Battements d'Elles
La Femme dans tous ses états...


Camille
Claude DUSSERT

y

Elle avait dans les yeux la passion de la terre
Dans les doigts le génie d’une belle ouvrière
Toucher, palper, pétrir la glaise ou le plâtre
Elle inventait des formes dans un bloc d’albâtre.
Son père bien aimé la trouvera sublime
Au contraire de sa mère qui chaque jour la brime.

 

Sa volonté farouche, son génie naturel
Son art de façonner, les plus grands, interpelle
Impressionne Rodin, elle lui offre sa bouche
Le maître la protège elle lui ouvre sa couche.
Auprès de son mentor elle peaufine son art
Imagine et invente, la fièvre l’accapare.

 

La fluidité du geste, la grâce et l’élégance
Donnent vie à ses œuvres confirment son aisance.
Elle travaille dans l’ombre sans la reconnaissance.
Le siècle n’est pas prêt, pétri de convenances
À sacrer une femme lui donner importance
Voir dans ses sculptures toute la délicatesse
D’un art qui se libère sans nulle maladresse.

 

Elle aime à la folie ce Rodin qui la fuit
Elle le croit scélérat et elle meurt d’envie.
Dans sa tête s’entremêlent des ombres du passé
Qui mélangent à loisir le bon grain de l’ivraie ;
Elle divague, s’essouffle, aliène sa dignité
Sa créativité s’émousse, elle confine sa vie
Néglige ses amis, s’enfonce dans la nuit.
Et c’est dans un asile que s’éteindra sa vie.


© Claude DUSSERT

Illustration : Camille Claudel (1864-1943)


Claude Dussert (1947-aujourd'hui)
Poète, nouvelliste et pamphlétaire à ses heures, Claude Dussert est diplômé du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Grenoble. Cadre commercial, il a créé sa société de communication « CBCD » en 1993 à Lyon. Il vit actuellement en Bourgogne, dans la région de Cluny. Éclectique dans ses lectures, sa passion pour la poésie l’a amené à être membre de nombreuses associations. Il participe activement à plusieurs anthologies de poésie et ouvrages collectifs ainsi qu’à des concours. Il a édité à compte d’auteur cinq recueils de poésie et un recueil de nouvelles. Il a également remporté de nombreux prix de poésie (dont le Prix Spécial du Jury au concours Poetika 2023).
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Téssera Chrómata II
Linda CARA-JACOBI

y

D'un azur pommelé
Des bicyclettes retombent :
En roue libre, tes yeux bleus,
Cosmos de gemmes intenses


Gradation de l'élan
Vrille en ces marches denses :
Escaliers d'une Vieille-Ville,
Miroirs du palpitant


Citadelle de vos jambes,
Fuseaux noirs qui s'allongent,
Parallèles, Infinis
Lignes en réminiscences


Fuseaux, horaires d'été,
Coulez dans la pénombre,
Seul le jaune, bouquet d'ambre,
Eclaire nos corps à l'aube


Photographie fugace,
Secondes insaisissables,
Au coin d'un cinéma,
Ton reflet aux vitres danse


Crépuscule sang et or
Dans ta robe de pourpre,
Femme-aimée, Femme-amante,
Glaive de mon premier jour


© Linda CARA-JACOBI


Linda Cara-Jacobi (1973-aujourd'hui)
Linda Cara-Jacobi est d'origine multi-culturelle, de parents et grands-parents hongrois, anglais, roumains et tchèques. Après des études de Lettres, passionnée d'art, elle quitte sa Suisse natale pour se rendre dans une école à Milan où elle se spécialise en stylisme. De retour à Genève, elle continue de créer pour des commandes privées, et revient désormais à ses premières amours de plume et d'encrier. Ses plages de joie sont les longues balades matinales en forêt, la salade de chèvre chaud et les crêpes à la confiture d'abricot, la musique électro, new wave ou rock, le cinéma indépendant, la photo, les courants artistiques et architecturaux Art Nouveau et Art Déco.
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Femme nabatéenne
Marie MINOZA

y

Elle effile la laine…
Elle égraine le temps,
Comme sable mouvant
Que le simoun entraîne…


Elle file sa peine
A l’ombre des rochers,
Sur les pas oubliés
De pistes trop lointaines…


Elle file sereine,
Rêvant des chameliers,
Des nuits dans les vallées,
Du silence des plaines...


Elle a soif de fontaine,
De veillées dans les camps,
De danses et de chants,
De légendes anciennes...


Elle effile sa laine…
Elle égraine son temps
Devant tous les passants
Que le vent chaud amène…


Femme nabatéenne,
Dans la roche striée
Le passé est gravé...
File, file ta laine !


© Marie MINOZA
Illustration : © Marie MINOZA, Femme nabatéenne, rencontrée en Jordanie à Pétra


Marie Minoza
Cette enseignante en école primaire a exercé dans les Deux-Sèvres puis dans la Vienne à Châtellerault. Tout au long de sa carrière, elle a aimé partager l’amour de la peinture, de la poésie et de la création avec ses élèves. Aujourd'hui à la retraite, elle partage ses écrits et ses créations d'images sur son blog. Tous les deux ans, elle contribue avec des amis poètes à la création d’un livre de contes et de poésies destiné aux enfants gravement malades… Elle participe également avec ses anciens collègues à un spectacle chorale, comédie musicale (création d'images et de montages power-point pour animer chants et mimes).
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Origines
Sylvie DALE

y

Femme multiple
tissée métissée
semeuse de mots embryonnaires
courage sous les pas


Corps cellulaire
exponentielle Lucy


Femme de terre ferme
à la voix qui brille
relève l’échine
les yeux scrutant le ciel


Élaguer l’horizon
la vue l’espace retrouvés
sur le sentier
gland déployé chêne


Femme intemporelle
porteuse d’eau et d’enfants
bras chargés
d’incommensurable


Fait tourner le monde


© Sylvie DALE

Sylvie Dale (1961-aujourd'hui)
Québécoise, Sylvie Dale a fait des études en lettres et en pédagogie des langues secondes et a enseigné le français au niveau collégial pendant de nombreuses années. Elle est l’une des lauréates du concours de poésie Antidote 2020 dont les textes du collectif seront publiés ultérieurement dans la revue Exit. Depuis janvier 2023, elle se consacre à l’écriture.
Son premier recueil de poèmes, L’incertitude de l’aube, est paru en 2023.



La lavandière
Etienne BUSQUETS

y

Ce qu’elle veut au fond, c’est tout près d’un ruisseau,
Un petit coin à l’ombre des saules pleureurs,
Une eau claire qui berce les joncs et les heures,
La pierre plate où poser son linge et son berceau.

 

Elle y verrait aussi un chemin vertueux,
Une voie du milieu qui longe la douceur
D’un joli mois de mai, quelques pois de senteur,
Et dans la combe aimée, un tendre laboureur…

 

Ce qu’elle veut au fond, c’est que sa joie demeure,
Dire oui au bon dieu en frappant de ses os
Le battoir de sa vie. Tiens, voilà son drapeau
Bien propret sur le fil épinglé du bonheur !


© Etienne BUSQUETS
Illustration : Helen Allingham, Drying Clothes, Wikipédia Commons, Domaine Public.

Etienne Busquets
Poète fénassol d'origine catalane (village de Lafenasse dans le Tarn), il est sociétaire des Amis de Jean Cocteau et membre des Poètes sans Frontières de Vital Heurtebize à Orange. Il a remporté plusieurs prix de poésie et collabore dans plusieurs revues et anthologies.
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Son blog :
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Elle dort sous un ciel
Jean-Charles PAILLET

y

Elle dort sous un ciel

ne lui appartenant pas


Pas plus que la terre

sous ses pas

ne garde ses empreintes


Comme l’eau

elle est du voyage


**


Debout l’amour


Le ciel

est son visage


Plus bas


il est

terre mouillée


de larmes

et de désirs


© Jean-Charles PAILLET
Illustration : dessin à l'encre de Chine de Jean-Charles Paillet

Jean-Charles Paillet
Jean-Charles Paillet est animé par l’instant présent et les belles valeurs qui élèvent le coeur et l’âme... Sa poésie se retrouve dans ses dessins, ses photographies et ses chansons. Sa rencontre avec Yves Broussard est un tournant dans sa vie de poète.
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Merci, Femmes !
Mokhtar EL AMRAOUI

y

Femmes
Des fibres de vos nerfs et insomnies
Vous offres vos généreux douillets nids
Vous abritez la vie en naissance en croissance
De votre incessant labeur de vos souffrances
Bien plus que moitié tue tuée de l'univers
Vous êtes mon âme oui Femmes son essence
Soyez-en fières nobles altières
Que d'horribles ingrats veulent sous terre
Faire taire dans l'obscure silencieuse misère
Vous avez refusé basses supplications
Prières enchaînées et soumissions
Vous êtes les tonitruantes matrices
De toutes les révolutions
Leurs vaillantes génitrices


Un seul non de vous
Vous qui allaitiez les ailes
Des premiers noms
Debout partout arrêterait tout
Joies chemins de jolies voix et fêtes
Tout deviendrait, Femmes, en l'âme,
Pour tout être, sèche défaite
De ses rêves, envols et quêtes
Un seul oui de vous fait renaître la vie
S'envolent angoisses et soucis
Un oui refusant tout esclavage et mépris

 

Femmes
Vous êtes rassurantes consolantes
Douces et fraîches ombres de confidentes
Dans l'enfer de leurs nuits sombres
Lumière pour les routes ardues des désamparés
Les protégeant de vos stellaires caresses
Offrant de vos profondeurs sans nombre
Le lait de votre sans jusqu'à liesse
Merci, Femmes
Vous qui vous adonnez
Sans compter au bonheur de l'humanité
Merci vous qui jamais n'abandonnez
Votre noble combat pour la liberté et la dignité
Merci, merci, merci, Femmes
Donneuses d'amour de vie et de paix


© Mokhtar EL AMRAOUI


Mokhtar El Amraoui (1955-aujourd'hui)
Poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, Mokhtar El Amraoui a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Il est passionné de poésie depuis son enfance. Il a publié quatre recueils de poésie et plusieurs de ses poèmes ont été publiés sur Internet et en revues-papier.
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→ Blog de l'auteur : https://mokhtarivesenpoemesetautresvoyages.blogspot.com/



Une femme ordinaire
Michel MIAILLE

y

Elle a tout juste dix-sept ans,
Le cœur ravi, le cœur printemps ;
Elle a déjà connu l’amour
Au sortir de l’adolescence,
Au temps des premières romances,
Des serments qui durent huit jours
Puis elle vient de rencontrer
La grande passion de sa vie,
Un bonheur au goût d’infini
Qui peu à peu va tout changer.


Une femme
Une femme ordinaire
Une femme de la terre
Qui traverse la vie


Ses années ont passé depuis
Et tous ses enfants ont grandi ;
Se jours ont un goût d’habitude
Malgré les bonheurs quotidiens
Qu’elle consacre à tous les siens ;
Craignant un peu la solitude,
Elle songe à ce temps futur
Où ceux qu’elle aime s’en iront
Qui sait, très loin de la maison
À l’horizon d’un autre azur.


Une femme
Une femme ordinaire
Une femme de la terre
Qui traverse la vie


Elle repense à son passé
À ces petits riens en allés ;
Elle a tout plein de souvenirs
Qui courent au fond de sa tête
Des choses souvent un peu bêtes
Quand l’espoir parlait d’avenir.
Elle a vu partir ses enfants,
Elle a vu mourir son mari
Et depuis, petit à petit,
Elle attend la fin de son temps.


Une femme
Une femme ordinaire
Une femme de la terre
Qui termine sa vie
Doucement.


© Michel MIAILLE


Michel Miaille (1951-aujourd'hui)
Poète, auteur de sketches et de pièces de théâtre, Michel Miaille est retraité du Ministère de l'environnement et membre de la SACEM. Il a obtenu plusieurs prix de poésie, notamment avec avec des poèmes en langue provençale, et participe à des anthologies. Il a publié plusieurs recueils.
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Spartiate
Myriam CLOWEZ

y

Femme, jeune à la tâche
Tous les hannetons des marronniers
Eux voudraient que tu saches
Comme grouille en lui le mauvais.


Femme, tu as mûri
Epouse et mère à la fois
Même s’il t’a trahie
Tu pleures mais tu ne plies pas.


Femme tu fais tes bagages
Tes trois petits sont près de toi
Femme, mère courage
Tu sens peser comme un poids.


Tu as peur qu’il te cherche
Celui qui te donne des coups
Mais en femme guerrière
Tu ne veux plus avoir peur du loup.


Femme, oui tu l’as vaincu
Il ne crie plus et tu ne sais pas
Où il a disparu
Sparte salue ton combat.


Femme, tu n’es pas amère
Car tu peux chérir tes enfants
Le loup est dans sa tanière
Pour des années et pour longtemps.


Femmes aux mille visages
Levez vous pour moi un instant
Femmes vous êtes le gage
De votre force rien qu’en naissant.


© Myriam CLOWEZ


Myriam Clowez (1961-aujourd'hui)

Retraitée du secteur sanitaire et social, Myriam Clowez a toujours aimé la poésie et c'est surtout à l'adolescence qu'elle a écrit de nombreux poèmes. Aujourd'hui, elle profite de son temps libre pour participer aux concours de poésies.
Autres textes :
La ballerine 
Une palette de couleurs 


Combats
SEDNA

y

Le silence observe par le judas
Ces lois calfeutrées et les écritures
Qui essaient d’ouvrir le vieux cadenas
Là, où se reproduit la pourriture.


Mais, combien de temps pour que les verrous
S’ouvrent sur le respect et la lumière.
Mais, combien d’années pour que les tabous
Meurent dans les futaies de nos prières.


Serons nous capables un jour prochain
De vaincre violence et féminicide.
J’ai honte si souvent de cet humain
Parfois prédateur, et toujours stupide.


Insupportables ces relents de mots
Qui envahissent les rues de nos villes.
Femmes solidaires de vos cachots,
Je sombre avec vous sous les banderilles.


Si des tisons rougeoyants, dans le ciel
Érigent sur la violence, leurs braises,
Des pays reculent avec leur fiel
Ensevelissant l’espoir dans la glaise.


D’Angela Davis à Simone Veil,
Une éternité de combats éclaire
Le cœur de nos angoisses en éveil
Sur le chemin d’un autre imaginaire.


Mille fois, échouées dans les duvets
Des paroles, les coques imparfaites
Qui logent les rêves et nos soufflets
Devront voguer à l’assaut des défaites.


© SEDNA


Sedna
Résidant en Charente-Maritime, Sedna a toujours eu la passion des mots. Elle aime les rimes et travaille principalement avec le Traité de Sorgel en poésie classique. Elle aime la mer, le ciel qui sont ses sources d'inspiration permanente. La sauvegarde de notre planète est l'une de ses préoccupations.
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Son site : → http://www.cassiopee17.fr/



Tristesse
Marie-Christine UDOT

y

Dans son regard vogue tant de tristesse
Et ses pensées y tissent tant de détresse.
De sa main doucement elle caresse
L’ombre de ses souvenirs avec tendresse.

 

Ces souvenirs qui défilent à toute vitesse
La ramenant à ses lointaines années d’ivresse
Lorsque l’avenir regorgeait de promesses
Et qu’elle allait au rythme de sa jeunesse.

 

Elle avait été rebelle et un peu diablesse,
Brisant les cœurs parfois avec rudesse.
Elle s’était sentie belle et un peu princesse,
Lorsque l’amour l’avait prise pour maîtresse.

 

Maintenant, elle n’est plus que maladresse
Et son corps fatigué n’est plus que paresse.
Maintenant, elle n’est plus que sagesse
Et son cœur reste sa seule richesse.

 

Elle attend un futur qui la délaisse,
Elle attend que la vie tienne ses promesses.
Elle attend que le printemps renaisse,
Elle attend, mais plus rien ne presse.

© Marie-Christine UDOT


Marie-Christine Udot
Originaire d'Alsace, Marie-Christine Udot est une artiste accomplie. Elle fait du théâtre, intervient dans différentes bibliothèques en tant que lectrice auprès de jeunes enfants et participe également à la mise en place du Festival de musique progressive Prog en Beauce. Amoureuse de la littérature et de la poésie depuis toujours, elle écrit des poèmes depuis peu... Elle a publié deux recueils.
Autres textes : (publiés sous le nom de Tartaglia)
Haïkus (3)
L'écolier
Ma rentrée
Maman
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Les pieds nus
Martin ZEUGMA

y

j'aime ces femmes qui s'avancent les pieds nus
habillées d'un sourire et le cœur en médaille
et qui de quelques mots transforment la grisaille
en brise marine et en ciel bleu inconnus


il y a dans leurs pas les gestes advenus
qui nous rappellent que la liberté travaille
les seuils et les gonds des portes qu'on entrebâille
pour rejoindre un jour ceux qui y sont parvenus


ô femmes qui rendez le sol à vos orteils
c'est cette nudité qui n'a pas son pareil
et qui donne la vue à nos yeux anophtalmes


c'est une antique main qui désormais soutient
un regard circulaire autour de nos matins
un horizon nouveau que la chaussure empalme

 

© Martin ZEUGMA


Martin Zeugma
Né au milieu des années 1970, Martin Zeugma a commencé à écrire à l'âge de 13 ans sur la machine à écrire à ruban de sa mère, qui enseignait le secrétariat. Depuis il n'a jamais arrêté, même s'il a souvent changé de machine. Depuis 1997, il a publié dans une soixantaine de revues francophones (France, Belgique, Suisse, Sénégal, Canada, Haïti) des poèmes, des nouvelles, et des études bio-bibliographiques (notamment sur Jean-Pierre Duprey et Paul Valet). Il a participé à plusieurs anthologies : une de nouvelles fantastiques aux éditions La Clef d'Argent, une de nouvelles érotiques aux éditions Alopex, et deux de poésie aux éditions Luna Rossa.
Autre texte :
La première heure (J'attends Anne 2) 
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Ma vie de femme
Christian SATGÉ

y

Ma vraie vie commence, c’est dans mon horoscope,
Où finit, nous dit-on, celle de Cendrillon :
Je suis son égérie, sa muse, son million,…
Alanguie, je n’ai qu’à poser, comme en syncope.

Moins abeille ou fourmi que cigale ou grillon,
je ne pense jamais à demain, à ma place…
Mes jours pareils passent mais jamais ne me lassent.

Ma jeunesse pousse comme blé en sillon
Quand d’autres filles comme moi, hélas, écopent,
Vivant un temps tout en tirets, en apocopes,
En parenthèses,… soumises à un taurillon.

Mais elles sont chrysalides, et moi, papillon :
Tout ce qu’il attend de moi : que je me prélasse.
Je suis son modèle. C’est lui qui me délace…

Mais un jour finiront ces heures où rien n’achoppe.
Je ne serai plus sa princesse, son million,…
Où commença, dit-on, celle de Cendrillon
Ma vie finira… malgré tous les horoscopes.


© Christian SATGÉ


Christian Satgé (1965-aujourd'hui)
Auteur prolifique, fabuliste et conteur éclectique, Christian Satgé est professeur d'histoire-géographie dans le département des Hautes-Pyrénées. Il a publié plusieurs recueils et près d'une cinquantaine de ses textes figurent dans Le Monde de Poetika. Son dernier ouvrage est une pièce de théâtre "Belize".
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Son blog : → https://lesrivagesdurimage.blogspot.com/

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La poésie est une femme
Armand de FLAUX

y

J'étais enfant, la nuit régnait étincelante,
Je m'étais endormi sur le bord d'un chemin,
Quand, en songe, une vierge à mes yeux se présente,
Belle, fière et portant des palmes à la main.


Elle pencha vers moi sa tête ravissante,
Dit des mots inconnus dans le langage humain ;
Et puis je crus sentir sur ma bouche brûlante
Se poser un instant ses lèvres de carmin.


C'est bien loin, et pourtant les traits de cette femme,
Présents à mes regards, charment encor mon âme.
Souvent, la nuit, j'en rêve, et j'y pense, le jour.


Cette amante au front pur que mon cœur s'est choisie,
Ce bel ange aux ailes d'or, c'était la poésie.
Qu'elle soit, ô mon Dieu ! sensible à tant d'amour !


© Armand de FLAUX
Extrait de Sonnets et poésies - 1864


Armand de Flaux (1819-1883)
Pas de biographie de cet auteur. La Bibliothèque Nationale de France fait état de plusieurs ouvrages publiés entre 1850 et 1865.
Il a également effectué plusieurs missions, en Allemagne, dans les pays scandinaves et en Tunisie.



Je chante la femme
Dante ALIGHIERI

y

Elle a dans ses beaux yeux l'amour et son empire,
Aussi tout s‘ennoblit sous son regard charmeur ;
Devant une telle grâce on se retourne et l‘admire ;
Quand elle vous regarde on sent trembler son cœur.


On sent ses yeux fermés par la honte ou la peur,
Et de ne plus la voir le cœur tout bas soupire ;
L‘orgueil fuit devant elle et la colère expire ;
Oui, je chante la femme, je chante en son honneur.


La voir avant tout autre est la béatitude ;
La sainte humilité, la douce quiétude,
Renaissent dans le cœur de qui l'entend parler.


Quand sa bouche épanche un doux sourire,
Ne peut s‘imaginer et moins encor se dire,
Tant le prodige est fait pour nous émerveiller !

© Dante ALIGHIERI

Illustration : portrait de Princesse Sibille par Lucas Cranach (1526)


Dante Alighieri (1265-1321)
Dante Alighieri est un poète, écrivain, penseur et homme politique italien de la République de Florence, (selon les études de Carlo Ossola, philologue, critique littéraire, professeur honoraire émérite au Collège de France). Poète majeur du Moyen Âge, il est l'auteur de la Divine Comédie, souvent considérée comme la plus grande œuvre écrite dans cet idiome et l'un des chefs-d'œuvre de la littérature mondiale.
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A force de m'écrire
Andrée CHEDID

y

A force de m'écrire
Je me découvre un peu
Je recherche l'Autre


J'aperçois au loin
La femme que j'ai été
Je discerne ses gestes
Je glisse sur ses défauts
Je pénètre à l'intérieur
D'une conscience évanouie
J'explore son regard
Comme ses nuits


Je dépiste et dénude un ciel
Sans réponse et sans voix
Je parcours d'autres domaines
J'invente mon langage
Et m'évade en Poésie


Retombée sur ma Terre
j'y répéte à voix basse Inventions et souvenirs
A force de m'écrire
Je me découvre un peu
Et je retrouve l'Autre.


© Andrée CHEDID


Andrée Chedid (1920-2011)

Femme de lettres et poétesse française d'origine syro-libanaise, Andrée Chedid déclare son humanisme entre autres avec son livre Le Message, écrit en 2000, en écrivant sa colère envers la guerre et la violence, à travers deux amants séparés par ces guerres. Les héroïnes de ses œuvres sont décidées, prêtes à tout pour atteindre leur objectif.
Autres textes :
Avant l'extrême crépuscule
Un arbre
L'escapade des saisons
Visages
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Sonnet
Charles CROS

y

Vent d’été, tu fais les femmes plus belles
En corsage clair, que les seins rebelles
Gonflent. Vent d’été, vent des fleurs, doux rêve
Caresse un tissu qu’un beau sein soulève.


Dans les bois, les champs, corolles, ombelles
Entourent la femme ; en haut, les querelles
Des oiseaux, dont la romance est trop brève,
Tombent dans l’air chaud. Un moment de trêve.


Et l’épine rose a des odeurs vagues,
La rose de mai tombe de sa tige,
Tout frémit dans l’air, chant d’un doux vertige.


Quittez votre robe et mettez des bagues ;
Et montrez vos seins, éternel prodige.
Baisons-nous, avant que mon sang se fige.


© Charles CROS

Charles Cros (1842-1888)
Poète et inventeur français, Charles Cros a notamment découvert un procédé de photographie en couleurs, mais aussi un modèle de phonographe. Ses premiers poèmes sont publiés dans le Parnasse contemporain. Il fréquente les cercles et cafés littéraires de la bohème de l'époque. Mais il est davantage connu pour ses monologues, dont le plus connu est Le hareng saur, qu'il récite lui-même dans des cabarets parisiens.Son œuvre de poète, brillante — elle sera plus tard l'une des sources d'inspiration du surréalisme — est cependant ignorée à son époque.
Autres textes :
La vie idéale 
L'heure verte 
Matin de décembre 
L'été 
Avenir 
Liberté

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Les cheveux
Rémy de GOURMONT

y

Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.
Tu sens le foin, tu sens la pierre
Où des bêtes se sont posées ;
Tu sens le cuir, tu sens le blé,
Quand il vient d’être vanné ;
Tu sens le bois, tu sens le pain
Qu’on apporte le matin ;
Tu sens les fleurs qui ont poussé
Le long d’un mur abandonné ;
Tu sens la ronce, tu sens le lierre
Qui a été lavé par la pluie ;
Tu sens le jonc et la fougère
Qu’on fauche à la tombée de la nuit ;
Tu sens la ronce, tu sens la mousse,
Tu sens l’herbe mourante et rousse
Qui s’égrène à l’ombre des haies ;
Tu sens l’ortie et le genêt,
Tu sens le trèfle, tu sens le lait ;
Tu sens le fenouil et l’anis ;
Tu sens les noix, tu sens les fruits
Qui sont bien mûrs et que l’on cueille ;
Tu sens le saule et le tilleul
Quand ils ont des fleurs plein les feuilles ;
Tu sens le miel, tu sens la vie
Qui se promène dans les prairies ;
Tu sens la terre et la rivière ;
Tu sens l’amour, tu sens le feu.

Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.

 

© Rémy de GOURMONT


Rémy de Gourmont (1858-1915)
Rémy de Gourmont est un écrivain français, à la fois romancier, journaliste et critique d'art, proche des symbolistes. Il est l'un des fondateurs du nouveau Mercure de France où il restera pendant 25 ans. Atteint par une forme sévère de lupus douloureux qui le défigure, il restera longtemps cloîtré chez lui. Il publie exclusivement au Mercure de France une œuvre vaste et abondante, composée de romans, de pièces de théâtre, de recueils de poésie et surtout d'essais qui témoignent d'une profonde érudition.
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Le Monde de Poetika
Site & Revue de poésie en ligne
N° ISSN : 2802-1797

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Le chant des prostituées de Grisélidis Réal

→ Citations autour du thème

Lorsque l'amour apparait, la femme ouvre ses bras et ses rives, alors elle accorde à l'homme toutes ses rimes.
Alain LAUGIER


La femme est un roseau dépensant.
Jules RENARD


La peau d'une femme est une caresse délicate, bien plus douce encore qu'une fleur de coton.
Pierre ADONIS


L'amour est roi, la femme en est la reine.
Mazouz HACENE