Au pays de la solitude
Sur le fil

Ma chair fissure
Sous l’absence
Les silences grignotent
L’hier
Les mots gercent
Les lèvres
De cette vie en barbelés
Tu ne sens pas mon odeur
Tu n’entends pas le son de ma voix
Tu ne me vois pas
Tu ne me touches pas
Tu me laisses seule ici
Tu oublies de me faire un signe
Tu gommes mon sourire
Tu me prives de toi, de nous…
© Sandrine DAVIN
Sandrine Davin (1975-aujourd'hui)
Sandrine Davin est née à Grenoble où elle vit toujours. Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des tankas, elle a édité une quinzaine de recueils.
Ses ouvrages sont étudiés par des classes de l’enseignement primaire et au collège où elle intervient auprès des élèves. Elle a ce goût de faire partager la poésie au jeune public et de donner l’envie d’écrire… Elle est également diplômée par la Société des poètes français pour son poème « Lettre d’un soldat ».
Autre texte :
Jardin de grand-père
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Ma solitude
© Georges MOUSTAKI
Georges Moustaki (1934-2013)
Auteur-compositeur-interprète naturalisé français, Georges Moustaki est né en Egypte à Alexandrie. Ses parents Nessim et Sarah sont grecs et originaires de l'île de Corfou. Il passe son enfance dans un environnement multiculturel. Inscrit dans une institution française, il se passionne pour la littérature et la musique. Il rejoint Paris à l'âge de 18 ans et fréquente les cabarets. Il rencontre plusieurs artistes dont Henri Salvador et Georges Brassens. En 1958, il rencontre Edith Piaf et lui écrit son plus grand succès Milord. Il compose également pour Yves Montand, Barbara, Dalida et Serge Reggiani. En 1969, il enregistre Le Métèque qui lance sa carrière de chanteur. Infatigable voyageur, il rencontrera les grands noms de la musique brésilienne et ses compositions s'inspireront de ses voyages et des différentes cultures qu'il côtoie.Très prolifique, Georges Moustaki est l'auteur de plus d'une vingtaine d'albums et a également composé des musiques de films. Il meurt à Nice le 23 mai 2013 d'un emphysème pulmonaire. Il repose au cimetière du Père-Lachaise.
Autres textes :
Sans la nommer
Ma liberté
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La solitude

La solitude est une amie
La tienne, la mienne aussi
Si elle s’en va, moi je m’ennuie
Alors elle s’inscrit sur mes papiers
Et se couche sur mon oreiller
Tous mes rêves sont gris
Et son sourire me fuit
Elle est là
Patiente
Elle attend
Une parole
Un geste
Et elle accourt
Apaise, comprend.
La solitude est mon amie
Ses rêves sont mes rêves
Elle ne me reproche rien
Ni la vaisselle dans l’évier
Ni les vêtements éparpillés
Ni les sourires forcés
Ni les pleurs asséchés.
Elle est là.
Patiente
Elle attend
Une parole
Et puis s’en va
Dans d’autres bras
Apaise, comprend
La solitude est mon amie
Je n’en fais pas mystère
Et si elle s’accroche à moi
Et m’aide à marcher droit
Je l’en remercie à pleurer
Et mes larmes dans l’encrier
Lui disent merci d’être là
© Renée BORON
Renée Boron (1939-aujourd'hui)
Renée Boron s'adonne à la poésie pour son plaisir et écrit aussi des nouvelles. Elle travaille la terre aux Ateliers d'Art de Château-Thierry.
Elle aime également peindre et a pris quelques cours de calligraphie. Elle a ouvert une petite bibliothèque dans sa commune qui compte 83 habitants. C'est avant tout le plaisir de se rencontrer, d'échanger et... de jouer aux cartes.
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Rupture

J’effacerai le temps
J’effacerai les jours
Mais je sais qu’au retour
J’irai me questionnant
Voilà
J’ai les mains vides
Vides sont mes mains
Vides
Parfois je les regarde, stupide
Et les feuilles tombent dans l’air limpide
Encore une fois
J’effacerai les places
J’effacerai les traces
Me faisant un espace
Dont tu seras absent
Encore une fois
Voilà
J’ai les mains vides
Et du creux de mes paumes arides
S’échappent fuyant entre mes doigts
Les restes d’un espoir pesant
J’effacerai les peines
J’effacerai les joies
Notre route bifurqua
Et chacun eut la sienne
Voilà j’ai les mains vides
Vides sont mes mains
Vides
Et les feuilles tombent dans l’air limpide
Encore une fois
© Esther GRANEK
Esther Granek (1927-2016)
Poétesse belgo-israélienne francophone, Esther Granek n'a pas pu suivre de scolarité du fait des lois anti-juives durant l'Occupation. Arrivée en France en 1940, elle est déportée dans le camp de Brens (Tarn) d'où elle s'échappe en 1941 pour retourner à Bruxelles. De 1943 jusqu'à la fin de l'occupation nazie, elle est cachée avec de faux papiers par une famille chrétienne à Bruxelles, qui la fait passer pour leur fille. Survivante de la Shoah, elle part vivre en Israël à partir de 1956 et travaille à l’ambassade de Belgique à Tel Aviv, comme secrétaire-comptable pendant 35 ans. Elle est également auteure-compositrice de chansons et a publié plusieurs recueils.
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La solitude

Solitude … Pour vous cela veut dire seul,
Pour moi – qui saura me comprendre ?
Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre,
Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul.
Mot vert. Silence vert. Mains vertes
De grands arbres penchés, d’arbustes fous ;
Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous,
Pieds de cèdres âgés où se concertent
Les bêtes à Bon Dieu ; rondes alertes
De libellules sur l’eau verte…
Dans l’eau, reflets de marronniers,
D’ifs bruns, de vimes blonds, de longues menthes
Et de jeune cresson ; flaques dormantes
Et courants vifs où rament les « meuniers » ;
Rainettes à ressort et carpes vénérables ;
Martin-pêcheur… En mars, étoiles de pruniers,
De poiriers, de pommiers ; grappes d’érables.
En mai, la fête des ciguës,
Celle des boutons d’or : splendeur des prés.
Clochers blancs des yuccas, lances aiguës
Et tiges douces, chèvrefeuille aux brins serrés,
Vigne-vierge aux bras lourds chargés de palmes,
Et toujours, et partout, fraîche, luisante, calme,
L’invasion du lierre à petits flots lustrés
Gagnant le mur des cours, les carreaux des fenêtres,
Les toits des pavillons vainement retondus…
Lierre nouant au front du chêne, au cou du hêtre,
Ses bouquets de grains noirs comme un piège tendu
À la grive hésitante ; vert royaume
Des merles en habit – royaume qui s’étend
Ainsi que dans un parc de Florence ou de Rome
En nappes d’émeraude et cordages flottants…
Lierre de cette allée au porche de lumière
Dont les platanes séculaires, chaque été,
Font une longue cathédrale verte – lierre
De la grotte en rocaille où dorment abrités
Chaque hiver, les callas et les cactus fragiles ;
Housse, que la poussière blanche de la ville
Givre à peine les soirs de très grand vent – pour moi,
Vert obligé des vieilles pierres,
Des arbres vieux, des toits qui penchent, des vieux toits –
Un château ? Non, Madame, une gentilhommière,
Un ermitage vert qui sent les bois, le foin,
Où les bruits de la route arrivent d’assez loin
Pour n’être plus qu’une musique en demi-teintes.
Un train sur le talus se hâte avec des plaintes,
Mais l’horizon tout rose et mauve qu’il rejoint
Transpose le voyage en couleurs de légende.
On regarde un instant vers ces trains qui s’en vont
Traînant leur barbe grise – et c’est vrai qu’ils répandent
Un peu de nostalgie au fil de l’été blond…
Mais le jazz des moineaux fait rage dans les feuilles,
Les pigeons blancs s’exaltent, le cyprès
Est la tour enchantée où des notes s’effeuillent
Autour du rossignol. Du pré,
Monte la fièvre des grillons, des sauterelles,
Toutes les herbes ont des pattes, ont des ailes –
Et l’Âne et le Cheval 2 de la Fable sont là
Et Chantecler3 se joue en grand gala
Jour et nuit dans la cour où des plumes voltigent.
Au clair de l’eau, c’est l’éternel prodige
Du têtard de velours devenu crapaud d’or,
De la voix de cristal parmi les râpes neuves
D’innombrables grenouilles. Le chat dort.
Dickette – chien s’affaire – et sur leur tête pleuvent
Des pastilles de lune ou de soleil brûlant.
S’il pleut vraiment, la pluie à pleins seaux ruisselants
S’éparpille de même aux doigts verts qui l’arrêtent.
Un tilleul, des bambous. L’abri vert du poète,
Du vert, comprenez-vous ? Pour qu’aux vieilles maisons
Rien ne blesse les yeux sous leurs paupières lasses.
Douceur de l’arbre, de la mousse, du gazon…
Vous dites : Solitude ? Ah ! dans l’heure qui passe,
Est-il rien de vivant plus vivant qu’un jardin,
De plus mystérieux, parfumé, dru, tenace,
Et peuplé – si peuplé qu’il arrive soudain
Qu’on y discourt avec mille petits génies
Sortis l’on ne sait d’où, comme chez Aladin.
Un mot vert… Qui dira la fraîcheur infinie
D’un mot couleur de sève et de source et de l’air
Qui baigne une maison depuis toujours la vôtre,
Un mot désert peut-être et desséché pour d’autres,
Mais pour soi, familier, si proche, tendre, vert
Comme un îlot, un cher îlot dans l’univers ?…
© Sabine SICAUD
Extrait de Les poèmes de Sabine Sicaud, 1958 - Recueil posthume
Sabine Sicaud (1913-1928)
Cas unique et prodige dans les annales de la littérature française, Sabine Sicaud est une enfant douée pour la poésie et remporte dès l'âge de 11 ans plusieurs prix littéraires. Issue d'une famille d'érudits du Lot-et-Garonne, elle baigne dans un monde artistique et culturel qui éveillera en elle un don précoce pour l'écriture poétique. Son oeuvre s'achève brutalement par son décès prématuré à l'âge de 15 ans, suite à une blessure au pied qui s'envenime et la laisse dans de terribles souffrances.
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Solitude

Les lumières de la ville
Sous ses yeux sont tombés
Une nuit difficile
S’annonce dans ce quartier.
Il lui faut le quitter
Et retrouver les autres
Tous ceux qui l’ont guidée
Sont un peu ses apôtres.
Être femme dans la nuit
Veut dire dormir peu
Elle ne fait pas de bruit
Et elle fait de son mieux,
Pour qu’une fois apaisée
Et l’estomac rempli
La maraude passée
Elle sombre dans l’oubli.
Il y a peu de temps
Elle était une mère
Ils ont pris ses enfants
L’ont réduite en poussières.
Les lumières de la ville
Reflètent sa misère
La faucheuse est passée
Disparue la lumière.
La mort a commencé
Sa poursuite et sa chasse
Et des requins zélés
Aujourd’hui la pourchassent.
Et un soir de janvier
Les lumières de la ville
L’ont vu agonisée
Sur sa vie difficile.
© Myriam CLOWEZ
Myriam Clowez (1961-aujourd'hui)
Retraitée du secteur sanitaire et social, Myriam Clowez a toujours aimé la poésie et c'est surtout à l'adolescence qu'elle a écrit de nombreux poèmes. Aujourd'hui, elle profite de son temps libre pour participer aux concours de poésies.
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Soupir

Ne jamais la voir ni l’entendre,
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais, fidèle, toujours l’attendre,
Toujours l’aimer.
Ouvrir les bras et, las d’attendre,
Sur le néant les refermer,
Mais encor, toujours les lui tendre,
Toujours l’aimer.
Ah ! Ne pouvoir que les lui tendre,
Et dans les pleurs se consumer,
Mais ces pleurs toujours les répandre,
Toujours l’aimer.
Ne jamais la voir ni l’entendre,
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais d’un amour toujours plus tendre
Toujours l’aimer.
© Sully PRUDHOMME
Extrait du recueil Solitudes
Sully Prudhomme (1839-1907)
Poète français, Sully Prudhomme est le premier lauréat du prix Nobel de littérature en 1901. Vite décu par son emploi d'ingénieur, il reprend ses études et se consacre au droit et à la philosophie puis décide de se vouer entièrement à la littérature. Son premier recueil, Stances et Poèmes (1865) est loué par Sainte-Beuve et lance sa carrière. Il renferme son poème le plus célèbre, Le Vase brisé, élégante métaphore du cœur brisé par un chagrin d'amour. Caractérisé par son extrême élaboration esthétique, sa poésie lui ouvre aussitôt les portes de la revue du Parnasse. L'influence de ce mouvement devient très sensible dans ses œuvres ultérieures, comme Les solitudes (1869) et plus tard Les destins (1872). Il consacra également un ouvrage poignant à son expérience de la guerre, dont il garda de graves séquelles, et publia en outre divers essais de poétique et d'esthétique.
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