment découvert un procédé de photographie en couleurs, mais aussi un modèle de phonographe. Son œuvre de poète, brillante, est cependant ignorée à son époque. Elle sera plus tard l'une des sources d'inspiration du surréalisme.
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