Patrimoine en poésie
Parlez-moi de votre pays, région, ville ou autre lieu touristique...



Pays sage
Christian SATGÉ

y

 

© Christian SATGÉ


Christian Satgé (1965-aujourd'hui)
Auteur prolifique, fabuliste et conteur éclectique, Christian Satgé est professeur d'histoire-géographie dans le département des Hautes-Pyrénées. Il a publié plusieurs recueils et une quarantaine de ses textes figurent dans Le Monde de Poetika. Son dernier ouvrage est une pièce de théâtre "Belize".
→ Voir la liste de tous ses textes sur le site
Son blog : → https://lesrivagesdurimage.blogspot.com/

→ Sa page Facebook



Les pierres me parlent
Pierre PAYSAC

y

Des châteaux de Bourgogne à ceux des bords de Loire,
Des remparts d’Avignon au port de La Rochelle,
Les pierres me parlent, faisant revivre l’histoire
Du pays de France, terre des ménestrels.
Je suis le chevalier protégeant l’orphelin,
Disputant des combats à l’issue sans merci,
Courtisant la dame du croisé châtelain,
Parti loin de chez lui, sans l’ombre d’un souci…
En cité d’Aigues-Mortes, la Tour de Constance
Fait vivre en ma mémoire la prison huguenote.
Plus tard, vers la Bastille, sans peur je m’élance
A l’assaut de ses murs, avec les sans-culottes.
Les maisons des villages me parlent aussi,
Quand dans la moiteur d’un après-midi d’été,
Je monte d’un pas lent, une rue alanguie,
Et que toutes ses pierres me parlent du passé...


© Pierre PAYSAC


Pierre Paysac (1948-aujourd'hui)
Fréquentant un atelier d'écriture depuis plus de dix ans, Pierre Paysac a publié son premier recueil, Errance, en 2021, aux éditions Persée. Son deuxième recueil est en cours d'édition. Il a par ailleurs participé au concours Poetika 2023 et l'un de ses textes a été remarqué par les membres du jury.
Autres textes :
→ Délivrance
→ Le chant d'un marin



Ma France
Jean FERRAT

y
De plaines en forêts, de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j'ai vécu à ce que j'imagine
Je n'en finirai pas d'écrire ta chanson
Ma France

Au grand soleil d'été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche
Quelque chose dans l'air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
Ma France

Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France

Celle du vieil Hugo tenant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont Monsieur Thiers a dit : qu'on la fusille
Ma France

Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d'Éluard s'envolent des colombes
Ils n'en finissent pas tes artistes-prophètes
De dire qu'il est temps que le malheur succombe
Ma France

Leurs voix se multiplient à n'en plus faire qu'une
Celle qui paie toujours vos crimes, vos erreurs
En remplissant l'histoire et ses fosses communes
Que je chante à jamais celle des travailleurs
Ma France

Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstiné de ce temps quotidien
Du journal que l'on vend le matin d'un dimanche
A l'affiche qu'on colle au mur du lendemain
Ma France

Qu'elle monte des mines, descende des collines
Celle qui chante en moi, la belle, la rebelle
Elle tient l'avenir inséré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France


© Jean FERRAT


Jean Ferrat (1930-2010)
Jean Tenenbaum, dit Jean Ferrat, est un auteur-compositeur-interprète français. Auteur de chansons à texte, il alterne durant sa carrière chansons sentimentales, chansons poétiques et chansons engagées et a souvent maille à partir avec la censure. Reconnu pour son talent de mélodiste, il met en musique et popularise nombre de poèmes de Louis Aragon avec l'approbation de celui-ci.
Autres textes :
La femme est l'avenir de l'homme
C'est beau la vie
Nuit et brouillard
L'amour est cerise
→ Sa biographie sur Wikipédia



La Lys
Richard DUFOUR

y

Sous un reflet soyeux d’un temps de rêveries
Main dans la main, moi sur le chemin de halage
Elle, comme un soupir sur le chemin de son lit
Le long de berges lumineuses, la rivière lentement en voyage.


Ici ou là de belles et vastes pâtures fleuries
À la manière d’une aquarelle pleine d’audace
Des brebis ronflantes sur quatre trèfles gris
Et la caresse d’un héron sous un ciel de grâce.


À l’horizon un homme nouveau du Picardie
Bientôt, de porte en porte, d’effervescentes baignades
Et dans les becques lors de paisibles pluies
Entre chaque saule et l’eau, d’amicales embrassades.


En amont, un pont rieur, gai vers un autre rivage
Mon souvenir jadis d’une vallée industrieuse
Et dans mes eaux salies, brisées par le rouissage
Mille et mille draps de fortunes capricieuses.


Malgré ma beauté d’entrelacs entre les herbes
Le prix du profane : droit, droit, tout droit vers le port
Le glas du façonnage d’un million d’années de la terre
Les mécaniques ovationnées, l’homme en redresseur de torts.


Et combien tout autour de voix évanouies
La guerre sauvage, meurtrière à ma frontière
Des bras morts, des crues de sang et d’espoirs engloutis
Dans les villes et villages, des cimetières militaires.


Aux couleurs sombres des coulisses de mon paysage
La réponse joyeuse des parfums de la vie
Main dans la main, le temps d’hier et celui d’aujourd’hui
Voilà mon patrimoine, mon héritage.


© Richard DUFOUR
Illustration : tableau de Emile Claus (1849-1924) : Jeunes paysannes près de la Lys.
Becques : en Flandre française on appelle encore localement becques les fossés de drainage de la plaine agricole, ou certaines petites rivières rectifiées ou recreusées pour améliorer leurs capacités de drainage.
Le rouissage est la macération que l'on fait subir aux plantes textiles telles que le lin ou le chanvre, pour faciliter la séparation de l'écorce filamenteuse avec la tige (pratique interdite au milieu de 20e siècle).
Emile Verhaeren a évoqué la Lys dans ce texte.


Richard Dufour (1970-aujourd'hui)
Employé dans le monde du transport et de la logistique, Richard Dufour est amoureux de la nature. Il écrit de la poésie par plaisir, par défi, par envie, par folie, pour délivrer ses émotions. Il a choisi volontairement un texte sans verbes pour accentuer la confusion des temps, pour que chaque instant, chaque moment soit une éphémère éternité.



Pinail, le champ de pierres
Marie MINOZA

y

Pinail est champ de pierres
De lande et de bruyère,
Champ d’ajoncs et de brandes
Vert pays de légendes…


La moisson des meulières
A laissé dans les terres
Ses traces de géants
Où nichent les bruants…


L’eau s’endort dans les mares
Sous le vol des busards,
Des faucons, des fauvettes
Et le saut des rainettes…


Le papillon frivole
Sous nos yeux cabriole…
La libellule fuit
Avec le paon de nuit…


La gentiane des bois
Côtoie le drosera,
La sauvage orchidée
Et le saule d’été…


Le roseau se balance
A l’ombre du silence…
Ainsi danse la vie
Sur la lande engourdie…


Pinail, ce chant des pierres,
De marne, de tourbières
Chant des fleurs et des neiges
Brodé de sortilèges…


© Marie MINOZA
Illustration : © Marie MINOZA (images du Pinail)
La réserve naturelle du Pinail est située dans la Vienne entre Poitiers et Châtellerault.  Elle a constitué une des principales carrières de France jusqu’à la fin du 19e siècle, fournissant ainsi nombre de moulins. Les meules extraites étaient acheminées en bord de Vienne, aux ports de Ribes, de Chitré et étaient embarquées sur des gabarres, pour être vendues dans les moulins de bords de Loire, sur la côte Atlantique et même outre-Atlantique.


Marie Minoza
Cette enseignante en école primaire a exercé dans les Deux-Sèvres puis dans la Vienne à Châtellerault. Tout au long de sa carrière, elle a aimé partager l’amour de la peinture, de la poésie et de la création avec ses élèves. Aujourd'hui à la retraite, elle partage ses écrits et ses créations d'images sur son blog. Tous les deux ans, elle contribue avec des amis poètes à la création d’un livre de contes et de poésies destiné aux enfants gravement malades… Elle participe également avec ses anciens collègues à un spectacle chorale, comédie musicale (création d'images et de montages power-point pour animer chants et mimes).
Autres textes :
→ Sous l'orage, les enfants ont pleuré
→ Quand frémit l'archet
→ Pétales de mots
→ Son blog

→ Sa page Facebook



Le château d'Évry
Magali BRETON

y

Il se tient droit si fièrement
Tel un vieillard qui se veut digne
Que le roi Louis du firmament
Parfois lui fait un petit signe

 

Il tente de dissimuler
Sa cour tout envahie de ronces
Laissant encore imaginer
Des buis installés en quinconce

 

Son pigeonnier tente sa chance
Auprès de chaque volatile
Égaré dans ce coin de France
Lui promettant bon domicile

 

Un filet d’eau rêvant de l’Yonne
Et guettant la sortie de messe
Au fond de ses douves chantonne
Un air qu’il répète sans cesse

 

Mais tout cela n’est que chimère
L’ancien château d’Evry s’effondre
Laissez-le se revoir hier
Alors qu’il pourrait se morfondre

 

De nos cœurs il s’est emparé
Son histoire est devenue nôtre
Car ses pierres nous l’ont narrée
Et nous en sommes les apôtres

 

Bientôt il nous accueillera
Se ranimant en fantaisie
Autour de nous scintillera
Toute son âme en poésie

 

C’est là que nous nous aimerons
En ces murs épargnés du temps
Dans chaque rose en éclosion
Renaîtront nos rires d’enfants


© Magali BRETON
Illustration : Château d'Evry, situé dans l'Yonne près de Sens (photo libre de droits)
A noter que l'auteure se lance dans la rénovation de ce château.


Magali Breton
Auteure-compositrice-interprète, Magali Breton est aussi comédienne, auteure de textes de chanson française dont ceux de son album intitulé « Regard de femmes » primé à Barbizon 77, lors du concours « La palette en chansons », avec pour parrain Bernard Sauvat. En 2019, elle se consacre à l’écriture d’une pièce de théâtre musical sur la vie et l’œuvre de l’artiste peintre Rosa Bonheur : « Les messagères de Rosa Bonheur ». Le spectacle est créé en 2020, avant d’être stoppé net par la crise sanitaire et la fermeture des salles de spectacle, avant de connaître un beau succès en tournée. Cette période se mue en une inépuisable source d’inspiration pour écrire un recueil intitulé « Les Covidiennes » édité en 2022. Elle choisit la poésie pour nous livrer des instants de vie en quelques vers et nous absorber dans l’intimité, la profondeur et l’exacerbation des sentiments. Elle fait appel à Muriel Pic, photographe, ainsi qu’à Patrick Carmier, pianiste compositeur, pour sublimer les textes par l’image et la musique. Cela donne naissance à un nouveau spectacle.
Autres textes : → Voir la liste de tous ses textes sur le site
Son site : → Les Messagères de Rosa Bonheur
Sa page Facebook : https://www.facebook.com/lelienparlart
Sa chaîne YouTube : https://www.youtube.com/channel/UC6zEpDLSwB9-zqZok3H72BA



Rimes maritimes
POETIKA

y

Parfums rares
C’est ma terre
Et mon phare
Sur la mer


Sable et sel
Irisés
Sous le ciel
Délavé


Océan
Si ultime
Sous le vent
Maritime


Marécages
Ou coteaux
Doux cépages
A pineau


C’est la dune
Absorbée
Sous la lune
Argentée


C’est Talmont
La Rochelle
Un vieux pont
Qui sommeille


Une église
Toute ronde
Qui courtise
Le monde


C’est une île
Inondée
De tranquilles
Alizés


Coquillages
Et galets
Sur les plages
En été


C’est Rochefort
Ou Royan
Contreforts
Gréements


C’est semailles
Et melons
Dans la paille
Des moissons


Escargots
Ou galettes
C’est tout chaud
Dans l’assiette


Château fort
Partagé
Entre nord
Et marées


J’ai le cœur
Qui pétille
De couleurs
Et charmilles


J’ai aimé
Juste un soir
Retrouver
Ta mémoire


Pour écrire
Lentement
Cent plaisirs
Sentiments


Tous ces mots
Dispersés
Dans les eaux
Du marais


Parfums rares
C’est ma terre
Aux remparts
De lumière


© POETIKA


POETIKA
→ Mon ADN
→ Voir tous les autres textes



À Paris
Philippe SALORT

y

Les fringues en rayons
Pendant que nous payons
Sourient sur leur patère
Sans aucun commentaire


Les œuvres des musées
Nous toisent amusées
Les statues dévêtues
Nous attifent en tutu 


Objets inanimés
Avez-vous donc une âme
Preste à faire rimer
Chaque rue de Paname ?


Aux grands jours pleins d’espoir
Les monuments des squares
Rient de nos défilés
Aux slogans ciselés 


Et le demi bien frais
Aux tables des cafés
Sifflote nos déboires
Dans ses chansons à boire


Objets inanimés
Quelle est donc cette flamme
Ce génie arrimé
À l’esprit de Paname ?


Les pigeons chez Pinault
Nous regardent de haut
Les saints de Saint-Eustache
Se frisent les moustaches 


Et les piles des ponts
Au rythme des pin-pon
Avec le vieux Bruant
Nous trouvent bien bruyants


Objets inanimés
Cloches de Notre-Dame
Résonnent à jamais
En plein cœur de Paname 


© Philippe SALORT


Philippe Salort
Moi j'aime cet auteur qui débute à 60 ans !! Qui se sent plus artisan qu'artiste, plus potache que poète... Qui se dit davantage les doigts pleins d'encre que la tête dans les étoiles !
Autres textes :
L'écureuil malade de la ville
Sainte-Soline
Entre parenthèses

→ Son profil sur short-edition.com



À Jaujac
Jean-Charles PAILLET

y

Des pans de murs
en mal de solitude
des ronces au galop
une ancienne maison
à délivrer du silence


Si loin le premier matin
le géranium à la fenêtre
la fête autour du puits


et sur le pas de la porte
la silhouette d’un vieux
courbée du poids de la terre


**

Oublié
le martèlement du pas des sabots
aux arrondis des pavés


Polissage sonore
saccadant le temps
jusqu’aux portes des maisons


Oubliée cette résonance


**

S’attarder
en ce lieu
hors du temps
de murs effondrés
et de ronces
témoigne
d’un recueillement


© Jean-Charles PAILLET
Crédit photo : Jean-Charles PAILLET, Jaujac en Ardèche

Jean-Charles Paillet
Jean-Charles Paillet est animé par l’instant présent et les belles valeurs qui élèvent le coeur et l’âme... Sa poésie se retrouve dans ses dessins, ses photographies et ses chansons. Sa rencontre avec Yves Broussard est un tournant dans sa vie de poète.
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Le silence des pierres
Philippe PAUTHONIER

y

Qu'ils soient en bois ou en pierre,
Les saints de nos églises et chapelles,
Figés dans leurs postures éternelles,
Ont dans leurs yeux tant de misère.

Ils ont vu passer leurs fastes années,
Avec le temps, ils sombrent dans le néant.
Ils sont tristes avec des visages de mendiants,
Leurs têtes ne sont plus couronnées.

Ils restent là, seuls, sans aucune visite,
Drapés dans un linceul de poussière.
Délaissés par les fidèles et leurs prières,
Ils se recroquevillent et s'effritent.

Les saints de nos églises et chapelles,
Glorieux vestiges d'une époque révolue,
Dans le silence des voix qui se sont tues,
N'ont plus la force de déployer leurs ailes.

Dans une atmosphère de cimetière,
Ils n'écoutent plus les chants lyriques,
Les psaumes et autres divins cantiques,
Seulement le silence de vieilles pierres...


© Philippe PAUTHONIER
Illustration : © Quentin Chabrot


Philippe Pauthonier
Après une carrière d'ingénieur, Philippe Pauthonier partage aujourd'hui sa vie entre la France et la Pologne, pays de son épouse. Cet élan entre deux pays, deux cultures et ses longs séjours dans la sérénité de la campagne polonaise, loin du monde et de son agitation, sont propices à sa créativité littéraire. Depuis sa retraite, il s'investit dans plusieurs associations oeuvrant au profit des Aveugles et Malvoyants. Mordu d'astronomie, il apprécie la communauté scientifique qui sait élargir le débat avec une réflexion globale, liant la science à une approche métaphysique et théologique. Philippe Pauthonier a publié dix recueils et reçu plus de 130 distinctions dans des concours de poésie.
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Découvrir son dernier recueil :
→ Dans les broussailles de mes émotions
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Arcachon
Sylvie CROCHARD

y

Ville typique du Bassin d’Arcachon,
Ville balnéaire au bord de l’océan,
Ville portuaire
Aux couchers de soleils magiques.


La ville d’hiver se compose de
Son Parc Mauresque
Ses extraordinaires villas
Du dix-neuvième siècle
Conçues comme des chalets
Et son belvédère.


Les Arcachonnais sont habitués
Aux touristes à la belle saison.
Ville souvent bondée en été
Elle attire les touristes
Et les amateurs d’huîtres.
Ils prennent le bateau
Jusqu’aux cabanes tchanquées
Et jusqu’à l’Ile aux Oiseaux.


Vue magnifique
Depuis le boulevard au centre
Où règne une ambiance agréable de foule
La plage Pereire, très étendue
La Dune du Pilat au Sud et sa plage.
Le Banc d’Arguin
La Pointe du Cap Ferret,
Le Lac Landais…

 

© Sylvie CROCHARD


Sylvie Crochard (1976-aujourd'hui)
Ouvrière en milieu protégé, Sylvie Crochard a publié plusieurs recueils. Passionnée de piano, elle s’inspire également de la musique dans ses poèmes.
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Sa page Facebook : → https://www.facebook.com/poetecrochard



Paysage de Haute Provence
Claude DUSSERT

y

Dans le bleu soutenu et intense du ciel
La lumière diffuse des reflets irisés.
La douceur insolente de fin d’après-midi
Se pare de nuances blanches, échevelées.


Dans l’azur les nuages se fardent d’un peu de gris
Entrouvrent leur coupole pour nous faire admirer
Les ors de l’automne, splendeurs et majesté.


Sur le chemin pavé de châtaignes et de glands
Les rides des ornières, curieuses estafilades
Emplies d’une eau saumâtre
Accueillent spontanément nèpes et libellules.

 

Nez au vent, queues en l’air agitées
Nos deux chiens rivalisent
À humer de la terre et dans la mare sèche
Les odeurs putrides infectes et variées.

 

Au détour d’une haie bordée de noisetiers
La maison se découvre comme un bonbon caché.
Sur son toit à deux pans de la mousse s’accroche
En petits tas verdâtre comme berniques le font
En mer sur les rochers.

 

La porte entrouverte de la grange baille
Laisse passer le jour dans sa déclinaison
On aperçoit l’arrière d’un ancien char à banc
Un désordre savant d’outils d’agriculture
Qu’honore seulement, bricoleur du dimanche

 

Sur un côté de la belle demeure
Trône un moulin à huile un peu tout décousu
Qui égrène à l’ennui ses éboulis de pierres
Écroulés par la pluie et la furie des vents.

 

Paysage classique de la Haute Provence
Où les anciens trieurs d’un coup de patte habile
Séparaient les bons fruits des feuilles étrangères
Ejectaient parasites et autres incongrus.

 

Dans un coin de la ruine un figuier sauvage
Sert de garde-manger à une faune ailée
Que les figues sauvages régalent à satiété.


© Claude DUSSERT


Claude Dussert (1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie (dont le Prix Spécial du Jury au concours Poetika 2023).
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Béarn
Gérard FRÉTIER

y

Ô Béarn si pur où mon bonheur s'invite
Je rêve encore à toi paisible brin de terre
Quand le soir la phalène en volute lévite
Au-dessus du torrent qui charrie son eau claire

Ô Béarn audacieux mes racines sont là
Entre ces deux vallées aux fougueuses rivières
Gaves d’Aspe et d’Ossau qui ont leur postulat
Et les truites farios gobant les éphémères

Ô Béarn ta ville enchante de sa joie
La montagne lointaine où paissent les troupeaux
Tu as gardé cité ce petit coin bourgeois
Qui toise son grand pic comme porte drapeau

Ô Béarn passion couleur rouge rubis
Sous le soleil ardent ou l’averse qui rince
J’ai donné de la voix pour l'âme du rugby
Au stade merveilleux nommé La Croix du Prince

Ô Béarn qui flâne avec son parc Beaumont
Et le château d’Henri roi de la poule au pot
Je m’enivre de l’or de ce doux Jurançon
Qui magnifie le nom de la ville de Pau

Ô Béarn je sais que mon père surveille
Ce ténébreux poète engoncé dans ses doutes
Mais inspiré ce soir par toutes ces merveilles
Il grave dans les vents l’arc en ciel qui s’égoutte


© Gérard FRÉTIER


Gérard Frétier
Très attaché au Béarn dont il est natif, Gérard Frétier écrit depuis l'âge de treize ans. Il vient de publier son sixième recueil : Une Clairière d'émotions aux éditions Feuille à Feuilles.
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Le Palais Idéal
Catherine DESTREPAN

y

Chaque jour de sa vie à travers la nature,
Il voyait se construire un palais idéal.
Arpentant les chemins jusqu’à la démesure,
Il changea le destin, lors, d’un facteur rural.

 

Dans la sacoche en cuir où courrier et brochures
Côtoyaient les pierres et autre minéral,
Vivaient dorénavant mystiques créatures
Qui germaient dans l’esprit d’un artiste banal.

 

Durant plus de trente ans jusqu’à la déchirure
De son imaginaire et d’un puissant mental
Le maçon fou créa l’immense architecture
De son rêve illustré par le courrier postal.

 

Pierre après pierre au gré de son œuvre future
S’érigeait au hasard, soit un palais ducal,
Soit une cathédrale à l’étrange structure
Qui habillait l’espace en décor théâtral.

 

Coquillages, cailloux et autres fioritures
S’assemblaient pour former une pieuvre, un chacal,
Des géants, des anges aux longues chevelures,
Mais aux yeux de certains un univers bancal.


Qu’importaient la fatigue ainsi que les blessures
Le bâtisseur suivait un tempo infernal
Faisant fi des brocards et parfois des injures
Au labeur incompris d’un être original.


« Travail d’un seul homme » ce fut la signature
Du fameux messager d’un phénomène astral
Qui dans son potager chamboula la Culture *
En inscrivant son nom sur la pierre « C H E V A L ».


© Catherine DESTREPAN
* En 1969, André Malraux, ministre de la Culture, fit classer l’œuvre du facteur Cheval « monument historique ».
Le monument est situé à Hauterives dans le département de la Drôme.


Catherine Destrepan (1956-aujourd'hui)
Comptable, Catherine Destrepan a jonglé toute sa vie active avec les chiffres avant de s'intéresser de plus près à la poésie, qui occupe aujourd'hui une grande place dans ses activités culturelles. Elle prête également sa voix de contre-alto au sein de plusieurs ensembles vocaux.
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Ma maison
Etienne BUSQUETS

y

C'est une humble demeure au bord de la rivière,
      Ancrée près du vieux pont ;
Pour moi, elle est restée la douce prisonnière
      Du lierre vagabond.


Bâtie sur le granit par nos rudes grands-pères,
     Sans autres fondations,
Elle élève des murs imposant la prière
      Et la méditation.


C'est une basilique inondée de lumière
      A la belle saison ;
Je l'ai choisie pour sa présence singulière
      Au milieu du Piémont.


Son histoire effacée est toujours un mystère ;
      On dit qu'un forgeron,
Il y a bien longtemps, y façonnait le fer
      Là où j'ai mon salon.


De sa chambre on peut voir l'autre rive et d'hier,
      Le Fort de Montredon,
Son parc aux cèdres prodigieux où parfois vont
      Se réfugier les cerfs.


D'elle, tout n'est que paix, l'été comme l'hiver,
      On goûte l'abandon,
On apprend de la terre,
      Et rien ne vient troubler, pas même la passion.


© Etienne BUSQUETS
Illustration : le vieux pont de Lafenasse (Tarn), avec l'aimable autorisation de © Nelly PEYRE

Etienne Busquets
Poète fénassol d'origine catalane (village de Lafenasse dans le Tarn), il est sociétaire des Amis de Jean Cocteau et membre des Poètes sans Frontières de Vital Heurtebize à Orange. Il a remporté plusieurs prix de poésie et collabore dans plusieurs revues et anthologies.
→ Voir la liste de tous ses textes sur le site
Son blog :
→ https://www.calameo.com/subscriptions/7446960



Souvenirs de Mateur
Mokhtar EL AMRAOUI

y

A l’écoute chancelante du carrosse de gare
Qui passait clopin-clopant près du cimetière,
Tu la voyais souvent dessinée entre les mimosas,
En dégustant le triangle de fromage que ton père
T’avait acheté avec le morceau coulant de chocolat noir
Tachant le diaphragme de lumière rougeoyant,
Dans un verre à bulles sonores te surprenant
A la caresser dans le rétroviseur
Où se dodelinait le train bâillant
Hanneton hilare brillant, frais bleu !
Scintillantes brindilles d’herbe montant
D’un rêve vaporeux de fumants souvenirs !
Tu ne pouvais encore savoir, petit ange siffleur,
A qui ressemblait cette insistante vache qui rit !
Au nid ? Aux champs s’offrant en opéras de labours,
Etendues de germinations lunaires en quartiers de promesses ?
Ah ! Les partitions électriques des hirondelles
Qu’elle gravera pour toi, un jour de carnaval,
Quand Boussaâdia (1) tintinnabulant de toutes ses veines,
Sur le sol résonnant de ma Dabdaba (2) kaléidoscope,
Chantait de ses immenses lèvres gercées
Par l’alcool du « primus » volant !
Et toutes ces forges instables des vacillantes écumes rouges
D’un feu fruit rêveur près des sauterelles mécaniques,
Dans les interminables canicules
Et les nuages moulant tant de belles courbes célestes
Et tous ces morts flottant au-dessus du cimetière !
Comment t’oublier, colline de l’attente ?
Et tous ces soupirs de rosée lâchés en brides
Entre les épineux et les bribes hennissantes
De tant d’écuries lactées
Où la paille royale dorait le fumier !
Le ciel des cadrans s’offrait en urine piquante
Mais les pains fumants même inaccessibles
Etaient toujours pétris de rêves !
Cris absorbés par les buvards tachetés de l’horizon en favoris,
Comme ces inconsolables coupures de journaux
Coulant sur le sang gélatineux des rus entêtés
Des pissotières vermoulues !
Ah ! Tout ce boomerang de souvenirs et de rêves
Qui te reviennent, entre les tissus des grosses espagnoles,
En d’infinies couleurs de bandes dessinées !

 

© Mokhtar EL AMRAOUI
Mateur : ville natale de l'auteur (Tunisie)
(1) Boussaâdia : danseur ambulant de type saltimbanque ou griot

(2) Dabdaba : place de marché
Illustration : boussaädia. [Auteur : © Khezami369, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons]


Mokhtar El Amraoui (1955-aujourd'hui)
Poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, Mokhtar El Amraoui a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Il est passionné de poésie depuis son enfance. Il a publié quatre recueils de poésie et plusieurs de ses poèmes ont été publiés sur Internet et en revues-papier.
→ Voir la liste de tous ses textes sur le site
→ Blog de l'auteur



À ma Bretagne
Sophie HÜE

y

Viens, ma Bretagne chérie,
Viens te mirer dans mes vers,
Avec ta lande fleurie,
Tes grands sapins toujours verts ;

Tes bruyères, tes silènes,
La neige de tes blés noirs,
L'été blanchissant tes plaines,
Autour de tes vieux manoirs ;

Tes belles filles accortes,
C�urs chastes, fronts rougissants,
Debout sur le seuil des portes,
Disant bonjour aux passants ;

Tes gars têtus et robustes,
Que Paris n'attire pas,
Laboureurs aux larges bustes,
Gais marins, vaillants soldats ;

Tes vieillards, la foi dans l'âme,
Tes matrones d'autrefois,
Qui sur le pain qu'on entame
Font le signe de la croix.

Donne, ma Bretagne antique,
A ces vers de toi remplis
Le charme mélancolique
De tes doux horizons gris,

De tes grèves aux joncs rosés,
Où le vent du gouffre amer
Vient murmurer tant de choses
Dans les rumeurs de la mer.

Mêlés de rayons et d'ombres,
Qu'ils gardent dans leur essor
La fraîcheur de tes bois sombres,
Les parfums de tes fleurs d'or.

Donne-leur la grâce fière
Qu'imprimèrent les aïeux
A la dentelle de pierre
De tes clochers merveilleux.

Sache que pour toi je prie,
Que, sans regret ni désir,
Je t'aurais pour ma patrie
Choisie, en pouvant choisir.

Par Dieu bientôt réclamée,
Je mets mon espoir en toi,
Et pour t'avoir tant aimée,
O ma Bretagne, aime-moi.

Je ne cherche pas la gloire
Des poètes en renom,
Mais un coin dans ta mémoire,
Où demeure écrit mon nom.


© Sophie HÜE


Sophie Hüe (1815-1897)
Sophie Hüe, née Sachs à Lorient, passa toute sa vie en Bretagne, écrivant des fables et poèmes. Elle collabora à la revue L'Hermine. Son recueil Les maternelles a reçu un prix de mille francs de l'Académie française. Charitable, elle a fait don des bénéfices pour des œuvres caritatives.
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La tour de Nesle
Michel MIAILLE

y

Dans cette étrange endroit, s’agitent trois catins ;
Leurs rendez-vous secrets ont des airs de magie ;
Leurs cris sont les couleurs d’un spectacle d’orgie
Jusqu’à ce que, très tard, les feux se soient éteints.


L’enfer près de la Seine écrit ses bulletins ;
Les deux frères d’Aulnay, d’une manière hardie,
Les brus du roi de France aux corps en incendie,
Refont, insouciants, leurs doux jeux libertins.


Regardez tout en haut la troublante lumière ;
Voyez ces jeux, du soir jusqu’à l’aube première,
Quand le vice infernal danse le rigodon.


Ouvrez grand votre oreille : il s’en passe de belles
Au cours des folles nuits où le dieu Cupidon
S’amuse comme un fou dedans la tour de Nesle.


© Michel MIAILLE
La tour de Nesle, aujourd'hui disparue, était l'une des tours d'angle de l'enceinte de Paris, construite au début du XIIIè siècle. Elle donna lieu à un scandale au sein de la famille royale en 1314 et au cours duquel les trois brus du roi de France Philippe IV le Bel sont accusées d'adultère.


Michel Miaille (1951-aujourd'hui)
Poète, auteur de sketches et de pièces de théâtre, Michel Miaille est retraité du Ministère de l'environnement et membre de la SACEM. Il a obtenu plusieurs prix de poésie, notamment avec des poèmes en langue provençale, et participe à des anthologies. Il a publié plusieurs recueils.
Autres textes :
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Le cloître
Roland MUHLMEYER

y

Les étoiles tombent au fond du cloître
comme une horloge au bord du désert.
Une misère pousse entre les dalles du mausolée.
Une cardère s’élève,
tandis que les doigts effleurent les gants rouges de la grande Dame.
Là-bas, au loin, peu importe si les laves descendent doucement après la pluie.
Seule veille la prière tranquille.
Matines sonnent.
Laudes sonnent, mais le cloître demeure vide.
Les pas des squelettes trébuchent sur l’esplanade douloureuse.
Va, va ! Les yeux s’ouvrent au milieu des ogives et des arcs brisés.
Le mur se fend.
On y voit au travers.
Le jour passe et l’étoile sourit loin des enseignes lumineuses et des blocs de granit.
Une rumeur croît au milieu du silence,
comme un unique pardon.


© Roland MUHLMEYER
Illustration : cloître de l'abbaye de Luxeuil-les-Bains


Roland Muhlmeyer
Roland Muhlmeyer est guitariste classique de formation. Il apprend le chant lyrique, deux matières qu'aujourd'hui encore il enseigne. Il se spécialise par ailleurs dans le chant grégorien, qu'il a également enseigné. Il a écrit des poèmes dans sa jeunesse qui ont paru dans quelques publications. Après un long repos poétique, il s'est remis à écrire. Il a le souci du rythme, des couleurs, des mots dans ses textes qu'il traite comme une partition de musique contemporaine.
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Ma ville est une joie
Emmanuel LOOTEN

y

Bergues noble Cité, pur symbole de Flandre
Au plein cœur de nos champs si vastement fertiles,
Vents rugueux, tournoyant ces miasmes de marais,
Tempêtes miaulées aux cingles du Beffroi.
Jaillies hors de nos plaines, sur la Mer regagnées,
Ces maisons incurvant le fil calme des pierres.
Tuiles douces, rosies en ces nuances fines,
Epandant en cascade l'équilibre des plans.
Vestiges de mystique, l'Abbaye, tant d'églises,
Monuments survivant aux morsures des guerres ;
Et le cerne rugueux, traçant l'ancienne enceinte
Percée de portes mémorables...
Un soir rouillé évapore ma ville :
Pays du souvenir où les reflets s'allument.
Au soleil frisant d'or, l'agonie des murailles,
Sombre tragiquement en ténèbres de pourpre...
Alors s'endormiront et l'oiseau et la rue,
Gris-argent s'estompait la Nekerstorre étrange...
Ai-je vu par ces ombres aux joies d'un fier Passé,
Ces Reusen fabuleux, déambulé silence...


© Emmanuel LOOTEN


Emmanuel Looten (1908-1974)
Poète, dramaturge et critique littéraire français, Emmanuel Looten dirige à Bergues, sa ville natale, une entreprise de quincaillerie en gros avec son frère Charles. Après un premier recueil, À cloche-rêve, paru en 1939, il publie de nombreuses oeuvres mais surtout des recueils de poésie. Il s'intéresse passionnément à la peinture d'avant-garde. Sa poésie, largement influencée par la Flandre, est faite d'éruptions brutales, mais aussi de savantes inventions verbales, un mélange constant de puissance et de préciosité.
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Le pont Mirabeau
Guillaume APOLLINAIRE

y

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
© Guillaume APOLLINAIRE


Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Considéré comme l'un des poètes français les plus important du début du XXe siècle Guillaume Apollinaire est l'auteur de poèmes ayant fait l'objet de plusieurs adaptations en chansons. La part érotique de son œuvre - dont principalement trois romans (dont un perdu), de nombreux poèmes et des introductions à des auteurs licencieux - est également passée à la postérité. Il expérimenta le calligramme et fut le chantre de nombreuses avant-gardes artistiques de son temps. Il meurt à Paris de la grippe espagnole mais est déclaré mort pour la France en raison de son engagement pendant la guerre.
Autres textes :
Marie 
Si je mourrais là-bas...

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Aux habitants de Lyon
VOLTAIRE

y

Il est vrai que Plutus est au rang de vos dieux,
Et c’est un riche appui pour votre aimable ville :
Il n’est point de plus bel asile ;
Ailleurs il est aveugle, il a chez vous des yeux.
Il n’était autrefois que Dieu de la richesse ;
Vous en faites le dieu des arts :
J’ai vu couler dans vos remparts
Les ondes du Pactole et les eaux du Permesse.

© VOLTAIRE


Voltaire (1694-1778)
De son vrai nom François-Marie Arouet, Voltaire est un écrivain, dramaturge et poète, un philosophe et encyclopédiste, figure majeure du siècle des Lumières, jouissant de son vivant d'une célébrité internationale. Il a marqué son époque par sa production littéraire et ses engagements politiques. Ses poèmes lui permettent d'entrer à l'Académie française et à la Cour comme historiographe du roi. En publiant Candide, une de ses oeuvres romanesques les plus célèbres et les plus achevées, Voltaire s'indigne devant l'intolérance, les guerres et les injustices qui pèsent sur l'humanité, il y dénonce la pensée providentialiste et la métaphysique oiseuse. Avec ses pamphlets mordants, il est un brillant polémiste. Il combat inlassablement pour la liberté, la justice et le triomphe de la raison. Défenseur acharné de la liberté individuelle et de la tolérance, Voltaire a beaucoup de succès auprès de la bourgeoisie libérale. Il laisse une oeuvre considérable. 
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À Londres au crépuscule
Francis Etienne SICARD

y

Les rues en diamants et leur soyeux pavage,
Comme des serpentins lâchés des toits obscurs,
Glissent, de pas en pas, le long de mers de murs,
Tapissés du soleil de vitrine en voyage.


Un bus à impériale et son rouge ramage
Croise une limousine aux fourreaux de noirs purs,
L’un éteignant le jour et ses rêves d’azurs,
L’autre incendiant la nuit d’une ivresse volage.


La Tamise soudain se pare de colliers,
Et Big Ben se maquille à l’or de ses aiguilles,
Chuchotant des dîners, fards des joailliers.


La magicienne alors entre de scène en scène
Soulevant les rideaux dont les tons de charmilles
Font frissonner la ville aux plaisirs des mécènes.

 

© Francis Etienne SICARD
Extrait du recueil Lettres de soie rouge, 2011


Francis Etienne Sicard
Après une formation d'enseignant, Francis Etienne Sicard publie plusieurs recueils. Grand voyageur, il séjourne à Antibes, Nice, Berlin et voyage en Asie et aux Etats-Unis. Il se consacre également à l'étude de l'esthétisme. II élargit aujourd’hui son champ d’écriture à la nouvelle et se lance un défi : la rédaction d’une partie de ses mémoires.
Autres textes :
Un jardin sous mes mots
Campanile d'hiver
Son blog : Lettres de soie



Au pied des tours de Notre-Dame
Francis CARCO

y

Au pied des tours de Notre-Dame,
La Seine coule entre les quais.
Ah ! le gai, le muguet coquet !
Qui n'a pas son petit bouquet ?
Allons, fleurissez-vous, mesdames !
Mais c'était toi que j'évoquais
Sur le parvis de Notre-Dame ;
N'y reviendras-tu donc jamais ?
Voici le joli mois de mai...

Je me souviens du bel été,
Des bateaux-mouches sur le fleuve
Et de nos nuits de la Cité.
Hélas ! qu'il vente, grêle ou pleuve,
Ma peine est toujours toute neuve :
Elle chemine à mon côté...

De ma chambre du Quai aux Fleurs,
Je vois s'en aller, sous leurs bâches,
Les chalands aux vives couleurs
Tandis qu'un petit remorqueur
Halète, tire, peine et crache
En remontant, à contre-coeur,
L'eau saumâtre de ma douleur...

 

© Francis CARCO
Extrait du recueil Nostalgie de Paris, 1942


Francis Carco (1886-1958)
Ecrivain, poète, journaliste et parolier français né à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, il définit lui-même son œuvre comme un romantisme plaintif où l’exotisme se mêle au merveilleux avec une nuance d’humour et désenchantement. Dans ses livres transparaît l'aspiration à un ailleurs : Des rues obscures, des bars, des ports retentissant des appels des sirènes, des navires en partance et des feux dans la nuit. L'enfant battu par son père corse consacra sa vie aux minorités et en fera souvent le sujet de ses romans.
Autres textes :
Province 
Berceuse 
Il pleut
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Le pont de Brooklyn {extrait}
Vladimir MAÏAKOVSKI

y

New York,
étouffant et lourd
avant le soir,
a oublié
ses peines,
ses étages,
et seules
les âmes des maisons
apparaissent
dans la transparente clarté des fenêtres.
Ici,
à peine si bourdonne
le bourdon des élévateurs,
et seul
ce doux bourdon
révèle, que
ce sont des trains
qui se traînent en tintant,
comme si l’on
rangeait la vaisselle du buffet […]
Si la fin
du monde
arrivait,
le chaos
mettait
la planète à l’envers,
et seul
alors restait
ce pont
cabré au-dessus des cendres finales,
alors, —
comme des petits os
plus fins que des aiguilles,
renaissent
les immenses lézards
des musées, -
à partir
de ce pont,
le géologue des siècles
saura
recréer
les jours présents
Il dira :
Cette patte
en acier
réunissait
prairies et mers,
d’ici
l’Europe
s’élançait vers l’Ouest,
perdant
au vent
les plumes indiennes.
Cette côte-là
rappelle
une machine -
réfléchissez,
aurait-on assez de bras
pour,
un pied d’acier
posé sur Manhattan,
attirer
vers soi
vers la lèvre Brooklyn ?
D’après les fils
de tissage électrique -
je sais —
c’était l’époque
qui suivit la vapeur -
ici les gens,
déjà
volaient en aéro.
Ici la vie
était
aux uns insouciante,
à d’autres -
un long cri
de famine.
D’ici
les chômeurs
se jetaient
dans l’Hudson
la tête la première. […]
Ce pont de Brooklyn -
oui…
ça, c’est du vrai !

© Vladimir MAÏAKOVSKI
Traduction de Elsa TRIOLET


Vladimir Maïakovski (1893-1930)
Poète, dramaturge, acteur, théoricien, peintre, éditeur, affichiste et scénariste russe, Maïakovski adhère au Parti social démocrate et participe aux manifestations révolutionnaires de 1905. Arrêté trois fois pour conspiration, il s'initie à la poésie alors qu'il est emprisonné à Boutyrskaïa en 1909. Il devient rapidement un des meneurs du mouvement futuriste après sa rencontre avec le poète et peintre David Bourliouk. Il révolutionne les codes de la nouvelle poésie avec La Flûte en colonne vertébrale (aussi connue sous le nom de La Flûte des vertèbres, 1915), véritable manifeste du futurisme, qui est le fruit de sa relation troublée avec Lili Brik qu'il a rencontrée en 1915 alors qu'il entretient une relation avec sa jeune sœur Elsa Triolet. Après la révolution d’Octobre de 1917, qu’il accueille d’abord favorablement, il utilise, sincèrement, son talent au service du pouvoir politique, notamment dans le poème Lénine. Avec Serge Tretiakov, il fonde le journal LEF (Front gauche de l’art, 1923-1925) qui influencera toute une génération d'écrivains. Après une série de ruptures et de réconciliations, il se sépare définitivement de Lili en 1924. Déchiré entre la poésie et le combat partisan, mais aussi entre sa passion amoureuse et sa passion révolutionnaire, le poète, harassé, se tire une balle dans le coeur.
Autre texte :
Ainsi le veut l'usage

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Sur le Pont-Neuf
Louis ARAGON

y

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
D'où sort cette chanson lointaine
D'une péniche mal ancrée
Ou du métro Samaritaine

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Sans chien sans canne sans pancarte
Pitié pour les désespérés
Devant qui la foule s'écarte

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
L'ancienne image de moi-même
Qui n'avait d'yeux que pour pleurer
De bouche que pour le blasphème

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Cette pitoyable apparence
Ce mendiant accaparé
Du seul souci de sa souffrance

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Fumée aujourd'hui comme alors
Celui que je fus à l'orée
Celui que je fus à l'aurore

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Semblance d'avant que je naisse
Cet enfant toujours effaré
Le fantôme de ma jeunesse

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Vingt ans l'empire des mensonges
L'espace d'un miséréré
Ce gamin qui n'était que songes

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Ce jeune homme et ses bras déserts
Ses lèvres de dents dévorées
Disant les airs qui le grisèrent

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Baladin du ciel et du cœur
Son front pur et ses goûts outrés
Dans le cri noir des remorqueurs

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Le joueur qui brûla son âme
Comme une colombe égarée
Entre les tours de Notre-Dame

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Ce spectre de moi qui commence
La ville à l'aval est dorée
A l'amont se meurt la romance

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Ce pauvre petit mon pareil
Il m'a sur la Seine montré
Au loin des taches de soleil

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Mon autre au loin ma mascarade
Et dans le jour décoloré
Il m'a dit tout bas Camarade

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Mon double ignorant et crédule
Et je suis longtemps demeuré
Dans ma propre ombre qui recule

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Assis à l'usure des pierres
Le refrain que j'ai murmuré
Le rêve qui fut ma lumière

Sur le Pont Neuf j'ai rencontré
Passant avec tes regards veufs
O mon passé désemparé
Sur le Pont Neuf


© Louis ARAGON
Extrait du recueil Le Roman inachevé, 1946


Louis Aragon (1897-1982)
Poète et romancier français, il participe au mouvement dadaïste et surréaliste aux côtés d'André Breton. En 1928, sa rencontre avec Elsa Triolet, l'amour de sa vie, lui inspirera de nombreux poèmes. Bon nombre de ses textes ont été mis en musique par Léo Ferré ou Jean Ferrat.
→ Voir la liste de tous ses textes sur le site
→ Sa biographie sur Wikipédia
→ Maison Elsa Triolet - Aragon




Châteaux de Loire
Charles PÉGUY

y

Le long du coteau courbe et des nobles vallées
Les châteaux sont semés comme des reposoirs,
Et dans la majesté des matins et des soies
La Loire et ses vassaux s'en vont par ces allées.

Cent vingt châteaux lui font une suite courtoise,
Plus nombreux, plus nerveux, plus fins que des palais.
Ils ont nom Valençay, Saint-Aignan et Langeais,
Chenonceau et Chambord, Azay, le Lude, Amboise.

Et moi j'en connais un dans les châteaux de Loire
Qui s'élève plus haut que le château de Blois,
Plus haut que la terrasse où les derniers Valois
Regardaient le soleil se coucher dans sa gloire.

La moulure est plus fine et l'arceau plus léger.
La dentelle de pierre est plus dure et plus grave.
La décence et l'honneur et la mort qui s'y grave
Ont inscrit leur histoire au cœur de ce verger.

Et c'est le souvenir qu'a laissé sur ces bords
Une enfant qui menait son cheval vers le fleuve.
Son âme était récente et sa cotte était neuve.
Innocente elle allait vers le plus grand des sorts.

Car celle qui venait du pays tourangeau,
C'était la même enfant qui quelques jours plus tard,

Gouvernant d'un seul mot le rustre et le soudard,
Descendait devers Meung ou montait vers Jargeau.


© Charles PÉGUY


Charles Péguy (1873-1914)
Ecrivain, poète et essayiste, Charles Péguy est mort pour la France le 5 septembre 1914, le premier jour de la première bataille de l'Ourcq. Son œuvre, multiple, comprend des mystères d'inspiration médiévale en vers libres et des recueils de poèmes en vers réguliers. Intellectuel engagé, après avoir été militant socialiste libertaire, anticlérical, puis dreyfusard au cours de ses études, il se rapproche à partir de 1908 du catholicisme et du nationalisme. Le noyau central et incandescent de toute son œuvre réside dans une profonde foi chrétienne qui ne se satisfaisait pas des conventions sociales de son époque.
Autre texte :
Quand nous aurons joué nos derniers personnages

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N° ISSN : 2802-1797

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Les pierres me parlent... de Pierre Paysac
Ma France de Jean Ferrat
La Lys de Richard Dufour
Pinail, le champ de pierres de Marie Minoza
Le château d'Evry de Magali Breton
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A Paris de Michel Salort
A Jaujac de Jean-Charles Paillet
Le silence des pierres de Philippe Pauthonier
Arcachon de Sylvie Crochard
Paysage de Haute Provence de Claude Dussert
Béarn de Gérard Frétier
Le Palais Idéal de Catherine Destrepan
Ma maison de Etienne Busquets
Souvenirs de Mateur de Mokhtar El Amraoui
La tour de Nesle de Michel Miaille
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Ma ville est une joie de Emmanuel Looten
Le pont Mirabeau de Guillaume Apollinaire
Aux habitants de Lyon de Voltaire
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Au pied des tours de Notre-Dame de Francis Carco
Le pont de Brooklyn de Vladimir Maïakovski
Sur le Pont-Neuf de Louis Aragon
Châteaux de Loire de Charles Péguy

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